Le mystère des drones en Europe occidentale

Publié le 27 novembre 2025 | Temps de lecture : 4 minutes

Plus tôt, en Europe de l’Est

Après que l’Ukraine eût subi une attaque de 458 drones et missiles dans la nuit du 9 au 10 septembre dernier, au moins 19 drones russes ont pénétré l’espace aérien de la Pologne et, dans un cas, celui de la Roumanie trois jours plus tard.

Immédiatement, les agences de presse occidentales ont accusé la Russie d’être responsable de ces provocations. L’argument est connu; ce ne peut qu’être que les Russes.

Puisque l’Otan n’a pas jugé bon de publier le trajet précis emprunté par ces drones avant de frapper la Pologne et la Roumanie, des indices publiés sur des chaines Telegram ukrainiennes portent à croire que ces missiles auraient plutôt été tirés d’Ukraine.

L’explication la plus probable est que l’Ukraine ait récupéré des drones-leurres russes après leur chute au sol, leur aurait fait faire le plein de carburant et les aurait tirés vers la Pologne et la Roumaine (deux pays membres de l’Otan) dans l’espoir de pousser l’Alliance atlantique à entrer en guerre directement contre la Russie.

Vers la fin du même mois, d’autres drones suspects sont apparus au-dessus de bases militaires et d’aéroports d’Europe occidentale.

Quels types de drones ?

Pendant quelques jours, les agences de presse demeurèrent muettes quant à la nature des drones observés au Danemark, le premier pays touché en Europe occidentale.

S’agissait-il de drones militaires, alimentés par du carburant, qui possèdent l’autonomie nécessaire pour avoir été tirés de Russie ? Ou s’agissait-il de petits drones à batterie qui ne peuvent qu’avoir été utilisés localement ?

En réalité, des vidéos sur YouTube montraient des drones en état géostationnaire. Donc des drones à batterie.

Le 25 septembre, la nature de ces drones fut révélée après avoir trouvé une explication crédible pour accuser la Russie; trois navires ayant des liens directs ou indirects avec la Russie auraient servi de plateformes de lancement en mer Baltique, près du Danemark.

Le problème, c’est que bien après que ces navires eurent quitté la région, d’autres drones survolèrent des aéroports et des bases militaires en Allemagne, en France, en Norvège, et aux Pays-Bas. Des drones qu’on ne réussit jamais à abattre. Et des méfaits dont on n’arrive pas à trouver les auteurs.

On peut toujours supposer que ces drones à batterie aient été tirés par des agents russes infiltrés au cœur de l’Europe occidentale. Mais peut-on également imaginer que tout cela soit une mise en scène destinée à nous manipuler ?

Le cas d’une base militaire française

Le 2 octobre dernier, dix jours après une première incursion, la base militaire de Mourmelon-le-Grand a été survolée par des drones non identifiés.

Le quotidien L’Indépendant nous apprend que cette base de dix-mille hectares abrite depuis mars 2025 une centaine de centres d’entrainement au maniement de drones et que c’est également là qu’ont été formés 2 300 soldats ukrainiens.

On peut facilement croire que des espions russes veuillent épier le fonctionnement de cette base.

Mais on peut également suspecter que l’Ukraine ait déployé en Europe plusieurs commandos de dronistes très expérimentés avec la mission de survoler des bases militaires et des aéroports de divers pays, sachant que ces pays réagiraient de manière prévisible en accusant la Russie.

Et des pays heureux de justifier l’augmentation importante de leurs dépenses militaires, même au prix de coupes dans leur filet de protection sociale.

Références :
Drones au-dessus du Danemark : tous les chemins maritimes mènent à la Russie ?
Le Danemark dénonce des « attaques hybrides » après de nouveaux survols de drones
« Poutine monte d’un cran » : la France accuse la Russie d’être derrière une nouvelle incursion de drones qui ont survolé une base militaire française
Violations par la Russie de l’espace aérien de pays d’Europe de l’Est

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La dangerosité de la Russie pour un Québec libre

Publié le 24 novembre 2025 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

Le ministre Christopher Skeete est le ministre québécois des Relations internationales et de la Francophonie. Implicitement, c’est le ministre des Affaires étrangères du gouvernement de la CAQ.

Dès son retour du sommet du G20 tenu récemment en Afrique du Sud, il a contacté le Journal de Québec pour réagir à la publication, la veille, du fascicule intitulé ‘Le Québec qui prend sa place dans le monde’, premier chapitre du Livre bleu du Parti québécois.

Chauffé à bloc par les propos alarmistes qu’il a entendus au G20, le ministre a déclaré que l’indépendance laisserait le Québec vulnérable contre la Russie.

« Le jour après un ‘Oui’, on n’est plus membre de l’Otan. Et l’Otan, c’est la seule défense qu’on aurait contre l’agression russe, notre voisin au nord.

Il faudrait demander la permission au Canada pour être membre de l’Otan et ils ont le droit de véto […] Je ne pense pas que ça va leur tenter de dire oui tout de suite.»

Québec et Russie : deux pays distants

Après l’indépendance du Québec, le Canada ainsi amputé partagera une frontière commune avec la Russie dans l’Arctique. Mais pas le Québec. Parce que le Québec ne s’étend pas autant vers le nord.


 
À l’aide de Google Earth, on peut mesurer la distance entre les côtes de la Russie et celles du Québec; c’est plus de quatre-mille kilomètres.

C’est presque quatre fois la distance entre Berlin et la frontière russe et le double de la distance avec Paris.

En fait, la Russie et le Québec sont aussi éloignés l’un de l’autre que le sont la Russie et le Maroc.

Attaques vs invasion

Distinguons ici entre frappes militaires et invasion militaire.

Dans le cadre d’une Troisième Guerre mondiale qui nous opposerait à la Russie, il existe en sol québécois des cibles que la Russie chercherait absolument à détruire.

Au premier rang desquels se trouvent nos barrages hydroélectriques. Parce que leur destruction handicaperait sérieusement la capacité des États de la Nouvelle-Angleterre (que nous alimentons) à soutenir l’effort de guerre américain.

Mais pour ce faire, la Russie n’a pas besoin d’envahir le Québec; il lui suffit d’utiliser quelques-uns de ses missiles intercontinentaux.

Envahir le Québec, cela veut dire des bottes russes foulant notre territoire. Concrètement, ce sont des milliers de soldats qui parcourraient en avion ou en bateau les quatre-mille kilomètres qui séparent la Russie du Québec.

Une fois cela fait, tout ce dont l’Armée rouge pourrait s’emparer, ce sont des iglous, des traineaux à chiens et des maisons en contreplaqué. Pour piller quelque chose de plus substantiel, cette armée devra ensuite parcourir tout le Québec du nord au sud.

Pourquoi donc la Russie se donnerait-elle cette peine ? Quand il lui suffit de s’étirer le bras vers l’ouest pour piller des palais extraordinaires, des musées où abondent des œuvres d’art, et des banques centrales européennes où sont entreposés des tonnes de lingots d’or et des milliards de dollars en devises.

La vérité, c’est que le Québec est parmi les derniers endroits au monde que la Russie envahirait dans le cadre d’une Troisième Guerre mondiale.

Lorsqu’on pense que depuis trois ans, la Russie peine à faire la conquête de l’Ukraine, il faut beaucoup d’imagination pour croire que l’Armée rouge sera bientôt à nos portes.

Et si une guerre éclate, ce ne seront pas les pays européens qui viendront nous ‘sauver’ puisqu’ils seront trop occupés à leur propre défense.

Le Canada ne nous protègera pas non plus

Lorsqu’on regarde le matériel militaire dont le Canada compte se doter au cours des prochaines années, il n’y a rien qui nous protège réellement.

Par exemple, pour empêcher la destruction de nos barrages par des missiles supersoniques russes, avons-nous besoin de chars d’assaut ? Avons-nous besoin de brise-glaces ? Avons-nous besoin de sous-marins nucléaires ? Avons-nous besoin de chasseurs-bombardiers F-35 ou Gripen qui, dépêchés en toute hâte, arriveront trop tard ?

Ce dont le Québec a besoin, c’est premièrement un bon système de détection. Or les États-Unis auront tout intérêt à nous prévenir immédiatement après qu’une menace se pointera le nez.

Et deuxièmement, le Québec aura besoin d’un grand nombre de missiles sol-air déployés près de nos barrages et près des cibles potentielles d’attaques russes.

Or Ottawa n’a rien prévu à ce sujet parce que l’équipement dont il veut se doter servira à guerroyer à l’Étranger.

En premier lieu, cet armement servira à protéger les pays baltes qui, comme des chihuahuas, ne cessent jamais de japper contre le bouledogue russe depuis qu’ils font partie de l’Otan.

Et deuxièmement, cet armement servira à défendre des pays d’Europe occidentale dirigés par des chefs d’État très impopulaires qui battent le tambour de la guerre dans l’espoir de rallier leur population autour d’eux.

Pour réellement nous protéger en vue d’une Troisième Guerre mondiale, nous devons compter sur nos propres moyens.

Et compter sur nos propres moyens, c’est éviter de remettre notre sort entre les mains de nos amis Canadians qui, évidemment, penseront toujours à eux avant nous.

Références :
Quelles entreprises vont profiter des 82 milliards $ pour la défense du Canada?
Un Québec indépendant serait vulnérable face à la Russie, dit le ministre Christopher Skeete

Post-scriptum

Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, Ottawa rationnait le sucre sur le marché canadien. Chaque province se voyait attribuer un quota.

Le quota pour l’Ontario dépassait largement les besoins de cette province alors que le quota du Québec, immuable, était trop bas.

En conséquence, les confiseries québécoises devaient cesser leur production à l’issue de la quantité de sucre qui leur était allouée.

