Les fabricants craignent la Loi 101, dit-on

14 mars 2024

Introduction

Il y a six décennies, le Québec interdisait l’étiquetage unilingue anglais. Parce qu’à l’époque, on trouvait, par exemple, des produits alimentaires dont le mode d’emploi et la liste des ingrédients étaient entièrement rédigés en anglais.

En vertu de cet interdit, il suffisait au consommateur de porter plainte contre le marchand auprès de la Cour des petites créances — où la présence d’un avocat est superflue — de présenter en preuve le contenant du produit et le reçu de la transaction pour que le marchand soit automatiquement condamné.

Le plaignant empochait alors la pénalité imposée par le tribunal. Si bien qu’un couple d’étudiants en droit avait financé la totalité de leur formation universitaire en portant toute une série de plaintes.

La réaction des marchands fut de prendre soin de vérifier chaque produit reçu de leur grossiste et retourner aussitôt les articles en anglais.

Confrontés à la masse de leurs invendus, les fabricants ont refait leurs étiquettes et les importateurs ont simplement apposé un collant bilingue par-dessus l’étiquette fautive.

En moins de deux ans, sans avoir à embaucher des inspecteurs pour faire respecter la loi, on n’arrivait plus à trouver au Québec un seul produit unilingue anglais.

Lorsque le fédéral a adopté sa loi obligeant l’étiquetage bilingue à travers tout le pays, la législation québécoise devenait caduque.

Toutefois, il a suffi au fédéral — dont la majorité des fonctionnaires à Ottawa sont unilingues Anglais — de ne pas faire d’inspections et de ne jamais donner suite aux plaintes reçues pour que l’unilinguisme anglais revienne peu à peu.

De nos jours, on le trouve fréquemment sur les jouets pour enfants et sur les gros électroménagers. Et grâce au commerce en ligne, c’est généralement le cas de ce qui vient de l’Étranger.

Les craintes du Conseil du patronat

Le gouvernement de la CAQ a dernièrement fait connaitre son intention d’obliger, par voie de règlement, les fabricants d’électroménagers à franciser les inscriptions qui apparaissent sur leurs produits.

À l’achat de mon microonde actuel, celui-ci venait avec un collant qui permettait à tous ses boutons d’apparaitre en français (ou de demeurer en anglais si cela avait été ma préférence).

Mais l’Association canadienne des fabricants d’électroménagers rétorque que les autocollants risquent de fondre à la chaleur. Comme s’il n’existait aucune colle au monde capable de résister à la chaleur.

De son côté, le Conseil du patronat s’inquiète des ventes perdues par les commerçants d’ici quand les consommateurs se tourneront vers l’internet pour se faire livrer par la poste les modèles de laveuse ou de sécheuse que les fabricants cesseront d’offrir au Québec.

On s’étonne que la mairesse de Montréal, au nom de l’inclusion et de la diversité, n’ait pas encore signalé le danger que des personnes vulnérables soient incapables d’utiliser leur grille-pain au petit déjeuner et se laissent mourir de faim, faute de connaitre le français…

De manière générale, on fait valoir que le Québec ne représente que deux pour cent du marché nord-américain. Cela passe sous silence les 230 millions de consommateurs francophones à travers le monde. À titre d’exemple, les laveuses de Samsung en Belgique affichent des réglages bilingues français/néerlandais.

Tout en disant du bout des lèvres être conscient de l’importance de défendre le français, le Conseil du patronat souligne les graves dangers de le faire.

Il y a toujours eu un gouffre entre les petits commerçants — près du peuple et conséquemment, qui partagent ses préoccupations — et le riche ‘milieu des affaires’, collabo du colonialisme canadian, et que le cinéaste Pierre Falardeau mettait en vedette dans son documentaire ‘Le temps de bouffons’.

Référence : Nouvelle loi sur l’affichage en français: des fabricants menacent de retirer leurs électroménagers du marché québécois

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pour un durcissement du financement des études universitaires

24 février 2024

Introduction

On apprenait hier la décision des universités McGill et Concordia de poursuivre le gouvernement Legault afin de s’opposer à sa décision de hausser les frais de scolarité imposés aux étudiants étrangers qui fréquentent les universités du Québec.

Rappel de la situation

Les étudiants qui proviennent des provinces anglophones du pays bénéficient d’une subvention de Québec pour venir effectuer ici leur formation universitaire. À la fin de quoi, ils repartent chez eux avec leur diplôme en poche.

Essentiellement, ils payent la moitié du cout réel de cette formation (8 992$ sur 17 000$). L’autre moitié est assumée par les contribuables québécois.

Pendant qu’ils font leurs études, leurs dépenses courantes constituent des retombées économiques intéressantes pour la région montréalaise. C’est le bon côté.

Mais de l’autre, ils contribuent à l’anglicisation de Montréal. À la fois en tant que consommateurs unilingues anglais et en tant que travailleurs à temps partiel, incapables de nous servir en français.

De plus, ces milliers de locataires exercent une pression significative sur le marché locatif et concourent donc à la pénurie des logements, principalement dans le centre-ville de Montréal.

Les accommodements de la CAQ

Face à la levée de boucliers des universités anglophones, le gouvernement de la CAQ s’est empressé d’offrir des accommodements qui ne les ont pas satisfaites. Voilà pourquoi, celles-ci viennent de s’adresser aux tribunaux.

Il est toujours hasardeux d’essayer de prévoir comment les tribunaux d’Ottawa pourraient trancher dans un cas comme celui-ci. Mais il est clair que plus une politique possède d’exceptions, plus il est facile de démontrer qu’elle est discriminatoire.

Il serait donc préférable que la CAQ simplifie sa politique à ce sujet.

L’exemption pour Bishop

Privée de ses étudiants étrangers, l’université Bishop estime qu’elle n’est plus rentable.

Toutefois, elle semblait l’être avant que le gouvernement libéral dérèglemente le financement des études post-secondaires en 2018.

Privée de cette manne, l’université Bishop devra s’astreindre à une certaine rigueur budgétaire comme le font des centaines d’entreprises québécoises.

La ‘péréquation’ en faveur des universités francophones

Pour vendre sa réforme, la CAQ faisait miroiter la promesse de redistribuer aux universités francophones les revenus occasionnés par la hausse des frais de scolarité dans les universités anglophones.

L’idée de dépouiller Pierre pour habiller Paul n’a séduit personne. Tout simplement parce qu’une chute brutale (et probable) des inscriptions ne laisserait pas grand-chose à redistribuer.

Aussi important que soit le financement de nos institutions universitaires, il constitue une considération mineure face au caractère fondamental de l’anglicisation de Montréal et de la crise du logement.

Voilà pourquoi, j’invite la CAQ à renoncer à l’idée d’une ‘péréquation’ qui ne fera qu’alimenter l’argumentaire de McGill et de Concordia, victimes de discrimination selon leurs avocats.

Le prix plancher de 20 000$

Des frais d’inscription minimaux de 20 000$ seront imposés aux étudiants qui ne sont pas des Canadiens.

Cela ne s’applique pas aux étudiants français ou belges puisque leurs pays ont conclu des accords de réciprocité avec le Québec.

En dépit du fait que les provinces anglophones du Canada ont refusé de conclure de tels accords, on a vu plus tôt que ce prix plancher ne s’applique pas aux étudiants des autres provinces, frappés dans leur cas d’une hausse moindre.

Cette discrimination devait également être supprimée, pour les mêmes raisons. En d’autres mots, tous les étudiants étrangers (angloCanadiens ou non) devraient payer le même prix.

Toutefois, le gouvernement de la CAQ devait être prêt à revenir à une tarification moindre… si les universités anglophones abandonnent l’idée de contester les décisions de Québec devant les tribunaux.

Comme quoi une belle carotte vaut mieux qu’un petit bâton.

Les arguments de McGill et de Concordia

L’Université Concordia estime que l’augmentation les tarifs imposés aux étudiants hors Québec contrevient à la Canadian Constitution de 1982.

En premier lieu, l’obligation constitutionnelle qui garantit l’enseignement dans leur langue au peuple angloQuébécois n’est valide que pour l’enseignement au niveau des écoles primaires et secondaires.

Cela ne s’applique pas à l’enseignement post-secondaire (Cégeps et universités).

En deuxième lieu, aucun étranger n’a droit au filet de protection sociale du Québec; on ne peut pas descendre de l’avion pour se faire soigner gratuitement dans un de nos hôpitaux.

Ce n’est donc pas vrai que le contribuable de Rimouski, par exemple, est obligé de subventionner la formation universitaire en anglais des étudiants étrangers. On est cave, mais pas à ce point-là.

Toujours selon Concordia, le gouvernement du Québec n’a pas pris ses responsabilités quant au fait de protéger les établissements ‘minoritaires’.

Le peuple angloQuébécois peut être vu comme une minorité au Québec. Ou il peut être considéré comme l’annexe québécoise de la majorité anglo-canadienne.

Appelé à se prononcer à ce sujet, le Comite des droits de la Personne de l’ONU statuait en 1993 :

To summarize, the United Nations Human Rights Committee ruled […] that Quebec’s English community does not qualify for protection as a minority language group, because it forms part of the Canadian English-speaking majority.

En d’autres mots, les Canadiens anglophones ne peuvent pas être considérés comme une minorité linguistique dans le contexte canadien où ils sont majoritaires.

À mon avis, il serait temps que nos amis angloQuébécois cessent de jouer à la victime; c’est le français et non l’anglais qui est menacé au Québec.

Quant à McGill, ses avocats font valoir que les mesures annoncées par Québec sont discriminatoires et qu’elles résultent d’un exercice déraisonnable de la ministre de l’Enseignement supérieur.

Pour ce qui est de son aspect discriminatoire, il y a certainement matière à débat (comme nous l’avons vu précédemment). C’est peut-être le talon d’Achille des mesures de la CAQ.

Ce parti serait donc avisé de simplifier tout cela. Ou, à défaut, d’invoquer dès maintenant la clause dérogatoire de la Canadian Constitution de 1982 afin de rendre ses politiques conformes à celle-ci.

Ce qui éviterait des années de procédures judiciaires au cours desquelles l’anglais continuera de progresser au Québec.

Conclusion

La CAQ est au pouvoir depuis six ans.

Quand on regarde son bilan nul en matière de défense du français et les mesures timides qu’elle a prises pour lutter contre la crise du logement — deux domaines impactés par la venue de milliers d’étudiants unilingues anglais — on comprend l’inquiétude des stratèges de la CAQ devant la remontée irrésistible du Parti Québécois.

