Quand l’histoire du Québec débute-t-elle ?

Publié le 14 mai 2024 | Temps de lecture : 3 minutes

Par définition, l’histoire de l’Humanité débute avec l’invention de l’écriture. Avant, on parle de préhistoire.

Pourtant, peut-on imaginer une histoire de la France qui débuterait avec la conquête romaine des Gaules sous le prétexte que les Romains ont laissé des écrits alors que les Gaulois, illettrés, n’ont laissé aucun document antérieur à cette conquête ?

Pour pallier cette lacune, on a créé le concept (controversé) de ‘protohistoire’. Celle-ci se situe entre la préhistoire et l’histoire. Elle couvre l’histoire des peuples illettrés telle que racontée à la même époque par des peuples dotés d’une écriture.

Dans sa rubrique consacrée à l’histoire de France, Wikipédia la divise en quatre époques :
• la préhistoire,
• la protohistoire et l’antiquité,
• du Moyen-Âge à la Révolution, et
• depuis la Révolution.

De la même manière, l’histoire du Québec (au sens général du terme) comprend évidemment l’histoire de nos peuples autochtones. Mais l’histoire proprement dite débute avec la colonisation française au Québec, c’est-à-dire avec l’arrivée chez nous de Samuel de Champlain.

Dernièrement, le premier ministre du Québec annonçait l’intention de son gouvernement de créer un musée national consacré à l’histoire proprement dite du Québec.

Cette décision a aussitôt suscité la controverse. On reproche à ce projet d’ignorer notre préhistoire, celle des peuples autochtones qui occupaient ce territoire depuis des siècles, voire depuis plus d’un millénaire.

Toutefois, selon le dicton, qui trop embrasse mal étreint. En d’autres mots, le premier ministre a sans doute raison de limiter dès le départ l’ambition de ce nouveau musée, quitte à en élargir la portée lorsqu’il atteindra sa maturité.

Ceci étant dit, il serait peut-être avantageux que ce musée présente également notre protohistoire, c’est-à-dire l’époque des voyages infructueux de Jacques Cartier.

En comparant Cartier à Champlain, cela permettrait d’expliquer l’échec du premier (qui s’est mis tous les peuples autochtones à dos), et de comprendre pourquoi le doigté et la diplomatie du second ont rendu possible une présence française en Amérique, une présence qui s’est poursuivie jusqu’à maintenant, en dépit des difficultés qu’elle a rencontrées.

À une époque où le militantisme idéologique de certains tend à gommer les différences fondamentales entre la colonisation française en Amérique et les autres, notre passé (unique dans l’histoire de l’Humanité) mérite d’être présenté.

Or, pour éviter l’appropriation culturelle — si condamnable aux yeux du mouvement woke — cette histoire ne peut être racontée que par nous, quitte à laisser aux peuples autochtones le soin de raconter la leur (aidés par le financement de l’État).

Compléments de lecture :
Colonisation et esclavage en Nouvelle-France
Gabriel Sagard en Huronie
L’époque troublée du premier Irlandais au Canada
Les Sauvages
L’histoire de la Fleur de Lys

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Écrit par Jean-Pierre Martel


McGill : protestataires vs donateurs

Publié le 6 mai 2024 | Temps de lecture : 4 minutes


 
Le budget de fonctionnement de l’université McGill dépasse le milliard de dollars par année. Une partie de cette somme sert à payer des gardes de sécurité.

Cela évite d’appeler les forces policières chaque fois qu’un délit mineur est commis sur le campus de McGill. Parce que la police municipale a mieux à faire que de réprimer des délits insignifiants survenus sur des propriétés privées.

Toutefois, cet établissement est parfaitement justifié de réclamer l’intervention policière lorsqu’on paralyse son fonctionnement.

Ce n’est pas le cas actuellement puisque les tentes dressées par les protestataires pro-palestiniens n’entravent pas l’accès à ses bâtiments.

De plus, les protestataires ont bien pris soin de protester contre ce qui se passe à Gaza en évitant soigneusement de propager de la haine contre le peuple israélien ou contre les Québécois de religion juive.

C’est d’ailleurs pourquoi un rabbin antisioniste fait partie, par exemple, des protestataires.

Leurs opposants pro-israéliens les accusent d’antisémitisme sans en faire la preuve puisque dans leur esprit, toute critique de l’État d’Israël est de l’antisémitisme.

Ceci était dit, il est indéniable que les protestataires pro-palestiniens causent des dommages à la propriété de McGill puisqu’ils piétinent son gazon. Et le temps pluvieux des derniers jours empire évidemment la situation.

Quand le premier ministre du Québec ordonne qu’on mette fin à l’occupation (illégale, souligne-t-il) à McGill, est-il bien certain que dans une société démocratique, le respect du droit de propriété d’une pelouse l’emporte sur le droit de manifester ?

Parce que ce qui est en cause ici, ce n’est pas seulement le droit de propriété, mais également le droit de manifester.

Rares sont les manifestations où les participants demeurent chez eux. En somme, on manifeste toujours sur la propriété d’autrui. Celle-ci peut être privée ou publique.

Si les protestataires désiraient une autorisation municipale pour déambuler pacifiquement sur la voie publique, ils l’obtiendraient facilement. Mais l’auraient-ils s’ils bloquaient pendant deux semaines la rue qui passe devant l’entrée principale de McGill, soit la rue Sherbrooke ? Surement pas.

L’auraient-ils s’ils occupaient un parc municipal ? Pas très longtemps puisqu’on invoquerait bientôt le droit des citoyens de profiter des espaces verts de la ville.

Bref, l’occupation pacifique d’une partie de la pelouse de McGill ne justifie pas, pour l’instant, une intervention policière. Et ce, pour les mêmes raisons que les tribunaux ont refusé jusqu’ici d’accorder les injonctions réclamées devant eux.

Le fond du problème, c’est que l’université McGill est menacée par une partie de ses donateurs qui réclament l’expulsion des manifestants pro-palestiniens à défaut de quoi leur mécénat s’exercerait ailleurs.

Et quand le premier ministre intervient dans ce dossier, ce n’est pas parce que son ministère de l’Environnement s’inquiète du sort du gazon piétiné à McGill, mais parce que cette institution invoque le risque de voir diminuer le mécénat dont elle bénéficie.

D’où la question : la Démocratie a-t-elle un prix ?

Références :
Et si McGill négociait au lieu d’appeler la police ?
Guillaume Meurice entendu en audition libre par la police à la suite de son sketch polémique sur Benyamin Nétanyahou
François Legault demande à la police de démanteler le campement à McGill

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La peur de l’indépendance

Publié le 18 avril 2024 | Temps de lecture : 6 minutes


 
Introduction

Le moteur des révolutions est le sentiment d’injustice. En contrepartie, le moteur des contre-révolutions, c’est la peur.

Dans ce second cas, ce peut être la peur de la mitraille ou la peur de l’inconnu. Pour paraphraser Machiavel, on peut dire qu’un peuple consentira aveuglément à sa domination tant qu’il sera habité par de la peur de tout perdre en dépit du fait qu’il ne possède rien…

Depuis un demi-siècle, chaque fois que le peuple francoQuébécois s’apprêtait à poser un geste de rupture, ceux qui n’y avaient pas intérêt ont invoqué la peur.

Les camions de la Brink’s

Au cours de la campagne électorale québécoise de 1970, les sondages révélaient que deux partis politiques étaient presque à égalité dans les intentions de vote : le Parti libéral du Québec (d’allégeance fédéraliste) et un tout nouveau parti indépendantiste, le Parti Québécois. Loin derrière eux se trouvait l’Union nationale, un parti nationaliste au pouvoir jusque-là.

Trois jours avant le scrutin, neuf camions blindés de la Brink’s partaient des bureaux montréalais du Royal Trust en direction de Toronto. À leur bord, une quantité présumée importante de titres financiers.

Le tout devait démontrer le risque de fuite des capitaux hors du Québec si le Parti Québécois devait prendre le pouvoir.

Selon Wikipédia, l’opération était une tentative de manipulation de l’opinion publique orchestrée par le premier ministre canadien de l’époque, Pierre-Elliott Trudeau (le père de Justin Trudeau).

Publiée en exclusivité par le quotidien montréalais The Gazette (avisé à l’avance par un appel anonyme), la primeur sera reprise le lendemain — soit l’avant-veille du vote — par tous les journaux du Québec.

Le résultat fut que seuls sept députés du PQ furent élus deux jours plus tard.

La perte de la péréquation fédérale

Il existe plusieurs programmes en vertu desquels le gouvernement fédéral verse de l’argent aux provinces dans leurs champs de compétence constitutionnelle; santé, infrastructures, logement, garderies, etc.

En gros, les sommes versées par Ottawa correspondent à l’importance démographique ou économique de chaque province.

Toutefois, il existe un programme où le Québec semble recevoir bien davantage que sa ‘juste part’; c’est la péréquation.

Celle-ci est un mécanisme de redistribution de la richesse entre les provinces riches du pays vers les provinces qui le sont moins, dont le Québec.

C’est ainsi que le gouvernement québécois reçoit annuellement environ treize-milliards de dollars d’Ottawa.

