L’électricité accordée aux centres de données : du gaspillage ?

Publié le 10 février 2025 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Le 25 janvier dernier, une manchette du Journal de Montréal a attiré mon attention; ‘Intelligence artificielle: pas de nouveaux centres de données au Québec malgré les milliards de Trump’.

Ce que ce titre suggère, c’est que pendant que l’administration Trump débloque des milliards pour l’intelligence artificielle (IA), le Québec reste là à regarder passer le train.

Ordinateurs et IA : qui fait quoi ?

Le projet Stargate est une initiative de trois géants de l’informatique mondiale —  Oracle, la société de portefeuille SoftBank, et le groupe Open AI — dans lequel l’administration Trump a promis d’investir annuellement cent-milliards de dollars américains pendant quatre ou cinq ans.

D’après les informations rendues publiques, il semble que ces sommes ne serviront pas à développer l’IA elle-même, mais, dans un premier temps, à créer les infrastructures permettant d’exécuter et d’entrainer des modèles d’IA complexes.

Puis, en vue de l’utilisation massive de l’IA par le public, on créera en sol américain de pharaoniques centres de données qui alimenteront ses requêtes d’IA. Et il est possible que cet investissement serve également à assurer leur approvisionnement énergétique par la construction de minicentrales nucléaires.

Déjà, tous les logiciels de conception assistée par ordinateur, de traitement de texte ou de retouche photographique, par exemple, s’exécutent à la fois localement (sur l’ordinateur de l’utilisateur), et sur le serveur qui héberge sa version dématérialisée.

Lorsqu’un bouton ou un hyperlien change de couleur au passage du curseur de la souris, ce qui rend ce bouton suffisamment intelligent pour savoir qu’il doit alors changer d’aspect, c’est du code qui s’exécute localement.

Mais quand le logiciel aura besoin d’adresser une requête complexe d’IA, le serveur qui héberge sa version infonuagique transmettra cette requête aux ordinateurs surpuissants de Stargate.

Entre l’ordinateur infonuagique qui transmet une requête d’IA et le super-ordinateur qui l’exécutera, il y a le même rapport qu’entre l’employé d’un restaurant qui transmet votre commande au chef, et ce chef en cuisine qui prépare vos mets.

Et pour poursuivre cette analogie, le résultat de la requête qui apparait à l’écran est l’équivalent du mets qu’on dépose devant le client attablé du restaurant.

Les centres de données ‘ordinaires’

En 2021, le gouvernement de la CAQ souhaitait faire du Québec l’eldorado des centres de données.

Malheureusement, tout comme les fermes de minage de cryptomonnaie, les centre de données entrainent très peu de retombées économiques.

Ils ont besoin de main-d’œuvre au moment de la construction de leurs bâtiments. Mais une fois cela complété, ils fonctionnent tout seuls ou presque; ce sont de grands hangars dans lesquels on empile, du plancher au plafond, des milliers d’ordinateurs sur des étagères. Le tout est acheté en lot de l’Étranger (généralement de Chine).

Et ça roule avec très peu de personnel.

Entre vendre de l’électricité à des États américains — ce qui ne crée aucun emploi au Québec — et vendre la même chose à des centres de données qui en créent peu, c’est presque du pareil au même.

Toutefois, vendre de l’électricité à 3,98 cents du kilowatt-heure (le prix demandé par la CAQ à nos centres de données), et dézoner nos meilleures terres agricoles pour leur permettre de s’installer au Québec en dépensant le moins possible, on devrait faire faire cela quand on est très, très, très mal pris.

Il y a actuellement 52 centres de données en sol québécois, dont la moitié sont américains. Au total, ces centres consomment approximativement 153 MV d’électricité.

À titre de comparaison, le fabricant de batteries électriques Northvolt aurait eu accès à 360 MV (un peu plus du double) et son usine aurait employé trois-mille travailleurs.

Jusqu’ici, la CAQ a attribué des blocs d’énergie représentant 153 MV à des centres de données et encore plus, soit 287 MV, à des fermes de minage de cryptomonnaie.

Le résultat, c’est que le ministère de l’Économie a dû renoncer, par manque d’énergie, à des projets industriels majeurs totalisant 30 000 MV.

Références :
Critères d’attribution des blocs d’énergie: «On est dans le néant», déplore un entrepreneur
Intelligence artificielle: pas de nouveaux centres de données au Québec malgré les milliards de Trump
Le Québec se veut le nouvel eldorado vert des centres de données
Plus de 80% des centres de données ici appartiennent à des intérêts hors Québec
Stargate, le projet titanesque des États-Unis
Voici les gagnants des blocs d’énergie attribués par le ministre Fitzgibbon

Paru depuis : La face sombre des centres de données (2025-04-05)

Complément de lecture : Big tech’s new datacentres will take water from the world’s driest areas (2025-04-09)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les garderies-ghettos

Publié le 13 novembre 2024 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

C’est le journaliste Francis Vailles, de La Presse qui révélait hier que dans la région de Montréal, trente-six garderies subventionnées par l’État n’acceptent que des enfants qui appartiennent à certaines minorités ethniques ou religieuses.

Ces garderies offrent environ deux pour cent des 134 000 places disponibles dans la région de Montréal⁠.

C’est en 1998 que le Québec a déconfessionnalisé son système scolaire, abolissant ainsi à la fois les commissions scolaires catholiques et protestantes.

Qu’un quart de siècle plus tard, apparaissent des garderies confessionnelles subventionnées par l’État, cela représente un retour en arrière.

Si une garderie veut se constituer en ghetto qui n’accepte que des enfants de parents qui partagent la même confession religieuse ou la même ethnie — voire la même aisance financière — elle ne doit pas être subventionnée par l’État.

Les dangers de la ghettoïsation

Quarante ans après que le parlement de Stockholm eut décidé de transformer la Suède en un pays multiculturel, celui-ci est devenu la capitale du viol en Occident.

Non pas que le multiculturalisme ou que l’immigration conduisent séparément à ce résultat, mais parce que de 2005 à 2016 ce pays a accueilli un grand nombre de réfugiés — majoritairement d’Afghanistan, d’Iran, d’Irak, de Syrie, de Somalie et d’Érythrée — qu’il n’a pas pris le soin d’intégrer à la culture du pays en raison du laisser-faire inhérent au multiculturalisme.

Or leur nombre n’est pas négligeable; en 2019, un Suédois sur cinq était né à l’Etranger.

De son côté, la France est opposée au multiculturalisme. Mais elle a laissé se développer des banlieues qui se sont constituées en ghettos mono-ethniques au sein desquels les valeurs républicaines sont demeurées étrangères à la mentalité de la majorité des jeunes qui y habitent.