Tant que le Québec n’aura pas accédé à son indépendance, la communauté anglaise du Québec confondra toujours ses privilèges avec des droits fondamentaux. Et les partis fédéralistes ou mollement nationalistes seront toujours prêts à tergiverser au lieu d’agir.

Références :
Décision de l’Onu
Droits de scolarité des étudiants non résidents : Concordia et McGill poursuivent Québec
Financement universitaire: un déséquilibre à corriger
Francisation des étudiants de McGill : La CAQ a raison
La ministre Déry revoit son annonce sur les droits de scolarité des non-Québécois de fond en comble
L’anglicisation du Québec et la Caisse de dépôt et placement
Le Québec, Dollarama des études postsecondaires ?
Les universités anglophones du Québec proposent de franciser 40 % de leurs étudiants
Principaux pays d’où proviennent les étudiants internationaux à l’université McGill

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Bilinguisme des magistrats : la capitulation du ministre Simon Jolin-Barrette

9 décembre 2023

Introduction

De 2016 à tout récemment, Me Julie Rondeau était juge en chef de la Cour du Québec. À ce titre, c’est elle qui coordonnait et répartissait le travail des juges en plus de voir à l’allocation des ressources afin d’assurer la bonne marche de la justice sous son autorité.

En janvier 2022, elle ordonnait une grève du zèle des magistrats en chambre criminelle, c’est-à-dire des juges qui président aux procès intentés en vertu du Code criminel canadien.

Jusque là, ceux-ci siégeaient deux jours sur trois, l’autre étant consacré à la rédaction de leurs décisions. La directive de la juge Rondeau, c’était de ne siéger que la moitié du temps, une mesure destinée à accentuer la thrombose judiciaire actuelle.

Signalons qu’ailleurs au Canada, les juges des Cours criminelles siègent 80 % du temps.

La juge Rondeau voulait ainsi forcer le gouvernement de la CAQ à nommer davantage de juges bilingues.

Dans un premier temps, le ministre de la Justice et la juge Rondeau en sont arrivés à une entente provisoire où les juges siégeaient un peu plus souvent en contrepartie de quelques juges bilingues de plus.

L’aplatissement du ministre

Plus tôt cette semaine, on apprenait que le ministre de la Justice et le nouveau juge en chef de la Cour du Québec avaient résolu définitivement leur conflit quant à l’exigence du bilinguisme chez les candidats à la fonction de juge.

À sa sortie de l’Assemblée nationale, le ministre déclarait triomphalement :

[Cette entente] vient garantir que n’importe quel avocat ou notaire qui va accéder à la magistrature n’est pas obligé de maitriser la langue anglaise. Donc, la langue anglaise ne constitue pas une barrière pour être juge.

Vraiment ?

En l’an 2000, dans tout le Québec, un seul appel de candidature au poste de magistrat exigeait la connaissance de l’anglais. Un seul dans tout le Québec.

De manière générale, l’exigence du bilinguisme était rare avant l’accession au pouvoir du gouvernement libéral de Jean Charest en 2003. Cette exigence s’est généralisée avec le retour de ce parti au pouvoir en 2014 sous la direction de Philippe Couillard.

Si bien que de nos jours, la proportion de juges bilingues au Québec atteint 87,9 %.

En vertu de cette nouvelle entente, 90 % des juges devront obligatoirement maitriser la langue de Shakespeare dans tous les tribunaux montréalais relevant de la Cour du Québec, tant en chambre criminelle et pénale qu’en chambre de la jeunesse et en chambre civile.
 

 
Cette entente est une capitulation du ministre puisqu’elle pérennise définitivement la bilinguisation à outrance du système judiciaire québécois instaurée par le Parti libéral du Québec.

En plus de la région métropolitaine, les régions les plus nordiques du Québec faisaient partie du litige. Dans ces régions, les Inuits (autrefois connus sous l’appellation d’Eskimos) ont l’anglais comme langue seconde puisqu’ils n’ont connu que la colonisation anglaise.

Ce que les peuples autochtones réclament, ce n’est pas qu’on leur accorde l’immense privilège de pouvoir s’adresser à la Cour dans la langue de leur colonisateur anglais, mais le droit de témoigner dans leur langue maternelle. Ce qui permettrait aux enfants (généralement unilingues) d’être entendus.

À défaut de nommer des avocats autochtones à la magistrature, la solution de rechange la plus appropriée est de permettre aux Inuits de s’adresser à la Cour par l’intermédiaire d’un traducteur. C’est probablement ce qui se fait déjà.

Conséquemment, la langue du juge n’a pas d’importance. Ce qui compte, ce sont les langues parlées par les traducteurs.

Or parmi les centaines de Québécois qui travaillent dans ces régions, il est impossible qu’il n’y en ait aucun qui soit apte à traduire du français à l’inuktitut (la langue des Inuits) et vice-versa.

L’objectif des juges ultra-fédéralistes de la Cour du Québec, ce n’est pas de faciliter l’accès des Inuits à la Justice, mais de poursuivre l’assimilation anglaise des Autochtones à laquelle Ottawa travaille depuis le milieu du XIXe siècle.

Une violation de l’esprit de la Loi 101

La bilinguisation mur-à-mur des milieux de travail sous le prétexte que cela est plus simple pour les gestionnaires de personnel est précisément ce que voulait interdire la version originelle de la Loi 101, celle adoptée par le Parti Québécois.

Il est difficile d’imaginer que le ministre de la Justice, avocat de formation, ait pu s’entendre avec le juge en chef de la Cour du Québec pour violer le texte de la Loi 101.

On doit donc présumer que leur accord est compatible avec ce qui reste de la Loi 101 (adoptée en 1977), après que des pans entiers eurent été invalidés par la Canadian Constitution (adoptée en 1982 justement en réaction à la Loi 101).

La langue des procédures criminelles

Les deux branches du droit canadien sont le droit civil et le droit criminel. Le premier vise à régler des conflits entre des particuliers alors que le second vise à punir des comportements antisociaux.

C’est le parlement canadien qui légifère en matière criminelle alors que c’est l’Assemblée nationale du Québec qui légifère en matière civile.

L’article 133 du British North America Act (adopté par Londres en 1867) autorise les témoins, les avocats et les juges à s’exprimer dans la langue de leur choix au cours des procès criminels qui se déroulent au Québec.

La version anglaise de cet article (la seule version officielle) se lit comme suit :

Either the English or the French language […] may be used by any person or in any pleading or process in or issuing from […] any of the courts of Quebec.

Une des règles d’interprétation des lois est que le législateur ne parle pas pour rien. Donc même si, strictement parlant, l’article 133 consacre le droit du juge de parler sa langue à lui, puisque cet article permet à l’accusé de s’exprimer dans une autre langue, il va de soi que le juge doit être capable de comprendre ce qu’il dit. Directement ou par le biais d’un interprète.

Dans son domaine de compétence constitutionnelle, le gouvernement canadien a accordé en 1985 à chaque personne accusée en vertu du droit criminel (peu importe la province), le droit d’être jugé par un magistrat qui parle sa langue (s’il s’agit d’une des deux langues officielles du pays).

Contrairement à ce qu’on dit souvent, l’article 530 du Code criminel canadien n’oblige pas le plaidoyer des avocats ni la décision du tribunal d’être dans la langue de l’accusé : tout ce qui est exigé, c’est que dans les causes criminelles, le juge ‘parle’ la langue de l’accusé. Rien n’exige de lui qu’il ait une connaissance avancée de cette langue. Il n’est même pas nécessaire qu’il sache l’écrire.

À part le Nouveau-Brunswick (qui est un cas particulier), aucune province anglophone n’a cru bon bilinguiser sa magistrature mur-à-mur au cas où un accusé francophone se pointerait quelque part à demander un procès dans sa langue.

Au Canada anglais, si l’accusé exprime sa préférence d’être jugé en français au moment de sa comparution, le magistrat qui reçoit cette demande réfère la cause à un collègue qui en est capable si lui ne le peut pas.

Au Québec, la juge en chef de la Cour du Québec (de qui dépendent, entre autres, toutes les chambres criminelles) a préféré exiger le bilinguisme de tous les juges sous son autorité. Ce qui est plus simple pour elle car cela lui permet d’attribuer paresseusement les causes au hasard puisque tous ses magistrats possèdent les compétences requises, tant en anglais qu’en français.

Malheureusement, cela est contraire à l’esprit de la Loi 101. Pour la Charte de la langue française, l’exigence du bilinguisme ne se justifie que lorsque cela est nécessaire. Et non quand c’est simplement plus commode pour l’employeur.

La langue des procédures civiles

Contrairement à ce qu’on pense, dans les causes civiles (et non criminelles), il n’existe pas au Canada de droit constitutionnel d’être jugé dans sa langue ailleurs qu’au Nouveau-Brunswick.

En 2013, la Cour suprême du Canada a reconnu le droit des tribunaux de Colombie-Britannique d’exiger la traduction anglaise de tous les documents en français qui leur sont soumis à titre de preuves.

Dans son jugement, le plus haut tribunal du pays écrit :

La Charte [canadienne des droits et libertés] n’oblige aucune province, sauf le Nouveau-Brunswick, à assurer le déroulement des instances judiciaires dans les deux langues officielles. Elle reconnait l’importance non seulement des droits linguistiques, mais aussi du respect des pouvoirs constitutionnels des provinces.
[…]
[Or] les provinces ont le pouvoir constitutionnel de légiférer sur la langue utilisée devant leurs tribunaux, un pouvoir qui découle de leur compétence en matière d’administration de la justice.

La législature de la Colombie-Britannique a exercé ce pouvoir [en prescrivant] le déroulement des procès civils en anglais, [ce qui vaut] aussi pour les pièces jointes aux affidavits déposés dans le cadre de ces instances.
[…]
Il n’est donc pas contraire à la Charte [canadienne des droits et libertés] que la législature de la Colombie-Britannique décide que les instances judiciaires se déroulent uniquement en langue anglaise dans cette province.

En effet, les rédacteurs de la constitution canadienne auraient pu décider de consacrer explicitement le droit fondamental d’être jugé dans sa langue, même dans les causes civiles. Ils ont préféré s’en abstenir, s’en remettant plutôt au pouvoir discrétionnaire des provinces.

C’est ainsi que depuis son accession à la magistrature québécoise (grâce à Ottawa), la juge fédérale Karen Kear-Jodoin rend presque tous ses jugements dans sa langue maternelle, l’anglais.