À chacun des deux référendums sur l’indépendance tenus jusqu’ici, l’argument massue du camp fédéraliste a toujours été que si le Québec se sépare, il perdra les milliards de dollars qu’Ottawa a la bonté de lui verser, plongeant l’économie du Québec dans le marasme et la misère.

Il y a plusieurs années, ce blogue avait publié une analyse économique qui démontrait que le Québec souffrait d’un sous-investissement chronique d’Ottawa dans l’économie québécoise. Un sous-investissement qui était presque totalement corrigé par la péréquation.

En somme, l’argent de nos taxes et de nos impôts qu’Ottawa n’investit pas dans l’économie du Québec, il le verse annuellement sous forme de péréquation en nous faisant croire qu’il nous fait la charité.

Précisons que cette analyse ne tient pas compte des gouffres financiers que sont devenus l’aménagement des chutes Muskrat à Terre-Neuve, la construction du pipeline Trans-Mountain en Colombie-Britannique et la construction des frégates canadiennes en Nouvelle-Écosse.

Par contre, le fédéral fait valoir que depuis des années, il dépense plus au Québec que ce qu’il y perçoit. Ce qui est vrai. Mais n’est-ce pas contradictoire avec ce que nous venons de dire ?

En réalité, lorsque le fédéral fait des déficits colossaux (ce qui est le cas depuis que Justin Trudeau est au pouvoir), Ottawa dépense plus dans chaque province que ce qu’il perçoit. C’est justement pour cela qu’il fait un déficit.

Toutefois, lorsqu’on tient compte du partage de la dette canadienne que le Québec aura à payer lorsqu’il fera son indépendance, cet argument fédéraliste s’effondre.

En présentant le budget de l’an 1, le Parti Québécois a fait la démonstration que l’État québécois, même privé totalement de péréquation, serait mieux financé dans un Québec souverain.

Conclusion

On ne peut pas faire la promotion de l’indépendance sans critiquer le colonialisme canadian.

En effet, le Canada est une puissance coloniale qui, à la différence des autres, ne possède pas ses colonies sous les tropiques. Les siennes sont incrustées dans son territoire.

D’une part, ce sont des dizaines de réserves indiennes régies par un apartheid juridique. Et d’autre part, c’est le Québec dont on favorise l’anglicisation, entre autres par un déluge migratoire qui dépasse largement ses capacités d’intégration.

La preuve la plus irréfutable de ce statut colonial est l’adoption d’une nouvelle constitution sans le Québec par l’ethnie dominante du pays en 1982. Tout comme n’importe quelle métropole coloniale n’hésite pas à imposer sa volonté à ses colonies.

En disant tout haut ce qu’une bonne partie du peuple francoQuébécois pense tout bas, Paul Saint-Pierre Plamondon abandonne brièvement cette image positive et rose bonbon dans lequel les forces fédéralistes aimeraient le voir se limiter.

En réalité, les chemins qui mènent à la liberté sont parsemés d’embuches. Pour être guidé vers l’indépendance, ce que nous avons besoin, c’est d’un chef qui, tout en étant fondamentalement bienveillant envers son peuple, peut également froncer les sourcils et élever le ton lorsque nécessaire.

Il est rassurant de voir que c’est le cas du chef péquiste.

Références :
Coup de la Brink’s
Le colonialisme économique ‘canadian’
Le coût de l’oléoduc Trans Mountain explose à nouveau
Le référendum de la dernière chance, dit St-Pierre Plamondon
Les chutes Muskrat : un éléphant blanc à nos frais
Les miettes fédérales au chantier maritime Davie
Le texte de ‘refondation’ du PQ : le paroxysme de l’insignifiance
L’indépendance permettrait au Québec d’économiser 12 milliards sur 7 ans, selon le PQ
Péréquation fédérale au Canada
Québec solidaire reproche à St-Pierre Plamondon de verser dans le « catastrophisme »

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Radio-Canada à la défense du wokisme à la Cour suprême du Canada

Publié le 17 mars 2024 | Temps de lecture : 4 minutes
Cour suprême du Canada

Dans un jugement rendu le 8 mars dernier, le plus haut tribunal du pays a utilisé 67 fois le mot femme et une fois la périphrase personne ayant un vagin à titre de synonyme.

Dans la catégorie de ce qu’il considère être de fausses nouvelles,
le site web de Radio-Canada publiait vendredi le texte Non, la Cour suprême du Canada ne préfère pas « personne ayant un vagin » à « femme ».

Dans son article, le journaliste de Radio-Canada déclare qu’il est faux de dire que la Cour suprême préfère cette périphrase. Ici, le verbe est important.

La motion adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale du Québec ne reproche pas à la Cour suprême de préférer cette périphrase. Personne ne peut lire dans la tête des juges pour savoir ce qu’ils préfèrent.

Le parlement québécois reproche aux juges d’avoir utilisé cette périphrase découlant de la théorie du genre, créant ainsi un précédent regrettable.

Une femme ne se résume pas à sa fonction reproductrice ni à la présence d’un vagin. Le plus haut tribunal du pays fait preuve de mépris en estimant interchangeables le mot femme et la périphrase qu’il a utilisée.

Rappelons-nous qu’avant 1929, les femmes ne pouvaient pas être nommées au Sénat canadien. Même si la constitution du pays reconnaissait que toute personne pouvait l’être, la Cour suprême estimait que cela ne s’appliquait pas aux femmes puisque celles-ci n’étaient pas des personnes…

Il a fallu qu’une décision en ce sens soit renversée en appel devant le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres — auprès duquel on pouvait, à l’époque, faire appel d’un jugement de la Cour suprême — pour qu’enfin, les femmes soient considérées comme des personnes et puissent accéder au Sénat.

Près d’un siècle plus tard, la Cour suprême estime qu’une femme est une personne ayant un vagin.

On demeure sans voix devant les immenses progrès accomplis depuis un siècle par la cause des femmes à la Cour suprême du Canada…

Références :
Depuis 1929: les femmes sont reconnues comme des personnes au Canada
«Personne ayant un vagin»: le choix de mots de la Cour suprême dénoncé par l’Assemblée nationale

Compléments de lecture :
La dysphorie de genre chez l’enfant
La théorie du genre et ses excès

Postscriptum du 23 mars 2024 : Au Canada, les juges à la Cour suprême sont nommés par le Conseil des ministres.

Normalement, le processus de nomination débute par la création d’un comité non-partisan, formé de juristes respectés, qui a le mandat de lancer un appel de candidatures et de choisir la ou le candidat le plus compétent.

Dans le but de respecter l’indépendance de la profession juridique, le ministère de la Justice se contente de transmettre cette recommandation au Conseil des ministres, qui l’entérine.

Le jugement de la Cour suprême dans l’affaire dont il est question ci-dessus a été écrit par la juge Sheilah-L. Martin. En 2017, celle-ci a été nommée au plus haut tribunal du pays à la suite d’une intervention politique dans le processus de sélection.

Dans son cas, la ministre de la Justice avait transmis au Conseil des ministre le nom du juge Glen Joyal, puisque c’est lui qui avait été choisi le comité de sélection.

Mais le Cabinet fédéral a rejeté ce choix, préférant arbitrairement nommer Sheilah-L. Martin, jugée idéologiquement plus proche de la vision ‘trudeauiste’ de la Charte canadienne des droits et libertés.

Référence : Enquête sur une fuite liée à la nomination d’un juge à la Cour suprême
Glenn Joyal

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les fabricants craignent la Loi 101, dit-on

Publié le 14 mars 2024 | Temps de lecture : 4 minutes

Introduction

Il y a six décennies, le Québec interdisait l’étiquetage unilingue anglais. Parce qu’à l’époque, on trouvait, par exemple, des produits alimentaires dont le mode d’emploi et la liste des ingrédients étaient entièrement rédigés en anglais.

En vertu de cet interdit, il suffisait au consommateur de porter plainte contre le marchand auprès de la Cour des petites créances — où la présence d’un avocat est superflue — de présenter en preuve le contenant du produit et le reçu de la transaction pour que le marchand soit automatiquement condamné.

Le plaignant empochait alors la pénalité imposée par le tribunal. Si bien qu’un couple d’étudiants en droit avait financé la totalité de leur formation universitaire en portant toute une série de plaintes.

La réaction des marchands fut de prendre soin de vérifier chaque produit reçu de leur grossiste et retourner aussitôt les articles en anglais.

Confrontés à la masse de leurs invendus, les fabricants ont refait leurs étiquettes et les importateurs ont simplement apposé un collant bilingue par-dessus l’étiquette fautive.

En moins de deux ans, sans avoir à embaucher des inspecteurs pour faire respecter la loi, on n’arrivait plus à trouver au Québec un seul produit unilingue anglais.

Lorsque le fédéral a adopté sa loi obligeant l’étiquetage bilingue à travers tout le pays, la législation québécoise devenait caduque.

Toutefois, il a suffi au fédéral — dont la majorité des fonctionnaires à Ottawa sont unilingues Anglais — de ne pas faire d’inspections et de ne jamais donner suite aux plaintes reçues pour que l’unilinguisme anglais revienne peu à peu.

