Le mythe du néonazisme russe

Publié le 15 mars 2025 | Temps de lecture : 6 minutes


 
Introduction

Un tribunal finlandais de première instance condamnait hier le Russe Vojislav Torden (né Ian Petrovski) pour des faits survenus en Ukraine le 5 septembre 2014, c’est-à-dire il a plus d’une décennie.

Ce qui a attiré mon attention, ce sont les titres des articles publiés par des quotidiens francophones — mais, en réalité, écrits par l’Agence France-Presse (AFP) — qui, unanimement, qualifient de ‘néonazis’ l’accusé, de même que la milice Roussitch qu’il dirigeait à l’époque.

En réalité, Roussitch fait partie des milices armées hypernationalistes (et non néonazies) qui servaient de supplétifs à l’armée russe. En Ukraine, ces milices ont commis des crimes de guerre. Comme tous les belligérants dans ce conflit.

Nationalisme russe vs néonazisme

La différence fondamentale entre le nationalisme russe et le néonazisme, c’est que le premier glorifie la Russie (de même que sa culture) et s’oppose aux pays qui la menacent, alors que le second est une idéologie haineuse à l’égard de ‘races’ ou de groupes ethniques.

Autrefois dans l’URSS et aujourd’hui dans la Fédération de Russie, la haine interethnique est une menace à la cohésion sociale. Voilà pourquoi elle y est combattue.

D’où le fait qu’à l’éclatement de l’URSS, une multitude de conflits ethniques (longtemps réprimés) ont éclaté en ex-Yougoslavie, en Ukraine et en Géorgie.

La diabolisation du néonazisme en Russie

Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, entre 22 et 27 millions de Russes ont perdu la vie, soit entre treize et seize pour cent de la population du pays.

Depuis ce temps, le nazisme est diabolisé en Russie. Et toute personne qui se réclamerait de cette idéologie y serait aussitôt considérée comme un traitre et arrêtée.

Le contexte ukrainien en 2014

Le 23 février 2014, le parlement ukrainien annonçait son intention de retirer au russe son statut de langue officielle dans les régions du pays où les Ukrainiens russophones étaient majoritaires.

Si le gouvernement canadien avait le pouvoir de retirer au français son statut de langue officielle au Québec, il provoquerait l’indépendance du Québec.

Pour écraser la révolte dans l’Est de l’Ukraine, Kyiv a secrètement payé des milices néonazies œuvrant dans l’ouest de l’Ukraine pour qu’elles viennent massacrer les insurgés russophones à l’autre extrémité du pays.

Voilà pourquoi, entre 2014 et 2022, cette guerre civile a fait entre quatorze et seize-mille morts, très majoritairement parmi la population russophone de l’Est du pays.

L’accusation contre Vojislav Torden

Le 5 septembre 2014, la milice Roussitch a pris en embuscade un convoi transportant des soldats du bataillon néonazi Aïdar, incorporé dans les forces de défense ukrainienne.

À cette occasion, vingt-deux miliciens sont morts et quatre ont été blessés.

Vojislav Torden a été condamné hier pour avoir exécuté un des prisonniers, fait mutiler un autre (mort depuis de ses blessures), et fait publier sur les médias sociaux des photos sur lesquelles ses miliciens posaient fièrement devant le cadavre d’un de leurs prisonniers (ce qui est interdit par la Convention de Genève).

Une compétence extraterritoriale ?

En Droit international, seule la Cour pénale internationale (située à La Haye, aux Pays-Bas) a autorité pour juger les personnes responsables de crimes de guerre.

Vojislav Torden n’était pas visé par un mandat international de cette cour et les crimes pour lesquels il a été condamné en Finlande n’ont pas été commis dans ce pays. De plus, l’accusé n’est pas Finlandais, et ses victimes ne le sont pas non plus.

Si ce jugement est présenté contre une grande victoire contre l’impunité des criminels de guerre, c’est surtout un précédent en vertu duquel le système judiciaire de n’importe quel pays peut prétendre à l’extraterritorialité de la compétence de ses tribunaux.

Conclusion

Pour justifier la présence avérée de milices néonazies en Ukraine, la propagande occidentale essaie depuis plus de dix ans de nous faire croire que le néonazisme existerait aussi en Russie.

Le message implicite est le suivant : pourquoi la Russie se plaint-elle de la présence de milices néonazies en Ukraine quand elle-même les tolère sur son propre territoire ?

Ce qui étonne, c’est l’unanimité de la presse occidentale — notamment les grands quotidiens alimentés par l’Agence France-Presse (AFP) — à répéter le mensonge grossier qui consiste à confonde le nationalisme russe à du néonazisme alors que les deux sont complètement différents.