À l’époque, mon grand-père Elzéar Martel avait fondé à Joliette une petite confiserie à son nom. Avant la guerre, il s’était lié d’amitié avec un collègue franco-ontarien. La guerre venue, ce dernier avait du sucre très au-delà de ses besoins.

Pour faire respecter ses quotas injustes, Ottawa postait des soldats à la frontière entre le Québec et l’Ontario afin de combattre la contrebande interprovinciale (essentiellement de l’Ontario vers le Québec).

Or son fils (c’est-à-dire mon père) avait appris que la nuit, le pont reliant Hull à Ottawa était laissé sans surveillance, particulièrement en fin de semaine.

Chaque samedi soir, mon père utilisait donc un camion non identifié afin de se rendre chez cet ami ontarien et en revenir avant la levée du jour.

Le résultat, c’est que la population de Joliette a connu diverses privations au cours de cette guerre. Mais n’a jamais été privée de friandises.

Tout cela pour dire qu’en vue d’une Troisième Guerre mondiale, sortons de ce pays de merde pendant qu’il en est encore temps.

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Suède : protection militaire vs protection sociale

Publié le 28 septembre 2025 | Temps de lecture : 4 minutes


 
De 2023 à 2024, les dépenses militaires de la Suède sont passées de 8,7 à 12,0 milliards de dollars US, soit une augmentation de 37,5 %.

Ce qui a eu pour effet d’augmenter de deux pour cent la dette publique exprimée en pourcentage du PIB, passant de 31,6 % à 33,5 %.

Ce mois-ci, le premier ministre suédois a annoncé que le budget militaire du pays passerait l’an prochain à 18,7 milliards de dollars US.

Amorcée en 2014, la course aux armements des pays de l’Otan s’est accélérée en 2022 à la suite de l’invasion russe en Ukraine.

Dans les pays européens dont l’endettement est jugée préoccupante par les agences de notation, cette priorité à l’armement les obligent à des cures d’austérité.

Plutôt que de laisser la dette nationale exploser et de forcer les Suédois à des choix difficiles lorsque celle-ci sera devenu insoutenable, la Suède a choisi de poursuivre la rigueur budgétaire qui le caractérise depuis toujours et de sabrer dès maintenant son filet de protection sociale.

Mais comment convaincre le peuple suédois de payer pour des services que l’État leur fournissait gratuitement jusqu’ici ?

Depuis les élections législatives d’octobre 2022, le pays est dirigé par une coalition minoritaire de droite qui, pour survivre, dépend du soutient (sans participation) d’un parti qualifié d’extrême droite (les Démocrates de Suède).

L’argumentaire du gouvernement actuel est simple; le filet de protection sociale de la Suède est trop généreux. Selon lui, les mesures adoptées visent à « réduire les facteurs d’attraction pour les migrants qui souhaitent se rendre en Suède dans le but d’y être pris en charge.»

Sans entrer dans les détails, il est à noter que dans le cas particulier de la Suède, cette rhétorique antimigratoire n’est pas totalement dépourvue de fondement.

Toutefois, c’est un écran de fumée.

Le gouvernement suédois n’a pas l’intention de redonner aux contribuables les sommes économisées sous forme de réductions d’impôts. Au contraire, les économies serviront à financer le seul poste budgétaire à forte croissance; celui du ministère de la Défense.

Les généraux suédois ont raison de dire que dans le cadre d’une guerre entre la Russie et la Suède (trois fois moins peuplé que l’Ukraine), le pays capitulerait en moins d’un mois. Ce qu’ils oublient de dire, c’est qu’une guerre limitée à ces deux pays n’arrivera pas.

Toutefois, dans le cadre d’une Troisième Guerre mondiale, la puissance militaire combinée des pays occidentaux dépasse déjà de plusieurs fois celle de la Russie, malgré la montée en puissance de son industrie de l’armement depuis trois ans.

Donc la paranoïa qui s’est emparée des Suédois à l’occasion du déclenchement de la guerre en Ukraine — et qu’on entretient ces jours-ci par des nouvelles invraisemblables — vise à les déposséder au profit du complexe militaro-médiatique.

Après avoir abandonné sa neutralité militaire, vieille de deux siècles, la Suède est en train de découvrir que le prix de l’adhésion à l’Otan, c’est la liquidation de son filet de protection sociale, devenu trop onéreux.

Références :
Dépenses militaires de la Suède
En Suède, la droite devra composer avec l’extrême droite pour gouverner
Gouvernement Kristersson
La Suède a l’intention d’augmenter à nouveau ses dépenses militaires de 18 % en 2026
La Suède réduit ses aides sociales dans l’espoir de restreindre l’immigration
Le complexe militaro-médiatique
L’immigration modifie le modèle social suédois
Suède

Paru depuis : Pour augmenter leurs dépenses militaires, les pays européens tentés de réduire l’Etat-providence (2025-09-30)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Hausse des dépenses militaires : la fabrication du consentement

Publié le 29 juin 2025 | Temps de lecture : 13 minutes


 
La priorité absolue à la Défense

L’opportunité d’accroitre les dépenses militaires du Canada fait consensus au sein de la classe politico-médiatique du pays. Si bien qu’aux dernières élections fédérales, les partis politiques ont unanimement promis d’accroitre le budget de la défense du Canada.

Le résultat, c’est que le parti qui forme aujourd’hui un gouvernement à Ottawa peut prétendre qu’il possède le mandat populaire d’aller de l’avant à ce sujet puisque le peuple a voté pour, n’ayant pas le choix.

Conséquemment, le premier ministre Mark Carney annonçait récemment que le Canada atteindra l’ancienne cible de 2 % recommandée par l’Otan dès cette année, et la nouvelle cible de 5 % d’ici 2035.

Au final, c’est plus de 150 milliards de dollars qui seront dépensés chaque année pour la Défense nationale. Cela représente une ponction fiscale de quinze-mille dollars dans les revenus annuels d’une famille moyenne de deux adultes et de deux enfants.

Même si Ottawa possède toute la légitimité nécessaire pour dépenser une telle somme, il suffit de consulter les forums de discussion de nos médias électroniques pour constater que cette nouvelle course aux armements est loin de faire consensus.

Exception faite de l’Alberta qui, en raison des redevances pétrolières, nage dans les surplus budgétaires, les gouvernements provinciaux peinent à s’acquitter de leurs obligations.

Si bien qu’une partie de la population s’oppose à ce que la priorité d’Ottawa soit là et pas ailleurs.

La fabrication du consentement

Pour consentir aux sacrifices qui seront nécessaires aux nouvelles dépenses militaires, Ottawa doit susciter l’adhésion de la population canadienne.

Pour y parvenir, il peut compter sur deux moyens. Premièrement, exposer exclusivement la population au discours alarmiste de l’Otan. Et deuxièmement, faire miroiter des retombées économiques intéressantes.

Le lavage des cerveaux

Depuis des années, Ottawa a transformé le Téléjournal de Radio-Canada en organe de propagande de l’Otan.

Depuis deux décennies, le grand responsable de l’information internationale y est François Brousseau, un journaliste maccartiste qui voit la menace communiste jusque dans sa soupe.

Par conséquent, tous les ‘experts’ invités au Téléjournal à s’exprimer au sujet des dépenses militaires canadiennes n’exposent que la nécessité de les augmenter.

De manière analogue, sur le site web de Radio-Canada, on ne trouve que des reproches au sujet de l’insuffisance de nos dépenses militaires, associés aux dangers de cette ‘imprudence’. Cette propagande va jusqu’à l’invraisemblance.

L’organisme Inuit Tapiriit Kanatami est une ONG bidon entièrement financée par le gouvernement fédéral et dont le siège social est situé… à Ottawa.

Radio-Canada publiait récemment un texte destiné à nous convaincre que le plus grand souci des Inuits, ce n’est pas l’épidémie de tuberculose qui frappe leurs communautés. Ce n’est pas la pauvreté ni la violence conjugale qui y sévit. Ce n’est pas la fonte rapide des banquises sur lesquelles les mamans phoques nourrissent leurs petits. Ce n’est pas les ours polaires qui, en nombre croissant, rôdent près des habitations des Inuits. Non, leur grande peur, c’est l’invasion arctique de la Russie.

Pourtant, la plus courte distance entre les côtes russes et celles du Québec dépasse 3 600 km. C’est la distance entre Montréal et Vancouver.

La Russie peut certainement envoyer des missiles qui détruiraient nos barrages hydroélectriques. Ce qui handicaperait l’économie du Québec pendant des années. Mais pour nous envahir, elle doit y envoyer des soldats, des chars d’assaut, créer des lignes d’approvisionnement, etc.

Après avoir parcouru les 3 600 km, tout ce dont l’Armée rouge pourra s’emparer, ce sont des iglous, des maisons préfabriquées et des traineaux à chiens. Si Moscou veut s’emparer de quelque chose de plus substantiel, son armée devra ensuite traverser tout le Québec du nord au sud.

En somme, le Québec est le seul endroit au monde où le risque d’une invasion (autre qu’une improbable invasion américaine) est nul. Ce risque n’est pas que faible; il est nul. N-U-L. Comme dans zéro.

Selon un sondage récent, près de la moitié des 18-34 ans seraient en faveur de l’indépendance du Québec.

Il ne fait aucun doute que l’urgence de quitter le Canada leur apparaitra encore plus évidente le jour où ils réaliseront que demeurer au sein du Canada plus longtemps revient à assumer éventuellement la dette croissante et colossale que nous leur laisserons.

L’aide sociale aux fabricants d’armement

Pour ‘vendre’ l’augmentation des dépenses militaires canadiennes, on fait miroiter la possibilité que des entreprises québécoises puissent décrocher de juteux contrats. Et ce, en plus des retombées économiques qui se répercuteront dans l’ensemble de l’économie québécoise.