Elle le fait même dans les causes où tous les avocats et tous les témoins se sont exprimés en français, et lorsque tous les documents soumis en preuve sont rédigés dans la langue de Molière.

Étant donné qu’il est légal au Québec de rendre justice en anglais dans des causes où l’accusé est unilingue français — l’inverse ferait scandale au Canada anglais — et puisque même la Loi 101 n’y peut rien, il faut recourir à des moyens plus efficaces pour s’opposer à la bilinguisation à outrance de la Justice québécoise.

La solution ultime

Pour aller au-delà de la Loi 101 — qui est déjà en elle-même une loi supra-législative — il faut que le législateur précise sa volonté dans la Constitution du Québec.

Contrairement à la Canadian Constitution de 1982, celle du Québec peut être amendée par un vote des deux tiers des députés de l’Assemblée nationale, ce qui lui confère une faculté d’adaptation face à l’avenir dont la Canadian constitution de 1982 est incapable.

Notre constitution devrait statuer que dans toutes les causes civiles, la Justice devrait être rendue au Québec en français. Comme elle l’est en anglais dans toutes les autres provinces du pays (sauf le Nouveau-Brunswick).

Ce qui signifie qu’elle doit accorder aux juges le pouvoir d’exiger la traduction française de tout document soumis dans une autre langue. Comme la Colombie-Britannique exige déjà la traduction anglaise des documents soumis à ses tribunaux.

De plus, à l’issue des causes civiles, tous les jugements devraient être rendus en français (sauf évidemment les passages où sont citées des lois ou de la jurisprudence en anglais). Pourquoi ? Grâce à l’Intelligence artificielle, la traduction effectuée par Google Translation dépassera bientôt en qualité et en exactitude celle de n’importe quel traducteur professionnel.

Et surtout, le Québec devrait étendre le droit de témoigner dans sa langue à chacun des onze peuples autochtones du Québec… quand il s’agit d’une cause civile. Pour ce faire, il suffira à l’accusé, au moment de sa comparution, d’exprimer sa préférence et le système judiciaire fera appel à sa banque de traducteurs pour assurer à l’accusé le droit de témoigner dans sa langue et de comprendre ce qui se passe grâce à la ‘traduction simultanée’ qui lui est offerte.

Conclusion politique

Puisque l’immigration massive voulue par Ottawa au cours des prochaines années représente un péril mortel pour le Québec, on peut s’étonner que seuls 19 % d’entre nous jugent que François Legault devrait s’attaquer en priorité au déclin du français.

En réalité, c’est beaucoup.

Quand la majorité des Québécois peinent à boucler leur budget, quand un Québécois sur dix fréquente les banques alimentaires, quand des millions de locataires craignent d’être victimes d’une rénoviction, quand un nombre record de dix-mille sans-abris (dont trois-mille femmes) couchent çà et là dans nos villes, quand le tambour de la guerre résonne partout, il est extraordinaire qu’il y ait encore des gens pour se soucier du péril abstrait que représente l’extinction du peuple francoQuébécois.

Toutefois, ce modeste 19 % pourrait faire la différence entre la réélection de la CAQ et l’élection d’un nouveau gouvernement péquiste.

Si le premier ministre veut un troisième mandat, il faudra qu’il nous donne des raisons de voter pour lui. Or personne ne pouvait prévoir la capitulation honteuse de celui qui était perçu jusque-là comme le chef de l’aile nationaliste de la CAQ.

L’entente intervenue entre le ministre Simon Jolin-Barrette et le juge en chef de la Cour du Québec est en dessous de tout; cette entente pérennise la bilinguisation à outrance de l’appareil judiciaire québécois voulue par le régime hyperfédéraliste de Philippe Couillard.

Dans le contexte actuel, le message de la CAQ est le suivant; ne comptez pas sur nous pour assurer la survie du français au Québec. Si cette survie vous préoccupe, votez péquiste !

Références :
Bilinguisme chez les juges : le ministre de la Justice et la Cour du Québec s’entendent
Bilinguisme chez les juges: Québec essuie un nouveau revers face à la juge Rondeau
Être condamné dans une langue qu’on ne comprend pas
La juge en chef remporte la première manche contre Québec
L’esprit de caste de la juge Lucie Rondeau
Multiplication des postes de juges bilingues depuis 15 ans au Québec
Réforme de la juge Rondeau : 9000 causes criminelles en péril, selon Québec

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le Québec, Dollarama des études postsecondaires ?

26 octobre 2023

L’exemple des Pays-Bas

En raison du Brexit, des milliers de jeunes qui espéraient obtenir leur formation auprès d’une université britannique se sont tournés vers la formation universitaire donnée en anglais dans certaines universités d’Europe continentale.

Aux Pays-Bas, c’est exclusivement en anglais que 122 287 étrangers y font leurs études postsecondaires annuellement.

La popularité des études dans la langue de Shakespeare s’est répercutée sur le marché locatif; on estime que le pays a besoin de 26 500 chambres pour y loger ses étudiants.

En raison de la hausse des loyers causée par cette pénurie; les étudiants néerlandais dépensent en moyenne la moitié de leurs revenus pour se loger.

Sur des sites locatifs offrant de l’hébergement, on commence à voir apparaitre les avertissements ‘No Internationals’ et ‘Dutch only’. Une discrimination illégale que les autorités tolèrent.

En juin 2022, les universités de Maastricht et d’Utrecht ont écrit à toutes les personnes qui voulaient y étudier de ne pas y venir à moins d’avoir trouvé un lieu pour habiter.

Afin de pallier cette crise, le gouvernement néerlandais a décidé de réduire radicalement le nombre de ses étudiants étrangers.

En premier lieu, sauf exception, les deux tiers de toute formation universitaire qui mène à l’obtention d’un baccalauréat devront se faire en néerlandais.

Au cas où cette mesure ne serait pas suffisante, le gouvernement des Pays-Bas obligera, à partir de septembre 2024, tous les étudiants étrangers qui veulent s’inscrire dans l’une ou l’autre des universités du pays à connaitre les rudiments du néerlandais.

Finis bientôt ces étudiants qui, employés comme serveurs à Amsterdam, répondent “Oh, I’m so sorry; I don’t speak Dutch” aux clients néerlandais qui aimeraient être servis dans leur langue dans leur propre pays.

Le cas québécois

Après Terre-Neuve, le Québec est la province où les frais universitaires sont les moins élevés au Canada.

Non pas parce que nos universités ‘produisent’ des diplômés à moindre cout, mais parce que nous avons fait le choix de société de favoriser l’accès de nos adolescents aux études supérieures en subventionnant celles-ci.

Depuis le gouvernement libéral de Philippe Couillard, les frais universitaires varient selon la catégorie à laquelle l’étudiant appartient. Or il y a trois catégories :
• les étudiants internationaux,
• les étudiants canadiens des autres provinces, et
• les étudiants québécois.

Les universités québécoises sont libres de charger les frais de scolarité qu’elles veulent aux étudiants internationaux.

Par contre, jusqu’ici, les étudiants canadiens des autres provinces payaient la moitié du cout réel de leur formation universitaire (8 992$ sur 17 000$). L’autre moitié était déboursée par les contribuables québécois.

Quant aux jeunes d’ici, l’État subventionne la très grande majorité des couts de leur formation.

Effets de la dérèglementation libérale

Des dizaines de pays occidentaux convoitent la clientèle lucrative des étudiants internationaux en leur offrant une formation universitaire en anglais.

C’est l’argument qu’avaient invoqué les démarcheurs des universités anglophones du Québec pour convaincre le régime libéral de Philippe Couillard de dérèglementer les frais universitaires à l’égard des étudiants provenant de l’extérieur du Québec.

Mais comme le ‘marché’ des étudiants internationaux anglophones est beaucoup plus important que le ‘marché’ étudiants internationaux francophones, cette manne a surtout profité aux universités anglophones.

De 2019 à 2022, les frais d’inscription des étudiants hors Québec aux universités McGill, Concordia et Bishop ont rapporté 282 millions de dollars soit plusieurs fois ce que les étudiants étrangers ont versé aux universités francophones du Québec.

Les étudiants non québécois paieront plus cher

Plus tôt cette semaine, le Québec a annoncé son intention de majorer les frais universitaires imposés aux étudiants originaires de l’extérieur du Québec qui s’inscrivent aux universités d’ici.

Sont exclus de cette hausse, les étudiants français ou belges puisque leurs pays ont signé des ententes de réciprocité avec le Québec (ce que les provinces anglophones du pays ont refusé de faire).

Dans le cas des étudiants internationaux, les universités continueront de facturer le montant qu’elles veulent. Sauf qu’on établira un tarif plancher de vingt-mille dollars par année.

De plus, le Québec cessera de subventionner la formation des étudiants des autres provinces qui sont inscrits aux universités anglophones du Québec.

Pourquoi ? Parce que la majorité de ces étudiants quittent le Québec à la fin de leurs études et donc, parce que nous investissons à perte dans leurs études universitaires.

Réaction au Canada anglais

Ces jours-ci, la population des autres provinces est beaucoup plus préoccupée par les bruits de guerre que par les nouvelles d’une hausse des frais de scolarité au Québec.

Malgré cela, incapables de résister à la tentation de casser du sucre sur le dos du Québec, certains politiciens se sont empressés de confier leur déception aux journalistes.

L’enflure lyrique a probablement atteint un sommet avec la réaction de Pablo Rodriguez, ministre fédéral des Transports :

Pour moi, les universités, c’est comme une fenêtre sur le monde. Puis là, j’ai l’impression qu’on ferme un peu nos fenêtres.

Oh, comme la formule est mignonne !

Mais relisez cette phrase : elle n’a du sens que si le Québec avait décidé de fermer tous ses campus universitaires.

On doit savoir que son collègue, le ministère fédéral de l’Immigration, approuve 92 % des demandes de requérants étrangers pour étudier à l’université McGill.

Par contre, il refuse la moitié des demandes pour étudier à l’université Laval. Le pourcentage des refus grimpe même à 72 % dans le cas des établissements scolaires francophones lorsqu’il s’agit de demandeurs provenant d’Afrique.

En somme, oublions les fenêtres; le colonialisme anglais d’Ottawa ferme les portes de nos universités à des milliers de jeunes Francophones talentueux de partout à travers le monde.

Réactions au Québec

Lundi dernier, à l’émission Mordus de politique de Radio-Canada, l’ex-ministre libérale Michelle Courchesne déclarait :

Là, on est en train de dire que des étudiants étrangers anglophones au Québec, on n’en veut pas.