Multiculturalisme vs convergence culturelle

Le multiculturalisme canadien encourage l’appartenance ethnique en tant que marqueur identitaire. Il favorise la tendance naturelle du repli rassurant entre semblables.

De son côté, la convergence culturelle n’oblige pas le Québécois né à l’Étranger à épouser les valeurs québécoises. Mais il le motive, entre autres, en pénalisant le repli sur soi.

Cesser le financement des garderies-ghettos par l’État les rend plus onéreuses et dissuade ainsi les parents d’y envoyer leurs enfants.

La solution du guichet unique

L’apparition des garderies-ghettos est le résultat du laisser-faire de la CAQ.

Ce laisser-faire s’explique par le fait que la manière pour la CAQ de diminuer les taxes tout en prétendant que cela n’affecte pas la qualité des services, c’est de ne jamais vérifier dans quelle mesure les normes sont respectées, notamment après l’adoption de budgets insuffisants.

Et comme chaque dollar dépensé en inspection est un dollar de moins pour créer une place en garderie, c’est une raison de plus pour ne pas aller voir ce qu’on a intérêt à ne pas savoir.

Pour empêcher les garderies de se constituer en ghettos, le gouvernement se propose de créer un guichet unique qui attribuera les places automatiquement à partir de l’automne 2025.

Comme c’est facile.

Dans un pays idéal, les parents devraient avoir le choix de la garderie où envoyer leurs enfants. S’ils jugent approprié de les retirer d’une garderie privée subventionnée parce que la salubrité ou l’encadrement pédagogique y laisse à désirer, ils devraient en avoir le droit.

Malheureusement, dans un contexte de sous-financement des garderies et du nombre insuffisant de places, le choix des parents est limité.

Si en plus, c’est un ordinateur qui détermine là où leurs bambins doivent aller, on abolit tout incitatif à l’excellence de la part des garderies subventionnées. C’est le nivèlement par le bas.

Évidemment, le guichet unique existe aussi en santé. Mais le nivèlement par le bas y est contré par les inspections des Ordres professionnels qui s’assurent du maintien de la qualité des services. Ce qui n’est pas le cas du personnel en garderie privée.

Ce que l’article de La Presse nous apprend, c’est qu’à défaut d’inspections de routine, avant que le gouvernement apprenne les lacunes qui sévissent dans une garderie, cela prend des années.

Après l’instauration de son guichet unique, commenceront les années au cours desquelles les parents seront forcés d’envoyer leurs enfants à la garderie déterminée par ‘l’ordinateur de la CAQ’.

Références :
Confessionnalisme et neutralité religieuse dans les écoles de Montréal
Immigration en Suède
La convergence culturelle : communion et symbiose
La Suède, capitale du viol en Occident
Le multiculturalisme ou le tribalisme des sociétés anglo-saxonnes
Places en garderie : un « vrai » guichet unique dans un an
Trente-six CPE sélectionnent selon l’ethnie ou la religion

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Transport en commun : les comptables à la rescousse de la CAQ

Publié le 8 novembre 2024 | Temps de lecture : 5 minutes
Passagers évacuant un train en panne dans le tunnel du métro

Le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) est pro-automobile et anti-transport en commun.

Contrariée d’avoir à payer le déficit croissant des sociétés de transport, la CAQ a demandé un audit à leur sujet, c’est-à-dire un examen de leurs comptes et leurs états financiers.

Hier, les comptables de Raymond Chabot Grant Thornton ont rendu public leur rapport. Celui-ci signale qu’il serait possible de réaliser 346 millions de dollars d’économies en ‘optimisant’ les dépenses des sociétés de transport.

On connait la chanson.

Depuis plusieurs décennies, nous élisons des partis politiques qui promettent ‘de couper dans le gras’, de procéder à la ‘réingénierie’ de l’État, de ‘remettre de l’argent’ dans les poches des contribuables. Le tout sans affecter la qualité des services que nous recevons, parait-il.

Le résultat, c’est que notre filet de protection est en ruine, que la construction de logements sociaux se fait au compte-goutte (aggravant la crise du logement), et qu’il y a annuellement mille pannes (de plus de cinq minutes) dans le métro de Montréal alors que certaines années, sur la ligne principale du métro de Paris, il n’y en a aucune (aucune comme dans zéro).

Évidemment, la firme Raymond Chabot Grant Thornton a raison; on peut toujours presser le citron encore plus tant qu’il n’est pas complètement sec, faire appel au privé (qui s’en mettra plein les poches) et appliquer au transport en commun les recettes désastreuses que la CAQ et le PLQ ont appliquées à notre système de Santé.

La vérité, c’est que le transport en commun souffre de sous-investissement chronique.

Si la CAQ disposait d’une véritable stratégie industrielle — autre que la filière batterie (qui bat de l’aile) — elle aurait compris que plus les Québécois achètent des voitures, plus des milliards de dollars quittent chaque année le Québec pour enrichir les pays qui produisent les voitures et l’essence que nous leur achetons.

Depuis qu’elle est au pouvoir, la CAQ a payé les factures du Réseau express métropolitain (déjà en construction), mais elle a différé tous les autres projets de transport en commun à l’exception du Service rapide par bus le long de la rue Pie-IX.

Elle a même retardé l’achèvement des stations à venir du REM (donc autres que les quatre déjà en service) puisque plus le réseau s’agrandit, plus son déficit d’opération s’accroit.

Finalement, rien ne nous assure que l’annonce toute récente du prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal ne pourrait pas faire l’objet d’une autre volteface de la CAQ.

Avec un gouvernement réellement nationaliste au pouvoir, le Québec investirait massivement dans le transport en commun électrique fabriqué au Québec.

Dans l’étude que j’ai réalisée en 2018 en comparant la Finlande au Québec, cette étude concluait que si nous avions investi dans le transport en commun comme la Finlande l’a fait depuis quatre décennies, il y aurait 3,1 millions de véhicules de moins sur nos routes, dont 694 000 sur l’ile de Montréal.

Ce qui prouve qu’investir dans le transport en commun, ce n’est pas seulement avantageux pour ceux qui l’utilisent, mais également pour les automobilistes.

En effet, en faisant disparaitre un grand nombre de voitures qui encombrent nos rues, cela entraine une conduite plus agréable pour les automobilistes qui restent, moins d’accidents, moins de rage au volant, et des milliards de dollars de moins dépensés annuellement au Québec à l’achat de voitures et à leur entretien.

Finalement, si nous voulons sauver la planète, il faut moins consommer. Et un des moyens d’y parvenir, c’est de cesser, lorsque cela est possible, d’acheter des voitures, qu’elles soient à combustion ou électriques.