Les contrats du ministère de la Défense

L’armée canadienne n’a jamais donné au Québec sa juste part des contrats militaires. Il y a quelques années, c’est le critique libéral en matière de Défense qui avait involontairement révélé le pot aux roses lors de l’étude d’un contrat mineur que le ministre de la Défense Marcel Masse devait accorder au Québec.

Pourquoi devrions-nous investir dans une province alors qu’elle pourrait bientôt faire sécession du Canada ?” avait demandé le critique libéral. Ce à quoi le ministre conservateur avait répondu : “Pour l’instant, les Québécois paient des taxes. Si nous les punissons pour une indépendance qu’ils ne font pas, ils sont aussi bien de la faire puisqu’au moins, ils en retireraient les avantages, ce qu’ils n’ont pas en restant dans le Canada.

Voilà pourquoi, par exemple, Ottawa a utilisé toute une série de prétextes pour éviter de donner des contrats maritimes au chantier Davie.

De plus, on doit se rappeler qu’après avoir versé en 2009 près de 13,7 milliards$ à GM et Chrysler pour les sauver de la faillite, lorsque c’est l’industrie aéronautique québécoise qui s’est retrouvée en difficulté, Ottawa a consenti à Bombardier un prêt remboursable de 372,5 millions$ — trois pour cent de 13,7  milliards$ — dont les deux tiers à la condition que ce constructeur aérien maintienne ses activités en Ontario (où sont construits ses avions d’affaires Global 7000).

Si Bombardier décidait de produire des avions militaires, il faudrait que l’avionneur les fabrique en Ontario pour qu’Ottawa l’aide à cette fin.

Troisième exemple. En vue d’une installation au Canada, la compagnie Oerlikon avait envisagé plusieurs sites, dont Saint-Jean-sur-Richelieu.

Lorsqu’André Bissonnette — député conservateur de la circonscription et ministre d’État affecté aux Petites entreprises — avait appris que la candidature de sa ville avait été rejetée, il s’était discrètement informé auprès de la compagnie pour connaitre la ou les raisons de ce rejet.

Or tous ces motifs de rejet étaient inexacts; au contraire, Saint-Jean-sur-Richelieu possédait tous les atouts souhaités par le constructeur. Grâce à son influence, Oerlikon finit par s’établir dans cette ville.

Furieux que le député québécois ait empêché Oerlikon de s’établir ailleurs (comme ils le lui conseillaient), les fonctionnaires fédéraux se sont vengés en déclenchant une enquête de la Gendarmerie royale contre le député sous l’accusation fallacieuse d’avoir spéculé sur les terrains achetés par le constructeur, accusation dont André Bissonnette fut complètement innocenté par les tribunaux.

À partir de ces exemples, imaginer que le Québec obtiendrait dorénavant sa juste part des contrats militaires fédéraux relève du jovialisme.

La sous-traitance de l’armée américaine

Qu’il s’agisse d’une participation canadienne à la construction d’un système antimissiles nord-américain (surnommé Dôme d’or) ou de l’achat de matériel militaire américain, le Canada ne peut pas compter sur Washington pour que des entreprises d’ici bénéficient de contrats de sous-traitance.

Pour que cela se fasse, il faudrait que Donald Trump favorise l’intégration nord-américaine de l’industrie de l’armement. En d’autres mots, que les compagnies canadiennes fabriquent des obus ou des composants, ou procèdent à l’assemblage final des systèmes antimissiles, par exemple.

Comme c’est le cas de l’industrie automobile nord-américaine où le Canada fabrique des pièces détachées, ou assemble certains modèles de voitures.

Au contraire, Donald Trump sabote l’intégration économique canado-américaine par des taxes à l’importation dont le but est de forcer les fournisseurs canadiens à délocaliser leur production aux États-Unis.

Et on veut nous faire croire qu’il ferait l’inverse dans le cas de l’industrie de l’armement ?

Envers le Canada et les autres pays de l’Otan, Donald Trump ordonne le paiement d’un tribut comme l’exigeait Rome des peuples de son Empire. Le président américain veut que la protection militaire de son pays ait un prix.

Ce qui est parfaitement légitime. Tous les citoyens paient des impôts qui servent à financer la police et l’armée. Washington veut qu’il en soit de même de la protection militaire qu’il assure à ses vassaux.

Les retombées économiques

Toute dépense de l’État occasionne des retombées économiques. Prenons un exemple.

Lorsqu’Ottawa attribue un milliard de dollars à la construction domiciliaire, cette somme est injectée intégralement dans l’économie canadienne. Mais chaque dollar sert plusieurs fois.

Les entrepreneurs en construction qui bénéficient des contrats gouvernementaux dépensent l’argent reçu du gouvernement à payer leurs ouvriers et à acheter des matériaux.

D’une part, les fabricants de ciment, de bois d’œuvre, de portes et fenêtres prennent l’argent des entrepreneurs (reçu du gouvernement) pour renflouer leurs stocks.

Et les ouvriers dépensent leurs salaires — versés par leurs employeurs à partir de l’argent des contrats gouvernementaux — pour nourrir les membres de leur famille et les loger, pour chauffer le domicile conjugal, pour acheter du matériel scolaire, du lait maternisé ou des couches pour bébé. Etc.

Et l’épicier qui leur vend des aliments utilise l’argent que ceux-ci dépensent pour rémunérer leurs propres employés et renflouer ses stocks auprès de ses fournisseurs. Et ainsi de suite.

En moyenne, chaque dollar dépensé génère près de trois dollars de retombées économiques. En d’autres mots, les retombées économiques des contrats gouvernementaux sont habituellement comprises entre 270 % à 300 %.

Selon Ottawa, l’achat des chasseurs-bombardiers F-35 par le Canada représente des retombées économiques de l’ordre de dix-milliards de dollars. Cela semble beaucoup.

Toutefois, il faut dépenser 45 milliards$ pour en retirer un bénéfice de dix-milliards$ (22 %).

L’acquisition des chasseurs-bombardiers F-35 par notre pays est le plus mauvais contrat militaire de l’histoire du Canada.

Mais il y a toujours pire. Selon toute vraisemblance, le financement canadien au ‘Dôme d’or’ américain n’occasionnera aucune retombée économique ou presque; ce projet pharaonique n’est qu’un stratagème d’extorsion totalement inutile contre les missiles supersoniques russes.

Conclusion

Alors que de partout résonne le tambour de la guerre, que faut-il au Canada pour se défendre dans l’éventualité d’une Troisième Guerre mondiale ? Voilà la première question à se poser.

La seconde concerne le cout des moyens qui nous seraient alors nécessaires.

Si on en juge par les guerres actuelles, ce dont le Canada a besoin, ce sont des drones autonomes mus par intelligence artificielle (comme ceux utilisés par Israël dans la bande de Gaza), des missiles sol-sol et sol-air (qui empêchent l’ennemi d’acquérir la suprématie aérienne), un système de géolocalisation satellitaire qui détermine précisément les cibles à atteindre, et des missiles supersoniques qui rendent toute défense inutile.

Au lieu d’être le Neville Chamberland des temps modernes et d’acheter de la camelote américaine démodée avant même d’être produite, Mark Carney devrait se tenir debout et dire que le Canada a déjà tout ce dont il a besoin pour pallier une invasion militaire qui n’arrivera pas et que la meilleure manière de prévenir la guerre est l’intégration économique avec les pays dont nous cultivons, au contraire, l’animosité.

Au Québec, les hôpitaux tombent en ruine, les écoles manquent de place, la crise du logement sévit, aucun projet de transport en commun n’a été initié par la CAQ depuis sept ans, l’adaptation aux changements climatiques est un fiasco et Montréal s’anglicise sous l’effet du déluge migratoire voulue par Ottawa.

Le danger qui guette le Canada ne vient pas de l’Étranger; il vient de l’intérieur. Quand la dette que nos gouvernements auront accumulée nécessitera à la fois une hausse importante des impôts et la privatisation des services dont on nous promettait la gratuité, il y a lieu de craindre une instabilité sociale contre laquelle les militaires canadiens, armés jusqu’aux dents, seront impuissants.

Références :
« Dôme d’or » : Carney dit être intéressé, mais…
Dépenses militaires : le Canada atteindra la cible de l’OTAN dès cette année, dit Carney
Du beurre ou des bombes: faut-il se ruiner pour l’OTAN?
L’Alberta dégage un surplus de 8,3 G$ en 2024-2025
La façade ministérielle de l’État canadien
La géopolitique de l’Arctique
L’augmentation des dépenses militaires du Canada
Le Canada s’engage à plus que doubler ses dépenses militaires d’ici à 2035
Le colonialisme économique ‘canadian’
Le Québec en position stratégique pour le réarmement de la défense canadienne
Le sabotage de la vente d’hélicoptères québécois par le ministre fédéral François-Philippe Champagne
Les miettes dorées du F-35
Les miettes fédérales au chantier maritime Davie
Le TVA Nouvelles demeure numéro 1 au Québec
Les Inuit pressent Ottawa de sécuriser l’Arctique
L’OTAN doit se calmer le pompon
Trump dit que l’adhésion du Canada au « Dôme d’or » coûtera 61 milliards de dollars
Un nouvel engouement des jeunes pour la souveraineté

Paru depuis : Pour augmenter leurs dépenses militaires, les pays européens tentés de réduire l’Etat-providence (2025-09-30)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’augmentation des dépenses militaires du Canada

Publié le 3 juin 2025 | Temps de lecture : 3 minutes

En septembre 2014, les pays membres de l’OTAN se sont entendus pour augmenter leurs budgets militaires de manière à ce que, dix ans plus tard, le niveau de leurs dépenses atteigne un minimum de 2 % de leur produit intérieur brut (PIB).