Rappelons que le gouvernement libéral de Philippe Couillard est celui qui a dérèglementé les frais universitaires pour les étudiants étrangers, provoquant une forte majoration de leurs frais d’inscription.

Si on fait exception du prix plancher fixé à 20 000$ par année, le gouvernement de la CAQ ne change rien à leur sujet. Où est le problème ?

En plus des oppositions attendues des Chambres de commerce et du Parti libéral du Québec, la mairesse de Montréal s’en est mêlée.

Que voulez-vous, depuis l’incendie à la Place d’Youville, la mairesse a le feu…

Celle-ci déclarait donc :

Je pense qu’on peut accomplir cet objectif-là [la défense du français] sans se pénaliser d’étudiants et de talents dont on a tellement besoin. Puis ça porte un coup dur à la réputation internationale de la métropole du Québec.

Ces jours-ci, je lis quotidiennement Le Monde (de Paris), The Guardian (de Londres), Al Jazeera (de Doha, au Qatar), et le South China Morning Post (de Hong Kong). Et c’est étrange : sur la scène internationale, personne ne s’intéresse à la hausse québécoise des frais universitaires pour la étudiants des autres provinces.

Depuis un an, ce qui a dominé l’actualité internationale concernant Montréal et porté un dur coup à la réputation de la ville, c’est justement l’incendie à la Place d’Youville.

À l’occasion de ce feu, toute la presse internationale a exposé l’incurie de l’administration Plante; le moratoire des inspections par les pompiers, les permis de la location attribués pour des chambres sans fenêtre, autorisations du morcèlement des chambres, de la destruction des coupe-feux, etc. Bref, le laisser-faire complet.

Compte tenu du cout de la vie qui y est moindre, Montréal demeure une ville attrayante pour ceux qui veulent y poursuivre leurs études. Malheureusement, leur plus grand souci, c’est de se loger.

Ce dont les étudiants universitaires ont réellement besoin, ce sont ces chambres et ces appartements abordables si abondamment promis, mais si peu construits depuis que Mme Plante est au pouvoir.

Conclusion

Si on fait exception de ses conséquences linguistiques et locatives, la venue au Québec de dizaines de milliers d’étudiants étrangers n’a que des bons côtés.

En France, sur les 260 000 étudiants étrangers, un peu plus de 110 000 (42 %) sont Africains. Ils y dépensent annuellement 1,5 milliard d’euros.

À Montréal, chaque étudiant étranger débourse environ 20 000$ par année pour assurer sa subsistance (logement, nourriture, transport, forfait téléphonique, etc.).

Collectivement, ils représentent un investissement annuel de plusieurs millions de dollars dans l’économie québécoise.

En contrepartie, la crise du logement rend nécessaire la construction de logements ou de chambrettes pour les accueillir.

Par exemple, la Caisse de dépôt et placement veut dépenser une somme colossale pour construire un complexe résidentiel (appelé ‘Cité universitaire’) destiné à loger les étudiants de McGill.

Cet investissement n’aidera pas les familles québécoises à la recherche d’un logement puisque ces chambrettes ne correspondent pas à leurs besoins.

Mais en rendant caduc ce projet immobilier, on libère des sommes qui pourront être dépensées plus judicieusement à s’occuper des nôtres.

Quant à l’aspect linguistique, il est regrettable que ces changements tarifaires ne soient pas accompagnés, pour toutes les personnes qui veulent étudier dans une université anglophone du Québec, de l’obligation préalable de connaitre le français.

Sans cette exigence, les changements tarifaires voulus par la CAQ sont, du point de vue strictement linguistique, des demi-mesures qui ralentiront sans doute un peu l’anglicisation de Montréal, mais probablement pas de manière importante.

Bref, la controverse autour de la hausse de certains frais d’inscription aux universités québécoises est une tempête dans un verre d’eau; en ajustant les frais universitaires au niveau de celui des autres provinces canadiennes, le Québec cesse tout simplement d’être le Dollarama des études postsecondaires.

Références :
Don’t come unless you have a place to live, universities warn international students
‘Dutch by default’: Netherlands seeks curbs on English-language university courses
Étudiants étrangers : les préférences canadiennes
Frais de scolarité des étudiants étrangers : « Un coup dur » pour Montréal, dit Plante
La façade ministérielle de l’État canadien
L’anglicisation du Québec et la Caisse de dépôt et placement
L’apport économique des étudiants étrangers
Le feu à la place d’Youville : pour la scission de l’arrondissement Ville-Marie
Student housing shortfall rises 20% as more international students come to NL
Universités anglophones: hausse importante des frais de scolarité pour les étudiants canadiens (2023-10-13)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’anglicisation du Québec et la Caisse de dépôt et placement

19 juillet 2023

Les terrains du Royal Victoria

Depuis la fermeture de l’hôpital Royal Victoria en 2015 et le transfert de ses activités dans le Centre universitaire de santé McGill (beaucoup plus à l’ouest), le site de l’ancien hôpital est devenu un objet de convoitise en raison de sa vue imprenable sur le centre-ville de Montréal.

Puisque le terrain est du domaine public, il intéresse la Société québécoise des infrastructures, responsable de la mise en valeur de tout le patrimoine immobilier de l’État.

Mais il intéresse aussi la ville de Montréal (qui aimerait agrandir le parc du mont Royal), de même que l’université McGill (qui souhaite l’agrandissement de son campus).

Dernièrement, le bras immobilier de la Caisse de dépôt et placement (Ivanhoé Cambridge) a flairé la bonne affaire.

Il a décidé de promouvoir la construction de tours résidentielles étudiantes destinées à remplacer six bâtiments situés immédiatement à l’ouest et au nord du pavillon central de l’ancien hôpital.

Déjà la Caisse a obtenu que soit formé un comité tripartite réunissant Ivanhoé Cambridge, la Société québécoise des infrastructures et le gouvernement (probablement le ministère des Finances).

De plus, le gouvernement de la CAQ versera à la Caisse une somme de dix-millions$ qui servira préparer un rapport destiné à étayer le projet et à en estimer les couts.

Le comité est formé comme si le gouvernement avait déjà décidé de la vocation future du site puisqu’aucun usage autre que celui de résidence universitaire ne sera envisagé.

De plus, c’est dix-millions$ que McGill n’aura pas à dépenser pour concevoir et préciser son projet de résidence. L’université épargnera également des frais de démarchage puisqu’au sein du comité tripartite, la Caisse sera toute vouée à la promotion de leurs intérêts communs.

Pourtant, la question fondamentale à se poser est la suivante; est-il souhaitable que le site du Royal Victoria tombe entre les mains de McGill ?

La machine assimilatrice à l’anglais

L’assimilation linguistique s’opère principalement par le biais du marché du travail et de l’école.

Dans le premier cas, l’exigence abusive du bilinguisme par les entrepreneurs et commerçants entraine une ‘louisianisation’ de la région montréalaise qui mène ultimement à l’extinction du peuple francoQuébécois.

Si la Loi 101 oblige les francoQuébécois et les néoQuébécois à fréquenter l’école publique française au primaire et au secondaire, cette loi est muette au post-secondaire, c’est-à-dire au niveau des Cégeps et des universités.

Cet oubli s’est avéré regrettable puisqu’au fil des ans, ceux-ci sont devenus d’importantes machines assimilatrices.

Le cas de McGill

De loin, McGill est la plus riche université du Québec.

Son campus est déjà plus vaste que celui de n’importe quelle autre université québécoise. En plus d’une réserve financière de 1,7 milliard$ accumulée dans ses fondations, et en plus de ses biens évalués à 4,9 milliards$, McGill possède des revenus annuels de 1,4 milliard$, soit le cinquième du budget de la ville de Montréal.

En 2019, le gouvernement libéral de Philippe Couillard dérèglementait complètement les frais de scolarité imposés aux étudiants internationaux. Depuis ce temps, les universités québécoises sont libres de facturer ce qu’elles veulent à ces étudiants.

À McGill, selon les facultés, l’étudiant étranger doit débourser en frais de scolarité une somme comprise entre seize et vingt-quatre-mille dollars par année. Or ils sont 11 053 à le faire.

Pour l’ensemble des universités anglaises du Québec — McGill, Concordia et Bishop — c’est 16 368 personnes.

Pour profiter de cette manne, McGill peut compter sur la complicité du ministère fédéral de l’Immigration.

Ce dernier approuve 92 % des demandes de requérants étrangers pour étudier à l’université McGill. Par contre, il refuse la moitié des demandes pour étudier à l’université Laval. Le pourcentage des refus grimpe même à 72 % dans le cas des établissements scolaires francophones lorsqu’il s’agit de demandeurs provenant d’Afrique.

Si bien que dans l’ensemble du réseau universitaire, la moitié des étudiants étrangers au Québec sont inscrits au réseau anglais, soit bien au-delà de la proportion des Anglophones au Québec.

Quant aux fonds de recherche, les trois principaux organismes subventionnaires d’Ottawa — l’Institut de recherche en santé du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada ainsi que le Conseil de recherches en sciences humaines — refusent depuis 30 ans presque toutes les demandes de subvention rédigées en français.

Si bien que dans les universités anglaises du Québec, l’argent du fédéral coule à flots. En 2017-8, c’est 302 millions$ qu’Ottawa a versés à McGill, soit bien plus que les 184 millions$ à l’Université de Montréal ou les 177 millions$ à l’université Laval.

Au Québec, Ottawa verse 2 663$ par étudiant anglophone à plein temps et 1 430$ pour un étudiant francophone à plein temps.

Le résultat, c’est que les Cégeps et universités anglaises ont 56 % plus d’argent pour former chacun de leurs étudiants. Cela signifie des classes plus spacieuses, des laboratoires mieux équipés, et plus de moyens pour favoriser la réussite des travaux de recherche.

Les Cégeps anglais

Après avoir été scolarisés en français au primaire et au secondaire, une proportion croissante de jeunes francoQuébécois font leurs études post-secondaires en anglais.

De 2010 à 2015, dans les Cégeps anglais du Québec, la proportion de nouveaux étudiants dont la langue maternelle n’est pas celle de Shakespeare est passée de 55,8 % à 61,5 %.

Parmi ceux-ci, les jeunes francophones représentaient 24,5 % (en 2010) et 31,3 % (en 2015) des nouvelles inscriptions.

Nonobstant le cas des étudiants internationaux et celui des jeunes Québécois issus de l’immigration, près du tiers des sommes alloués par le gouvernement de la CAQ à l’éducation post-secondaire sert à angliciser des adolescents francophones.

