Publié le 20 novembre 2024 | Temps de lecture : 4 minutes
Port d’Helsinki
Au cours des deux prochaines semaines, la Suède expédiera cinq-millions d’exemplaires d’une brochure de 32 pages destinée à préparer ses citoyens à la guerre ou à des catastrophes naturelles.
Ce document offre des conseils pratiques tels que la constitution de réserves de denrées alimentaires et d’eau, où trouver un abri en cas d’attaque aérienne, ce qu’il faut emporter en cas d’évacuation, et quoi laisser à la maison aux animaux domestiques puisqu’ils ne sont pas admis dans les abris.
C’est la cinquième fois depuis la Deuxième Guerre mondiale que la Suède procède à la distribution d’un tel document, aujourd’hui actualisé.
La Finlande a lancé un site web avec des conseils similaires.
Selon Le Parisien, cette campagne d’information se justifie par l’imminence d’une guerre avec la Russie.
Pour des millions d’Européens, une capitulation de l’Ukraine serait catastrophique puisqu’aussitôt (ou dès qu’elle s’en sera remise), une Russie vengeresse et assoiffée de sang se lancera à la conquête du reste de l’Europe. Ce qui déclencherait une Troisième Guerre mondiale.
Est-ce un scénario probable à brève ou à moyenne échéance ?
Au cours de la guerre russo-ukrainienne, l’armée russe a éprouvé de la difficulté à faire la conquête d’un pays de 38 millions de personnes. Elle y travaille depuis mille jours sans y être parvenue.
Et on prétend que, victorieuse sur l’Ukraine, la Russie lancerait ses troupes contre l’Occident, peuplé de 880 millions de personnes.
Une des différences fondamentales entre la Russie et les États-Unis, c’est que la Russie fait la guerre à ses frontières (Tchétchénie, Géorgie, Ukraine) alors que les États-Unis guerroient partout à travers le monde (Vietnam, Afghanistan, Irak, Syrie, Kosovo, etc.).
Ce qui est normal puisque les États-Unis se veulent les gardiens de l’ordre mondial (qui consacre leur hégémonie), alors que la Russie n’a pas cette prétention.
Quelles sont donc les raisons véritables de cette campagne de peur ?
Avant même son adhésion à l’Otan, la Suède possédait une armée compétente à laquelle elle consacrait plus de deux pour cent de son PIB (qui sera porté à 2,4 % en 2025).
Quant à la Finlande, déjà bien armée, elle compte augmenter de beaucoup son budget militaire d’ici 2026.
Toutefois, la guerre russo-ukrainienne révèle que même 2 % du PIB est insuffisant. Une guerre de haute intensité, comme celles menées par la Russie en Tchétchénie et en Ukraine, nécessite une quantité d’obus et d’ogives considérable, bien au-delà de ce qu’on croyait nécessaire jusqu’ici.
En raison de la rigueur budgétaire qui les caractérise, il est douteux que les gouvernements de ces deux pays choisissent de s’endetter pour financer l’augmentation substantielle de leurs dépenses militaires.
Pour y parvenir, il leur faudra sabrer leur filet de protection sociale. Une protection à laquelle les Finlandais et les Suédois sont très attachés et qui constituait jusqu’ici le dividende de la paix.
Pour qu’ils consentent à des sacrifices jugés nécessaires, il faut créer et entretenir la peur d’une guerre improbable… à moins, évidemment, d’être provoquée par l’Occident.
Publié le 9 juillet 2024 | Temps de lecture : 9 minutes
La conférence de Londres
Avant le début de l’invasion russe, l’Ukraine était le deuxième pays le plus pauvre d’Europe (devant la Moldavie). Or depuis, plus de 30 % de l’économie ukrainienne a été détruite.
De nos jours, l’État ukrainien vit sous le respirateur artificiel de l’Occident. Sans les sommes qui lui sont versées, Kyiv serait incapable de payer la solde des soldats, les salaires des professeurs, des médecins, des fonctionnaires, de même que la pension des retraités.
Selon Alain Juillet (de 16:45 à 17:50 dans le vidéo à la fin du texte), l’aide américaine serait exclusivement constituée de prêts accordés à l’Ukraine en contrepartie du contrôle américain sur la reconstruction à venir du pays.
À la conférence de Londres, tenu en juin 2023, une soixantaine de pays se sont entendus sur le financement de la reconstruction de l’Ukraine après la guerre. On estime que cette reconstruction coutera entre 410 et 750 milliards$, soit entre 230 % et 419 % de son PIB.
Si l’Ukraine devait assumer seule une telle reconstruction, elle deviendrait, de très loin, le pays le plus endetté au monde. Et les intérêts qu’elle aurait à payer sur sa dette la condamneraient à la ruine perpétuelle.
C’est Anthony Blinken, secrétaire d’État américain (soit l’équivalent de ministre des Affaires étrangères des États-Unis) qui a le mieux résumé le consensus auquel sont parvenus les pays représentés à la Conférence de Londres :
« Soyons clairs : la Russie est à l’origine de la destruction de l’Ukraine. Et la Russie finira par payer le cout de la reconstruction de l’Ukraine.»