Ce deux pour cent, ce n’est pas une exigence à laquelle il faut obéir à défaut de quoi un pays risque d’être expulsé de l’Alliance; c’est un engagement volontaire pris individuellement par certains pays, dont le Canada.

Puisque nous sommes rendus dix ans plus tard, il est clair qu’Ottawa a failli à réaliser son engagement militaire puisque nous en sommes actuellement à 1,3 % du PIB.

Pour faire face à une guerre de haute intensité comme celle qui se déroule en Ukraine, même deux pour cent du PIB est insuffisant. Voilà pourquoi le secrétaire général de l’Otan et l’administration Trump s’entendent pour dire que les pays occidentaux devraient plutôt consacrer cinq pour cent de leur PIB à leur défense.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Soulignons d’abord qu’il ne s’agit pas d’un pourcentage du budget fédéral, mais d’un pourcentage du produit intérieur brut. Or le PIB, c’est la valeur de tous les biens et services produits au pays au cours d’une année.


Couts de l’augmentation des dépenses militaires

Pourcentage Cout Cout additionnel Cout par famille
1,3 % du PIB 40,1 milliards $ (aucun) 4 010 $
2,0 % du PIB 61,7 milliards $ 21,6 milliards $ 6 170 $
3,0 % du PIB 92,5 milliards $ 52,4 milliards $ 9 250 $
4,0 % du PIB 123,4 milliards $ 83,2 milliards $ 12 340 $
5,0 % du PIB 154,3 milliards $ 114,2 milliards $ 15 430 $

Le PIB du Canada est de 3 085 milliards de dollars canadiens. Pour dépenser cinq pour cent de son PIB en dépenses militaires, le Canada devra y consacrer annuellement 154,32 milliards de dollars.

En comparaison avec ce qu’on dépense actuellement, c’est 114,2 milliards de dollars de plus, par année.

Concrètement, cela signifiera qu’une famille moyenne (deux parents et deux enfants) devra (théoriquement) payer chaque année 15 430 $ en impôts pour la défense du pays.

Évidemment, cela est théorique puisque nos politiciens se font élire sous la promesse de réduire les taxes et les impôts.

Pour augmenter de manière importante les dépenses militaires sans augmenter les impôts, une solution sera de nous endetter en refilant la facture aux générations futures.

Ou bien, il suffit au fédéral de couper dans les transferts aux provinces. Ce qui leur laissera l’odieux de sabrer dans notre filet de protection sociale.

Ce sera l’un ou l’autre.

Paru depuis : OTAN : les alliés affichent un accord pour augmenter les dépenses de défense jusqu’à 5 % de leur PIB (2025-06-05)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La régression finlandaise

Publié le 21 avril 2025 | Temps de lecture : 11 minutes
Vue d’Helsinki

Introduction

L’adhésion de la Finlande à l’Otan complète un basculement géostratégique majeur débuté trois décennies plus tôt.

Jusqu’à la réunification de l’Allemagne, la mer Baltique était de facto une mer intérieure soviétique dont seule l’embouchure occidentale était contrôlée par trois membres de l’Otan; l’Allemagne de l’Ouest, le Danemark et la Norvège.

Les autres pays riverains étaient soit des pays neutres (au nord), ou des membres du Pacte Varsovie (de l’Allemagne de l’Est à la Russie).

La réunification de l’Allemagne en 1990, puis l’adhésion des pays baltes à l’Otan en 1999 et enfin celle des deux derniers pays scandinaves qui n’en faisaient pas partie (la Finlande et la Suède), ont fait en sorte que la mer Baltique est maintenant une mer otanienne à laquelle la Russie n’a accès qu’au fond du golfe de Finlande et par l’enclave de Kaliningrad.

En somme, la seule véritable défaite de la Russie occasionnée par la guerre russo-ukrainienne ne s’est pas produite quelque part en Ukraine, mais dans le nord-est de l’Europe, en mer Baltique.

Tout cela est une victoire incontestable pour l’Otan. Mais qu’en est-il des Finlandais ?

Avant 1945

De l’indépendance à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Finlande a entretenu des relations amicales avec l’Allemagne et conflictuelles avec la Russie.

La naissance de la République finlandaise

Au XIXe siècle, la Finlande était un duché russe. Après des années de lutte autonomiste contre le pouvoir impérial, la Finlande profita du renversement du tsar Nicolas II en mars 1917 pour obtenir son indépendance le 6 décembre de la même année.

Aussitôt, une guerre civile éclata en Finlande. Celle-ci dura quatre mois, de janvier à mai 1918.

Tout comme la Révolution russe opposa les Russes blancs (tsaristes) aux les Russes rouges (communistes), la guerre civile finlandaise opposa les Finlandais blancs aux Finlandais rouges.

La partie nouvellement industrialisée de la Finlande, soit l’extrémité sud du pays, fut le fief des Rouges. La population rurale (très majoritaire à l’époque) et la bourgeoisie conservatrice soutinrent les Blancs.

Appuyés par un corps expéditionnaire allemand, les Blancs triomphèrent des Rouges. À l’issue de ce conflit, les Blancs instaurèrent brièvement une monarchie dirigée par un membre de la noblesse allemande (le beau-frère de l’Empereur Guillaume-II).

À la fin de la Première Guerre mondiale, l’effondrement de l’Empire allemand et l’abdication de la dynastie des Hohenzollern entrainèrent la fin du Royaume de Finlande, un mois après sa création.

Si bien que la Finlande adopta finalement un régime républicain, plus acceptable aux yeux des vainqueurs de la Première Guerre mondiale. En dépit de cela, la nouvelle république finlandaise demeura essentiellement pro-allemande, par crainte des tendances hégémoniques de son puissant voisin.

La Deuxième Guerre mondiale

Aussi longtemps que la Finlande faisait partie de l’Empire russe, la proximité de sa frontière, à trente kilomètres de Saint-Pétersbourg, ne causait pas de souci.

Mais après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne en septembre 1939, Staline prend conscience que la proximité de frontière de la Finlande (sympathique à l’Allemagne) représente un risque sécuritaire pour Leningrad (le nom de Saint-Pétersbourg à l’époque).

Il tente alors de négocier le recul des frontières finlandaises par le moyen d’un échange de territoire.

Devant l’échec de cette négociation, Staline déclenche une guerre qui durera trois mois et à l’issue de laquelle la Finlande acceptera, par le Traité de Moscou du 12 mars 1940, des clauses de paix qui étaient presque identiques à celles exigées par Staline dès l’origine.

Même si, techniquement, la Finlande avait dû capituler à la Russie, cette guerre avait révélé les faiblesses de l’armée russe.

Cette dernière possédait du matériel militaire neuf et abondant. Mais les purges staliniennes avaient décimé plus de 80 % des officiers supérieurs, remplacés par des incompétents menés par des ‘commissaires politiques’ fidèles à Staline.

Bref, le fait qu’un petit pays comme la Finlande avait pu résister à l’envahissement russe, cela avait révélé la faiblesse de l’Armée rouge. Ce qui incita Hitler à violer son acte de non-agression avec la Russie et à l’envahir plus tôt qu’il l’avait imaginé.

Profitant de l’invasion allemande en Russie à partir du 22 juin 1941, la Finlande lui déclare à son tour la guerre dans l’espoir de reprendre les territoires qu’elle lui avait cédés un an plus tôt.

À la fin de la guerre, la Finlande consentit définitivement aux pertes territoriales du Traité de Moscou, mais préserva l’essentiel; son indépendance en contrepartie de sa finlandisation.

L’amitié russo-finlandaise : un mariage de raison

Le 6 avril 1948, la Finlande et la Russie signent l’Accord d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle. Ce traité est à l’origine du concept de ‘finlandisation’.

En vertu de ce traité, la Russie s’engageait à respecter l’indépendance de la Finlande, sa démocratie parlementaire et son économie de marché.

En contrepartie, la Finlande s’engageait, en cas de conflit entre l’Occident et l’URSS, à défendre son territoire et son espace aérien des intrusions occidentales.

Pour la Russie, c’était une aubaine. Au lieu d’utiliser des ressources militaires à défendre un territoire — soit une Finlande qui aurait été annexé à l’empire soviétique — la Russie obtenait le même résultat puisque la Finlande s’occupait elle-même de défendre son propre territoire et devenait un État tampon.

La fin des amitiés

De 1948 à 1971, la neutralité militaire de la Finlande a fait en sorte que le pays n’a dépensé presque rien pour sa défense militaire. Ce qui lui a permis d’allouer des sommes considérables à la construction de son filet de protection sociale.

Dans les années 1980, la croissance économique de la Finlande fut parmi les plus élevées des pays industrialisés. Toutefois, en tant que fournisseur de matières premières à la Russie, le pays dépendait encore beaucoup du commerce avec l’URSS. Quand cette dernière s’effondre le 26 décembre 1991, cela entraine une crise économique en Finlande.

L’autre conséquence de cet effondrement, c’est que la Finlande a estimé qu’elle n’était plus liée par le traité d’amitié signé en 1948 puisque, juridiquement, celui-ci avait été conclu avec l’URSS et non avec la Russie.

La Finlande amorce alors une coopération croissante avec l’Otan qui mènera à son adhésion formelle à l’Alliance le 4 avril 2023.


 
Le résultat de cette évolution est que les dépenses militaires annuelles de la Finlande (en dollars américains) sont passées de 178 millions en 1971, à 2,2 milliards en 1991, à 4,8 milliards en 2022, et à 7,3 milliards en 2023.

Plutôt que de hausser les taxes ou de sabrer le filet de protection sociale — ce qui aurait rendu impopulaire l’augmentation des dépenses militaires — les gouvernements finlandais ont préféré s’endetter.