Références :
Alexeï Miltchakov
Droit international et géopolitique (première partie)
En Ukraine, la milice russe néo-nazie Rusich encourage la torture des prisonniers ukrainiens
Finnish Verdict Due for Russian Accused of Ukraine War Crimes
Finlande : un néonazi russe condamné à la pérpétuité pour des crimes de guerre en Ukraine
Guerre en Ukraine : Qui est ce néonazi russe condamné en Finlande pour crimes de guerre ?
Guerre en Ukraine : un néonazi russe condamné à perpétuité, « une étape-clé dans la lutte contre l’impunité »
Johann Chapoutot, historien : « Ce sont les libéraux autoritaires qui ont porté les nazis au pouvoir »
Groupe Roussitch
Un néonazi russe condamné à la pérpétuité en Finlande pour des crimes de guerre en Ukraine
La condamnation d’un néonazi russe en Finlande pour des crimes de guerre commis en Ukraine, un procès qui pourrait faire jurisprudence
La nostalgie nazie en Ukraine
Pertes humaines pendant la Seconde Guerre mondiale
Russian Neo-Nazi Leader Receives Life Sentence in Finland for War Crimes in Ukraine
Ukraine : la Finlande soupçonne un néonazi russe de crime de guerre en 2014
Ukraine : l’histoire secrète de la révolution de Maïdan
Un néonazi russe condamné à la pérpétuité en Finlande pour des crimes de guerre en Ukraine (L’Express)
Un néonazi russe condamné à la pérpétuité en Finlande pour des crimes de guerre en Ukraine (TV5 Monde)
Un paramilitaire néonazi russe condamné à la perpétuité en Finlande pour des crimes de guerre en Ukraine
24e bataillon d’assaut « Aidar »

Compléments de lecture :
La corruption de la presse occidentale par Washington
Communistes = Nazis ? Entretien et débunk avec Johann Chapoutot, historien (vidéo)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Guantánamo : dix ans de honte

Publié le 13 janvier 2012 | Temps de lecture : 3 minutes

Des 779 prisonniers de la base américaine de Guantánamo, sur l’île de Cuba, 171 y sont encore détenus dont 89 en attente de transfert vers d’autres pays. On y compte maintenant dix-sept fois plus de gardiens que de détenus. Cette détention coûte aux contribuables américains la somme annuelle de 800,000$ par prisonnier.

Les tortures infligés aux détenus allaient de l’anodin (le Coran jeté sous leurs yeux dans un seau d’urine) à la noyade simulée (à laquelle le cerveau des attentats du 11 Septembre 2001 et numéro 3 d’Al-Qaida, Khaled Cheikh Mohammed, a été soumis 183 fois).

Vingt-neuf d’entre eux y ont fait 41 tentatives de suicide. Cinq de ces tentatives, toutes survenues depuis 2006, ont été réussies.

Toutefois, trois de ces « suicides » sont en réalité des tortures à mort survenues le 9 juin 2006. Les détails entourant leur décès sont tellement accablants qu’ils ont été maintenus confidentiels jusqu’ici. Toutefois, environ 1,700 pages du rapport d’enquête de l’U.S. Naval Criminal Investigative Service, ont été déchiffrées est reconstituées par une armée d’étudiants de la faculté de droit de l’Université Seton Hall du New Jersey, à partir des copies abondamment censurées publiées par le Pentagone.

Seulement six des prisonniers de Guantánamo ont été condamnés par des tribunaux militaires à l’issue de procès qui ont été un total déni de justice.

Un de ces six condamnés est Omar Ahmed Khadr. Même si sa famille était voisine et amie de celle d’Osama Ben Laden en Afghanistan, les militaires américains n’ont jamais réussi à prouver l’implication terroriste du jeune Kahdr, encore adolescent au moment des actes reprochés.

Celui-ci a été retrouvé évanoui sous des débris, le visage contre le sol, une balle tirée dans le dos : il fut condamné pour le meurtre d’un soldat tué lors de l’assaut du lieu où il se trouvait, comme si s’opposer par les armes à des envahisseurs constituait un acte terroriste.

Au cours des années, cinq des procureurs chargés d’obtenir la condamnation des prisonniers ont démissionné pour protester contre le déni de justice des procédures.

Bref, cette prison est le symbole de la faillite morale de l’administration républicaine de G.W. Bush; parmi une multitude de miliciens simplement hostiles aux États-Unis, elle renferme une quinzaine de terroristes contre lesquels dix ans de torture n’ont pas suffi à recueillir les preuves indiscutables de leur culpabilité.

Elle a compromis un grand nombre de gardiens, d’officiers, de professionnels de la santé, d’avocats et de dirigeants politiques américains qui partagent aujourd’hui la responsabilité des crimes de guerre qu’on y a commis.

Références :
Guantanamo Bay detention camp suicide attempts
Guantánamo: still a part of America’s conscience, a decade on
The Guantánamo “Suicides”: A Camp Delta sergeant blows the whistle

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Écrit par Jean-Pierre Martel