Si on lit entre les lignes, cela veut dire « Ce n’est pas à nous, les États-Unis, de payer pour ça.»
En Afghanistan, les Américains n’ont rien dépensé pour la reconstruction du pays. En Irak, la reconstruction promise s’est limitée à réparer les routes et les ponts menant à la ‘zone verte’ (là où étaient stationnés les soldats américains à Bagdad). En Syrie, le pays est toujours en ruine. Quant à la Libye, après avoir renversé le régime de Kadhafi, on livré le pays au chaos et à l’anarchie.
Les États-Unis ont utilisé l’Ukraine pour affaiblir l’armée russe et tester le matériel de guerre américain dans les conditions réelles d’un conflit armé.
Maintenant que la Finlande a rejoint l’Otan, Washington n’a plus besoin de l’Ukraine pour y déployer ses missiles nucléaires au voisinage de la Russie.
Bref, l’Ukraine n’est plus utile aux États-Unis. Si bien qu’un nombre croissant d’experts trouvent que la poursuite de cette guerre n’en vaut pas la peine et qu’on devrait même fermer définitivement la porte de l’Otan à l’Ukraine pour avoir la paix.
Les États-Unis trouvent d’autant plus légitime de se désintéresser militairement de l’Ukraine que se propage en Europe la Nouvelle théorie des dominos.
En vertu de cette théorie, les soldats ukrainiens ne font pas que défendre leur pays attaqué par la Russie; ils se battent pour protéger le monde libre. Si l’Ukraine capitule, l’Europe tout entière tombera à son tour entre les mains de Vladimir Poutine.
En réalité, la Russie peine à faire la conquête d’un pays de 44 millions d’habitants, soit l’Ukraine avant la guerre. On voit mal comment elle pourrait guerroyer avec succès contre l’Occident qui totalise 880 millions d’habitants, soit vingt fois plus.
À preuve, c’est précisément parce que la Russie en a plein les bras en Ukraine qu’elle n’a rien fait, en septembre 2023, pour empêcher l’Azeibaïdjan d’annexer le Haut-Karabagh aux dépends de l’Arménie (son alliée).
La dette ukrainienne
Les pays créditeurs et le Fond monétaire international se sont entendus pour laisser à l’Ukraine jusqu’en 2027 pour payer ce qu’elle leur doit. Toutefois, il en est autrement des créditeurs privés.
On appelle moratorium tout délai accordé par la loi pour s’acquitter d’une dette. Depuis deux ans, l’Ukraine bénéficie d’un moratorium qui vient à échéance le 1er aout prochain.
Ce pays doit 24 milliards $US à des firmes privés d’investissements. Ce qui représente douze pour cent de son PIB.
Évidemment, en pleine guerre, l’Ukraine est incapable de payer cette somme. Elle leur propose une décote de 60 % — c’est-à-dire de les rembourser à hauteur de 40 cents par dollar de dette — alors que ceux-ci ne veulent pas accepter une décote supérieure à 22 cents (c’est-à-dire descendre en dessous de 78 cents par dollar de dette).
À défaut d’une entente, l’Ukraine se retrouverait en défaut de paiement. Ce qui ouvre la porte à des poursuites devant les tribunaux.
Ce qu’on craint, c’est que ces fonds d’investissement vendent leurs bons du Trésor ukrainien à des fonds spéculatifs (hedge funds) qui, tels des chiens pitbulls, s’acharneraient sur ce pays jusqu’au paiement de la totalité de ce qu’elle leur doit.
Le mirage de la confiscation
Depuis des mois, certains pays occidentaux font miroiter la possibilité de confisquer les biens russes détenus en Occident pour aider l’Ukraine à payer ses dettes. Cette idée s’apparente à un bluff.
• Déposséder les oligarques russes
Dans les pays occidentaux, le droit de propriété est sacré.
Si quelqu’un a commis un crime, les tribunaux peuvent le condamner à une amende, voire à être dépouillé de ses biens (en partie ou en totalité). Mais être ami avec quelqu’un qu’on déteste ne constitue pas un crime punissable de quoi que ce soit.
Henry Ford était un admirateur d’Hitler. Au moment de son embauche, chaque employé dans les usines Ford en Allemagne recevait une copie de Mein Kampf, écrit par Hitler. De plus à chaque anniversaire du führer, Ford lui versait un cadeau personnel de 50 000$ (ce qui équivaut aujourd’hui à un million de dollars).
À la fin de la guerre, le carrossier General Motor a eu l’audace de poursuivre le gouvernement américain pour les dommages subis à ses installations allemandes, celles qui participaient à l’effort de guerre de l’Allemagne nazie.
En 1967, GM a reçu 33 millions$ de dédommagement de la part du gouvernement américain.
Ce qui prouve bien que le caractère sacré du droit de propriété dans les pays capitalistes.