Chez les adolescents de langue maternelle française qui ont entrepris un parcours scolaire destiné à les mener à l’université — en somme, ceux qui ne sont pas inscrits à un DEC technique — 80 % de ceux qui font leurs études collégiales en anglais s’inscrivent à une université anglaise alors que ce pourcentage est de 13 % chez ceux qui ont fait leurs études collégiales en français.

Chez les adolescents dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais, la situation est similaire (respectivement 91 % et 18 %).

En somme, le Cégep anglais constitue un choix de vie définitif; la plupart des adolescents inscrits à un Cégep anglais espèrent travailler en anglais à la suite de la remise de leurs diplômes.

Cela s’explique facilement. Les détenteurs d’une formation collégiale ou universitaire seront plus à l’aise, pour le reste de leur vie, de s’exprimer en anglais dans leur domaine de compétence puisque les termes techniques, les concepts et les notions apprises l’auront été dans cette langue.

Dans son premier rapport annuel, le nouveau commissaire à la langue française note que l’utilisation de l’anglais par les francoQuébécois et les néoQuébécois est liée au fait d’avoir étudié dans un Cégep ou dans une université anglaise.

L’assimilation linguistique prend combien de temps ?

Dans le cas des immigrants, on croit généralement que l’assimilation (appelé également ‘transfert linguistique’) prend trois générations.

La première génération est celle des nouveaux arrivants, attachés à leur culture d’origine, mais qui tentent de leur mieux de refaire leur vie en apprenant la langue de la société d’accueil.

La deuxième génération est celle de leurs enfants. Ceux-ci ont appris tôt la langue des parents, mais sont devenus bilingues après leur passage à l’école publique.

La troisième génération est celle des petits-enfants qui n’utilisent sommairement la langue des grands-parents que lorsqu’ils les rencontrent. Une langue qu’ils oublient peu à peu après leur décès.

Est-ce que ce modèle s’applique au contexte québécois ?

En 2009, plus de 3 200 étudiants provenant principalement de sept Cégeps de l’ile de Montréal ont répondu à un questionnaire comptant plus de quarante questions et portant leurs comportements linguistiques.

Pour ce qui est de leurs préférences cinématographiques, les collégiens anglophones ne sont pas intéressés par les films en français (d’ici ou d’ailleurs), peu importe la langue de leurs études.

Toutefois, autant chez les collégiens francophones qu’allophones, l’intérêt pour le cinéma en français chutait de manière importante chez ceux qui fréquentent les Cégeps anglais.

Ce phénomène se retrouvait également (mais avec une chute d’intérêt moindre) quant aux émissions de télévision.

On peut présumer que ce qui était vrai pour la télévision en 2009 est probablement vrai de nos jours pour les sites internet.

Les auteurs de cette étude concluaient que la fréquentation d’un Cégep anglais est fortement corrélée avec l’utilisation prédominante de l’anglais dans l’ensemble des situations quotidiennes.

Une fois diplômés, une bonne partie de ceux qui fréquentaient les Cégeps ou les universités anglaises sont devenus indifférents à être servis dans une autre langue que le français.

En d’autres mots, ils se désolidarisent des francoQuébécois unilingues qui sont victimes de discrimination à l’embauche, ceux-ci étant vus comme des pleurnichards qui n’ont qu’à apprendre l’anglais.

Les quelques années qui sont nécessaires pour effectuer des études post-secondaires en anglais ne sont pas suffisantes pour transformer un étudiant francoQuébécois en angloQuébécois.

Mais cette formation anglaise est associée à une propension plus grande à écouter par la suite des films en anglais, à assister à des spectacles en anglais, à lire des livres en anglais, à consulter des quotidiens anglais, et à écouter les actualités en anglais.

Sans compter qu’une partie de ses amis seront des collègues anglophones dont on a fait connaissance au cours des études post-secondaires.

Bref, à s’exposer à l’idéologie qui prévaut chez les angloCanadiens, on en vient peu à peu à penser comme un angloQuébécois, au fur et à mesure que son vocabulaire en français — de moins en moins utilisé — se rétrécit au point qu’on devient plus à l’aise de s’exprimer dans la langue de Shakespeare.

N’est-ce pas ce qu’on appelle l’assimilation ?

Le travail estival des étudiants internationaux

Au cours de leurs études, les étudiants internationaux doivent assurer leur subsistance.

Lorsqu’on tient compte des millions de touristes que le Québec accueille chaque année, les dizaines de milliers d’étudiants internationaux ne représentent pas une proportion importante de la demande de biens et services en anglais.

Toutefois, près de la moitié (44 %) des étudiants étrangers travaillent ici durant leurs études. Beaucoup viennent pourvoir des postes dans des secteurs aux prises avec des difficultés de recrutement comme la restauration et l’hébergement.

En raison de la délivrance parcimonieuse de visas par Ottawa, la majorité d’entre eux ne parlent pas français. Sur le marché du travail, ceux-ci s’ajoutent donc à tous ces jeunes angloQuébécois unilingues réticents (ou même opposés) à apprendre notre langue.

Si bien qu’à l’Office québécois de la langue française, on assiste à une explosion des plaintes reliées à la langue de service.

La solution à ce problème est simple; elle consiste à imposer une connaissance minimale du français à tous ceux qui fréquentent les établissements scolaires post-secondaires au Québec.

À défaut de cette mesure, augmenter la capacité d’accueil des étudiants internationaux par l’université McGill, c’est multiplier les cas où on sera incapable de nous servir dans notre langue, ici même, dans notre propre pays.

Conclusion

Revenons maintenant à la Caisse de dépôt et placement.

Depuis le gouvernement libéral de Philippe Couillard, la Caisse est devenue l’État dans l’État.

En lui donnant carte blanche pour mettre en œuvre le plus important projet québécois de transport en commun depuis un demi-siècle, les Libéraux ont confié ce projet à des gens parfaitement incompétents en urbanisme et en transport en commun.

Si bien que la Caisse n’a rien vu de mal à proposer que son REM de l’Est surgisse de terre au centre-ville de Montréal comme le serpent monstrueux d’une bande dessinée de Marvel Comics.

Et parce que les dirigeants de la Caisse ne sont rien d’autre que de simples gestionnaires de capitaux, l’attribution du contrat de construction des wagons du REM s’est fait sur la seule base du prix, sans tenir compte des retombées économiques (généralement neuf fois supérieurs au cout d’un contrat).

Une erreur qu’aucun ministre de l’Économie compétent n’aurait commise.

Après ses récents déboires financiers et l’humiliation subie en se voyant éjectée — Dieu merci — du projet du REM de l’Est, la Caisse se mêle maintenant du dossier délicat de la vocation des bâtiments inoccupés de l’ancien hôpital Royal Victoria.

Essentiellement, ce dossier est politique puisque la question est de savoir s’il est approprié d’alimenter la machine assimilatrice anglaise de McGill dans un contexte marqué par le déclin du français au Québec.

Or, fidèle à ses habitudes, la Caisse entend faire cheminer secrètement ce nouveau dossier auprès des plus hautes instances de l’État québécois. Comme le cheval de Troie de McGill auprès du ministère des Finances.

Il est temps que le gouvernement québécois remette la Caisse à sa place en l’obligeant à se mêler de ses affaires.

Références :
Après le REM, la Caisse s’attaque aux logements étudiants
Au Québec, les universités anglaises sont favorisées
Caisse de dépôt : le poids du Québec fond
Des « répercussions importantes » sur la vitalité du français
‘Dutch by default’: Netherlands seeks curbs on English-language university courses
Étudiants étrangers: «International Cegep Corp.»
La Caisse de dépôt prend-elle trop de risques?
Langue française : explosion des plaintes à l’OQLF l’an dernier
Le coût des études universitaires au Québec en 2023 pour étudiants étrangers
Hôpital Royal Victoria
Le chef des risques de la Caisse annonce sa retraite après le fiasco des cryptomonnaies
Le « déclin lent et irrémédiable » du français en sciences au Canada
Le défilé des Rhodésiens
Les bonis à la Caisse sont-ils mérités?
Les cégeps français à Montréal : le début de la fin ?
L’indice Québec 30 et la CDPQ
Permis d’études pour étudiants étrangers : la moitié des demandes pour le Québec refusées par Ottawa
Peut-on encore croire CDPQ Infra ?
Quotas ethniques, discrimination et prix du fédéralisme
Rapport d’activités 2022-2023 – Commissaire à la langue française
Sans l’indépendance, pas d’avenir pour le français comme langue nationale
Une analyse des comportements linguistiques des étudiants du collégial sur l’ile de Montréal
Universités anglophones: 200 M$ par année pour angliciser le Québec

Parus depuis :
Quand le prix d’un logement nuit aux études (2023-08-21)
Montréal octroie 6,3 M$ à un OBNL pour le logement étudiant (2023-09-20)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à l’anglicisation du Québec, veuillez cliquer sur ceci

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’immigration au Québec : enfin de bonnes décisions !

30 mai 2023

La connaissance du français, un prérequis

La ministre québécoise de l’Immigration annonçait jeudi dernier la nouvelle politique migratoire de son gouvernement. En quelques mots, il s’agit d’une politique digne de ce nom.

Sa mesure phare ? Il sera dorénavant obligatoire d’avoir une connaissance adéquate du français avant d’immigrer au Québec. Sauf dans le cas des réfugiés, vu l’urgence de leur situation.

Le qualificatif ‘adéquat’ signifie que la connaissance du français sera modulée en fonction des métiers auxquels le requérant pourra postuler en raison de son expertise; en somme, il devra connaitre ce qui lui sera nécessaire pour vivre au Québec et travailler dans notre langue.

Ce faisant, la CAQ s’inspire de la Grande-Bretagne. Dans ce pays, l’immigrant ne peut pas mettre le pied sur le sol britannique s’il n’a pas déjà la connaissance de l’anglais. De manière conséquente, un citoyen britannique ne peut pas faire venir son conjoint de l’Étranger si cette personne ne parle pas l’anglais.

Lentement, cette mesure permettra de renverser l’anglicisation de Montréal si et seulement si la CAQ associe cette mesure à d’autres destinées à faire du français la langue du travail au Québec et à bloquer l’accès aux CÉGEPs anglophones à ceux qui ne devraient pas y avoir droit.

L’intention de la CAQ de hausser les seuils d’immigration — à l’exclusion des travailleurs temporaires — a attiré beaucoup d’attention.

Entre la cible péquiste d’accueillir trente-cinq-mille néoQuébécois par année et le double préconisé par le Parti libéral du Québec, tout est acceptable puisqu’aucune étude n’a déterminé la capacité d’intégration du Québec.