De nos jours, on le trouve fréquemment sur les jouets pour enfants et sur les gros électroménagers. Et grâce au commerce en ligne, c’est généralement le cas de ce qui vient de l’Étranger.

Les craintes du Conseil du patronat

Le gouvernement de la CAQ a dernièrement fait connaitre son intention d’obliger, par voie de règlement, les fabricants d’électroménagers à franciser les inscriptions qui apparaissent sur leurs produits.

À l’achat de mon microonde actuel, celui-ci venait avec un collant qui permettait à tous ses boutons d’apparaitre en français (ou de demeurer en anglais si cela avait été ma préférence).

Mais l’Association canadienne des fabricants d’électroménagers rétorque que les autocollants risquent de fondre à la chaleur. Comme s’il n’existait aucune colle au monde capable de résister à la chaleur.

De son côté, le Conseil du patronat s’inquiète des ventes perdues par les commerçants d’ici quand les consommateurs se tourneront vers l’internet pour se faire livrer par la poste les modèles de laveuse ou de sécheuse que les fabricants cesseront d’offrir au Québec.

On s’étonne que la mairesse de Montréal, au nom de l’inclusion et de la diversité, n’ait pas encore signalé le danger que des personnes vulnérables soient incapables d’utiliser leur grille-pain au petit déjeuner et se laissent mourir de faim, faute de connaitre le français…

De manière générale, on fait valoir que le Québec ne représente que deux pour cent du marché nord-américain. Cela passe sous silence les 230 millions de consommateurs francophones à travers le monde. À titre d’exemple, les laveuses de Samsung en Belgique affichent des réglages bilingues français/néerlandais.

Tout en disant du bout des lèvres être conscient de l’importance de défendre le français, le Conseil du patronat souligne les graves dangers de le faire.

Il y a toujours eu un gouffre entre les petits commerçants — près du peuple et conséquemment, qui partagent ses préoccupations — et le riche ‘milieu des affaires’, collabo du colonialisme canadian, et que le cinéaste Pierre Falardeau mettait en vedette dans son documentaire ‘Le temps de bouffons’.

Référence : Nouvelle loi sur l’affichage en français: des fabricants menacent de retirer leurs électroménagers du marché québécois

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le nouveau toit du Stade olympique

Publié le 4 mars 2024 | Temps de lecture : 10 minutes

Introduction

Il y a un mois, le gouvernement québécois annonçait son intention de consacrer 870 millions$ à la réfection du toit du Stade olympique. Un demi-siècle après sa construction, cette toiture arrive en fin de vie après environ vingt-mille déchirures.

Soutenue par certains, l’idée de le détruire (parce que cela éviterait une telle dépense) doit être rejetée pour une raison très simple; une grande métropole a besoin d’un stade sportif qui répond à ses besoins actuels et futurs.

Dans la liste des stades montréalais, les deuxième et troisième places sont occupées par des stades extérieurs d’une capacité nettement moindre : le stade Percival-Molson (25 000 places) et le stade de soccer Saputo (20 000 place).

Couvert, le Stade olympique (d’une capacité de 65 000 places) est unique et irremplaçable. De plus, c’est une structure emblématique de la métropole.

La neige et le verglas : des dangers sous-estimés

Pour vendre le nouveau toit, on nous promet une meilleure acoustique. Ce qui permettrait, dit-on, de rentabiliser cet investissement en rendant possible la tenue à Montréal de concerts de vedettes pop d’envergure mondiale comme Taylor Swift.

Tout ceci fait penser à la fable ‘La laitière et le pot au lait’; on ne construit pas un modèle d’affaires sur du vent.

En tant que grosse structure creuse en béton, le stade possède une acoustique très réverbérée. La seule fois où j’y ai assisté à un concert, on entendait à peine les artistes sur scène, enterrés par la clameur de la foule et son écho. Or la toiture dont on parle n’est que la partie centrale d’une voute dont la majeure partie, en périphérie, demeurera inchangée.

D’autre part, en vertu du Code du bâtiment, on ne peut pas y tenir des évènements si plus de 3 cm de neige ou si plus de 3 mm de verglas s’est accumulé sur le toit.

Cela ne signifie pas que le toit s’effondrerait au quatrième centimètre. Cette norme est dictée par la prudence; les responsables nous assurent que le toit pourrait supporter un poids bien au-delà de la charge maximale permise… sans savoir exactement leur marge de manœuvre; j’ai posé la question à ce sujet à la Régie des installations olympiques (RIO) sans réussir à obtenir une réponse précise. Donc, on ne le sait pas.
 

 
La partie périphérique du toit comprend une large bande verte. Cette bande, c’est une pellicule de polychlorure de vinyle. Cette pellicule fait glisser la neige du toit.

De plus, en raison de la forme convexe du toit actuel, la neige a peu tendance à y rester. En balayant la neige de son souffle, le vent évite qu’elle ne s’y accumule.

Toutefois avec le nouveau toit, cela n’est plus vrai.

À l’entrevue qu’il a accordée à Benoit Dutrisac, l’ingénieur québécois François Delaney est catégorique. En raison du fait que la partie centrale du nouveau toit sera plate, cela veut dire qu’à chaque tempête, il faudra pelleter la neige qui s’y accumulera.

À défaut de quoi, lors d’une vraie grosse tempête, le poids de la neige sera suffisant pour provoquer l’effondrement de la tour inclinée. (sic)

Or M. Delaney n’est pas n’importe qui; c’était un des adjoints de Roger Taillibert, l’architecte du Stade olympique.

Écoutez la vidéo de cette entrevue : c’est ce que M. Delaney déclare explicitement. En effet, cette tour-ci supportera à 75 % le poids de la neige accumulée. Or, selon l’expert, elle n’a pas été conçue pour cela.

L’autre 25 % sera supporté par l’anneau technique. En réalité, cela se fait par l’intermédiaire d’un anneau elliptique de verre. À sa face même, compter sur la solidité du verre pour supporter quoi que ce soit est une mauvaise idée.

Pour ce qui est du verglas, rappelons que le Stade olympique a traversé la crise du verglas de 1998 sans s’être effondré. Pourtant, beaucoup plus que 3 mm de glace la recouvrait.

Paradoxalement, ce qui l’a protégé, c’est la fragilité du tissu de la partie centrale du toit.

En effet, lors d’une tempête de verglas, de la glace s’accumule le long des câbles qui relient la tour au toit. Or en dégelant, des carottes de glace glissent le long des câbles et viennent frapper la partie du toit qu’ils soutiennent.

C’est ainsi qu’au cours de cette tempête, la chute de ces carottes a perforé la toiture à plusieurs endroits.

Avec un toit plus solide, celui-ci encaissera leur impact plutôt que de les évacuer par des déchirures. Ces carottes rebondiront sans doute un peu partout sur la toiture et tomberont peut-être au sol.

Toutefois, il ne semble pas qu’on ait modélisé tout cela.

Un toit ouvrable ou fermé ?

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Depuis une vingtaine d’années, François Delaney propose une solution audacieuse; un toit ouvrable en deux moitiés, reposant sur quatre bras (ou consoles) fixés directement sur le roc situé sous le bâtiment.

Non seulement ces consoles s’intègreraient à l’architecture intérieure du stade, mais elles soulageraient celui-ci de quatre-mille tonnes de pression.

Projet retenu

Le projet retenu par la RIO est plutôt un toit fixe dont la partie centrale, relativement plate, sera soutenue à 75 % par des câbles reliés à la tour et à 25 % par l’appui sur l’anneau technique.

Ce nouveau toit aura une partie centrale opaque, entourée d’une ellipse de verre translucide. On dit qu’il permettra à beaucoup plus de lumière naturelle d’entrer dans le stade.

En réalité, cette dose de lumière sera homéopathique. La partie centrale du nouveau toit fixe sera pâle, mais opaque. Et la toiture verte en périphérie (de loin, plus importante) est également opaque. Seule la minuscule ellipse de verre permettra à la lumière extérieure de pénétrer dans le stade.

Lorsqu’on compare la solution retenue par les dirigeants du stade avec la suggestion de M. Delaney, la première est, à mon avis, plus artistiquement réussie alors que la seconde est plus sécuritaire.

Avec la solution de M. Delaney, la nouvelle partie du toit s’appuie directement sur le roc du Bouclier canadien. Rien n’est plus solide.

L’étude de marché

Selon une étude de marché effectuée par la RIO, 99 % des évènements qui se dérouleront au Stade olympique ne nécessiteront pas de toit ouvert.

Pourtant, je verrais très bien un salon annuel du jardinage tenu au printemps dans un stade ensoleillé, mais dont on pourrait fermer le toit rétractable les jours de pluie.

Je verrai un très bien également un derby de démolition (où la poussière serait évacuée par le haut), une course équestre, et plein d’autres activités auxquelles il serait agréable d’assister au grand air dans un espace au toit ouvert.

Il suffirait d’un peu d’imagination pour attirer au Stade olympique la tenue d’évènements qui n’intéresserait personne dans un stade scellé comme une tour de bureaux.