Et pendant que la CAQ cherche à assécher les finances de nos services de transport en commun, la Chine construit un TGV de 1 629 km qui traversera l’Himalaya au cout de cinquante-milliards de dollars. Et la Russie, en dépit des sanctions financières de l’Occident, annonçait en septembre dernier qu’elle construira un TGV entre Moscou et Saint-Pétersbourg, long de 680 km, au cout de 24 milliards d’euros.

Références :
Fizgibbon et le parc automobile du Québec
Le TGV entre Moscou et Saint-Pétersbourg prend forme et il sera un des plus rapides au monde
Le transport en commun finlandais : le matériel roulant
Métro de Montréal : le champion mondial des pannes
Portes palières et pannes de métro
Prolongement de la ligne bleue : les travaux sont lancés
Transport collectif : une firme mandatée par Québec a trouvé comment économiser 346 M$
Why is China Building a $50 Billion Railway in the Himalayas? (vidéo)

Paru depuis : 102 interruptions d’au moins une demi-heure: l’année 2024 fut pénible pour les usagers du métro (2025-01-27)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Francisation : l’insignifiance de la CAQ

Publié le 17 septembre 2024 | Temps de lecture : 9 minutes

Introduction

On apprend ce matin que la première décision du nouveau ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration est de couper l’allocation de 28$ par jour que le gouvernement de la CAQ offrait aux néoQuébécois qui assistent aux cours de francisation donnés par l’État.

Jean-François Roberge est un des plus brillants ministres de la CAQ. Et c’est un excellent communicateur; il pourrait vendre des réfrigérateurs aux Esquimaux.

Pour justifier sa décision, il affirme :

On n’a plus besoin de cette mesure incitative, nos listes d’attente débordent !

Le ministre oublie de dire que les listes débordent parce que son offre de francisation est nettement insuffisante.

Entre l’année fiscale 2018-2019 et l’année 2023-2024, le nombre de participants à ces cours a plus que doublé, passant de 30 734 à 68 844.

Malgré cette augmentation, le nouveau commissaire à la langue française estime que l’offre de francisation correspond à environ 5 à 6 % du nombre nécessaire pour que les immigrants temporaires puissent parler couramment français.

En d’autres mots, si on n’admettait plus aucun immigrant temporaire, cela prendrait seize à vingt ans pour franciser ceux qui sont déjà sur le territoire québécois.

Plus tôt cette semaine, le premier ministre a déclaré à l’Assemblée nationale que le nombre d’immigrants temporaires au Québec était passé (en gros) de 300 000 à 600 000 personnes en deux ans.

Le fiasco de la francisation

En Grande-Bretagne, un immigrant ne peut pas mettre le pied sur le sol britannique s’il n’a pas déjà la connaissance de l’anglais. De manière conséquente, un citoyen britannique ne peut pas faire venir son conjoint de l’Étranger si cette personne ne parle pas l’anglais.

La CAQ a choisi une autre approche. L’exigence préalable n’est pas demandée. Toutefois, le requérant à l’immigration doit s’engager à apprendre le français au cours des trois années qui suivent son arrivée au Québec. À défaut de quoi la CAQ exigera son expulsion du pays par le gouvernement canadien.

En d’autres mots, Québec demandera à Ottawa — où la majorité des fonctionnaires sont des Anglophones unilingues — d’expulser des gens dont le crime aura été d’être eux aussi des Anglophones unilingues.

C’est épouvantable; ils avaient dit qu’ils apprendraient le français” dira la CAQ. “Ya, big deal” répondront les fonctionnaires d’Ottawa en bâillant.

Lorsque la francisation est exigée préalablement, cela ne coute rien à l’État puisque ceux qui veulent venir au Québec se francisent à leurs frais dans leur pays d’origine… à l’exception des réfugiés, évidemment, en raison de l’urgence de leur situation.

Mais quand c’est l’État qui francise ceux qu’il a admis au pays, il faut des classes de francisation et des enseignants. Et quand cela ne suffit pas, il faut offrir une prestation financière. Tout cela est dispendieux.

Or l’expérience démontre l’échec de cette approche.

Avant même l’arrivée de la CAQ au pouvoir, on savait que :
• les deux tiers des immigrants qui ne pouvaient pas parler français à leur arrivée ne se donnaient même pas la peine d’assister aux cours gratuits qu’on leur offrait,
• le tiers des inscrits abandonnaient leur formation avant la fin, et
• dans 90 % des cas, ceux qui tenaient bon jusqu’à la fin étaient toujours incapables de fonctionner en français.

Bref, c’est un fiasco.

Lorsqu’une situation est désespérée et qu’on croit que ça ne peut pas être pire, il arrive souvent qu’on réalise que le pire est possible. En fait, ça peut toujours être pire; ça dépend de ce qu’on fait.

Le 10 aout dernier, on apprenait que la CAQ obligeait un certain nombre d’écoles à réduire ou à limiter le nombre de classes de francisation et ce, malgré l’explosion de la demande.

Et maintenant, le ministre Roberge coupe les allocations destinées à motiver les néoQuébécois à apprendre le français.

Est-il nécessaire d’avoir une boule de cristal pour prévoir la suite des choses ?

Les “prometteux” de la CAQ

En mai 2023, la CAQ annonçait son intention d’exiger la connaissance du français comme condition préalable à l’immigration.

Pour la première fois depuis que la CAQ est au pouvoir, je me réjouissais d’entendre cela.

Mais un détail m’avait échappé; la CAQ n’annonçait pas la mise en application d’une mesure, mais la simple intention de l’adopter.

Depuis, on attend.

Le 27 aout 2024, soit quinze mois plus tard, le quotidien Le Devoir révélait qu’il faudra attendre encore pour savoir concrètement comment la CAQ compte imposer préalablement la connaissance adéquate du français à ceux qui veulent immigrer au Québec.

La règlementation habilitante sera ‘pré-publiée’ cet automne en vue d’une entrée en vigueur souhaitée en 2025… si, évidemment, la CAQ n’y renonce pas d’ici là.

Bref, la politique linguistique de la CAQ est comme les éoliennes; elle change en fonction du vent.

La défense homéopathique du français par la CAQ

Le comble de l’insignifiance est cette campagne publicitaire — une grande mobilisation citoyenne, dit le ministre Roberge — invitant les citoyens à exiger d’être servis en français et d’exiger de travailler dans notre langue.

La langue de travail

La Loi 101 interdit à un employeur d’exiger de ses employés la connaissance de l’anglais à moins que cela soit strictement nécessaire.

En somme, pour franciser les milieux de travail, la Loi 101 exige l’unilinguisme français par défaut.