Deux choses sont certaines.

Premièrement, lorsqu’une pénurie de main-d’œuvre est ponctuelle, l’immigration est un excellent moyen de la corriger. Cela consiste à faire appel à l’Étranger pour combler des besoins que le marché intérieur n’arrive pas à corriger de lui-même.

Mais cela n’est plus vrai lorsque la pénurie est généralisée. Comme c’est le cas actuellement, puisque tout effet positif de l’arrivée d’un néoQuébécois est contrebalancé par la pression qu’il exerce en raison de l’ensemble des biens et des services qu’il requiert.

Et deuxièmement, dès que la connaissance du français est un prérequis à l’immigration au Québec, on pallie automatiquement la menace existentielle représentée par l’immigration massive anglophone voulue sournoisement par Ottawa.

L’échec du programme Arrima

Élaboré par le Parti libéral et adopté par la CAQ huit mois après son accession au pouvoir, le programme Arrima était voué à l’échec.

Son principe était pourtant séduisant; il s’agissait d’arrimer (d’où son nom) l’immigration au Québec aux besoins du marché.

En réalité, il s’agissait plutôt de limiter le ‘cheptel’ migratoire à une évaluation technocratique des besoins du marché.

Cela reposait sur une illusion; l’aptitude à prévoir rigoureusement les besoins futurs d’une économique dont le rythme de transformation s’accélère.

Les délais à l’immigration, qui se calculent en années au fédéral, font en sorte que les compétences utiles que possède le requérant pouvaient ne plus être celles recherchées lorsqu’il est finalement accepté au pays.

Concrètement, ajoutez la pandémie au Covid-19, la délocalisation industrielle vers l’Amérique du Nord causée par les sanctions contre la Russie, la course à décarboner l’économie occidentale et le résultat est que, soudainement, les besoins de main-d’œuvre surgissent de partout.

En réalité, dans le contexte actuel, n’importe quel locuteur francophone qui est à la fois intelligent et débrouillard est le bienvenu au Québec.

D’où la nécessité d’abolir la lourdeur bureaucratique du programme Arrima.

Malheureusement, la décision cavalière de l’ex-ministre de l’Immigration du Québec de détruire dix-huit-mille dossiers en attente d’une décision — plutôt que de retourner ces précieux documents à leurs expéditeurs — afin de forcer ces derniers à soumettre de nouveau leur demande par la voie du système Arrima a durablement terni la réputation du Québec à l’Étranger.

Le programme d’expérience québécoise

Créé en 2010, le Programme de l’expérience québécoise visait à offrir une voie rapide à l’immigration au Québec pour des étudiants étrangers et des travailleurs temporaires.

Toutefois, une décennie plus tard, dans le but d’atténuer son succès, l’ex-ministre de l’Immigration du Québec avait décidé d’exiger douze ou dix-huit mois d’expérience québécoise aux étudiants étrangers qui désiraient demeurer ici à la fin de leurs études. Dans le cas des travailleurs temporaires, l’expérience exigée était de 36 mois.

Cette exigence caquiste, combinée à la discrimination du ministère fédéral de l’Immigration à l’égard des étudiants francophones — particulièrement s’ils sont africains — a fait chuter la fréquentation des établissements scolaires francophones dans les régions du Québec où ces étudiants compensaient une baisse de fréquentation résultant de la diminution de la natalité.

Le résultat de la politique coloniale d’Ottawa est que 44 % des demandes qu’il accepte au Québec le sont pour des personnes qui veulent étudier dans les universités anglophones.

En plus d’abolir la nécessité d’avoir accumulé une expérience pratique pour tous les étudiants étrangers, la CAQ pallie la discrimination fédérale en exigeant à ceux qui fréquentent les établissements anglophones d’avoir également étudié en français à plein temps pendant trois ans à un niveau secondaire ou postsecondaire.

Quant aux travailleurs temporaires peu qualifiés (comme les travailleurs agricoles) qui voudraient profiter du Programme d’expérience québécoise, ils devront posséder une maitrise intermédiaire (niveau 5 sur 12) du français.

Francisation Québec

Pour terminer, le gouvernement de la CAQ crée un droit d’apprendre le français.

À cette fin, il mettra sur pied un guichet unique d’apprentissage du français — sans obligation de réussite — ouvert à tous, néoQuébécois ou non.

La formation prodiguée pourra l’être en salle de cours, en usine ou en ligne.

Conclusion

Après cinq ans d’errance, la CAQ s’est finalement dotée d’une politique migratoire digne de ce nom.

Pour ce faire, elle s’est largement inspirée du Parti Québécois. Or ça tombe bien; le PQ possède le meilleur programme politique à ce sujet.

À mes amis péquistes qui se désolent de voir la CAQ ‘voler’ leurs meilleures idées en matière d’immigration, consolez-vous en pensant qu’une politique linguistique nationale comprend évidemment un volet migratoire, mais également un volet sur la langue de travail, sur la langue de l’enseignement et, dans une moindre mesure, au sujet de la langue d’affichage.

Bref, la CAQ a encore des croutes à manger avant d’égaler le PQ.

De plus, pensez qu’il ne peut y avoir de référendum gagnant au sujet de l’indépendance du Québec sans refrancisation préalable de Montréal. Puisque le PQ tient absolument à cette mauvaise idée qui consiste à organiser un référendum dès son premier mandat alors que cela serait prématuré, la CAQ, dans le fond, prépare le terrain à l’accession au pouvoir du PQ et à l’organisation d’un référendum gagnant.

Références :
Étudiants étrangers : les préférences canadiennes
Immigrants francophones « Évitez le Québec »
Immigrants’ spouses ‘must speak English before entering UK’
Immigration : l’appel du patronat entendu par François Legault
Immigration : l’illusion des prophéties
La Grande démission aux États-Unis
Le gouvernement Legault a terni la réputation du Québec, accuse l’opposition
Le PQ et la francisation des immigrants
Pénuries de main-d’œuvre, immigration et âge de retraite
Québec éliminera 18 000 dossiers d’immigration non traités
Québec lance son guichet unique de services en francisation
Québec songe à accueillir plus de 60 000 immigrants en 2027
Révision des programmes d’immigration: Québec modulera les exigences de français
Six éléments à retenir des annonces de Québec en immigration

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Défense du français : les tergiversations de la CAQ

23 mai 2023

L’éveil de François Legault

Le 10 mai, le premier ministre François Legault annonçait son intention de faire en sorte que pour immigrer au Québec (en dehors des programmes humanitaires ou du regroupement familial), il sera obligatoire d’avoir une bonne connaissance préalable de la langue française.

C’est une mesure qui fait partie du programme du Parti Québécois (PQ) depuis 2017 et que nous avons défendue sur ce blogue à plusieurs reprises.

Depuis plus d’une semaine, à l’Assemblée nationale, le premier ministre reproche au Parti Libéral et au PQ de ne pas l’avoir fait lorsqu’ils étaient au pouvoir.

Le premier ministre pourrait également adresser ce reproche à son propre parti puisque celui-ci ne l’a pas fait non plus depuis qu’il est au pouvoir; en effet, nous en sommes encore qu’à l’étape des bonnes intentions gouvernementales.

Le reproche qu’adresse le premier ministre au PQ sert à détourner l’attention du fait que la politique migratoire du PQ, qui date de 2017, est cinq ans d’avance sur lui.

Mais vaut mieux tard que jamais.

La lenteur de la CAQ à défendre le français

Le gouvernement de René Lévesque est entré en fonction le 25 novembre 1976. Il a présenté la Loi 101 le 27 avril suivant. Et celle-ci fut adoptée le 26 aout 1977, soit neuf mois après sa prise du pouvoir.

Cette promptitude reflétait l’importance que René Lévesque attachait à assurer la pérennité du français au Québec.

François Legault est entré en fonction le 18 octobre 2018. Sa loi 96 — qui renforce timidement la Loi 101 — a été présentée le 13 mai 2021 et fut adoptée le 24 mai de l’année suivante, soit 42 mois plus tard. Ce manque d’empressement dit tout.

Mais un demi-siècle après l’adoption de la Loi 101, il est possible que les choses aillent tellement mieux qu’il n’est pas nécessaire de s’empresser de renforcer la Loi 101.

Qu’en est-il exactement ?


 
Le recensement de 2021 révélait que l’importance démographique des Francophones décline au Québec depuis quinze ans. De plus, depuis cinq ans, le pourcentage des familles montréalaises où se parlent les deux langues officielles du pays a été multiplié par dix.

Le milieu familial est là où naissent et grandissent les Québécois de demain. Or cette bilinguisation familiale est une étape intermédiaire vers la ‘louisianisation’ du Québec.

Pendant ce temps à Ottawa…

Parallèlement, le gouvernement fédéral ouvrait toutes grandes les vannes de l’immigration; plus d’un-million de néoCanadiens ont été accueillis en 2022 et deux-millions de dossiers sont en attente d’approbation au ministère fédéral de l’Immigration.

Au rythme actuel, la population canadienne comptera cent-million de citoyens en 2100.

À Québec, on suppute

À la suite des dernières élections québécoises, la défense du français a été confiée au ministre Jean-François Roberge. Depuis, ce dernier a lancé un ‘grand chantier’ à ce sujet.

Malheureusement, ce que le ministre appelle ‘chantier’ n’est pas un lieu où on construit à partir d’un plan préétabli.

Ce qu’il appelle ‘chantier’ est un lieu où on s’assoit pour discuter. En somme, c’est un chantier assis. Parce qu’après avoir dormi cinq ans sur la défense du français, la CAQ s’est redressée et elle est maintenant assise. C’est un progrès.

Pendant qu’on s’active à Ottawa, le gouvernement actuel songe. Il suppute. Il évalue en regardant le train fédéral passer.

Et le premier ministre se vante d’avoir découvert une idée qui, effectivement, est excellente. Mais elle n’est pas de lui. Pour l’instant, c’est une idée qu’il songe à mettre en application éventuellement. Un jour, peut-être.

À moins d’y renoncer entretemps… Qui sait ?

Références :
Anglicisation du Québec : l’omelette de la loi 96
Le ministre Roberge et la défense homéopathique du français
Le PQ et la francisation des immigrants
Quelles seront les réformes de Québec en immigration?

Paru depuis : Ottawa a versé des milliards pour l’anglais au Québec (2023-11-27)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le ministre Roberge et la défense homéopathique du français

4 février 2023

Introduction

J’éprouve à l’égard du ministre Jean-François Roberge un sentiment ambivalent.