Mais l’étude non dévoilée de la RIO dit le contraire…

Conclusion

Je suis assez indifférent quant à savoir quelle est la meilleure solution. Toutefois, je ne vous cacherai pas que les mises en garde de M. Delaney m’inquiètent au plus haut point alors que les arguments de vente des dirigeants de la RIO me semblent extrêmement superficiels.

Quand on me dit que ce projet est réalisé en mode ‘collaboratif’ (sous-entendu : entre tous les partenaires), j’y vois des gens qui couchent dans le même lit.

Ce qui me désole, c’est la mauvaise foi des dirigeants de la RIO. Or cette mauvaise foi s’explique par le lien fusionnel qui se développe inévitablement lorsqu’on travaille en mode ‘collaboratif’ puisque toute menace aux intérêts de l’un devient une menace aux intérêts de l’autre.

Dire à M. Delaney qu’il n’a qu’à se trouver un consortium prêt à réaliser son idée et à soumettre un devis, cela aurait été bien inutile face à un appel d’offres taillé sur mesure pour lui être défavorable.

Il y eut une époque où on était heureux de rencontrer et d’encourager les nôtres qui avaient de bonnes idées.

En 1962, le gouvernement du Québec mandatait un ingénieur de 32 ans de réaliser ce qui était à l’époque la plus importante structure en béton au monde, longue de 1,5 km, soit le pont-tunnel Hippolyte-La Fontaine.

C’était à cette époque qu’on confiait à un étudiant en architecture à McGill la tâche de concevoir Habitat’67, devenu un des chefs-d’œuvre mondiaux d’architecture du XXe siècle.

Un demi-siècle plus tard, après la réussite de nos grands barrages hydroélectriques, nous sommes devenus des peureux. Et lorsqu’un des nôtres présente une idée originale, on sent le besoin de tuer son idée dans l’œuf plutôt que s’y intéresser et de la promouvoir s’il y a lieu.

Dans l’histoire de l’architecture, on n’aurait jamais érigé des cathédrales gothiques (dont Notre-Dame de Paris) si on avait tenu à continuer de faire des petites églises romanes, comme il y en avait déjà partout.

On n’aurait jamais donné naissance à des gratte-ciels (édifiés autour d’un squelette de métal) si on avait continué à construire des édifices reposant sur des murs porteurs.

On n’aurait pas construit des dômes géodésiques (comme le Biodôme de Montréal). Les arcs elliptiques de Gaudí n’auraient jamais vu le jour.

Devant tout projet d’infrastructure, la première question à se poser est de savoir si celui-ci est cautionné par des ingénieurs ou des architectes qui en garantissent la solidité.

L’insistance des dirigeants de la RIO à ne considérer que des solutions dites ‘éprouvées’ témoigne de leur manque d’audace et de leur médiocrité.

Références :
Breffage technique, remplacement de la toiture du Stade olympique (vidéo)
870 millions pour le nouveau toit et le nouvel anneau technique du Stade olympique
Le nouveau toit du Stade olympique devra laisser entrer la lumière naturelle
Le stade, l’invraisemblable saga du toit et l’inventeur François Delaney
Stade : il a proposé un toit moins cher, sans risques et… on l’a ignoré ! (vidéo)
Un nouveau toit fiable pour les 50 prochaines années

Postscriptum du 7 mars 2024 : On annonce aujourd’hui que le contrat entre Québec et le consortium Pomerleau-Canam a été officiellement conclu au prix de 729 millions$ (excluant les dépenses déjà effectuées).

Réalisé en mode ‘collabo’, ce contrat est 279 millions$ plus élevé que les 450 millions$ du projet de François Delaney.

Contre les dépassements de couts, celui-ci comprenait déjà un ‘coussin’ représenté par une marge de profit de 100 % pour les entrepreneurs qui auraient réalisé son projet.

Référence : Le contrat officiellement conclu (2024-03-07)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pour un durcissement du financement des études universitaires

Publié le 24 février 2024 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

On apprenait hier la décision des universités McGill et Concordia de poursuivre le gouvernement Legault afin de s’opposer à sa décision de hausser les frais de scolarité imposés aux étudiants étrangers qui fréquentent les universités du Québec.

Rappel de la situation

Les étudiants qui proviennent des provinces anglophones du pays bénéficient d’une subvention de Québec pour venir effectuer ici leur formation universitaire. À la fin de quoi, ils repartent chez eux avec leur diplôme en poche.

Essentiellement, ils payent la moitié du cout réel de cette formation (8 992$ sur 17 000$). L’autre moitié est assumée par les contribuables québécois.

Pendant qu’ils font leurs études, leurs dépenses courantes constituent des retombées économiques intéressantes pour la région montréalaise. C’est le bon côté.

Mais de l’autre, ils contribuent à l’anglicisation de Montréal. À la fois en tant que consommateurs unilingues anglais et en tant que travailleurs à temps partiel, incapables de nous servir en français.

De plus, ces milliers de locataires exercent une pression significative sur le marché locatif et concourent donc à la pénurie des logements, principalement dans le centre-ville de Montréal.

Les accommodements de la CAQ

Face à la levée de boucliers des universités anglophones, le gouvernement de la CAQ s’est empressé d’offrir des accommodements qui ne les ont pas satisfaites. Voilà pourquoi, celles-ci viennent de s’adresser aux tribunaux.

Il est toujours hasardeux d’essayer de prévoir comment les tribunaux d’Ottawa pourraient trancher dans un cas comme celui-ci. Mais il est clair que plus une politique possède d’exceptions, plus il est facile de démontrer qu’elle est discriminatoire.

Il serait donc préférable que la CAQ simplifie sa politique à ce sujet.

L’exemption pour Bishop

Privée de ses étudiants étrangers, l’université Bishop estime qu’elle n’est plus rentable.

Toutefois, elle semblait l’être avant que le gouvernement libéral dérèglemente le financement des études post-secondaires en 2018.

Privée de cette manne, l’université Bishop devra s’astreindre à une certaine rigueur budgétaire comme le font des centaines d’entreprises québécoises.

La ‘péréquation’ en faveur des universités francophones

Pour vendre sa réforme, la CAQ faisait miroiter la promesse de redistribuer aux universités francophones les revenus occasionnés par la hausse des frais de scolarité dans les universités anglophones.

L’idée de dépouiller Pierre pour habiller Paul n’a séduit personne. Tout simplement parce qu’une chute brutale (et probable) des inscriptions ne laisserait pas grand-chose à redistribuer.

Aussi important que soit le financement de nos institutions universitaires, il constitue une considération mineure face au caractère fondamental de l’anglicisation de Montréal et de la crise du logement.

Voilà pourquoi, j’invite la CAQ à renoncer à l’idée d’une ‘péréquation’ qui ne fera qu’alimenter l’argumentaire de McGill et de Concordia, victimes de discrimination selon leurs avocats.

Le prix plancher de 20 000$

Des frais d’inscription minimaux de 20 000$ seront imposés aux étudiants qui ne sont pas des Canadiens.

Cela ne s’applique pas aux étudiants français ou belges puisque leurs pays ont conclu des accords de réciprocité avec le Québec.

En dépit du fait que les provinces anglophones du Canada ont refusé de conclure de tels accords, on a vu plus tôt que ce prix plancher ne s’applique pas aux étudiants des autres provinces, frappés dans leur cas d’une hausse moindre.

Cette discrimination devait également être supprimée, pour les mêmes raisons. En d’autres mots, tous les étudiants étrangers (angloCanadiens ou non) devraient payer le même prix.

Toutefois, le gouvernement de la CAQ devait être prêt à revenir à une tarification moindre… si les universités anglophones abandonnent l’idée de contester les décisions de Québec devant les tribunaux.

Comme quoi une belle carotte vaut mieux qu’un petit bâton.

Les arguments de McGill et de Concordia

L’Université Concordia estime que l’augmentation les tarifs imposés aux étudiants hors Québec contrevient à la Canadian Constitution de 1982.

En premier lieu, l’obligation constitutionnelle qui garantit l’enseignement dans leur langue au peuple angloQuébécois n’est valide que pour l’enseignement au niveau des écoles primaires et secondaires.

Cela ne s’applique pas à l’enseignement post-secondaire (Cégeps et universités).

En deuxième lieu, aucun étranger n’a droit au filet de protection sociale du Québec; on ne peut pas descendre de l’avion pour se faire soigner gratuitement dans un de nos hôpitaux.

Ce n’est donc pas vrai que le contribuable de Rimouski, par exemple, est obligé de subventionner la formation universitaire en anglais des étudiants étrangers. On est cave, mais pas à ce point-là.

Toujours selon Concordia, le gouvernement du Québec n’a pas pris ses responsabilités quant au fait de protéger les établissements ‘minoritaires’.

Le peuple angloQuébécois peut être vu comme une minorité au Québec. Ou il peut être considéré comme l’annexe québécoise de la majorité anglo-canadienne.

Appelé à se prononcer à ce sujet, le Comite des droits de la Personne de l’ONU statuait en 1993 :

To summarize, the United Nations Human Rights Committee ruled […] that Quebec’s English community does not qualify for protection as a minority language group, because it forms part of the Canadian English-speaking majority.

En d’autres mots, les Canadiens anglophones ne peuvent pas être considérés comme une minorité linguistique dans le contexte canadien où ils sont majoritaires.