Depuis 1976, l’endettement de la Finlande s’est creusé à quatre occasions :
• de 1991 à 1997, à la suite de l’effondrement de l’URSS,
• à la suite de la Grande Récession de 2007-2008,
• en 2020, lors du confinement sanitaire, et
• à partir de 2023, à la suite de son adhésion à l’Otan.

Chaque fois, la dette finlandaise a fait un saut d’environ dix pour cent. Faisant passer le ratio dette/PIB de 42,4 % en 2000 à 80,5 % en 2024

Ce qui est inférieur à la moyenne européenne. Mais ce qui représente un abandon de la rigueur budgétaire qui a toujours caractérisé les pays de tradition luthérienne, notamment les pays scandinaves.

La paranoïa due à la guerre russo-ukrainienne

En février 2023, la Finlande commençait la construction d’une clôture métallique de trois mètres de hauteur, surmonté de barbelés. Elle s’étirera le long d’un tronçon de 200 km, soit le septième de la frontière qu’elle partage avec la Russie (longue de 1 340 km).

Selon la BBC, cette clôture n’est pas destinée à arrêter l’Armée rouge, mais à empêcher les Russes qui voudraient fuir la conscription dans leur pays. Le tout sera terminé en 2026 ou en 2027.

Si la guerre russo-ukrainienne prend fin d’ici là, cette clôture pourra toujours servir un jour. Qui sait ?

Par crainte d’une invasion russe, le 18 mars dernier, la Lituanie a quitté la convention d’Oslo interdisant les bombes à sous-munitions. De la même manière, la Pologne et les trois pays baltes ont annoncé vouloir se retirer de la convention bannissant les mines antipersonnelles.

Moins de deux semaines plus tard, ces quatre pays ont été suivis par la Finlande.

Une fois balancés dans la nature, les mines antipersonnelles sont des instruments persistants de terreur qui ne font aucune distinction entre civils et militaires, entre les enfants et les adultes, et qui tuent ou handicapent longtemps après que des belligérants ont déposé les armes.

Elles frappent surtout les paysans qui n’ont d’autre choix que de cultiver leur terre dans les zones contaminées. Ou ceux qui s’aventurent dans les bois dans l’espoir de se ressourcer ou d’y admirer la nature.

Bref, elles sont en contradiction avec les principes du droit international humanitaire

Conclusion

À partir du moment où la Russie et la Finlande ont signé l’Accord d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle en 1948, Russes et Finlandais ont vécu en paix pendant plus de 75 ans.

Si la Russie avait voulu violer ce traité, elle l’aurait déjà fait, particulièrement à l’époque où la Finlande était littéralement sans défense.

Selon la nouvelle Théorie des dominos, l’Ukraine est le rempart de la Démocratie en Europe; si elle devait capituler à la Russie, cette dernière refera d’abord ses forces, puis se lancera aussitôt à la conquête du reste de l’Europe.

Cela ne s’est pas produit à la suite de la victoire russe en Tchétchénie ni en Georgie. Mais après l’Ukraine, ce serait différent. Sans qu’on sache exactement pourquoi.

Une des leçons de la guerre russo-ukrainienne, c’est que la Russie n’a pas la puissance nécessaire pour conquérir l’ensemble du territoire ukrainien, malgré trois ans d’efforts et la perte de dizaines (ou de centaines) de milliers de soldats.

Et on veut nous faire croire qu’elle pourrait se lancer à la conquête de l’Occident, plus vaste et plus peuplé.

C’est que les Finlandais ont cru.

Peu importe les murs de barbelés, les mines antipersonnelles, et tout l’armement que pourra se payer la Finlande avant d’être endettée jusqu’au cou, la Russie sera encore son pays voisin dans mille ans.

Par le biais des agences de presse qui propagent sa propagande paranoïaque, l’Otan a fait croire aux Finlandais qu’ils pourraient très bien être les prochaines victimes de la Russie s’ils ne s’empressaient pas de rejoindre l’Alliance.

Et c’est ainsi que les Finlandais ont mis fin à des décennies de relations harmonieuses avec la Russie.

Quel gâchis…

Références :
Budget de la dette en Finlande
Économie de la Finlande
Finlandisation
Finland’s colossal underground bunkers a model for anxious Europe
Finland : Military Spending
Finland joins other Russian neighbours exiting from landmine treaty
Finland starts construction of Russia border fence
Grande Trêve
Guerre civile finlandaise
Guerre d’Hiver
Histoire de la Finlande
La corruption de la presse occidentale par Washington
La nouvelle Théorie des dominos
La peur de la guerre pousse plusieurs pays voisins de la Russie à se retirer de deux traités de désarmement
Mines antipersonnel : « Le risque d’un terrible retour en arrière »
Royaume de Finlande (1918)
Traité de Moscou (1940)
Traité finlando-soviétique de 1948

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La Géorgie (4e partie) : importance géostratégique de la Transcaucasie

Publié le 8 octobre 2024 | Temps de lecture : 12 minutes


Pour consulter en ordre chronologique tous les textes de cette série consacrée à l’histoire récente de la Géorgie, veuillez cliquer sur ceci.

Géographie de la Transcaucasie

Le Caucase est un massif montagneux, le plus élevé d’Europe.

Le mont Elbrouz est son point culminant (à 5 642 mètres), alors que le plus haut sommet des Alpes (le Mont-Blanc) s’élève à 4 806 mètres.

Ce massif se compose de deux chaines parallèles : le Grand Caucase (au nord) et le Petit Caucase (au sud).

La vallée entre les deux — ce qui comprend évidemment le versant sud du Grand Caucase et le versant nord du Petit Caucase — constitue la Transcaucasie.

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Le territoire ainsi délimité est bordé à l’Ouest par la mer Noire, et à l’Est par la mer Caspienne. Entre les deux se succèdent trois pays : la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Le plus populeux des trois est l’Azerbaïdjan. Inférieur à la moyenne européenne, le niveau de vie dans ces trois pays est assez semblable, tandis que le taux de croissance économique y est plus rapide qu’en Europe.

En dépit du fait qu’il est le quatrième d’une série consacrée à la Géorgie, ce texte replace ce pays dans son contexte transcaucasien puisque son importance géostratégique est commune à l’ensemble des pays de cette région, voire également à l’Asie Centrale.

La Transcaucasie a longtemps été perçue comme une zone d’influence naturelle de la Russie. Toutefois, la crainte suscitée par la puissance militaire de cette dernière s’est estompée en raison du fait que ses ressources sont accaparées par la guerre en Ukraine. Ce qui lui laisse beaucoup moins de manœuvre pour gérer efficacement les crises dans le Caucase.

L’Azerbaïdjan a profité du retrait des troupes russes du Haut-Karabagh — une région contrôlée jusque-là par l’Arménie, alliée de la Russie — pour envahir et annexer ce territoire. La victoire azérie a entrainé l’exode de 100 000 Arméniens, représentant 80 % de la population du Haut-Karabagh.

La Transcaucasie est donc devenue le théâtre de la lutte hégémonique de quatre puissances.

D’une part, de deux puissances régionales voisines que sont la Turquie (au sud-ouest) et l’Iran (au sud-est). Et d’autre part, de deux puissances mondiales que sont la Russie (voisine au nord) et l’Union européenne (au-delà de la mer Noire).

Quant à cette dernière, elle y défend les intérêts qui lui sont propres, en plus de défendre ceux des États-Unis dont elle est la vassale.

À la croisée des chemins

Selon l’adage, qui contrôle les sources et les routes d’approvisionnements énergétiques mondiales contrôle le monde.

Le commerce longitudinal (nord-sud ou l’inverse)

Qu’il s’agisse du transport ferroviaire, du transport routier ou du transport par oléoducs, la Transcaucasie est le plus court chemin du commerce terrestre entre la Russie et la Turquie, entre la Russie et l’Iran, de même qu’entre la Russie et les pays du Proche ou du Moyen-Orient.

Corridor de transport international nord-sud

Le projet de Corridor de transport international nord-sud est un itinéraire ferroviaire et maritime destiné à relier la Russie à l’Inde en traversant la mer Caspienne et l’Iran (en rouge sur la carte ci-dessus).

Ce corridor évite un long détour par le canal de Suez.

L’Iran y est favorable parce que ce corridor évite les routes maritimes dominées par l’Occident. Quant à l’Inde, il réduira de moitié le temps de transport des marchandises entre ce pays et la Russie.

Son talon d’Achille est sa portion qui traverse la mer Caspienne, large d’environ 300 km. Or dans le cas d’une guerre ouverte entre l’Otan et la Russie, les cargos russes seraient à portée de tir de missiles si l’Azerbaïdjan devait y prendre part du côté occidental.

Déplacer ce corridor vers l’Est n’est pas prudent puisque l’Asie Centrale est (à l’exclusion du Kazakhstan) un nid de terroristes. Conséquemment, il est impossible d’assurer la sécurité d’infrastructures stratégiques qui passeraient par ces pays.

Le commerce latitudinal (est-ouest ou l’inverse)

La Chine est le premier partenaire commercial de plusieurs pays européens.

Le moyen le plus économique de relier la Chine à l’Europe, c’est par voie maritime. Si on exclut le fret aérien en raison de son cout, le moyen le plus rapide est par voie terrestre.

Pour ce faire, les marchandises empruntent actuellement le Corridor ferroviaire eurasiatique.

Celui-ci part de Chine, traverse la Sibérie, la Russie et la Biélorussie pour se terminer à la frontière polonaise (où l’écartement des rails est différent).

Sa mise en œuvre a été facilitée par le fait que le segment principal de ce corridor existe depuis 1916; c’est le Transsibérien.

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, plusieurs pays cherchent à développer un deuxième corridor qui, à la différence du premier, contournerait la Russie.

Cette voie de contournement est le Corridor central transcaspien, mieux connu sous le nom de Corridor médian.

