De 2000 à 2020 : principal partenaire commercial

Publié le 26 octobre 2024 | Temps de lecture : 1 minute
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En vingt ans, le commerce international s’est recentré sur l’Asie.

Au début du millénaire, les États-Unis étaient le principal partenaire commercial de la majorité des pays du monde.

De nos jour, c’est la Chine.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La mort d’Imad, dans le nord de la bande de Gaza

Publié le 18 octobre 2024 | Temps de lecture : 2 minutes


Avertissement : le texte suivant peut heurter certaines sensibiltés.

Depuis le début de la réplique israélienne aux attaques du Hamas, le journaliste Rami Abou Jamous publie un journal de bord qui décrit sa vie devenue nomade dans la bande de Gaza et aide à comprendre concrètement le sort des Gazaouis.

Ce journal de bord peut être consulté en ligne sur le site d’OrientXXI.

Dans son texte d’hier, la passage suivant a attiré mon attention.

…Le père de ce cousin a un puits dans son jardin, et des panneaux solaires qui lui fournissent un peu d’électricité pour faire monter l’eau et remplir des citernes.

Quand il peut, il remplit les citernes de ses voisins. Le grand-père était en train de relier la pompe à une citerne [quand] un avion israélien est passé et a lâché une bombe directement sur eux.

Sur les dix personnes qui se trouvaient là, sept ont été tuées sur le coup et trois ont survécu […].

Quand les voisins et les secouristes sont venus, ils ont trouvé tout le monde, les morts et les survivants. Sauf le petit Imad, un des enfants de la famille.

Ils l’ont cherché pendant deux jours.

À un moment, dans une ruelle pas loin, ils voient une meute de chiens affairés autour de quelque chose : ils étaient en train de manger le cadavre du petit Imad, qui avait été projeté là par la bombe. Ils avaient déjà mangé une partie de sa tête et de son ventre.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La Géorgie (4e partie) : importance géostratégique de la Transcaucasie

Publié le 8 octobre 2024 | Temps de lecture : 12 minutes


Pour consulter en ordre chronologique tous les textes de cette série consacrée à l’histoire récente de la Géorgie, veuillez cliquer sur ceci.

Géographie de la Transcaucasie

Le Caucase est un massif montagneux, le plus élevé d’Europe.

Le mont Elbrouz est son point culminant (à 5 642 mètres), alors que le plus haut sommet des Alpes (le Mont-Blanc) s’élève à 4 806 mètres.

Ce massif se compose de deux chaines parallèles : le Grand Caucase (au nord) et le Petit Caucase (au sud).

La vallée entre les deux — ce qui comprend évidemment le versant sud du Grand Caucase et le versant nord du Petit Caucase — constitue la Transcaucasie.

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Le territoire ainsi délimité est bordé à l’Ouest par la mer Noire, et à l’Est par la mer Caspienne. Entre les deux se succèdent trois pays : la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Le plus populeux des trois est l’Azerbaïdjan. Inférieur à la moyenne européenne, le niveau de vie dans ces trois pays est assez semblable, tandis que le taux de croissance économique y est plus rapide qu’en Europe.

En dépit du fait qu’il est le quatrième d’une série consacrée à la Géorgie, ce texte replace ce pays dans son contexte transcaucasien puisque son importance géostratégique est commune à l’ensemble des pays de cette région, voire également à l’Asie Centrale.

La Transcaucasie a longtemps été perçue comme une zone d’influence naturelle de la Russie. Toutefois, la crainte suscitée par la puissance militaire de cette dernière s’est estompée en raison du fait que ses ressources sont accaparées par la guerre en Ukraine. Ce qui lui laisse beaucoup moins de manœuvre pour gérer efficacement les crises dans le Caucase.

L’Azerbaïdjan a profité du retrait des troupes russes du Haut-Karabagh — une région contrôlée jusque-là par l’Arménie, alliée de la Russie — pour envahir et annexer ce territoire. La victoire azérie a entrainé l’exode de 100 000 Arméniens, représentant 80 % de la population du Haut-Karabagh.

La Transcaucasie est donc devenue le théâtre de la lutte hégémonique de quatre puissances.

D’une part, de deux puissances régionales voisines que sont la Turquie (au sud-ouest) et l’Iran (au sud-est). Et d’autre part, de deux puissances mondiales que sont la Russie (voisine au nord) et l’Union européenne (au-delà de la mer Noire).

Quant à cette dernière, elle y défend les intérêts qui lui sont propres, en plus de défendre ceux des États-Unis dont elle est la vassale.

À la croisée des chemins

Selon l’adage, qui contrôle les sources et les routes d’approvisionnements énergétiques mondiales contrôle le monde.