À mon avis, il serait temps que nos amis angloQuébécois cessent de jouer à la victime; c’est le français et non l’anglais qui est menacé au Québec.

Quant à McGill, ses avocats font valoir que les mesures annoncées par Québec sont discriminatoires et qu’elles résultent d’un exercice déraisonnable de la ministre de l’Enseignement supérieur.

Pour ce qui est de son aspect discriminatoire, il y a certainement matière à débat (comme nous l’avons vu précédemment). C’est peut-être le talon d’Achille des mesures de la CAQ.

Ce parti serait donc avisé de simplifier tout cela. Ou, à défaut, d’invoquer dès maintenant la clause dérogatoire de la Canadian Constitution de 1982 afin de rendre ses politiques conformes à celle-ci.

Ce qui éviterait des années de procédures judiciaires au cours desquelles l’anglais continuera de progresser au Québec.

Conclusion

La CAQ est au pouvoir depuis six ans.

Quand on regarde son bilan nul en matière de défense du français et les mesures timides qu’elle a prises pour lutter contre la crise du logement — deux domaines impactés par la venue de milliers d’étudiants unilingues anglais — on comprend l’inquiétude des stratèges de la CAQ devant la remontée irrésistible du Parti Québécois.

Tant que le Québec n’aura pas accédé à son indépendance, la communauté anglaise du Québec confondra toujours ses privilèges avec des droits fondamentaux. Et les partis fédéralistes ou mollement nationalistes seront toujours prêts à tergiverser au lieu d’agir.

Références :
Décision de l’Onu
Droits de scolarité des étudiants non résidents : Concordia et McGill poursuivent Québec
Financement universitaire: un déséquilibre à corriger
Francisation des étudiants de McGill : La CAQ a raison
La ministre Déry revoit son annonce sur les droits de scolarité des non-Québécois de fond en comble
L’anglicisation du Québec et la Caisse de dépôt et placement
Le Québec, Dollarama des études postsecondaires ?
Les universités anglophones du Québec proposent de franciser 40 % de leurs étudiants
Principaux pays d’où proviennent les étudiants internationaux à l’université McGill

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Bilinguisme des magistrats : la capitulation du ministre Simon Jolin-Barrette

Publié le 9 décembre 2023 | Temps de lecture : 13 minutes

Introduction

De 2016 à tout récemment, Me Julie Rondeau était juge en chef de la Cour du Québec. À ce titre, c’est elle qui coordonnait et répartissait le travail des juges en plus de voir à l’allocation des ressources afin d’assurer la bonne marche de la justice sous son autorité.

En janvier 2022, elle ordonnait une grève du zèle des magistrats en chambre criminelle, c’est-à-dire des juges qui président aux procès intentés en vertu du Code criminel canadien.

Jusque là, ceux-ci siégeaient deux jours sur trois, l’autre étant consacré à la rédaction de leurs décisions. La directive de la juge Rondeau, c’était de ne siéger que la moitié du temps, une mesure destinée à accentuer la thrombose judiciaire actuelle.

Signalons qu’ailleurs au Canada, les juges des Cours criminelles siègent 80 % du temps.

La juge Rondeau voulait ainsi forcer le gouvernement de la CAQ à nommer davantage de juges bilingues.

Dans un premier temps, le ministre de la Justice et la juge Rondeau en sont arrivés à une entente provisoire où les juges siégeaient un peu plus souvent en contrepartie de quelques juges bilingues de plus.

L’aplatissement du ministre

Plus tôt cette semaine, on apprenait que le ministre de la Justice et le nouveau juge en chef de la Cour du Québec avaient résolu définitivement leur conflit quant à l’exigence du bilinguisme chez les candidats à la fonction de juge.

À sa sortie de l’Assemblée nationale, le ministre déclarait triomphalement :

[Cette entente] vient garantir que n’importe quel avocat ou notaire qui va accéder à la magistrature n’est pas obligé de maitriser la langue anglaise. Donc, la langue anglaise ne constitue pas une barrière pour être juge.

Vraiment ?

En l’an 2000, dans tout le Québec, un seul appel de candidature au poste de magistrat exigeait la connaissance de l’anglais. Un seul dans tout le Québec.

De manière générale, l’exigence du bilinguisme était rare avant l’accession au pouvoir du gouvernement libéral de Jean Charest en 2003. Cette exigence s’est généralisée avec le retour de ce parti au pouvoir en 2014 sous la direction de Philippe Couillard.

Si bien que de nos jours, la proportion de juges bilingues au Québec atteint 87,9 %.

En vertu de cette nouvelle entente, 90 % des juges devront obligatoirement maitriser la langue de Shakespeare dans tous les tribunaux montréalais relevant de la Cour du Québec, tant en chambre criminelle et pénale qu’en chambre de la jeunesse et en chambre civile.
 

 
Cette entente est une capitulation du ministre puisqu’elle pérennise définitivement la bilinguisation à outrance du système judiciaire québécois instaurée par le Parti libéral du Québec.

En plus de la région métropolitaine, les régions les plus nordiques du Québec faisaient partie du litige. Dans ces régions, les Inuits (autrefois connus sous l’appellation d’Eskimos) ont l’anglais comme langue seconde puisqu’ils n’ont connu que la colonisation anglaise.

Ce que les peuples autochtones réclament, ce n’est pas qu’on leur accorde l’immense privilège de pouvoir s’adresser à la Cour dans la langue de leur colonisateur anglais, mais le droit de témoigner dans leur langue maternelle. Ce qui permettrait aux enfants (généralement unilingues) d’être entendus.

À défaut de nommer des avocats autochtones à la magistrature, la solution de rechange la plus appropriée est de permettre aux Inuits de s’adresser à la Cour par l’intermédiaire d’un traducteur. C’est probablement ce qui se fait déjà.

Conséquemment, la langue du juge n’a pas d’importance dans ces procès. Ce qui compte, ce sont les langues parlées par les traducteurs.

Or parmi les centaines de Québécois qui travaillent dans ces régions, il est impossible qu’il n’y en ait aucun qui soit apte à traduire du français à l’inuktitut (la langue des Inuits) et vice-versa.

L’objectif des juges ultra-fédéralistes de la Cour du Québec, ce n’est pas de faciliter l’accès des Inuits à la Justice, mais de poursuivre l’assimilation anglaise des Autochtones à laquelle Ottawa travaille depuis le milieu du XIXe siècle.

Une violation de l’esprit de la Loi 101

La bilinguisation mur-à-mur des milieux de travail sous le prétexte que cela est plus simple pour les gestionnaires de personnel est précisément ce que voulait interdire la version originelle de la Loi 101, celle adoptée par le Parti Québécois.

Il est difficile d’imaginer que le ministre de la Justice, avocat de formation, ait pu s’entendre avec le juge en chef de la Cour du Québec pour violer le texte de la Loi 101.

On doit donc présumer que leur accord est compatible avec ce qui reste de la Loi 101 (adoptée en 1977), après que des pans entiers eurent été invalidés par la Canadian Constitution (adoptée en 1982 justement en réaction à la Loi 101).

La langue des procédures criminelles

Les deux branches du droit canadien sont le droit civil et le droit criminel. Le premier vise à régler des conflits entre des particuliers alors que le second vise à punir des comportements antisociaux.

C’est le parlement canadien qui légifère en matière criminelle alors que c’est l’Assemblée nationale du Québec qui légifère en matière civile.

L’article 133 du British North America Act (adopté par Londres en 1867) autorise les témoins, les avocats et les juges à s’exprimer dans la langue de leur choix au cours des procès criminels qui se déroulent au Québec.

La version anglaise de cet article (la seule version officielle) se lit comme suit :

Either the English or the French language […] may be used by any person or in any pleading or process in or issuing from […] any of the courts of Quebec.

Une des règles d’interprétation des lois est que le législateur ne parle pas pour rien. Donc même si, strictement parlant, l’article 133 consacre le droit du juge de parler sa langue à lui, puisque cet article permet à l’accusé de s’exprimer dans une autre langue, il va de soi que le juge doit être capable de comprendre ce qu’il dit. Directement ou par le biais d’un interprète.

Dans son domaine de compétence constitutionnelle, le gouvernement canadien a accordé en 1985 à chaque personne accusée en vertu du droit criminel (peu importe la province), le droit d’être jugé par un magistrat qui parle sa langue (s’il s’agit d’une des deux langues officielles du pays).

Contrairement à ce qu’on dit souvent, l’article 530 du Code criminel canadien n’oblige pas le plaidoyer des avocats ni la décision du tribunal d’être dans la langue de l’accusé : tout ce qui est exigé, c’est que dans les causes criminelles, le juge ‘parle’ la langue de l’accusé. Rien n’exige de lui qu’il ait une connaissance avancée de cette langue. Il n’est même pas nécessaire qu’il sache l’écrire.

À part le Nouveau-Brunswick (qui est un cas particulier), aucune province anglophone n’a cru bon bilinguiser sa magistrature mur-à-mur au cas où un accusé francophone se pointerait quelque part à demander un procès dans sa langue.

Au Canada anglais, si l’accusé exprime sa préférence d’être jugé en français au moment de sa comparution, le magistrat qui reçoit cette demande réfère la cause à un collègue qui en est capable si lui ne le peut pas.