Le Corridor central transcaspien

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En voie de réalisation à un cout faramineux, ce corridor est plus court de deux-mille kilomètres en comparaison avec le Corridor ferroviaire eurasiatique.

Toutefois, entre la Russie et l’Iran, il n’y a qu’une seule voie de passage; par la Transcaucasie.

Bi-modal (à la fois terrestre et maritime), ce corridor parcourra successivement la Chine et le Kazakhstan, franchira la mer Caspienne, traversera l’Azerbaïdjan, contournera soigneusement l’Arménie (à la demande de l’Azerbaïdjan et de la Turquie) pour se rendre en Géorgie.

La Géorgie servira de carrefour. C’est là que le Corridor médian se divisera en deux embranchements.

Le premier se rendra à un port géorgien donnant sur la mer Noire. De celui-ci partiront des cargos en direction des pays qui bordent cette mer. D’autres, après avoir emprunté le Bosphore, se disperseront en Méditerranée vers leurs ports de destination.

L’autre embranchement traversera la Turquie pour se rendre soit à Istanbul, ou soit à un port en eau profonde à partir duquel les marchandises seront acheminées aux ports méditerranéens.

À l’heure actuelle, le Corridor central transcaspien repose sur des infrastructures vieillissantes dont la capacité n’est que de 5 % du Corridor ferroviaire eurasiatique (celui qui passe par la Russie).

Toutefois, grâce aux investissements importants qu’il suscite, cela devrait complètement changer d’ici dix ans.

Une fois complété, il rehaussera l’importance géostratégique de l’Asie centrale et de la Transcaucasie, deux régions jusqu’ici secondaires dans le commerce international.

Appuis internationaux au Corridor médian

L’Union européenne

Le projet est soutenu avec enthousiasme par les États-Unis et l’Union européenne.

Toutefois, il ne semble pas que les dirigeants européens aient réalisé que passer du Corridor ferroviaire eurasiatique (celui qui passe par la Russie) au Corridor central transcaspien (celui qui passe par la mer Caspienne), c’est échanger une dépendance à la Russie pour une dépendance à la Turquie.

Entre les deux, s’il est vrai que la Russie est une menace nucléaire (ce que la Turquie n’est pas), on doit considérer qu’en temps de paix, la Turquie s’immisce beaucoup plus dans les affaires intérieures des pays qui dépendent d’elle.

La Turquie

Parce que c’est une occasion d’accroitre son importance dans le commerce international, la Turquie investit des sommes considérables pour se doter des infrastructures nécessaires.

Et au-delà de l’Azerbaïdjan (qui est déjà son allié militaire), la Turquie voit dans ce projet une occasion d’étendre son influence aux républiques turcophones d’Asie Centrale.

L’Inde

Justement pour cette raison, l’Inde y craint l’encerclement.

En effet, à l’ouest de ce pays se trouve le Pakistan, allié de la Turquie. Et au nord, l’Inde est bordée par les pays musulmans d’Asie Centrale, déjà indisposés par les excès du nationalisme hindou et que la Turquie courtise.

Pour lutter contre cet encerclement, l’Inde est un allié militaire de l’Arménie. Ce pays n’est pas traversé par le Corridor central transcaspien mais il en est suffisamment près pour le menacer. Une menace qui pourrait être utile pour faire pression sur la Turquie si l’Inde devait juger cela opportun.

La Chine

D’abord soucieuse de ne pas indisposer son allié russe (contre lequel ce corridor est conçu), la Chine s’est ravisée depuis puisque ce projet est implicitement une des nouvelles routes de la Soie.

La Géorgie

La Géorgie profitera moins de sa position géographique en raison du fait que la Turquie (avec laquelle elle est en concurrence) possède déjà des ports en eau profonde et que le seul port de ce genre en Géorgie (celui d’Anaklia) peine à voir le jour.

De plus, même si la Géorgie se dotait d’un port en eau profonde, les cargos qui y partiront subiront l’encombrement du Bosphore (ce qui allonge les délais de livraison) alors que ceux qui accosteront sur la côte méditerranéene de la Turquie n’auront pas ce problème.

Les oléoducs du Caucase

Il existe un autre élément qui contribue spécifiquement à l’importance géostratégique de la Transcaucasie, ce sont les oléoducs du Caucase.

Oléoducs du Caucase

Dans la mer Caspienne se trouve un des plus importants gisements de pétrole et de gaz fossile au monde, largement sous-exploité.

Avant la guerre en Ukraine, l’Azerbaïdjan était un exportateur très secondaire d’hydrocarbures destinés à l’Europe. Parce que plus chers que ceux de Russie (en raison de l’éloignement) et du plus grand nombre de pays à traverser (auxquels on doit verser une redevance afin qu’ils en assurent la sécurité).

L’année du déclenchement de cette guerre, le commerce extérieur de ce pays s’est accru de 55,4 %. Si bien que ses exportations en sont venues à représenter 77 % de son PIB. De loin, son principal client est l’Italie, qui lui achète 46,6 % de ses exportations, essentiellement des hydrocarbures.

L’encerclement de la Russie par l’Otan

Conscient de l’importance géostratégique de la Transcaucasie, Washington déploie des ressources diplomatiques et financières considérables afin de poursuivre sa stratégie d’encerclement militaire de la Russie.

Comme la combinaison gagnante d’une machine à sous, les États-Unis cherchent à faire basculer ces trois pays dans le giron occidental.

Mais il s’agit d’une région politiquement instable où aucune alliance n’est définitive.

Des trois, l’Azerbaïdjan est le plus riche et militairement le plus puissant. Son PIB dépasse ceux de ses deux voisins combinés.

Pour l’Otan, c’est un pays-clé, capable de menacer à la fois les échanges de la Russie le long du Corridor de transport international nord-sud et les échanges de la Chine le long du Corridor central transcaspien.

Ce pays est capital pour assurer l’hégémonie mondiale des États-Unis.

Toutefois, l’Otan ne peut l’admettre dans ses rangs car c’est un pays enclavé. Conséquemment, l’adhésion de l’Azerbaïdjan nécessite l’adhésion préalable de la Géorgie.

Or la Géorgie est devenue hésitante.

De son indépendance en 1991 au déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, la Géorgie a résolument été pro-occidentale et pro-otanienne. Contrairement à l’Ukraine, où ont alterné des gouvernements pro-russes et pro-occidentaux.

Mais les Géorgiens se rappellent encore de l’époque où le président géorgien le plus voué aux intérêts occidentaux, Mikheil Saakachvili, fut laissé à lui-même lorsqu’éclata la guerre russo-géorgienne de 2008 (au sujet de l’Ossétie du Sud).

L’idée d’être dévasté par des bombardements russes comme prix d’une entrée à l’Otan repoussée toujours plus loin d’une année à l’autre, enchante de moins en moins les Géorgiens, aussi russophobes soient-ils.

D’autant plus que depuis quelques années, chaque fois que le gouvernement géorgien résiste à des pressions américaines, il doit affronter des manifestations quasi insurrectionnelles de la part d’ONG financées par les États-Unis.

De plus en plus inquiets d’être la cible d’un changement de régime à la Victoria Nuland, les dirigeants géorgiens sont devenus méfiants.

Références :
Azarbaïdjan : le profil commercial
Conflit du Haut-Karabagh
Corridor de transport international Nord-Sud
En Géorgie, le projet de port d’Anaklia peine à voir le jour
Le nouveau Grand Jeu
Oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan
OTAN : Relations avec l’Azerbaïdjan
Résumé de géopolitique mondiale (1re partie)
Routes de la soie : le corridor ferroviaire médian. L’avènement d’une alternative au rôle central de la Russie ?
Transsibérien
Ukraine et Russie : l’échec cuisant de Victoria Nuland
Why the Middle Corridor Will be a Geopolitical Game Changer (vidéo)

Paru depuis : Entre la Russie et l’Iran, une voie ferrée et un nouvel axe contre l’Occident (2024-10-27)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’Occident ne veut pas payer pour reconstruire l’Ukraine

Publié le 9 juillet 2024 | Temps de lecture : 9 minutes


 
La conférence de Londres

Avant le début de l’invasion russe, l’Ukraine était le deuxième pays le plus pauvre d’Europe (devant la Moldavie). Or depuis, plus de 30 % de l’économie ukrainienne a été détruite.

De nos jours, l’État ukrainien vit sous le respirateur artificiel de l’Occident. Sans les sommes qui lui sont versées, Kyiv serait incapable de payer la solde des soldats, les salaires des professeurs, des médecins, des fonctionnaires, de même que la pension des retraités.

Selon Alain Juillet (de 16:45 à 17:50 dans le vidéo à la fin du texte), l’aide américaine serait exclusivement constituée de prêts accordés à l’Ukraine en contrepartie du contrôle américain sur la reconstruction à venir du pays.

À la conférence de Londres, tenu en juin 2023, une soixantaine de pays se sont entendus sur le financement de la reconstruction de l’Ukraine après la guerre. On estime que cette reconstruction coutera entre 410 et 750 milliards$, soit entre 230 % et 419 % de son PIB.

Si l’Ukraine devait assumer seule une telle reconstruction, elle deviendrait, de très loin, le pays le plus endetté au monde. Et les intérêts qu’elle aurait à payer sur sa dette la condamneraient à la ruine perpétuelle.

C’est Anthony Blinken, secrétaire d’État américain (soit l’équivalent de ministre des Affaires étrangères des États-Unis) qui a le mieux résumé le consensus auquel sont parvenus les pays représentés à la Conférence de Londres :

« Soyons clairs : la Russie est à l’origine de la destruction de l’Ukraine. Et la Russie finira par payer le cout de la reconstruction de l’Ukraine.»

Si on lit entre les lignes, cela veut dire « Ce n’est pas à nous, les États-Unis, de payer pour ça.»