À tort ou à raison, 63 % des entreprises montréalaises exigent de leurs employés la connaissance de l’anglais. Et dans certains cas (notamment les entreprises fédérales), on embauche fréquemment des anglophones unilingues. Ce qui a pour effet de faire de l’anglais la langue de travail plutôt que le français.

Lorsque le ministre Roberge demande aux travailleurs francophones d’exiger de travailler dans leur langue, que veut-il dire exactement ?

Veut-il dire que, lors d’une entrevue d’embauche, celui qui aspire à un poste fasse savoir à l’employeur qu’il refusera de parler autre chose que le français ? Ou qu’il acceptera de parler anglais uniquement selon son bon vouloir ?

Veut-il dire que ceux qui ont déjà un emploi devraient dorénavant refuser de parler autre chose que la langue de Molière ?

Concrètement, je n’arrive pas à comprendre ce que veut dire ‘exiger de parler le français’ pour celui qui n’a généralement aucun recours s’il est congédié sauf de porter plainte au Tribunal du travail et d’attendre deux ou trois ans avant que sa cause soit entendue.

La langue de service

Notre ministre ponce-pilate veut remettre la défense du français entre les mains du citoyen. Bien.

Si le ministre veut que les citoyens aient la responsabilité de faire respecter la Loi 101, qu’il leur en donne les moyens, notamment l’accès direct aux tribunaux.

En d’autres mots, sans passer par la plainte à l’Office québécois de la langue française. Une plante qui, dans l’immense majorité des cas, ne donne rien.

Lorsque l’État transfert ses responsabilité sans transférer ses moyens répressifs, cela veut dire : arrangez-vous avec vos troubles.

Au contraire, il lui suffit de faire adopter une loi qui exempte, par exemple, le client de payer la note d’un restaurant s’il a été servi en anglais et c’est certain que les choses bougeront rapidement.

Pour défendre le français au Québec, les vœux pieux ne suffisent pas. Il faut que la personne responsable de cette défense (le ministre ou le peuple) dispose d’un pouvoir de coercition parce que cela ne se fera pas tout seul.

Conclusion

En théorie, le gouvernement québécois ne devrait rien dépenser du tout pour la francisation des néoQuébecois; à l’exception des réfugiés, aucun immigrant ne devrait mettre les pieds au Québec, sans connaitre préalablement le français.

Le message devrait être :

Bienvenue chez nous. Nous sommes heureux de vous accueillir alors que nous manquons de bras et de talents.

Toutefois, vous devez absolument prendre racine chez nous en français puisque nous refusons de devenir des étrangers dans notre propre pays.

En se dotant d’une politique linguistique couteuse et inefficace, la CAQ la soumet aux vicissitudes de la situation budgétaire de l’État québécois.

Les quinze ans de laisser-faire libéral auront donc été suivis par six ans d’hésitation caquiste.

Indépendamment de la question qui leur sera posée, la véritable question à laquelle les Québécois auront à répondre au prochain référendum sera, implicitement : «Préférez-vous affronter les tumultes d’une accession à l’indépendance ou renoncer à l’héritage de vos ancêtres et vous réfugier dans le confort d’une lente ‘louisianisation’ menant à l’extinction du peuple francoQuébécois ?»

Bref, c’est l’indépendance ou la mort.

Références :
Avec sa publicité sur la défense du français, le gouvernement Legault nous dit: «Débrouillez-vous», selon le Mouvement Québec français
Immigrants’ spouses ‘must speak English before entering UK’
La convergence culturelle : communion et symbiose
L’été est la saison des ‘p’titres vites’ : la CAQ manque d’argent pour franciser
L’immigration au Québec : enfin de bonnes décisions !
Manquer à ses promesses en francisation
Québec lance une nouvelle campagne publicitaire pour faire la promotion du français

Paru depuis : L’offre en francisation se réduit à Montréal, Granby et Sherbrooke (2024-10-17)


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Écrit par Jean-Pierre Martel


Doit-on bannir l’importation de matières fécales humaines ?

Publié le 5 septembre 2024 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Biosolides est le nom donné aux matières fécales humaines lorsqu’on les utilise pour la fertilisation des terres agricoles. On les appelle également boues d’épuration.

En principe, les biosolides sont très utiles. Qu’il s’agisse de fumier animal ou humain, le compost créé à partir d’eux contient de l’azote, du phosphore et du potassium (comme dans les engrais chimiques), mais également des oligoéléments, c’est-à-dire des sels minéraux essentiels au métabolisme des plantes.

Dans tous les cas, on doit simplement éviter que ces engrais organiques contiennent des niveaux élevés de contaminants toxiques.

Par mesure de prudence, la règlementation québécoise stipule également que lorsque du compost est fait à partir de fumier humain, il ne doit pas servir à engraisser des sols où poussent des plantes destinées à l’alimentation humaine.

Autre avantage : leur utilisation à titre de fertilisants évite qu’ils soient déversés dans nos cours d’eau par certaines municipalités quand leurs usines d’épuration sont débordées.

Voilà pourquoi les municipalités paient des entreprises spécialisées pour que celles-ci les débarrassent de leurs biosolides.

Pour les entreprises qui en font la distribution, cela est tellement payant qu’elles donnent littéralement ces engrais aux agriculteurs qui acceptent de s’en servir.

En 2021, le Canada a importé 70 000 tonnes de matières fécales des États-Unis. Annuellement, on estime que 2 300 camions chargés d’excréments américains traversent la frontière canadienne.

Les polluants éternels

Au cours de la pandémie au Covid-19, les autorités sanitaires du Québec échantillonnaient les matières fécales de diverses municipalités puisqu’il s’agissait d’un excellent moyen de connaitre l’étendue de l’infection au sein d’une population.

Depuis des décennies, on sait également qu’on trouve des traces de médicaments (ou de leurs métabolites) dans nos cours d’eau puisque l’immense majorité des médicaments sont de petites molécules que nos usines d’épuration n’arrivent pas à retenir.

C’est également le cas de produits industriels comme les ‘polluants éternels’.

En 2009, la Convention de Stockholm a classé le PFOS (l’acide perfluorooctane sulfonique) et ses sels comme des polluants organiques éternels en raison de leur nature omniprésente, persistante, bioaccumulable et toxique.

En Amérique du Nord, c’est principalement dans le Midwest américain qu’étaient situés les principaux producteurs de ces produits chimiques.

Au Minnesota, leur contamination est tellement répandue qu’ils ont même contaminé les nappes phréatiques.

En 2018, la compagnie 3M a accepté de payer 850 millions de dollars pour régler à l’amiable une poursuite de cinq-milliards$ intentée à ce sujet par cet État.

L’Ontario importe ses biosolides des États du Midwest américain alors qu’au Québec, nous les recevons de la Nouvelle-Angleterre (beaucoup moins contaminée).