Au Québec, la juge en chef de la Cour du Québec (de qui dépendent, entre autres, toutes les chambres criminelles) a préféré exiger le bilinguisme de tous les juges sous son autorité. Ce qui est plus simple pour elle car cela lui permet d’attribuer paresseusement les causes au hasard puisque tous ses magistrats possèdent les compétences requises, tant en anglais qu’en français.

Malheureusement, cela est contraire à l’esprit de la Loi 101. Pour la Charte de la langue française, l’exigence du bilinguisme ne se justifie que lorsque cela est nécessaire. Et non quand c’est simplement plus commode pour l’employeur.

La langue des procédures civiles

Contrairement à ce qu’on pense, dans les causes civiles (et non criminelles), il n’existe pas au Canada de droit constitutionnel d’être jugé dans sa langue ailleurs qu’au Nouveau-Brunswick.

En 2013, la Cour suprême du Canada a reconnu le droit des tribunaux de Colombie-Britannique d’exiger la traduction anglaise de tous les documents en français qui leur sont soumis à titre de preuves.

Dans son jugement, le plus haut tribunal du pays écrit :

La Charte [canadienne des droits et libertés] n’oblige aucune province, sauf le Nouveau-Brunswick, à assurer le déroulement des instances judiciaires dans les deux langues officielles. Elle reconnait l’importance non seulement des droits linguistiques, mais aussi du respect des pouvoirs constitutionnels des provinces.
[…]
[Or] les provinces ont le pouvoir constitutionnel de légiférer sur la langue utilisée devant leurs tribunaux, un pouvoir qui découle de leur compétence en matière d’administration de la justice.

La législature de la Colombie-Britannique a exercé ce pouvoir [en prescrivant] le déroulement des procès civils en anglais, [ce qui vaut] aussi pour les pièces jointes aux affidavits déposés dans le cadre de ces instances.
[…]
Il n’est donc pas contraire à la Charte [canadienne des droits et libertés] que la législature de la Colombie-Britannique décide que les instances judiciaires se déroulent uniquement en langue anglaise dans cette province.

En effet, les rédacteurs de la constitution canadienne auraient pu décider de consacrer explicitement le droit fondamental d’être jugé dans sa langue, même dans les causes civiles. Ils ont préféré s’en abstenir, s’en remettant plutôt au pouvoir discrétionnaire des provinces.

C’est ainsi que depuis son accession à la magistrature québécoise (grâce à Ottawa), la juge fédérale Karen Kear-Jodoin rend presque tous ses jugements dans sa langue maternelle, l’anglais.

Elle le fait même dans les causes où tous les avocats et tous les témoins se sont exprimés en français, et lorsque tous les documents soumis en preuve sont rédigés dans la langue de Molière.

Étant donné qu’il est légal au Québec de rendre justice en anglais dans des causes où l’accusé est unilingue français — l’inverse ferait scandale au Canada anglais — et puisque même la Loi 101 n’y peut rien, il faut recourir à des moyens plus efficaces pour s’opposer à la bilinguisation à outrance de la Justice québécoise.

La solution ultime

Pour aller au-delà de la Loi 101 — qui est déjà en elle-même une loi supra-législative — il faut que le législateur précise sa volonté dans la Constitution du Québec.

Contrairement à la Canadian Constitution de 1982, celle du Québec peut être amendée par un vote des deux tiers des députés de l’Assemblée nationale, ce qui lui confère une faculté d’adaptation face à l’avenir dont la Canadian constitution de 1982 est incapable.

Notre constitution devrait statuer que dans toutes les causes civiles, la Justice devrait être rendue au Québec en français. Comme elle l’est en anglais dans toutes les autres provinces du pays (sauf le Nouveau-Brunswick).

Ce qui signifie qu’elle doit accorder aux juges le pouvoir d’exiger la traduction française de tout document soumis dans une autre langue. Comme la Colombie-Britannique exige déjà la traduction anglaise des documents soumis à ses tribunaux.

De plus, à l’issue des causes civiles, tous les jugements devraient être rendus en français (sauf évidemment les passages où sont citées des lois ou de la jurisprudence en anglais). Pourquoi ? Grâce à l’Intelligence artificielle, la traduction effectuée par Google Translation dépassera bientôt en qualité et en exactitude celle de n’importe quel traducteur professionnel.

Et surtout, le Québec devrait étendre le droit de témoigner dans sa langue à chacun des onze peuples autochtones du Québec… quand il s’agit d’une cause civile. Pour ce faire, il suffira à l’accusé, au moment de sa comparution, d’exprimer sa préférence et le système judiciaire fera appel à sa banque de traducteurs pour assurer à l’accusé le droit de témoigner dans sa langue et de comprendre ce qui se passe grâce à la ‘traduction simultanée’ qui lui est offerte.

Conclusion politique

Puisque l’immigration massive voulue par Ottawa au cours des prochaines années représente un péril mortel pour le Québec, on peut s’étonner que seuls 19 % d’entre nous jugent que François Legault devrait s’attaquer en priorité au déclin du français.

En réalité, c’est beaucoup.

Quand la majorité des Québécois peinent à boucler leur budget, quand un Québécois sur dix fréquente les banques alimentaires, quand des millions de locataires craignent d’être victimes d’une rénoviction, quand un nombre record de dix-mille sans-abris (dont trois-mille femmes) couchent çà et là dans nos villes, quand le tambour de la guerre résonne partout, il est extraordinaire qu’il y ait encore des gens pour se soucier du péril abstrait que représente l’extinction du peuple francoQuébécois.

Toutefois, ce modeste 19 % pourrait faire la différence entre la réélection de la CAQ et l’élection d’un nouveau gouvernement péquiste.

Si le premier ministre veut un troisième mandat, il faudra qu’il nous donne des raisons de voter pour lui. Or personne ne pouvait prévoir la capitulation honteuse de celui qui était perçu jusque-là comme le chef de l’aile nationaliste de la CAQ.

L’entente intervenue entre le ministre Simon Jolin-Barrette et le juge en chef de la Cour du Québec est en dessous de tout; cette entente pérennise la bilinguisation à outrance de l’appareil judiciaire québécois voulue par le régime hyperfédéraliste de Philippe Couillard.

Dans le contexte actuel, le message de la CAQ est le suivant; ne comptez pas sur nous pour assurer la survie du français au Québec. Si cette survie vous préoccupe, votez péquiste !

Références :
Bilinguisme chez les juges : le ministre de la Justice et la Cour du Québec s’entendent
Bilinguisme chez les juges: Québec essuie un nouveau revers face à la juge Rondeau
Être condamné dans une langue qu’on ne comprend pas
La juge en chef remporte la première manche contre Québec
L’esprit de caste de la juge Lucie Rondeau
Multiplication des postes de juges bilingues depuis 15 ans au Québec
Réforme de la juge Rondeau : 9000 causes criminelles en péril, selon Québec

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La bonne fée des pauvres

Publié le 27 novembre 2023 | Temps de lecture : 9 minutes
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Introduction

Après l’avoir nié pendant des mois, le gouvernement de la CAQ a finalement été rattrapé par la crise du logement.

Une crise semblable sévit dans beaucoup de pays occidentaux. Et ce, pour les mêmes raisons qu’au Québec.

Depuis la pandémie au Covid-19, cette crise s’est accentuée chez nous de manière exponentielle en raison de l’effet combiné des mesures insuffisantes de la CAQ et d’une immigration massive qui va bien au-delà de la capacité d’accueil du Québec… et du reste du pays.

L’ampleur de la crise

Le déséquilibre actuel entre l’offre et la demande provoque la plus forte augmentation de loyer à Montréal depuis vingt ans.

Près de 116 000 logements abordables (c’est-à-dire à moins de 750 $ par mois) ont disparu en seulement cinq ans au Québec, dont 90 000 à Montréal.

Si bien que l’Office municipal des habitations à loyer modique évalue à environ 24 000 le nombre de ménages en attente d’une place dans ses habitations. L’attente se compte… en années.

Malheureusement, beaucoup de villes préfèrent laisser à l’abandon leurs HLM plutôt que de les rénover. À Montréal, 34 % des HLM sont en mauvais état et 41 % sont en très mauvais état, pour un total de 75 %.

De plus, au sein du parc immobilier à Montréal, on trouve environ 156 000 logements privés qui ne respectent pas les règles de salubrité de la ville. Il est probable que les pires d’entre eux sont inhabités.

À cela s’ajoute l’effet sur l’offre de locations à court terme (de type AirBnB) qui permettent de rentabiliser des pieds à terre où les propriétaires ne vont presque jamais.

Et s’ajoutent enfin ces logements loués à des étudiants étrangers (souvent à plusieurs), ce qui les rend indisponibles aux familles québécoises.

La solution caquiste

En septembre dernier, le gouvernement de la CAQ a déposé le projet de loi 31, un court document législatif modifiant d’autres lois.

La controverse qu’il a créée vient du fait qu’il restreint le pouvoir du locataire de céder son bail afin de permettre — généralement à un parent ou à un ami — d’occuper les lieux (en y payant le loyer évidemment) jusqu’à l’échéance de ce bail.