En Afghanistan, les Américains n’ont rien dépensé pour la reconstruction du pays. En Irak, la reconstruction promise s’est limitée à réparer les routes et les ponts menant à la ‘zone verte’ (là où étaient stationnés les soldats américains à Bagdad). En Syrie, le pays est toujours en ruine. Quant à la Libye, après avoir renversé le régime de Kadhafi, on livré le pays au chaos et à l’anarchie.

Les États-Unis ont utilisé l’Ukraine pour affaiblir l’armée russe et tester le matériel de guerre américain dans les conditions réelles d’un conflit armé.

Maintenant que la Finlande a rejoint l’Otan, Washington n’a plus besoin de l’Ukraine pour y déployer ses missiles nucléaires au voisinage de la Russie.

Bref, l’Ukraine n’est plus utile aux États-Unis. Si bien qu’un nombre croissant d’experts trouvent que la poursuite de cette guerre n’en vaut pas la peine et qu’on devrait même fermer définitivement la porte de l’Otan à l’Ukraine pour avoir la paix.

Les États-Unis trouvent d’autant plus légitime de se désintéresser militairement de l’Ukraine que se propage en Europe la Nouvelle théorie des dominos.

En vertu de cette théorie, les soldats ukrainiens ne font pas que défendre leur pays attaqué par la Russie; ils se battent pour protéger le monde libre. Si l’Ukraine capitule, l’Europe tout entière tombera à son tour entre les mains de Vladimir Poutine.

En réalité, la Russie peine à faire la conquête d’un pays de 44 millions d’habitants, soit l’Ukraine avant la guerre. On voit mal comment elle pourrait guerroyer avec succès contre l’Occident qui totalise 880 millions d’habitants, soit vingt fois plus.

À preuve, c’est précisément parce que la Russie en a plein les bras en Ukraine qu’elle n’a rien fait, en septembre 2023, pour empêcher l’Azeibaïdjan d’annexer le Haut-Karabagh aux dépends de l’Arménie (son alliée).

La dette ukrainienne

Les pays créditeurs et le Fond monétaire international se sont entendus pour laisser à l’Ukraine jusqu’en 2027 pour payer ce qu’elle leur doit. Toutefois, il en est autrement des créditeurs privés.

On appelle moratorium tout délai accordé par la loi pour s’acquitter d’une dette. Depuis deux ans, l’Ukraine bénéficie d’un moratorium qui vient à échéance le 1er aout prochain.

Ce pays doit 24 milliards $US à des firmes privés d’investissements. Ce qui représente douze pour cent de son PIB.

Évidemment, en pleine guerre, l’Ukraine est incapable de payer cette somme. Elle leur propose une décote de 60 % — c’est-à-dire de les rembourser à hauteur de 40 cents par dollar de dette — alors que ceux-ci ne veulent pas accepter une décote supérieure à 22 cents (c’est-à-dire descendre en dessous de 78 cents par dollar de dette).

À défaut d’une entente, l’Ukraine se retrouverait en défaut de paiement. Ce qui ouvre la porte à des poursuites devant les tribunaux.

Ce qu’on craint, c’est que ces fonds d’investissement vendent leurs bons du Trésor ukrainien à des fonds spéculatifs (hedge funds) qui, tels des chiens pitbulls, s’acharneraient sur ce pays jusqu’au paiement de la totalité de ce qu’elle leur doit.

Le mirage de la confiscation

Depuis des mois, certains pays occidentaux font miroiter la possibilité de confisquer les biens russes détenus en Occident pour aider l’Ukraine à payer ses dettes. Cette idée s’apparente à un bluff.

Déposséder les oligarques russes

Dans les pays occidentaux, le droit de propriété est sacré.

Si quelqu’un a commis un crime, les tribunaux peuvent le condamner à une amende, voire à être dépouillé de ses biens (en partie ou en totalité). Mais être ami avec quelqu’un qu’on déteste ne constitue pas un crime punissable de quoi que ce soit.

Henry Ford était un admirateur d’Hitler. Au moment de son embauche, chaque employé dans les usines Ford en Allemagne recevait une copie de Mein Kampf, écrit par Hitler. De plus à chaque anniversaire du führer, Ford lui versait un cadeau personnel de 50 000$ (ce qui équivaut aujourd’hui à un million de dollars).

À la fin de la guerre, le carrossier General Motor a eu l’audace de poursuivre le gouvernement américain pour les dommages subis à ses installations allemandes, celles qui participaient à l’effort de guerre de l’Allemagne nazie.

En 1967, GM a reçu 33 millions$ de dédommagement de la part du gouvernement américain.

Ce qui prouve bien que le caractère sacré du droit de propriété dans les pays capitalistes.

Conscient de cela, le Canada s’est vanté d’avoir saisi les biens d’oligarques russes, mais est incapable d’en fournir un seul exemple. Probablement parce qu’il sait qu’il n’a aucune base juridique pour ce faire.

S’emparer des réserves monétaires de la Banque de Russie

Reste à savoir si les pays occidentaux peuvent saisir les devises que la Banque centrale de Russie possède à l’Étranger.

En temps de guerre, les pays peuvent geler les avoirs d’un pays ennemi : certains pays peuvent même les confisquer.

La différence entre les deux, c’est que le détenteur d’un bien ne peut en jouir tant que ce bien est gelé. Mais en demeure propriétaire. Dans le deuxième cas, il en perd la propriété.

Ceci est vrai en temps de guerre. Mais officiellement, les pays occidentaux ne sont pas en guerre contre la Russie. Ils nient même être co-belligérants.

Pour les créanciers étatiques de l’Ukraine, le plus grand risque n’est pas la capitulation de l’Ukraine puisqu’en soi, cela ne change rien à ses obligations.

Le risque viendrait d’un changement de statut juridique du pays.

Après la Deuxième Guerre mondiale, la Finlande et l’URSS ont conclu un traité d’amitié en vertu duquel la Finlande s’engageait respecter une stricte neutralité militaire. Ce qui a permis à ces deux voisins de vivre en paix depuis.

Mais après l’effondrement de l’URSS en 1991, la Finlande a estimé ne plus être liée par ce traité puisqu’il a été conclu avec l’URSS (qui n’existe plus) et non avec la Fédération de Russie (qui lui a succédé).

Le corolaire de cette logique (un peu mince, à mon avis) entraine que si l’Ukraine, amputée du cinquième de son territoire, devenait une république membre de la Fédération de Russie, elle échapperait à ses créanciers occidentaux puisqu’ils ont fait affaire avec un pays qui n’existerait plus.

Le meilleur moyen d’éviter ce risque, aussi léger soit-il, est que les États-Unis aient le contrôle des négociations de paix entre l’Ukraine et la Russie. De manière à s’assurer que l’effort de reconstruction repose entre leurs mains.

Pour ce faire, ils devront faire échouer toute tentative de paix qui ne viendrait pas d’eux.

Le résumé de géopolitique concernant l’Ukraine

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Pour terminer, je vous invite à écouter une conférence qu’Alain Juillet prononçait le 17 juin dernier et qui résume assez bien les enjeux géopolitiques qui concernent l’Ukraine.

Références :
Conférence de haut niveau sur la paix en Ukraine
Conflit au Haut-Karabakh : comment l’Azerbaïdjan a fait plier l’Arménie
Divergences occidentales sur une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN
Ford Motor Company Sued the US Government for Bombing Its Factories in Nazi Germany
General Motors : mark of excellence
Henry Ford
La délicate restructuration de la dette ukrainienne
La nouvelle Théorie des dominos
La saisie fictive des avoirs d’oligarques russes au Canada
Les alliés veulent faire payer la Russie pour la reconstruction
L’Ukraine, sous la menace du défaut de paiement, bataille avec ses créanciers privés
Reconstruire l’Ukraine coûtera au moins 750 milliards de dollars, dit Kiev
The Nato alliance should not invite Ukraine to become a member – Open letter
Ukraine eyes debt deal before deadline, seeks to add GDP warrants, sources say
Ukraine : un détournement de 40 millions de dollars destinés à l’achat d’armes révélé
UK urged to protect Ukraine from legal action over private debt default

Parus depuis :
L’agence S&P abaisse la note de l’Ukraine, à un cran désormais du défaut de paiement (2024-08-03)
Belgium rejects EU move to use frozen Russian assets to rebuild Ukraine (2025-08-31)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les malheurs de l’Ukraine

Publié le 11 décembre 2021 | Temps de lecture : 8 minutes

Depuis des décennies, Ukrainiens et Russes entretiennent une relation conflictuelle.

De tous les évènements qui ont jalonné l’histoire de ces deux peuples, le fiasco des politiques agraires sous Staline a marqué la rupture définitive entre eux, une rupture qui est demeurée clandestine jusqu’à l’éclatement de l’Union soviétique.

Au cours de l’Holodomor — c’est le nom d’une série de famines qui ont frappé l’Union soviétique de 1931 à 1933 — entre 2,6 et 5 millions de personnes sont mortes de faim, principalement en Ukraine.

Même si Moscou a toujours prétendu que cette famine a touché l’ensemble les régions agricoles de l’URSS (dont la principale était l’Ukraine), dans l’imaginaire collectif ukrainien, il s’agissait d’une tentative délibérée d’extermination massive dirigée contre eux.

Ce préjugé (fondé ou non) a été intensifié par les exécutions et les déportations de nationalistes ukrainiens au cours des purges staliniennes de 1937-1939.

Depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991, l’Ukraine et la Russie sont politiquement hostiles, mais économiquement liées.

Sans le gaz naturel russe, l’économie ukrainienne ne peut fonctionner. Mais comme le gazoduc alimentant l’Ukraine alimente également l’Europe occidentale, la Russie a préféré construire un gazoduc court-circuitant l’Ukraine afin de se donner les moyens de fermer le plus ancien si elle devait juger cela opportun.