L’État du Maine a totalement interdit leur utilisation et a condamné les terres agricoles contaminées par ces substances.

Les entreprises qui en faisaient le commerce au Maine ont donc cherché d’autres débouchés et se sont tournées vers le Québec.

La solution

Il y a deux ans, la révélation de ce scandale par Radio-Canada a obligé le gouvernement de la CAQ à imposer un moratoire sur l’importation des biosolides américains.

Après deux ans de réflexion, la CAQ songe à lever cette interdiction pour la remplacer par une norme du ministère de l’Environnement.

Après avoir abaissé l’an dernier les taux d’imposition de manière à priver l’État de recettes fiscales représentant deux-milliards de dollars par année, la CAQ manque d’argent; elle s’apprête donc à réduire ses dépenses partout.

Ceux qui croient que son ministre ‘Tefal’ de l’Environnement va embaucher des enquêteurs, payer pour faire analyser les échantillons prélevés par ceux-ci et imposer des amendes aux contrevenants, sont beaucoup plus optimistes que je le suis.

Pour éviter que le Québec ne redevienne la toilette des États-Unis, il faut une législation simple et dissuasive.

Or le plus simple est l’interdiction totale de l’importation de matières fécales, y compris en provenance d’autres provinces canadienne pour éviter que l’Ontario nous refile des biosolides hypercontaminés du Midwest américain.

Cette interdiction devrait être associée à une pénalité minimale d’un million de dollars dès la première infraction.

Et il suffira au ministère de l’Environnement de procéder de temps en temps à une filature comme l’a fait Radio-Canada, et d’encaisser les millions.

Interdire l’importation favorise l’émergence de l’industrie des biosolides au Québec (ce qui n’est quand même pas de la haute technologie) et nous donne une certaine assurance que nous ne contribuerons pas à nous polluer plus que nous le sommes déjà.

Références :
Les États-Unis nous emmerdent !
Québec veut limiter les PFAS dans les biosolides utilisés en agriculture
Scotchgard

Parus depuis :
Les agriculteurs québécois se méfient encore du « fumier humain » (2024-09-07)
US lawmakers push to exclude lucrative chemicals from official PFAS definition (2024-09-12)
Chemicals in sewage sludge fertilizer used on farms pose cancer risk, EPA says (2025-01-14)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’été est la saison des ‘p’titres vites’ : la CAQ manque d’argent pour franciser

Publié le 28 août 2024 | Temps de lecture : 5 minutes

Le volet migratoire de toute politique linguistique au Québec doit viser à maintenir l’équilibre linguistique, soit 80 % de locuteurs francophones.

Immédiatement avant la pandémie au Covid-19, seulement 55 à 60 % des néoQuébécois parlaient notre langue à leur arrivée.

La moitié des autres parlait anglais tandis que le reste possédait une connaissance insuffisante à la fois du français et de l’anglais.

À défaut de posséder tous les pouvoirs en matière d’immigration — ce que le Québec aurait en faisant son indépendance — les cours de francisation destinés aux néoQuébécois et aux immigrants temporaires représentent un des rares moyens dont dispose le Québec pour éviter l’extinction du peuple francoQuébécois.

Depuis toujours, les cours de francisation sont facultatifs et ne comportent pas de récompense en cas de réussite.

L’année qui a précédé la défaite libérale de 2018, la vérificatrice générale concluait que la francisation des immigrants était un échec.

Remis en 2017, son rapport révélait que les deux tiers des immigrants qui ne pouvaient pas parler français à leur arrivée ne se donnaient même pas la peine d’assister aux cours gratuits qu’on leur offrait. Que le tiers des inscrits abandonnaient leur formation avant la fin. Et que dans 90 % des cas, ceux qui tenaient bon jusqu’à la fin étaient toujours incapables de fonctionner en français.

Depuis 2018, la Coalition Avenir Québec (CAQ) est au pouvoir. De 2019 à 2024, les sommes allouées par la CAQ à la francisation des immigrants ont augmenté de 50 %, passant de 69 à 104 millions de dollars.

Entre l’année fiscale 2018-2019 et l’année 2023-2024, le nombre de participants a plus que doublé, passant de 30 734 à 68 844.

Malgré cela, ces sommes demeurent très insuffisantes selon le nouveau commissaire à la langue française en raison du déluge migratoire voulu par Ottawa afin de faire passer la population canadienne de 36 à 100 millions de personnes d’ici 2100.

Dans le rapport qu’il a remis plus tôt cette année, celui-ci estime que le nombre d’heures réalisées en francisation correspond à environ 5 a 6 % du nombre nécessaire pour que tous les immigrants temporaires puissent parler couramment français.

En d’autres mots, si on n’admettait plus aucun immigrant temporaire, cela prendrait seize à vingt ans pour franciser ceux qui sont actuellement sur le territoire québécois… en supposant qu’ils demeurent temporairement chez nous tout ce temps.

Ceci étant dit, où est la ‘p’tite vite’ du titre ?

C’est qu’on apprenait le 10 aout dernier (donc, en plein été) qu’en raison d’une ‘impasse budgétaire’, la CAQ force un certain nombre d’écoles à réduire ou à limiter le nombre de classes de francisation et ce, malgré l’explosion de la demande.

En d’autres mots, après avoir gaspillé en 2019 un milliard de dollars afin que l’industrie du taxi devienne compatible avec le modèle d’affaires d’Uber, après avoir abaissé l’an dernier les taux d’imposition de manière à priver l’État de recettes fiscales représentant deux-milliards de dollars par année, après avoir gaspillé l’électricité du Québec en la vendant au coutant à des mineurs de cryptomonnaies et des centres de données, voilà que la CAQ manque d’argent pour franciser nos immigrants.

Jean de la Fontaine écrivait : « La Cigale, ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue…»

Parions que bientôt la CAQ ira crier famine chez la fourmi fédérale, sa voisine, la priant de lui prêter quelques grains pour subsister…

Comme tout cela est pathétique…

Références :
Anglicisation du Québec : l’omelette de la loi 96
Controversy over Chinese miners in B.C. prompts review
Couillard regrette d’avoir dit le fond de sa pensée: les ouvriers doivent tous parler anglais!
Défense du français : les tergiversations de la CAQ
Face à un achalandage record, les délais chez Francisation Québec explosent
Francisation des immigrants – Québec loin de ses objectifs
Hausse « phénoménale » des demandes, mais peu d’impacts sur le français
Immigration temporaire :choisir le français
Immigration temporaire: jusqu’à 13 milliards $ pour la francisation
La baisse d’impôt promise par la CAQ ne fait pas l’unanimité
La Cigale et la Fourmi
La francisation des immigrants au Québec est un échec, selon la vérificatrice générale
Le miracle impossible de la francisation
L’ubérisation du taxi québécois : le premier grand gaspillage de la CAQ
Moins de classes de francisation malgré une forte demande

Paru depuis : L’offre en francisation se réduit à Montréal, Granby et Sherbrooke (2024-10-17)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’ubérisation du taxi québécois : le premier grand gaspillage de la CAQ

Publié le 3 juillet 2024 | Temps de lecture : 4 minutes
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Le contexte

À son arrivée au pouvoir en 2018, la CAQ héritait des surplus budgétaires dégagés par l’austérité budgétaire du gouvernement libéral de Philippe Couillard.