Pour la ministre Duranceau, la cession de bail est une violation du droit à la propriété. À son avis…

Cette histoire-là de cession de bail ou de magasinage de baux entre locataires, bien c’est une entrave au droit de propriété des propriétaires.

Lorsqu’on loue un objet ou un lieu, ce n’est pas une vente; la propriété de ce qui est loué est inchangée. Toutefois, durant toute la durée de la location, le locataire est libre d’en faire tout usage raisonnable, en assumant la responsabilité de dommages, le cas échéant.

La cession de bail agace les propriétaires qui se retrouvent parfois avec un nouveau locataire qu’ils n’auraient pas choisi.

Cet inconvénient est réel. Mais on ne peut y pallier qu’en modifiant l’équilibre délicat entre les droits des propriétaires et les pouvoirs des locataires.

En effet, ces derniers sont totalement dépendants des lois et des règlements qui les protègent puisque dans nos pays, le droit de propriété est sacré, alors que le ‘droit’ au logement n’existe pas.

Le ‘droit’ au logement


 
Dans les pays occidentaux, les droits de la Personne sont généralement des droits politiques (le droit s’association et le droit d’expression, par exemple) alors que dans les pays communistes, les droits de la Personne sont des droits concrets, dont le droit à l’hébergement.

Après la Révolution cubaine, quand les paysans ont migré massivement vers les villes en fuyant la misère qui régnait dans les campagnes, l’État cubain a subdivisé en ville tous les logements qui pouvaient l’être. Et il les a subdivisés encore plus lorsque cela s’est avéré insuffisant. Jusqu’à ce que tout le monde finisse par être logé.

En comparaison, dans un pays comme les États-Unis, celui qui est trop pauvre pour louer une chambrette ou qui n’arrive pas à en trouver, n’a droit à rien. Qu’il crève.

Au Canada, sous la pression de l’opinion publique, des administrations municipales peuvent aider quelques centaines de familles mises à la rue. Mais dès que la pression journalistique s’estompe, on fait savoir aux bénéficiaires qu’ils doivent se débrouiller tout seuls.

Poursuivez votre ville, l’État québécois ou le gouvernement fédéral parce que vous n’arrivez pas à trouver un logement et les tribunaux vous diront en long ce que la ministre Duranceau a élégamment résumé en une seule phrase :

Les pauvres qui n’arrivent plus à se loger n’ont qu’à investir dans l’immobilier…

En définitive, le ‘droit’ au logement n’existe pas. Pas plus que le ‘droit’ de céder son bail.

Dans le cas de la cession de bail, ce qui existe, c’est le pouvoir du locataire de céder son bail. Un pouvoir qui repose uniquement sur une loi modifiable… et que justement, la ministre veut modifier.

La cession de bail

Dans sa réponse à la députée Manon Massé, la ministre de l’Habitation déclare que son projet de loi n’interdit pas la cession de bail. C’est exact.

Son projet de loi ne fait qu’assujettir ce pouvoir des locataires au véto du propriétaire. Ce qui n’était pas le cas précédemment.

Une fois ce projet de loi adopté, on devrait rencontrer les trois situations suivantes :
• le propriétaire n’oppose pas son nouveau droit de véto et le locataire peut céder son bail,
• le propriétaire oppose son droit de véto (pour des motifs ‘sérieux’, précise la ministre) et le locataire doit continuer, contre son gré, à payer le loyer,
• le propriétaire accepte l’annulation prématurée du bail et libère son locataire de ses obligations.

Qui jugera du caractère sérieux des motifs invoqués par le propriétaire pour opposer son véto ? Réponse : les tribunaux.

Établi depuis des décennies, le pouvoir des locataires de céder leur bail est incontestable. Il a subi il y a longtemps le test des tribunaux et triomphé de toutes les contestations juridiques. Du coup, plus aucun propriétaire n’ose le contester; c’est peine perdue.

Dès que projet de loi sera adopté, si les raisons invoquées par le propriétaire lui semblent futiles, le locataire devra porter plainte auprès du Tribunal administratif du logement et attendre des mois pour l’audition de sa cause. Et c’est sans compter ses frais d’avocat s’il désire y être représenté par un professionnel.

En mars 2022, le délai médian pour une première audience était de 3,9 mois pour les causes ordinaires et de 1,3 mois pour les causes les plus urgentes. Et c’est sans compter sur le temps à obtenir le jugement.

Alors que les tribunaux canadiens sont débordés, cette judiciarisation est inappropriée.

La ministre Duranceau termine sa réponse en exhortant les partis d’opposition à adopter le projet de loi 31 avant Noël afin d’éviter les évictions après le temps des Fêtes.

Entre Noël et la fin du temps des Fêtes

La ministre compte apparemment sur l’adoption du projet de loi 31 avant Noël pour atténuer la crise du logement deux semaines plus tard.

Comment y parvenir ? Puisque la cause profonde de cette crise est une insuffisance de l’offre, il n’y a qu’un moyen : en construisant des dizaines de milliers d’unités locatives en 14 jours.

En septembre 2023, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) estimait qu’il faudrait construire 3,5 millions de logements supplémentaires au Canada d’ici 2030 pour retrouver un niveau d’abordabilité raisonnable. C’est un demi-million d’unités locatives par année au Canada.

Pour le Québec, cela représente environ 800 000 logements abordables à construire d’ici 2030. Et d’ici là, 115 000 par année.

Au cours de la dernière campagne électorale, la CAQ a promis de consacrer 1,8 milliard$ sur quatre ans à la construction de 7 200 logements sociaux. C’est 1 800 unités par année, loin des 115 000 unités nécessaires au Québec selon la SCHL.

Tout cela serait inquiétant sans la présence rassurante de la ministre de l’Habitation; comme une fée, France-Élaine Duranceau fait apparaitre l’enchantement.

Aux pauvres sans espoir de se loger, zling ! — c’est le bruit familier que font les baguettes magiques — et soudainement, la ministre leur ouvre toutes grandes les portes de l’investissement immobilier. Un choix incalculable de maisons, de villas luxueuses et même de gratte-ciels s’offrent à leurs yeux émerveillés. Grâce à la ministre.

Aux propriétaires opposés à ce que leurs locataires cèdent leurs baux sans leur permission, zling ! : par magie, ce pouvoir disparait. Et tous ces propriétaire anxieux peuvent dorénavant dormir en paix. Grâce à la ministre.

Bref, la ministre Duranceau possède l’art précieux de rendre tout le monde heureux.

Références :
Délais réduits au Tribunal administratif du logement
Hausses de loyers abusives: plus de 100 000 logements abordables disparus au Québec en cinq ans
La CAQ dépose enfin son projet de loi sur le logement
La CAQ promet 1,8 milliard de dollars en logements sociaux
Le logement social à Montréal : les promesses en l’air
Le logement social à Vienne
Le Québec, Dollarama des études postsecondaires ?
Les trois quarts des HLM en mauvais état à Montréal
Montréal incite les promoteurs à faire plus de logements sociaux et abordables
Plus forte augmentation de loyer en 20 ans à Montréal
Projet de loi 31
Un condo à 568 000$ jugé «abordable» par l’administration Plante

Parus depuis :
Aucune région du Québec n’y échappe: les évictions forcées ont explosé de 132% en un an (2023-10-12)
Le tiers des inspections prévues dans les HLM ont été menées, dit la VG de Montréal (2024-06-17)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le Québec, Dollarama des études postsecondaires ?

Publié le 26 octobre 2023 | Temps de lecture : 10 minutes

L’exemple des Pays-Bas

En raison du Brexit, des milliers de jeunes qui espéraient obtenir leur formation auprès d’une université britannique se sont tournés vers la formation universitaire donnée en anglais dans certaines universités d’Europe continentale.

Aux Pays-Bas, c’est exclusivement en anglais que 122 287 étrangers y font leurs études postsecondaires annuellement.

La popularité des études dans la langue de Shakespeare s’est répercutée sur le marché locatif; on estime que le pays a besoin de 26 500 chambres pour y loger ses étudiants.

En raison de la hausse des loyers causée par cette pénurie; les étudiants néerlandais dépensent en moyenne la moitié de leurs revenus pour se loger.

Sur des sites locatifs offrant de l’hébergement, on commence à voir apparaitre les avertissements ‘No Internationals’ et ‘Dutch only’. Une discrimination illégale que les autorités tolèrent.

En juin 2022, les universités de Maastricht et d’Utrecht ont écrit à toutes les personnes qui voulaient y étudier de ne pas y venir à moins d’avoir trouvé un lieu pour habiter.

Afin de pallier cette crise, le gouvernement néerlandais a décidé de réduire radicalement le nombre de ses étudiants étrangers.

En premier lieu, sauf exception, les deux tiers de toute formation universitaire qui mène à l’obtention d’un baccalauréat devront se faire en néerlandais.

Au cas où cette mesure ne serait pas suffisante, le gouvernement des Pays-Bas obligera, à partir de septembre 2024, tous les étudiants étrangers qui veulent s’inscrire dans l’une ou l’autre des universités du pays à connaitre les rudiments du néerlandais.