Le commerce longitudinal (nord-sud ou l’inverse)

Qu’il s’agisse du transport ferroviaire, du transport routier ou du transport par oléoducs, la Transcaucasie est le plus court chemin du commerce terrestre entre la Russie et la Turquie, entre la Russie et l’Iran, de même qu’entre la Russie et les pays du Proche ou du Moyen-Orient.

Corridor de transport international nord-sud

Le projet de Corridor de transport international nord-sud est un itinéraire ferroviaire et maritime destiné à relier la Russie à l’Inde en traversant la mer Caspienne et l’Iran (en rouge sur la carte ci-dessus).

Ce corridor évite un long détour par le canal de Suez.

L’Iran y est favorable parce que ce corridor évite les routes maritimes dominées par l’Occident. Quant à l’Inde, il réduira de moitié le temps de transport des marchandises entre ce pays et la Russie.

Son talon d’Achille est sa portion qui traverse la mer Caspienne, large d’environ 300 km. Or dans le cas d’une guerre ouverte entre l’Otan et la Russie, les cargos russes seraient à portée de tir de missiles si l’Azerbaïdjan devait y prendre part du côté occidental.

Déplacer ce corridor vers l’Est n’est pas prudent puisque l’Asie Centrale est (à l’exclusion du Kazakhstan) un nid de terroristes. Conséquemment, il est impossible d’assurer la sécurité d’infrastructures stratégiques qui passeraient par ces pays.

Le commerce latitudinal (est-ouest ou l’inverse)

La Chine est le premier partenaire commercial de plusieurs pays européens.

Le moyen le plus économique de relier la Chine à l’Europe, c’est par voie maritime. Si on exclut le fret aérien en raison de son cout, le moyen le plus rapide est par voie terrestre.

Pour ce faire, les marchandises empruntent actuellement le Corridor ferroviaire eurasiatique.

Celui-ci part de Chine, traverse la Sibérie, la Russie et la Biélorussie pour se terminer à la frontière polonaise (où l’écartement des rails est différent).

Sa mise en œuvre a été facilitée par le fait que le segment principal de ce corridor existe depuis 1916; c’est le Transsibérien.

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, plusieurs pays cherchent à développer un deuxième corridor qui, à la différence du premier, contournerait la Russie.

Cette voie de contournement est le Corridor central transcaspien, mieux connu sous le nom de Corridor médian.

Le Corridor central transcaspien

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En voie de réalisation à un cout faramineux, ce corridor est plus court de deux-mille kilomètres en comparaison avec le Corridor ferroviaire eurasiatique.

Toutefois, entre la Russie et l’Iran, il n’y a qu’une seule voie de passage; par la Transcaucasie.

Bi-modal (à la fois terrestre et maritime), ce corridor parcourra successivement la Chine et le Kazakhstan, franchira la mer Caspienne, traversera l’Azerbaïdjan, contournera soigneusement l’Arménie (à la demande de l’Azerbaïdjan et de la Turquie) pour se rendre en Géorgie.

La Géorgie servira de carrefour. C’est là que le Corridor médian se divisera en deux embranchements.

Le premier se rendra à un port géorgien donnant sur la mer Noire. De celui-ci partiront des cargos en direction des pays qui bordent cette mer. D’autres, après avoir emprunté le Bosphore, se disperseront en Méditerranée vers leurs ports de destination.

L’autre embranchement traversera la Turquie pour se rendre soit à Istanbul, ou soit à un port en eau profonde à partir duquel les marchandises seront acheminées aux ports méditerranéens.

À l’heure actuelle, le Corridor central transcaspien repose sur des infrastructures vieillissantes dont la capacité n’est que de 5 % du Corridor ferroviaire eurasiatique (celui qui passe par la Russie).

Toutefois, grâce aux investissements importants qu’il suscite, cela devrait complètement changer d’ici dix ans.

Une fois complété, il rehaussera l’importance géostratégique de l’Asie centrale et de la Transcaucasie, deux régions jusqu’ici secondaires dans le commerce international.

Appuis internationaux au Corridor médian

L’Union européenne

Le projet est soutenu avec enthousiasme par les États-Unis et l’Union européenne.

Toutefois, il ne semble pas que les dirigeants européens aient réalisé que passer du Corridor ferroviaire eurasiatique (celui qui passe par la Russie) au Corridor central transcaspien (celui qui passe par la mer Caspienne), c’est échanger une dépendance à la Russie pour une dépendance à la Turquie.

Entre les deux, s’il est vrai que la Russie est une menace nucléaire (ce que la Turquie n’est pas), on doit considérer qu’en temps de paix, la Turquie s’immisce beaucoup plus dans les affaires intérieures des pays qui dépendent d’elle.

La Turquie

Parce que c’est une occasion d’accroitre son importance dans le commerce international, la Turquie investit des sommes considérables pour se doter des infrastructures nécessaires.

Et au-delà de l’Azerbaïdjan (qui est déjà son allié militaire), la Turquie voit dans ce projet une occasion d’étendre son influence aux républiques turcophones d’Asie Centrale.