D’une part, c’est un homme brillant et un communicateur excellent qui ne perd jamais son sang-froid. Même quand il élève le ton, c’est généralement une colère froide, soigneusement réfléchie.

Mais d’autre part, c’est aussi quelqu’un qui ment comme il respire.

Souvenons-nous du protocole-bidon destiné à mesurer le taux de CO₂ dans les écoles et qui, selon lui, avait été approuvé par la Santé publique (ce que celle-ci avait démenti).

À l’Assemblée nationale, pas un battement de cils ne trahissait son effronterie.

En devenant ministre de la Langue française, c’était pour lui l’occasion de repartir à neuf. De se créer une nouvelle réputation.

Le retour à la case départ

Personne ne peut douter de la sincérité de son prédécesseur, Simon Jolin-Barrette, à défendre le français au Québec.

En dépit de cela, j’ai eu l’occasion de critiquer sévèrement sa loi 96, une loi que la CAQ mit trois ans à faire adopter et qui, à sa face même, était très insuffisante.

Dès son arrivée en fonction, voilà le nouveau ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, annoncer qu’il entreprend un grand chantier au sujet du français au Québec.

Quel chantier ?

L’image qui nous vient à l’esprit lorsqu’un parle d’un chantier, c’est celle d’un terrain généralement clôturé sur lequel des ouvriers portant un casque protecteur et des souliers blindés versent du ciment dans un coffrage, scient, clouent, assemblent. Bref, des gens qui travaillent et qui suent. C’est ça, un chantier.

Mais derrière cette appellation, ce que le ministre appelle ‘chantier’, c’est la création d’un groupe consultatif appelé Groupe d’action (sic) pour l’avenir de la langue française. Bref, des gens qui s’assoient et qui placotent.

Ce qu’on comprend, c’est que la défense caquiste du français ne coutera pas cher de désodorisant.

En définitive, après cinq ans de pouvoir, la CAQ est à court d’idées. Et pour qu’on ne s’en rende pas compte, son ministre de la Langue française a décidé de faire diversion.

La récolte des idées

Actuellement, le parti dont le programme est le plus étoffé quant à la défense du français, c’est le Parti Québécois. Cela n’a rien d’étonnant; c’est le parti qui a fait adopter la Loi 101.

En politique, pirater les idées des autres est de bonne guerre.

Voilà pourquoi le gouvernement libéral de Philippe Couillard s’est abondamment inspiré du programme de la CAQ (malheureusement en y pigeant ce qu’il y avait de pire) et a même accueilli dans ses rangs des transfuges comme Dominique Anglade et Gaétan Barrette.

Et pour lui remettre la politesse, la CAQ a accueilli dans ses rangs Marguerite Blais, la ministre libéro-caquiste des Ainés. Celle qui a regardé le film du Covid-19 dans les CHSLD en mangeant du popcorn.

Pourquoi se presser ?

En analysant l’évolution de la démographie linguistique du Québec depuis quinze ans, on peut voir que de 2016 à 2021, l’anglicisation du Québec s’est accélérée.


 
Depuis quinze ans, le pourcentage des parents qui élèvent leurs enfants à la fois en français et en anglais est passé de 1,6 % à 16,6 % sur l’ile de Montréal, et de 1,3 % à 13,5 % dans l’ensemble de l’agglomération métropolitaine. Surtout de 2016 à 2021.

Pour ‘louisianiser’ une famille, cela prend cinq générations. La première est francophone et connait de l’anglais juste ce qu’il lui faut pour se débrouiller. La deuxième est bilingue. La troisième parle généralement anglais mais réussit à comprendre grosso modo ce que disent ses grands-parents. Et la génération suivante est anglophone.

La deuxième étape de notre ‘louisianisation’ est entamée. Et on peut en mesurer l’ampleur. Elle sera complétée dans une décennie si rien de significatif n’est fait par le gouvernement du Québec.

Or le ministre Roberge nous annonce maintenant quatre années supplémentaires d’attente, de réflexion, de consultation et de ‘campagnes de sensibilisation’ dans des médias francophones (ceux que ne consultent jamais ceux qui sont en voie d’assimilation à l’anglais).

Que dirait-on de pompiers qui, alertés d’un début d’incendie, choisiraient de se réunir autour d’une table pour élaborer un plan d’action concret destiné à être présenté au prochain congrès national des pompiers qui doit se tenir justement dans l’édifice en feu…

C’est ça, le programme de la CAQ au sujet de la défense le français; un show de boucane.

Références :
Anglicisation du Québec : l’omelette de la loi 96
Le défilé des Rhodésiens
Le PQ et la francisation des immigrants
Québec lance un grand chantier pour protéger le français

Parus depuis :
Italian government seeks to penalize the use of English words (2023-04-01)
Ottawa a versé des milliards pour l’anglais au Québec (2023-11-27)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à l’anglicisation du Québec, veuillez cliquer sur ceci

Un commentaire

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La politique linguistique du Parti Conservateur du Québec est dans le Cracker Jack

21 septembre 2022

Introduction

Le Cracker Jack est une friandise américaine composée de maïs soufflé enrobé de mélasse. Auprès des enfants, il doit sa popularité au cadeau-surprise de peccadille que chaque boite contenait de 1896 à 2016.

Vingt ans de laisser-faire

Au cours des vingt dernières années, le gouvernement québécois n’a rien fait pour contrer l’anglicisation du Québec.

L’inaction des gouvernements libéraux de Jean Charest et de Philippe Couillard a été suivie par celle du gouvernement de François Legault. Sauf quant à la présentation de la loi 96, très insuffisante, en fin de mandat.

Selon un sondage publié hier par le Journal de Québec, trois partis politiques se disputent à égalité (16 %) la seconde place dans les intentions de vote, dont le Parti Conservateur du Québec (PCQ).

De toutes les formations politiques, le PCQ est le plus flou quant à ses intentions relatives à la défense du français.

D’esprit libertarien, le PCQ s’oppose à la loi 96 qu’il juge contraignante. Tout comme le Parti Libéral, le Parti Conservateur s’oppose aux mesures qui suscitent l’opposition des angloQuébécois. Ceci est l’équivalent de leur donner un droit de véto sur la défense du français au Québec.

Ceci étant dit, que propose-t-il en retour ?

Le son des criquets

Dans le communiqué intitulé ‘Tous unis pour protéger le français de manière positive’, daté du 6 septembre dernier, on peut lire :

Le PCQ va s’inspirer du rapport intitulé « Une langue commune à tous et pour tous » déposé en novembre 2016 par madame Claire Samson pour élaborer des solutions constructives et non coercitives.

En d’autres mots, depuis 2016, nous avons eu six ans pour accoucher d’un programme concret, mais nous n’avons pas eu le temps. Toutefois, élisez-nous et on verra.

C’est ainsi que son programme électoral affirme son intention de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires à la restauration ou à l’établissement de programmes scolaires aptes à corriger les lacunes du système public d’éducation en matière d’apprentissage, de maitrise et de transmission de la langue française.

Tout cela est très joli. Mais concrètement, quelles sont les mesures que le PCQ compte mettre en œuvre à ce sujet ? Euh… on verra.

Idéalement, une politique linguistique comporte quatre volets : un sur la langue d’enseignement, un autre sur la langue du travail, une politique migratoire et le moins important, au sujet de la langue d’affichage.

Même si le PCQ n’a pas de programme formel pour pallier l’anglicisation du Québec, on trouve dans ses promesses plusieurs mesures qui ont une incidence à ce sujet.

La revanche des berceaux

Sous la rubrique intitulée ‘Assurer la croissance de la culture québécoise dans un contexte de faible natalité et de vieillissement de la population’, le PCQ déclare qu’il favorisera l’augmentation de la natalité en tenant compte des besoins et des réalités des familles québécoises afin d’assurer le renouvèlement démographique de la nation québécoise.

On ignore comment une politique nataliste pourrait assurer la croissance de la culture française au Québec à moins de cette ‘revanche des berceaux’ soit limitée aux couples francophones ? Sinon, qu’est-ce que ça donne ?

D’autant plus que, selon ses propres mots, le PCQ favorisera une politique volontariste pour faire croitre la langue et la culture française. Voilà qui n’est pas forçant.

La langue d’enseignement

À l’école primaire ou secondaire, le PCQ ne remet pas en question l’enseignement du français. Mais il donnera 200$ par semaine (soit 10 400$ par année) pour chaque enfant à qui les parents feront l’enseignement à domicile.


 
Depuis quinze ans, le pourcentage des parents qui élèvent leurs enfants à la fois en français et en anglais est passé de 1,6 % à 16,6 % sur l’ile de Montréal, et de 1,3 % à 13,5 % dans l’ensemble de l’agglomération métropolitaine.

En subventionnant l’enseignement parental à domicile, un nombre inconnu d’élèves passeront de l’école publique française à une microécole privée bilingue.

Une autre mesure que le PCQ compte adopter concerne le mode de financement public des lycées (appelés cégeps au Québec). Le PCQ entend les financer selon leur fréquentation.

Le plus gros cégep anglophone du Québec est le collège Dawson. C’est aussi le plus fréquenté, toutes langues confondues. C’est donc lui qui recevrait la plus grosse part du financement public des cégeps québécois sous un gouvernement du PCQ.

Normalement, les maisons d’enseignement anglophones devraient recevoir leur juste part des sommes que l’État québécois consacre à sa mission éducative.

Cette juste part est liée à l’importance démographique du peuple angloQuébécois au Québec. Au-delà, les contribuables francophones financent l’anglicisation du Québec.

La politique migratoire

Rapatrier tous les pouvoirs

Le PCQ veut rapatrier tous les pouvoirs d’Ottawa en matière d’immigration.

Cela n’arrivera pas. Il y a un demi-siècle, le fédéral et Québec ont conclu une entente qui représente le maximum qu’Ottawa est prêt à concéder. Si le Québec en veut plus, il devra devenir un pays indépendant.

Comme dans la fable ‘La Laitière et le pot de lait’, le PCQ caresse de grandes ambitions; après avoir rapatrié d’Ottawa le programme de regroupement familial, le PCQ en limitera l’accès aux personnes qui parrainent leurs propres enfants d’âge mineur.

Pour des raisons humanitaires, la Cour Suprême du Canada a déjà statué qu’on ne peut pas limiter le regroupement familial. Donc tout Canadien peut cautionner l’immigration de ses propres parents à condition de subvenir à leurs besoins pendant un certain nombre d’années.