Plutôt que d’investir massivement dans les différentes missions de l’État négligées par quinze ans d’incurie libérale, la CAQ a préféré gaspiller ces surplus en accordant des réductions d’impôt et en ubérisant l’industrie du taxi québécois.

À l’époque, le grand gourou informatique de la CAQ était le ministre Éric Caire. Or celui-ci était formel; il fallait, à n’importe quel prix ubériser le taxi québécois afin de moderniser cette industrie. Comme si c’était la priorité économique de son gouvernement.

Grâce à l’application téléphonique d’Uber, les utilisateurs du taxi québécois pourront, disait-il, bénéficier de la facturation dynamique — c’est-à-dire d’un tarif fluctuant selon l’offre et de la demande — tandis que, d’autre part, n’importe quel automobiliste pourra se transformer en opérateur de taxi.

Pour un parti de droite comme la CAQ, Uber était le symbole de l’économie de demain, caractérisée par le ‘capitalisme participatif’.

Pour les utopistes libertariens, une démocratie parfaite serait celle où tous les citoyens, même les plus pauvres, seraient des capitalismes par gout ou par nécessité.

Toutefois, l’ubérisation de l’industrie du taxi nécessitait le rachat de tous les permis de taxi en circulation (sic).

Lorsque la CAQ l’a promise, il s’agissait d’une promesse mineure de son programme électoral. Essentiellement, à l’élection générale de 2018, l’immense majorité de ceux qui ont voté pour la CAQ, l’ont fait pour se débarrasser des Libéraux.

Si on leur avait demandé de nommer les principales promesses de la CAQ, presque personne n’aurait mentionné l’ubérisaton du taxi. Cette promesse était tellement mineure que la CAQ elle-même en ignorait le cout exact.

Mais bientôt, il s’est avéré que la somme à débourser était colossale. N’importe quel gouvernement responsable aurait renoncé à une promesse qui s’avèrerait excessivement couteuse.

Le dogmatisme idéologique du gouvernement

Lorsqu’une entreprise privée a besoin d’un bien pour opérer (un terrain, une bâtisse, de la machinerie, etc.), c’est à elle de l’acquérir à ses frais.

Si le modèle d’affaire d’Uber nécessite le rachat de tous les permis de taxi au Québec, c’est à Uber d’en assumer le cout.

Afin de plaire à cette multinationale, la CAQ a préféré gaspiller notre argent en rachetant les milliers de permis détenus par des Québécois. Des Québécois qui paient honnêtement l’impôt sur leurs revenus. Alors qu’Uber pratique l’optimisation fiscale en délocalisant ses profits dans des paradis fiscaux.

Si bien que la CAQ a dépensé une fortune pour diminuer ses revenus fiscaux.

À sa face même, c’était une idée stupide.

Le cout final

Le 21 juin dernier, la Cour supérieure condamnait le gouvernement de la CAQ à payer 143,9 millions de dollars supplémentaires en raison des sommes insuffisantes que la CAQ a versées jusqu’ici pour le rachat des permis de taxi.

Avec les intérêts, cela fait 220 millions de dollars. Cela s’ajoute à la somme versée en 2018 aux propriétaires de permis de taxi, soit 873 millions de dollars.

Au total, l’ubérisation de l’industrie du taxi a couté plus d’un milliard de dollars aux contribuables québécois.

Références :
Baisse d’impôts de la CAQ: voici combien vous pourriez économiser
Libertarianisme
L’ubérisation du taxi québécois
Perte de valeur des permis de taxis : Québec devra verser plus de 143 millions $

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II + objectif M.Zuiko 25mm F/1,2 — 1/320 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 25 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le marécage de la langue de service

Publié le 26 novembre 2019 | Temps de lecture : 6 minutes

Les trois principales cibles d’une politique linguistique sont la langue de travail, l’immigration et la langue de l’enseignement.

Le reste est beaucoup moins important.

Après une tentative maladroite de réformer la politique migratoire du Québec — un échec à la suite duquel le ministre a eu la noblesse de s’excuser — on apprend que Simon Jolin-Barrette entend réformer la politique de l’État au sujet de la langue de service.

Pour illustrer l’incohérence de l’État québécois à ce sujet, mentionnons que les gouvernements libéraux ont permis à ceux qui veulent obtenir leur permis de conduire de passer les examens théoriques dans n’importe quelle des langues suivantes : français, anglais, espagnol, mandarin et arabe. Et ce, en plus d’offrir des interprètes dans 32 langues.

Bref, tout pour éviter aux néoQuébécois la nécessité d’apprendre le français.

Digression : Dans son zèle à se soumettre béatement à la Canadian Constitution, l’ancien premier ministre libéral voulait même qu’on permette aux femmes qui portent la burka de passer l’examen pratique de conduite automobile, mettant en danger la sécurité des examinateurs. Fin de la digression.

En vertu de la Loi 101, l’État québécois doit communiquer exclusivement en français avec tout néoQuébécois, même s’il a été sélectionné par le gouvernement fédéral.

À cette fin, un code de langue apparait au dossier de chaque citoyen du Québec. Ce code permet de déterminer la langue dans laquelle sa correspondance doit lui être transmise. Dans le cas des néoQuébécois, ce code devrait être ‘français’ par défaut et être immuable. Ce n’est pas le cas.

À la page 29 de son rapport de septembre 2019, le Conseil supérieur de la langue française révélait que ce code était modifié sur demande sous les gouvernements libéraux.

Si bien que 41 organismes relevant du gouvernement du Québec (dont certains ministères) permettent aux néoQuébécois qui ne parlent pas français à leur arrivée de communiquer en anglais avec ces organismes durant toute leur vie.

Le gouvernement caquiste entend corriger cette anomalie.

L’intention du gouvernement actuel est de faire en sorte que l’État québécois ne communique en anglais qu’avec la communauté anglophone, tel qu’exigé par la Loi 101.

Le mardi 12 novembre dernier, le député libéral Gregory Kelly a demandé au ministre sa définition de la communauté anglophone et comment il allait reconnaitre ceux qui en font partie.

