La détermination du Canada à soutenir l’Ukraine

Publié le 9 mars 2025 | Temps de lecture : 7 minutes


 
Introduction

Le 24 février dernier, Ottawa annonçait la fourniture à l’Ukraine de vingt-cinq véhicules de combat LAV III de fabrication canadienne (ci-dessus), de même que quatre simulateurs de vol pour les chasseurs-bombardiers F-16.

De plus, le Canada mettra à la disposition de l’Ukraine cinq-milliards de dollars provenant d’actifs russes saisis.

L’utilité des blindés légers en Ukraine

Ces véhicules d’assaut se distinguent des chars d’assaut par le fait que les premiers sont à roues alors que les seconds roulent habituellement sur chenilles.

Puisque le sable abime les engrenages métalliques, il devient nécessaire de démanteler, de nettoyer et d’assembler les chenilles des chars d’assaut après seulement quelques heures d’utilisation.

Par contre, l’entretien des véhicules sur roues est beaucoup plus facile. Comme c’est le cas de tous les véhicules tout terrain.

Ils sont très utiles pour se déplacer au cours de guerres de type insurrectionnel, comme c’était le cas en Afghanistan.

Au combat, dans le cas d’une guerre entre des États (où l’ennemi dispose de missiles puissants), leur protection est limitée. De plus, ce que la guerre en Ukraine nous a appris, c’est que des engins explosifs légers, largués de drones, suffisent à les rendre inopérants.

En avril 2024, l’Ukraine annonçait qu’à la demande des États-Unis, elle avait retiré du front leurs chars Abrams — les plus puissants au monde — peu de temps après leur déploiement. Pourquoi ? Parce que 5 des 31 chars reçus avaient déjà été détruits par l’armée russe.

Or toute guerre est une vitrine technologique qui permet aux belligérants de démontrer, auprès d’acheteurs potentiels, l’efficacité du matériel militaire qu’ils produisent. Puisque le fiasco des Abrams nuisait à leur promotion, on les a retirés discrètement du front.

Dans l’annonce fédérale du 24 février dernier, on ne précise pas si l’Ukraine recevra des blindés neufs ou d’occasion (choisis parmi les centaines que possède déjà l’armée canadienne).

D’année en année, leur fabricant (General Dynamics) apporte de légères améliorations à ses blindés légers.

Il est probable que l’armée canadienne se départit de ses vieux modèles pour en obtenir des modèles légèrement plus perfectionnés.

Dans tous les cas, le contrat n’est pas conclu entre General Dynamics et l’Ukraine. Ce pays étant de facto en faillite, c’est le gouvernement canadien qui se porte garant de l’Ukraine.

Les chances que le Canada recouvre cet argent sont à peu près nulles.

L’autorisation nécessaire de Washington

La revente interétatique de matériel militaire américain n’est possible qu’après son autorisation par Washington.

Cela concerne non seulement de l’armement fabriqué aux États-Unis, mais également celui fabriqué ailleurs s’il comporte des composants fabriqués aux États-Unis.

Dans l’éventualité où le Donald Trump signerait un décret qui interdirait toute vente d’armement (même non américain) à l’Ukraine — ce qu’il n’a pas encore fait au moment où ces lignes sont écrites — l’extraterritorialité du droit américain fait en sorte que cela affectera les contrats conclus en dollars américains ou négociés à l’aide de logiciels de messagerie américaine.

Gel, saisie et expropriation

Lorsque des avoirs sont gelés, leur détenteur en perd temporairement l’accès. Mais il en demeure le propriétaire.

Par le biais de pouvoirs conférés par une loi à un ministre — celui de la Justice ou celui de l’Économie, par exemple — l’État peut saisir des biens sans avoir à obtenir l’autorisation préalable d’un tribunal.

Toutefois, la saisie par l’État n’est que la première étape d’une expropriation. L’État doit obligatoirement s’adresser aux tribunaux pour que les biens saisis deviennent des propriétés de l’État et que ce dernier puisse en disposer à sa guise.

La confiscation d’avoirs russes

En décembre 2022, le Canada annonçait fièrement qu’il serait bientôt le premier pays du G7 à confisquer des biens appartenant à un oligarque russe.

Le 24 février dernier, Ottawa annonçait son intention de mettre à la disposition de l’Ukraine la somme de 5 milliards de dollars provenant d’actifs russes saisis dans le cadre des sanctions économiques contre la Russie.

Il y a une semaine, Ottawa annonçait être sur le point de s’adresser enfin aux tribunaux dans le but d’exproprier des biens russes saisis.

Puisque cela fait trois fois qu’Ottawa annonce la même intention, cela signifie qu’Ottawa n’a rien fait depuis vingt-six mois.

Ottawa promet ainsi des milliards de dollars que les tribunaux (indépendants, dit-on, du pouvoir politique) ne lui ont pas encore accordés.

Dans les pays occidentaux, le droit de propriété est sacré. L’idée qu’on peut déposséder quelqu’un de ses biens du simple fait qu’il est ami avec quelqu’un d’autre (Poutine) qu’on déteste, est totalement dépourvue de bases juridiques.

De plus, le droit international permet qu’on gèle les avoirs de la banque centrale d’un pays ennemi, mais leur confiscation est interdite, même en temps de guerre.

Voilà pourquoi, depuis des mois, Washington ne parle plus de financer la reconstruction de l’Ukraine grâce à la vente des avoirs russes saisis.

On parle maintenant de financer cette reconstruction à partir des revenus de l’exploitation des ressources minières de l’Ukraine. En d’autres mots, l’Ukraine paierait sa propre reconstruction.

Conclusion

Selon le recensement de 2021, la diaspora ukrainienne au Canada compte 1,3 million de personnes. Ceux qui sont en âge de voter participeront à l’élection fédérale prévue d’ici quelques mois.

L’annonce d’Ottawa concernant l’Ukraine est évidemment un encouragement pour les soldats ukrainiens qui combattent au front. Mais cette nouvelle a peu de chances de se réaliser.

C’est plutôt un message envoyé aux électeurs canadiens quant à la détermination du Parti libéral canadien de soutenir l’effort de guerre de l’Ukraine.

Références :
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VBL III

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Écrit par Jean-Pierre Martel