Le choix judicieux des immigrants

Le PCQ s’oppose au recours à la clause dérogatoire de la Canadian Constitution. Mais du même souffle, il annonce sa volonté de choisir les immigrants permanents en fonction de leur ‘compatibilité civilisationnelle’.

On cherchera en vain sur le site du PCQ quels sont les critères objectifs qui permettraient de mesurer précisément la ‘compatibilité civilisationnelle’ d’un requérant au statut d’immigrant au Québec.

Si ces critères sont appliqués au cas par cas, il faut se rappeler que lorsqu’une personne demande à immigrer au Québec, elle doit signer une Déclaration sur les valeurs communes de la société québécoise.

Le requérant y déclare vouloir respecter nos valeurs et apprendre le français. Tant que ce document n’est pas signé, le dossier du requérant est incomplet et ce dernier ne peut recevoir le certificat de sélection émis par Québec.

Si ces critères du PCQ bannissent tous les requérants en provenance d’un pays ou tous ceux qui pratiquent une religion jugée ‘civilisationnellement incompatible’, cela est contraire à la Déclaration universelle des droits de la Personne en plus d’être contraire aux chartes canadienne et québécoise des droits et libertés.

Bref, le PCQ ne trouvera pas un seul magistrat au Québec qui acceptera de valider une discrimination systématique basée sur les préjugés ‘civilisationnels’ du PCQ.

La francisation des immigrants

Le financement généreux des cégeps anglophones par le PCQ — dont nous avons parlé plus tôt — est au cœur des mesures destinées à la francisation des immigrants.

Au premier coup d’œil, cela semble contradictoire. Mais pas aux yeux du PCQ. Selon son programme électoral, un gouvernement conservateur…

…rehaussera l’enseignement du français dans les cégeps et les universités anglophones afin de permettre à tous les étudiants issus de l’immigration temporaire d’être en contact avec la culture québécoise d’expression française.

Opposé à interdire aux néoQuébécois l’accès aux cégeps anglophones, le PCQ compte sur des cours de français langue seconde dispensés dans ces maisons d’enseignement pour franciser les immigrants.

Conclusion

En matière de francisation, le programme politique du Parti Conservateur du Québec est le plus insuffisant que j’ai lu de toute ma vie, digne des colifichets de Cracker Jack.

Références :
Anglicisation de Montréal depuis quinze ans
Anglicisation du Québec : l’omelette de la loi 96
Cracker Jack
Duhaime d’abord contre l’agrandissement de Dawson… mais maintenant?
Langue, culture et immigration
Le Collège Dawson réclame le maintien du financement pour son agrandissement
Le serment d’allégeance aux valeurs du pays
Tous unis pour protéger le français de manière positive : Le Parti conservateur du Québec abrogera la Loi 96

Complément de lecture :
Quand défendre le français consiste à enfoncer des portes ouvertes

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Quand défendre le français consiste à enfoncer des portes ouvertes

12 septembre 2022

Introduction

Le mois dernier, Statistique Canada révélait l’importante diminution du pourcentage des familles au sein desquelles les parents élèvent leurs enfants en français.


 
D’autre part, en vue des prochaines élections, les chefs des quatre principales formations politiques du Québec se sont prêtés tour à tour aux questions de trois journalistes lors d’une émission spéciale diffusée récemment à la télévision de Radio-Canada.

Un volet concernait la loi 96, adoptée par le gouvernement sortant en vue de protéger le français au Québec. Le Parti libéral du Québec (PLQ) s’y oppose et cette émission donnait à la cheffe de ce parti, l’occasion de nous expliquer pourquoi.

La loi 96 divise les Québécois

Préoccupé par le déclin du français au Québec, le PLQ juge qu’il faut évidemment défendre notre langue, mais de manière ‘inclusive’.

Or la loi 96 divise les Québécois puisque l’immense majorité des angloQuébécois s’y opposent.

Sans le dire explicitement, ce que souhaite le PLQ, c’est donner aux angloQuébécois un droit de véto sur tous les moyens que le gouvernement pourrait prendre pour freiner ou pour arrêter l’anglicisation du Québec.

La langue de l’État adressée aux néoQuébécois

Dans tous les pays du monde, l’État s’adresse à ses citoyens dans la langue nationale.

De plus, dans le cas du Royaume-Uni, aucun requérant au statut d’immigrant ne peut mettre le pied sur le sol britannique à moins de connaitre déjà la langue anglaise. Seuls les réfugiés, en raison de l’urgence de leur situation, font exception à cette règle.

Avec sa loi 96, le gouvernement sortant a décidé qu’après six mois en sol québécois, toute la correspondance gouvernementale adressée à un néoQuébécois le sera en français.

Celui-ci n’est pas obligé d’avoir appris le français; s’il ne le comprend toujours pas, il faudra qu’il se débrouille puisqu’au Québec, c’est en français que ça se passe.

La cheffe du PLQ soutient que six mois, c’est trop court pour apprendre le français (ce que, répétons-le, la loi n’exige pas).

Mais même si on donnait deux ans, dix ans ou vingt ans, on ne ferait que différer le problème; il y a des gens qui passent toute leur vie au Québec sans avoir réussi à apprendre notre langue. Michael Rousseau, le président d’Air Canada, en est un exemple.

L’accès aux CÉGEPs anglophones

En Italie ou en Allemagne, par exemple, la seule école où on peut envoyer ses enfants aux frais des contribuables, c’est à l’école publique. C’est la seule gratuite. Et c’est dans la langue nationale que les élèves y font leur apprentissage.

Évidemment, on peut toujours envoyer ses enfants dans une école où les professeurs enseignent dans une autre langue. Mais c’est à ses frais.

Depuis la Loi 101, c’est la même chose au Québec. Sauf que cette loi fait exception pour les angloQuébécois. Ceux-ci disposent de leurs propres écoles publiques (donc financées par l’État).

De plus, la Loi 101 ne s’applique qu’à l’enseignement au primaire et au secondaire. Jusqu’ici, elle ne s’appliquait pas aux lycées (appelés CÉGEPs au Québec). Cette lacune a été corrigée par la loi 96.

Le PLQ s’y oppose. À cette émission spéciale de Radio Canada, Dominique Anglade déclarait :

Je ne conçois pas qu’on dise à nos jeunes adultes qu’ils devront choisir devant un CÉGEP français vs CÉGEP anglais. Ils ont le droit de prendre cette décision-là eux-mêmes.

Les jeunes Québécois ont le droit de décider de leur avenir. Mais un étudiant francophone qui souhaite un avenir en anglais devra se le tailler à ses frais.

Le cout de l’inscription dans un CÉGEP (environ 20$ par session) ne représente qu’une minuscule partie des frais réels de l’enseignement dans nos lycées. Or nous, contribuables francophones, refusons de financer l’anglicisation du Québec.

La liberté de choix de la langue d’enseignement était le principe défendu par la loi 63 de l’Union nationale, un parti rayé de la carte précisément pour l’avoir adoptée.

En 1969, le peuple francoQuébécois a réalisé l’absurdité de financer sa propre extinction : Dominique Anglade ne nous fera pas revenir 53 ans en arrière.

Évidemment, nos amis Anglophones sont bien libres de ne pas être de notre avis. Mais on vit dans une démocratie quand les minorités sont libres de s’exprimer et, précisons-le, quand les majorités sont libres d’agir…

La clause dérogatoire

Le PLQ s’oppose à ce que la loi 96 invoque la clause dérogatoire, cette disposition constitutionnelle qui permet d’en déroger.

En 1977, le gouvernement péquiste de René Lévesque adoptait la Loi 101. Ce qui a fait réaliser à Ottawa que la vieille loi britannique qui servait de constitution au pays depuis 1867 était pleine de trous.

Voilà sur quoi repose l’urgence soudaine de doter le Canada d’une nouvelle constitution cinq ans plus tard; il fallait invalider des pans entiers de la Loi 101. Ce que la Cour suprême du Canada elle-même a reconnu dans un jugement qu’elle a rendu en 1984.

Je vous épargnerai le jargon juridique utilisé par le plus haut tribunal du pays pour vous en donner la traduction suivante :

Étant donné que la constitution a été écrite après la Loi 101, lorsqu’on compare le texte de l’article 23 de la constitution avec le texte correspondant dans la Loi 101, il est évident que cette dernière était l’exemple parfait d’une législation que le gouvernement fédéral voulait contrer…

En réalité, lorsque Dominique Anglade déclare vouloir retirer la clause dérogatoire invoquée par la loi 96, elle veut donner cette loi en pâture à la voracité des juges à la solde d’Ottawa ou à celle de ces juges ultra-fédéralistes nommés par le PLQ au cours des quinze ans où il fut au pouvoir.

Il suffit de lire le jugement d’une incroyable partialité rendu le 12 aout dernier par la juge Chantal Corriveau à l’encontre de deux articles de la loi 96 pour se convaincre de ce secret de Polichinelle; toute la machine judiciaire à la solde d’Ottawa est en croisade pour trouver des puces — et en inventer si nécessaire — afin de forcer le Québec à revêtir, malgré la clause dérogatoire, la camisole de force constitutionnelle que le Canada anglais a adoptée contre nous en 1982.

Conclusion

Les choix référendaires de la nation québécoise ont consisté à remettre notre sort entre les mains de l’ethnie dominante du Canada. Les plus récentes données de Statistique Canada permettent aujourd’hui de mesurer l’étendue de cette imprudence.

Face à cela, la loi 96 est très insuffisante. Voilà pourquoi il serait inacceptable de nous contenter de moins. C’est précisément ce que veut le PLQ.

Son refus dogmatique d’invoquer la clause dérogatoire fait de ce parti le chantre de l’asservissement à l’ordre constitutionnel canadian.

Et les mesures homéopathiques qu’il propose aujourd’hui pour pallier l’anglicisation du Québec, de même que le droit de véto implicite qu’il entend accorder aux angloQuébécois à ce sujet, sont autant de preuves que les dirigeants de cette formation politique sont les ‘collabos’ du régime colonial canadien.

Références :
Anglicisation de Montréal depuis quinze ans
Anglicisation du Québec : l’omelette de la loi 96
La loi 96 : le mythe de l’obligation d’apprendre le français en six mois
Le commissaire Théberge blâme Air Canada pour le discours unilingue de son PDG
Le défilé des Rhodésiens
Les droits linguistiques à géométrie variable
Loi 63 de l’Union nationale

Parus depuis :
Italian government seeks to penalize the use of English words (2023-04-01)
« It’s very english » sur la voie maritime du Saint-Laurent (2023-05-19)

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Écrit par Jean-Pierre Martel