Conscient de cela, le Canada s’est vanté d’avoir saisi les biens d’oligarques russes, mais est incapable d’en fournir un seul exemple. Probablement parce qu’il sait qu’il n’a aucune base juridique pour ce faire.
• S’emparer des réserves monétaires de la Banque de Russie
Reste à savoir si les pays occidentaux peuvent saisir les devises que la Banque centrale de Russie possède à l’Étranger.
En temps de guerre, les pays peuvent geler les avoirs d’un pays ennemi : certains pays peuvent même les confisquer.
La différence entre les deux, c’est que le détenteur d’un bien ne peut en jouir tant que ce bien est gelé. Mais en demeure propriétaire. Dans le deuxième cas, il en perd la propriété.
Ceci est vrai en temps de guerre. Mais officiellement, les pays occidentaux ne sont pas en guerre contre la Russie. Ils nient même être co-belligérants.
Pour les créanciers étatiques de l’Ukraine, le plus grand risque n’est pas la capitulation de l’Ukraine puisqu’en soi, cela ne change rien à ses obligations.
Le risque viendrait d’un changement de statut juridique du pays.
Après la Deuxième Guerre mondiale, la Finlande et l’URSS ont conclu un traité d’amitié en vertu duquel la Finlande s’engageait respecter une stricte neutralité militaire. Ce qui a permis à ces deux voisins de vivre en paix depuis.
Mais après l’effondrement de l’URSS en 1991, la Finlande a estimé ne plus être liée par ce traité puisqu’il a été conclu avec l’URSS (qui n’existe plus) et non avec la Fédération de Russie (qui lui a succédé).
Le corolaire de cette logique (un peu mince, à mon avis) entraine que si l’Ukraine, amputée du cinquième de son territoire, devenait une république membre de la Fédération de Russie, elle échapperait à ses créanciers occidentaux puisqu’ils ont fait affaire avec un pays qui n’existerait plus.
Le meilleur moyen d’éviter ce risque, aussi léger soit-il, est que les États-Unis aient le contrôle des négociations de paix entre l’Ukraine et la Russie. De manière à s’assurer que l’effort de reconstruction repose entre leurs mains.
Pour ce faire, ils devront faire échouer toute tentative de paix qui ne viendrait pas d’eux.
Le résumé de géopolitique concernant l’Ukraine
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Pour terminer, je vous invite à écouter une conférence qu’Alain Juillet prononçait le 17 juin dernier et qui résume assez bien les enjeux géopolitiques qui concernent l’Ukraine.
Publié le 16 mars 2018 | Temps de lecture : 3 minutes
Selon l’ONU, les Finlandais sont devenus cette année le peuple le plus heureux sur Terre.
Dans le palmarès onusien, les sept premières places sont occupées par :
• la Finlande
• la Norvège
• le Danemark
• l’Islande
• la Suisse
• les Pays-Bas
• le Canada
Si la Russie n’était pas au 59e rang, on aurait pu croire que le froid fait le bonheur.
Pour les curieux, précisions que l’Allemagne est au 15e rang, les États-Unis au 18e, le Royaume-Uni au 19e, la France au 23e, et l’Italie au 47e.
En Finlande, la capitale est située dans la partie la plus au sud et la plus chaude du pays. En dépit de cela, il y fait une température maximale moyenne de 23°C au mois de juillet (avec des nuits fraiches à 14°C).
L’ensoleillement est bien meilleur que le suggère la situation géographique du pays. Dans les deux tiers les plus nordiques, l’ensoleillement s’apparente à celui de la Belgique et du nord de la France. Dans le reste de la Finlande, c’est comme le centre de la France. Exceptionnellement, la capitale jouit d’un microclimat aussi lumineux que celui du midi de la France (la température en moins).
86% de la Finlande est recouvert de forêt l’été et 100% du pays est recouvert de neige l’hiver. Une biodiversité moindre qu’en Europe centrale. Il y a peu de sols arables à cultiver.
Il y a exactement 150 ans, c’est dans ce pays que survint la dernière grande famine ayant des causes naturelles en Europe (plus d’une décennie après celle en Irlande).
D’où la question : qu’est-ce qui rend les Finlandais si joyeux ?
Selon l’ONU et d’autres organismes qui ont analysé la Finlande, les critères qui ont propulsé ce pays au premier rang mondial sont :
• le revenu familial
• l’espérance de vie en santé
• le filet de protection sociale
• des inégalités de revenus plus faibles qu’ailleurs
• la confiance dans le système juridique et dans la police
• la liberté et l’indépendance individuelles
• la générosité des uns envers les autres, et
• l’absence presque totale de criminalité organisée.
Selon l’ONU, la Finlande est le pays le plus stable, le plus sécuritaire et le mieux gouverné sur Terre.
Le taux d’alphabétisation y est très élevé et l’enseignement universitaire y est gratuit.
C’est un des pays les plus taxés au monde mais où les contribuables sont les plus convaincus d’en avoir pour leur argent.