Plus précisément, le député a posé la question suivante : « Est-ce que ma mère, née à Toronto, a besoin d’une carte d’identification, d’un NIP pour parler en anglais avec quelqu’un de Services Québec

La réponse à cette question est simple.

Les Québécois francophones n’ont pas le droit constitutionnel d’être servis en français lorsqu’ils communiquent avec les gouvernements des provinces anglophones du pays.

De manière analogue, le gouvernement québécois n’a pas d’obligation constitutionnelle de répondre en anglais à la mère ontarienne du député libéral Gregory Kelley.

Mais si cette dernière déménage au Québec (et paie donc ses impôts dans notre province), elle aura parfaitement le droit, tout comme son fils, d’être servie en anglais. En effet, la Canadian Constitution ne fait pas de distinction entre la ‘minorité anglophone’ historique et celle qui ne le serait pas.

Ça, c’est en théorie. Concrètement, les choses sont beaucoup plus compliquées.

Selon la jurisprudence au sujet des écoles passerelles, la constitution du pays proclame le droit de tout citoyen de s’assimiler au groupe linguistique de son choix.

En d’autres mots, du strict point de vue constitutionnel, toute personne qui aspire à être membre de la communauté anglophone doit être considérée comme en faisant partie et, conséquemment, possède le droit de recevoir des services en anglais.

Depuis maintenant neuf ans, je soutiens sur ce blogue la thèse selon laquelle la Canadian Constitution prescrit la lente extinction du peuple francoQuébécois en faisant du choix de la langue d’enseignement, un droit constitutionnel.

Le droit de s’assimiler à l’anglais est un autre moyen d’atteindre le même objectif. Voilà le prix de notre appartenance au Canada.

Le meilleur service que la CAQ peut rendre à la cause indépendantiste, c’est de légiférer à ce sujet en oubliant d’invoquer la clause dérogatoire.

Ce qui provoquera inévitablement des contestations juridiques qui obligeront la Cour suprême à mettre les points sur les ‘i’. Ce qui signifie expliciter le sens des jugements qu’elle a rendus au sujet des écoles passerelles, un sens qui est passé inaperçu jusqu’ici.

Déjà mobilisée à l’occasion de la Constitutional Case Conference 2018 contre la loi caquiste au sujet de la laïcité, la magistrature nommée par Ottawa ne fera qu’une bouchée de toute loi qui va à l’encontre de sa conception des libertés fondamentales, au premier rang desquels le droit de devenir anglophone dans ce pays.

Si le but du ministre n’est pas de susciter la ferveur indépendantiste, il aura intérêt à à invoquer la clause dérogatoire dans le libellé de toute disposition législative sur laquelle il compte s’appuyer pour assurer la pérennité du français au Québec.

Références :
Des réfugiés peinent à passer le permis de conduire
Immigration : un arrimage chaotique
Niqab et burqa: la porte demeurerait ouverte pour l’examen de conduite
Pratiques linguistiques des ministères et organismes publics de gouvernement du Québec
Rapport de première ligne en territoire constitutionnel : Rien à faire des dispositions dérogatoires, le Projet de loi 21 doit mourir
Un autre panier de crabes

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à l’anglicisation du Québec, veuillez cliquer sur ceci

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les sparadraps du ministre Pierre Fitzgibbon

Publié le 30 avril 2019 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Le ministre québécois de l’Économie et de l’Innovation se heurte à un problème; il possède des investissements ‘collants’. Collants comme le sparadrap dont n’arrive pas à se débarrasser le capitaine Haddock dans Tintin.

Selon le Code d’éthique des membres de l’Assemblée nationale, tout député doit déclarer annuellement la liste de ses placements.

En plus, dans le cas d’un ministre, celui-ci doit se départir de ses investissements privés. Il a un délai de soixante jours après sa nomination pour ce faire.

‘Se départir’ signifie vendre ses titres financiers ou les confier à une société de fiducie sans droit de regard.

Le ministre Pierre Fitzgibbon s’entête à refuser de confier ses actifs à une société de fiducie. Ce qui ne lui laisse qu’une seule alternative, soit la vente. Or trouver un acheteur pour de tels placements n’est pas facile et prend du temps.

Le placement en fiducie, une plaisanterie

La loi québécoise oblige l’entrepreneur-ministre à confier temporairement ses avoirs à une fiducie sans droit de regard.

À l’insu de l’intéressé, ces sociétés possèdent le pouvoir de vendre des actifs et d’en acheter d’autres.

Si bien qu’en quittant la politique, l’entrepreneur peut se retrouver avec un portefeuille de titres financiers complètement différent de celui confié au départ à la fiducie.

Pendant qu’il est ministre, pourquoi se servirait-il de son influence pour favoriser des entreprises dont il ignore s’il en est toujours le propriétaire ou l’actionnaire principal ?

Voilà donc comment on évite les conflits d’intérêts… en théorie.

Il en va autrement dans les faits. Prenons un exemple concret.

Le premier ministre canadien Paul Martin avait confié sa compagnie maritime à une société de fiducie sans droit de regard administrée par son fils.

Peut-on imaginer qu’une compagnie aussi importante que la Canada Steamship Lines puisse être vendue sans que la nouvelle ne se répande ?

Présumons de la discrétion absolue du fils, muet comme une carpe. Si fiston avait vendu ‘secrètement’ la compagnie de papa, Paul Martin l’aurait appris le lendemain en ouvrant la section financière de son quotidien.

Mais les compagnies ‘collantes’ de Pierre Fitzgibbon n’ont pas l’envergure d’une compagnie maritime. Ce sont de petites entreprises à capital de risque dont la vente de gré à gré passerait facilement sous le radar des analystes financiers.

Si le ministre de l’Économie est si réticent à les confier à une société de fiducie, c’est que la gestion des entreprises à capital de risque est beaucoup plus délicate.

Ces entreprises n’étant pas inscrites en bourse, la gestion de leurs titres nécessite un suivi différent du suivi habituel des gestionnaires de portefeuilles financiers.

Les risques du métier

Selon le premier ministre, «…quand on entreprend, on prend des risques (et) quand on prend des risques, parfois ça va bien, parfois ça va moins bien.»

En somme, les pertes financières font partie du métier d’investisseur. Or se lancer en politique comporte des imprévus, dont celui d’être élu.

La semaine dernière, le ministre n’a pas pu cacher sa contrariété face aux pressions qu’il subit de se conformer à la loi et de se séparer de l’or qu’il aime tant caresser.

Au sein du gouvernement caquiste, on s’interroge sur l’opportunité d’assouplir les règles plutôt que de risquer la démission de M. Fitzgibbon. Ce qui aurait pour effet de priver le Québec des talents incroyables de cet homme d’affaires.