La Russie est le principal partenaire commercial de l’Ukraine; 21 % des biens importés viennent de Russie et 12 % des exportations y sont destinées.

Le conflit ouvert entre les deux pays a fait chuter le PIB ukrainien des deux tiers depuis l’indépendance.

Pour tenter de sortir du marasme économique, l’Ukraine a tenté en vain d’adhérer à l’Union européenne. Ce qui a échoué, entre autres en raison de la corruption généralisée qui y règne.

En 2014, l’annonce par l’Ukraine de son intention (qui n’aura pas le temps de se réaliser) de retirer au russe son statut de langue officielle en Crimée (peuplée à 65,3 % de russophones) a aussitôt provoqué l’indépendance de celle-ci et son rattachement à la Russie.

En réaction à l’annexion russe de la Crimée, l’Ukraine a adopté en septembre 2020 une nouvelle stratégie de sécurité nationale qui prévoit le développement d’un partenariat en vue de l’adhésion de ce pays à l’Otan.

Pour la Russie, cela est totalement inacceptable.

En tant que pays souverain, l’Ukraine est libre d’adhérer à n’importe quelle organisation internationale. Tout comme Cuba, tout aussi souverain, était libre d’acheter des missiles russes en 1962.

Ce qui n’a pas empêché le président Kennedy d’imposer un blocus maritime à Cuba et de menacer la Russie de faire sombrer tout navire qui s’approcherait des côtes cubaines. Ce à quoi la Russie finira par renoncer.

Les États-Unis ne pouvaient pas accepter qu’on installe des missiles ennemis dans leur cour arrière. C’est pareil pour la Russie; d’autant plus que les frontières ukrainiennes sont à 458 km de Moscou alors que Cuba est à 1 860 km de Washington.

Les prédécesseurs de Vladimir Poutine n’ont rien fait pour empêcher la politique d’encerclement de la Russie à laquelle l’Otan procède depuis l’effondrement de l’Union soviétique.

Presque toutes les anciennes républiques soviétiques d’Europe sont maintenant membres de l’Otan; les pays baltes (Estonie, Lettonie, et Lituanie), de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Hongrie, de la Slovénie, de la Roumanie, de la Bulgarie et de l’Albanie.

Pendant un demi-siècle, ces pays ont vécu dans la crainte d’une invasion soviétique. Elles se sont donc empressées de se mettre sous la protection de l’Otan dès que cela fut possible.

L’Ukraine veut faire de même.

Toutefois, une Ukraine militairement inoffensive correspond à un impératif stratégique pour la Russie. Et toutes les sanctions occidentales appliquées dès le lendemain d’une invasion russe ne sont rien en comparaison avec la possibilité d’un anéantissement nucléaire de la Russie par des missiles de l’Otan une fois que celle-ci les aura déployés en Ukraine.

Si Poutine laisse l’Ukraine adhérer officiellement à l’Otan, ce sera trop tard; toute agression militaire russe contre ce pays déclencherait automatiquement une guerre mondiale. Car le principe fondamental de l’Otan, c’est tous pour un, un pour tous (à la manière des Trois mousquetaires).

Or les membres fondateurs de l’Otan (les États-Unis et l’Europe occidentale) sont eux-mêmes inquiets des automatismes prévus par le traité de l’Otan. Puisque ce sont des automatismes semblables qui ont déclenché la Première Guerre mondiale à la suite d’un fait divers; l’assassinat politique d’un hériter de la couronne autrichienne à Sarajevo.

Parlons franchement; une invasion russe en Ukraine n’a pas la même importance que l’invasion de l’Allemagne par la Russie. Mais pour le traité de l’Otan, c’est pareil.

En somme, la Russie doit agir avant l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan.

S’il est vrai que la puissance militaire russe est de 5 à 10 fois inférieure à celle des États-Unis, elle est amplement suffisante pour transformer l’Ukraine en champ de ruines.

L’administration Biden a intérêt elle-même à donner à Poutine les garanties qu’il exige. À défaut de quoi, les États-Unis risquent l’humiliation comme ce fut le cas quand l’intervention russe en Syrie a fait sortir le conflit de son enlisement, après des années de piétinement américain.

Pour les États-Unis, le pire moment pour entrer en guerre contre la Russie, c’est maintenant.

Non pas qu’il la perdrait, mais ils s’y enliseraient. Et ce, pour trois raisons majeures.

Premièrement, en nombres absolus, la force ouvrière américaine est celle qui a été la plus décimée par le Covid-19. De plus, la menace de l’apparition d’un variant exceptionnellement virulent qui échapperait à la protection des vaccins actuels fait en sorte que ce n’est pas le temps, actuellement, de faire la guerre.

Deuxièmement, pour encore quelques mois, les ports américains qui donnent sur la côte du Pacifique sont débordés. Les États-Unis éprouvent donc de sérieuses difficultés d’approvisionnement en temps de paix; imaginez en temps de guerre.

Et dernièrement, les États-Unis ont délocalisé en Chine une partie importante de leur capacité industrielle. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la Chine sera heureuse de soutenir l’effort de guerre américain (et russe) parce que plus les Américains s’épuisent à faire la guerre, plus vite elle accèdera au rang de première puissance mondiale.

Au-delà des capacités guerrières indéniables de leur pays, les Américains ont encore frais en mémoire leur défaite militaire en Afghanistan. L’idée de recommencer aujourd’hui en Ukraine devrait susciter très peu d’enthousiasme.

Tout cela, Poutine le sait; de tous les chefs d’État, c’est le plus expérimenté et le plus rusé.

Or il n’a pas besoin de déclencher une guerre avec l’Ukraine; il lui suffit de lui faire peur pour obtenir sa promesse de ne jamais adhérer à l’Otan.

Et si l’Ukraine refuse, Poutine n’a qu’à annexer les provinces russophones (et consentantes) de l’Ukraine. Une annexion que la population de ces provinces sera heureuse de valider par référendum. Comme la population de la Crimée l’a fait en 2014.

Et si l’Ukraine résiste toujours, Poutine n’a qu’à paralyser l’économie ukrainienne, totalement à sa merci.

Il n’a donc pas besoin d’y déclencher la guerre. Mais si l’Ukraine l’y oblige, Poutine fera en Ukraine ce qu’il a fait en Tchétchénie…

Or justement, avec la montée du prix des hydrocarbures, il en a les moyens.

Pourquoi ne l’a-t-il pas fait plus tôt ? Justement parce que c’est un chef d’État froid, dépourvu d’impulsivité, et qui choisit toujours d’obtenir ce qu’il veut avec le moins d’efforts.

Mais si on le pousse à bout, prenez garde…

L’Ukraine devra donc renoncer à son intention d’adhérer à l’Otan ou en subir les conséquences.

L’Ukraine ne doit pas se faire d’illusion; la stratégie américaine consiste à inciter la Russie à l’envahir afin d’effrayer les anciennes républiques soviétiques et de leur vendre des armes.

Références :
Annexions : Crimée vs Palestine
Crise des missiles de Cuba
Relations avec l’Ukraine
Résumé de géopolitique mondiale (1re partie)
Ukraine
What sanctions could the US hit Russia with if it invades Ukraine?

Paru depuis :
Plus grosse affaire d’achat d’armes de son histoire: La Pologne achète 250 chars américains (2022-04-05)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’OTAN et les élections québécoises

Publié le 5 juillet 2018 | Temps de lecture : 3 minutes

Tout se tient.

En 2014, le gouvernement Harper s’est engagé à doubler les dépenses militaires du pays d’ici 2024.

C’est ainsi que le budget de la Défense passera de 1% à 2% du Produit intérieur brut canadien. En clair, c’est une dépense récurrente de quinze-milliards$ par année.

Comme le défunt contrat des chasseurs F-35, il est à prévoir qu’il s’agira pour le Canada d’acheter du matériel militaire américain pour lequel notre pays n’obtiendra que très peu de retombées économiques.

Pour une famille de quatre personnes, cela équivaut annuellement à 2 000$ de taxes et d’impôts supplémentaires. Et ce, alors que le risque de guerre mondiale est nul (la force militaire américaine étant cinq à dix fois supérieure à celle de la Russie).

Selon toutes les apparences, le gouvernement Trudeau entend respecter les engagements pris par le gouvernement Harper à ce sujet. Cela changera profondément la nature du Canada.

Puisque les États-Unis viennent de réduire substantiellement l’impôt des entreprises, l’État canadien n’aura pas d’autres choix que de diminuer le filet de protection sociale qui constitue une caractéristique fondamentale du pays.

Quel est donc le rapport avec les élections québécoises ?

Peu importe le parti qui remportera les prochaines élections provinciales, celui-ci devra renoncer à une bonne partie de ses projets lorsque le fédéral lui coupera progressivement les vivres d’ici 2024.

D’où la stupidité aberrante de toutes ces promesses de réduction de taxes par les partis de droite du Québec plutôt que de l’investir dans la réfection des écoles et des hôpitaux pendant que nous en avons encore les moyens.

Les compressions devenues nécessaires dans notre système de santé arriveront à un bien mauvais moment.

Le faible taux de chômage actuel au Québec s’explique par la mise à la retraite des babyboumeurs (ce qui rend leurs emplois disponibles à d’autres).

Mais dans cinq ou dix ans, débutera leur perte d’autonomie. D’où l’explosion des couts que leur état de santé requerra.

Un nombre croissant d’entre eux devront être placés dans des centres d’hébergement qui sont déjà en décrépitude et que nous n’auront pas restaurés, préférant profiter de réductions de taxes promises par certains politiciens.

En manque d’argent, peut-être regrettons-nous alors notre négligence à nous intéresser au gaspillage militaire du pays quelques années plus tôt…

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Écrit par Jean-Pierre Martel