Finis bientôt ces étudiants qui, employés comme serveurs à Amsterdam, répondent “Oh, I’m so sorry; I don’t speak Dutch” aux clients néerlandais qui aimeraient être servis dans leur langue dans leur propre pays.

Le cas québécois

Après Terre-Neuve, le Québec est la province où les frais universitaires sont les moins élevés au Canada.

Non pas parce que nos universités ‘produisent’ des diplômés à moindre cout, mais parce que nous avons fait le choix de société de favoriser l’accès de nos adolescents aux études supérieures en subventionnant celles-ci.

Depuis le gouvernement libéral de Philippe Couillard, les frais universitaires varient selon la catégorie à laquelle l’étudiant appartient. Or il y a trois catégories :
• les étudiants internationaux,
• les étudiants canadiens des autres provinces, et
• les étudiants québécois.

Les universités québécoises sont libres de charger les frais de scolarité qu’elles veulent aux étudiants internationaux.

Par contre, jusqu’ici, les étudiants canadiens des autres provinces payaient la moitié du cout réel de leur formation universitaire (8 992$ sur 17 000$). L’autre moitié était déboursée par les contribuables québécois.

Quant aux jeunes d’ici, l’État subventionne la très grande majorité des couts de leur formation.

Effets de la dérèglementation libérale

Des dizaines de pays occidentaux convoitent la clientèle lucrative des étudiants internationaux en leur offrant une formation universitaire en anglais.

C’est l’argument qu’avaient invoqué les démarcheurs des universités anglophones du Québec pour convaincre le régime libéral de Philippe Couillard de dérèglementer les frais universitaires à l’égard des étudiants provenant de l’extérieur du Québec.

Mais comme le ‘marché’ des étudiants internationaux anglophones est beaucoup plus important que le ‘marché’ étudiants internationaux francophones, cette manne a surtout profité aux universités anglophones.

De 2019 à 2022, les frais d’inscription des étudiants hors Québec aux universités McGill, Concordia et Bishop ont rapporté 282 millions de dollars soit plusieurs fois ce que les étudiants étrangers ont versé aux universités francophones du Québec.

Les étudiants non québécois paieront plus cher

Plus tôt cette semaine, le Québec a annoncé son intention de majorer les frais universitaires imposés aux étudiants originaires de l’extérieur du Québec qui s’inscrivent aux universités d’ici.

Sont exclus de cette hausse, les étudiants français ou belges puisque leurs pays ont signé des ententes de réciprocité avec le Québec (ce que les provinces anglophones du pays ont refusé de faire).

Dans le cas des étudiants internationaux, les universités continueront de facturer le montant qu’elles veulent. Sauf qu’on établira un tarif plancher de vingt-mille dollars par année.

De plus, le Québec cessera de subventionner la formation des étudiants des autres provinces qui sont inscrits aux universités anglophones du Québec.

Pourquoi ? Parce que la majorité de ces étudiants quittent le Québec à la fin de leurs études et donc, parce que nous investissons à perte dans leurs études universitaires.

Réaction au Canada anglais

Ces jours-ci, la population des autres provinces est beaucoup plus préoccupée par les bruits de guerre que par les nouvelles d’une hausse des frais de scolarité au Québec.

Malgré cela, incapables de résister à la tentation de casser du sucre sur le dos du Québec, certains politiciens se sont empressés de confier leur déception aux journalistes.

L’enflure lyrique a probablement atteint un sommet avec la réaction de Pablo Rodriguez, ministre fédéral des Transports :

Pour moi, les universités, c’est comme une fenêtre sur le monde. Puis là, j’ai l’impression qu’on ferme un peu nos fenêtres.

Oh, comme la formule est mignonne !

Mais relisez cette phrase : elle n’a du sens que si le Québec avait décidé de fermer tous ses campus universitaires.

On doit savoir que son collègue, le ministère fédéral de l’Immigration, approuve 92 % des demandes de requérants étrangers pour étudier à l’université McGill.

Par contre, il refuse la moitié des demandes pour étudier à l’université Laval. Le pourcentage des refus grimpe même à 72 % dans le cas des établissements scolaires francophones lorsqu’il s’agit de demandeurs provenant d’Afrique.

En somme, oublions les fenêtres; le colonialisme anglais d’Ottawa ferme les portes de nos universités à des milliers de jeunes Francophones talentueux de partout à travers le monde.

Réactions au Québec

Lundi dernier, à l’émission Mordus de politique de Radio-Canada, l’ex-ministre libérale Michelle Courchesne déclarait :

Là, on est en train de dire que des étudiants étrangers anglophones au Québec, on n’en veut pas.

Rappelons que le gouvernement libéral de Philippe Couillard est celui qui a dérèglementé les frais universitaires pour les étudiants étrangers, provoquant une forte majoration de leurs frais d’inscription.

Si on fait exception du prix plancher fixé à 20 000$ par année, le gouvernement de la CAQ ne change rien à leur sujet. Où est le problème ?

En plus des oppositions attendues des Chambres de commerce et du Parti libéral du Québec, la mairesse de Montréal s’en est mêlée.

Que voulez-vous, depuis l’incendie à la Place d’Youville, la mairesse a le feu…

Celle-ci déclarait donc :

Je pense qu’on peut accomplir cet objectif-là [la défense du français] sans se pénaliser d’étudiants et de talents dont on a tellement besoin. Puis ça porte un coup dur à la réputation internationale de la métropole du Québec.

Ces jours-ci, je lis quotidiennement Le Monde (de Paris), The Guardian (de Londres), Al Jazeera (de Doha, au Qatar), et le South China Morning Post (de Hong Kong). Et c’est étrange : sur la scène internationale, personne ne s’intéresse à la hausse québécoise des frais universitaires pour la étudiants des autres provinces.

Depuis un an, ce qui a dominé l’actualité internationale concernant Montréal et porté un dur coup à la réputation de la ville, c’est justement l’incendie à la Place d’Youville.

À l’occasion de ce feu, toute la presse internationale a exposé l’incurie de l’administration Plante; le moratoire des inspections par les pompiers, les permis de la location attribués pour des chambres sans fenêtre, autorisations du morcèlement des chambres, de la destruction des coupe-feux, etc. Bref, le laisser-faire complet.

Compte tenu du cout de la vie qui y est moindre, Montréal demeure une ville attrayante pour ceux qui veulent y poursuivre leurs études. Malheureusement, leur plus grand souci, c’est de se loger.

Ce dont les étudiants universitaires ont réellement besoin, ce sont ces chambres et ces appartements abordables si abondamment promis, mais si peu construits depuis que Mme Plante est au pouvoir.

Conclusion

Si on fait exception de ses conséquences linguistiques et locatives, la venue au Québec de dizaines de milliers d’étudiants étrangers n’a que des bons côtés.

En France, sur les 260 000 étudiants étrangers, un peu plus de 110 000 (42 %) sont Africains. Ils y dépensent annuellement 1,5 milliard d’euros.

À Montréal, chaque étudiant étranger débourse environ 20 000$ par année pour assurer sa subsistance (logement, nourriture, transport, forfait téléphonique, etc.).

Collectivement, ils représentent un investissement annuel de plusieurs millions de dollars dans l’économie québécoise.

En contrepartie, la crise du logement rend nécessaire la construction de logements ou de chambrettes pour les accueillir.

Par exemple, la Caisse de dépôt et placement veut dépenser une somme colossale pour construire un complexe résidentiel (appelé ‘Cité universitaire’) destiné à loger les étudiants de McGill.

Cet investissement n’aidera pas les familles québécoises à la recherche d’un logement puisque ces chambrettes ne correspondent pas à leurs besoins.

Mais en rendant caduc ce projet immobilier, on libère des sommes qui pourront être dépensées plus judicieusement à s’occuper des nôtres.

Quant à l’aspect linguistique, il est regrettable que ces changements tarifaires ne soient pas accompagnés, pour toutes les personnes qui veulent étudier dans une université anglophone du Québec, de l’obligation préalable de connaitre le français.

Sans cette exigence, les changements tarifaires voulus par la CAQ sont, du point de vue strictement linguistique, des demi-mesures qui ralentiront sans doute un peu l’anglicisation de Montréal, mais probablement pas de manière importante.

Bref, la controverse autour de la hausse de certains frais d’inscription aux universités québécoises est une tempête dans un verre d’eau; en ajustant les frais universitaires au niveau de celui des autres provinces canadiennes, le Québec cesse tout simplement d’être le Dollarama des études postsecondaires.

Références :
Don’t come unless you have a place to live, universities warn international students
‘Dutch by default’: Netherlands seeks curbs on English-language university courses
Étudiants étrangers : les préférences canadiennes
Frais de scolarité des étudiants étrangers : « Un coup dur » pour Montréal, dit Plante
La façade ministérielle de l’État canadien
L’anglicisation du Québec et la Caisse de dépôt et placement
L’apport économique des étudiants étrangers
Le feu à la place d’Youville : pour la scission de l’arrondissement Ville-Marie
Student housing shortfall rises 20% as more international students come to NL
Universités anglophones: hausse importante des frais de scolarité pour les étudiants canadiens (2023-10-13)

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Écrit par Jean-Pierre Martel