Personne ne doute de sa compétence. Mais la terre tournait avant lui et elle continuera de tourner après.

On peut se rassurer en se souvenant du cas du ministre libéral des Finances, Carlos Leitão, sorti lui aussi de la cuisse de Jupiter.

Ce qui n’a pas empêché le bilan économique du gouvernement Couillard d’être désastreux, confondant gestion du budget de l’État et gestion de l’économie québécoise.

Conclusion

Contrairement au préjugé populaire, les gens d’affaires sont une plaie en politique.

Il est à noter que ce jugement sévère ne s’applique pas à François Legault puisque ce dernier fait son apprentissage des affaires de l’État depuis vingt ans.

Les gens d’affaires néophytes en politique ont la désagréable manie de vouloir transformer l’État en machine à sous face à laquelle les citoyens sont dépouillés de leur statut de propriétaires de l’État pour celui de simples bénéficiaires (toujours trop couteux) de services gouvernementaux.

Le pleurnichage du ministre a assez duré. Ses lamentations
au sujet des investissements qu’il risque de vendre à perte sont aussi ridicules que les gesticulations du capitaine Haddock pour se débarrasser de ses sparadraps.

Le ministre doit obéir à la loi. Et si cela veut dire perdre un peu d’argent, ce sont les risques du métier comme dirait le premier ministre. Pierre Fitzgibbon aurait dû y penser avant.

Références :
Délicat, faire le saut en politique
Éviter les conflits d’intérêts des membres de l’Assemblée nationale
L’Affaire Tournesol
Legault encense «le goût du risque»
Les regrets d’Henri-Paul Rousseau
Pour la déclaration obligatoire des investissements des élus dans les paradis fiscaux

Parus depuis :
Pierre Fitzgibbon blâmé par ses pairs (2020-11-12)
Fitzgibbon blâmé une deuxième fois par la commissaire à l’éthique (2020-12-08)

Post-Scriptum : Le 2 juin 2021, monsieur Pierre Fitzgibbon a finalement remis sa démission à titre de ministre de l’Économie afin de se conformer aux règles d’éthique de l’Assemblée nationale du Québec.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La politique migratoire de la CAQ

Publié le 11 septembre 2018 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Le pourcentage d’immigrants au Québec qui choisissent de s’angliciser est passé de 65% à 60% en une décennie. C’est encore trop.

François Legault a raison de dire ‘qu’importer’ un demi-million d’immigrants par décennie qui choisissent à 60% de s’angliciser, c’est compromettre la pérennité à long terme du français au Québec.

Cela ne se voit pas en région ni dans les banlieues montréalaises (massivement francophones). Mais c’est déjà évident à Montréal à la lecture des résultats inquiétants du dernier recensement canadien, alors que tous les voyants lumineux clignotent au rouge.

Si le diagnostic de François Legault est bon, quels sont les remèdes qu’il prescrit ?

Réduire l’immigration au Québec de 24%

Entre autres, la Coalition Avenir Québec se propose de réduire à quarante-mille le nombre d’immigrants accueillis annuellement au Québec, et ce dès 2019.

Selon les données du gouvernement québécois, le Québec aura accueilli cette année 53 900 immigrants.

De ce nombre, 31 800 auront été choisis par Québec à titre de travailleurs qualifiés et 22 100 auront été choisis par Ottawa à titre de réfugiés ou en vertu de sa politique de réunification des familles.

Afin de ne pas assumer seule la tâche de réduire le flot migratoire au Québec, la CAQ espère convaincre le fédéral de contribuer proportionnellement à cette réduction.

Les responsabilités canadiennes en matière d’immigration

Au Canada, la compétence constitutionnelle en matière d’immigration est exclusivement fédérale.

Toutefois, en 1991, le gouvernement fédéral a délégué au Québec le droit de choisir les requérants à titre de travailleurs qualifiés.

Néanmoins, le fédéral a conservé ses prérogatives en matière d’accueil des réfugiés parce qu’il doit répondre de ses obligations internationales à ce sujet.

Quant à ses décisions en matière de réunification des familles, elles peuvent être contestées devant les tribunaux. Afin de s’assurer qu’elles soient prises de manière équitable, celles-ci sont déléguées à des tribunaux administratifs qui jouissent d’une grande autonomie.

L’imposition un quota de réduction de 24% à ces tribunaux administratifs provoquerait un tollé d’autant plus prévisible que cette contrainte serait imposée à la demande du Québec, une province que de nombreux commentateurs anglophones aiment dépeindre comme raciste et xénophobe.

Bref, il n’y a pas la moindre chance que le fédéral accepte de contribuer à une réduction du nombre d’immigrants au Québec à la demande de la CAQ.

La seule manière pour elle d’avoir autorité à ce sujet est de réaliser d’abord l’indépendance du Québec.

La démission de la CAQ en matière migratoire

D’ici là, la CAQ devra se débrouiller seule.

Compte tenu de la part fédérale, pour faire passer de 53 900 à 40 000 le nombre total d’immigrants au Québec, un gouvernement caquiste sera obligé de réduire le nombre d’immigrants qu’il accepte de 31 800 à 17 900.

Des 40 000 immigrants au Québec en 2019, 17 900 seraient donc choisis par Québec et 22 100 (la majorité) seraient choisis par Ottawa.

Les besoins de main-d’œuvre des entreprises québécoises, au lieu d’être assurés principalement par des politiques québécoises spécialement adaptées à cette fin, seront assurés par des politiques migratoires fédérales dictés par des considérations humanitaires totalement étrangères aux besoins économiques du Québec.

De plus, en donnant à Ottawa le contrôle majoritaire de notre immigration, la CAQ espère que la pérennité du français soit assurée dorénavant par des fonctionnaires fédéraux à 92% unilingues anglais.

Parce qu’il faut le dire : la fonction publique fédérale est massivement anglophone. Même les postes ‘bilingues’ à Ottawa sont confiés à des unilingues anglais qui disent vouloir apprendre le français et qui quittent leur poste plusieurs années plus tard sans jamais l’avoir appris.

Bref, c’est sur eux que François Legault compte pour expulser les immigrants qui n’auront pas appris le français après trois ans de séjour au Québec et pour sélectionner des réfugiés majoritairement francophones.

Disons les choses clairement : la politique migratoire de la CAQ est une trahison au profit du gouvernement colonial canadien.

Références :
Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains
Québec prévoit recevoir jusqu’à 53 000 immigrants en 2018
Un fonctionnaire fédéral défend son droit de travailler en français

Paru depuis :
Kafka en Québec (2021-05-03)

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Écrit par Jean-Pierre Martel