L’Inde

Justement pour cette raison, l’Inde y craint l’encerclement.

En effet, à l’ouest de ce pays se trouve le Pakistan, allié de la Turquie. Et au nord, l’Inde est bordée par les pays musulmans d’Asie Centrale, déjà indisposés par les excès du nationalisme hindou et que la Turquie courtise.

Pour lutter contre cet encerclement, l’Inde est un allié militaire de l’Arménie. Ce pays n’est pas traversé par le Corridor central transcaspien mais il en est suffisamment près pour le menacer. Une menace qui pourrait être utile pour faire pression sur la Turquie si l’Inde devait juger cela opportun.

La Chine

D’abord soucieuse de ne pas indisposer son allié russe (contre lequel ce corridor est conçu), la Chine s’est ravisée depuis puisque ce projet est implicitement une des nouvelles routes de la Soie.

La Géorgie

La Géorgie profitera moins de sa position géographique en raison du fait que la Turquie (avec laquelle elle est en concurrence) possède déjà des ports en eau profonde et que le seul port de ce genre en Géorgie (celui d’Anaklia) peine à voir le jour.

De plus, même si la Géorgie se dotait d’un port en eau profonde, les cargos qui y partiront subiront l’encombrement du Bosphore (ce qui allonge les délais de livraison) alors que ceux qui accosteront sur la côte méditerranéene de la Turquie n’auront pas ce problème.

Les oléoducs du Caucase

Il existe un autre élément qui contribue spécifiquement à l’importance géostratégique de la Transcaucasie, ce sont les oléoducs du Caucase.

Oléoducs du Caucase

Dans la mer Caspienne se trouve un des plus importants gisements de pétrole et de gaz fossile au monde, largement sous-exploité.

Avant la guerre en Ukraine, l’Azerbaïdjan était un exportateur très secondaire d’hydrocarbures destinés à l’Europe. Parce que plus chers que ceux de Russie (en raison de l’éloignement) et du plus grand nombre de pays à traverser (auxquels on doit verser une redevance afin qu’ils en assurent la sécurité).

L’année du déclenchement de cette guerre, le commerce extérieur de ce pays s’est accru de 55,4 %. Si bien que ses exportations en sont venues à représenter 77 % de son PIB. De loin, son principal client est l’Italie, qui lui achète 46,6 % de ses exportations, essentiellement des hydrocarbures.

L’encerclement de la Russie par l’Otan

Conscient de l’importance géostratégique de la Transcaucasie, Washington déploie des ressources diplomatiques et financières considérables afin de poursuivre sa stratégie d’encerclement militaire de la Russie.

Comme la combinaison gagnante d’une machine à sous, les États-Unis cherchent à faire basculer ces trois pays dans le giron occidental.

Mais il s’agit d’une région politiquement instable où aucune alliance n’est définitive.

Des trois, l’Azerbaïdjan est le plus riche et militairement le plus puissant. Son PIB dépasse ceux de ses deux voisins combinés.

Pour l’Otan, c’est un pays-clé, capable de menacer à la fois les échanges de la Russie le long du Corridor de transport international nord-sud et les échanges de la Chine le long du Corridor central transcaspien.

Ce pays est capital pour assurer l’hégémonie mondiale des États-Unis.

Toutefois, l’Otan ne peut l’admettre dans ses rangs car c’est un pays enclavé. Conséquemment, l’adhésion de l’Azerbaïdjan nécessite l’adhésion préalable de la Géorgie.

Or la Géorgie est devenue hésitante.

De son indépendance en 1991 au déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, la Géorgie a résolument été pro-occidentale et pro-otanienne. Contrairement à l’Ukraine, où ont alterné des gouvernements pro-russes et pro-occidentaux.

Mais les Géorgiens se rappellent encore de l’époque où le président géorgien le plus voué aux intérêts occidentaux, Mikheil Saakachvili, fut laissé à lui-même lorsqu’éclata la guerre russo-géorgienne de 2008 (au sujet de l’Ossétie du Sud).

L’idée d’être dévasté par des bombardements russes comme prix d’une entrée à l’Otan repoussée toujours plus loin d’une année à l’autre, enchante de moins en moins les Géorgiens, aussi russophobes soient-ils.

D’autant plus que depuis quelques années, chaque fois que le gouvernement géorgien résiste à des pressions américaines, il doit affronter des manifestations quasi insurrectionnelles de la part d’ONG financées par les États-Unis.

De plus en plus inquiets d’être la cible d’un changement de régime à la Victoria Nuland, les dirigeants géorgiens sont devenus méfiants.

Références :
Azarbaïdjan : le profil commercial
Conflit du Haut-Karabagh
Corridor de transport international Nord-Sud
En Géorgie, le projet de port d’Anaklia peine à voir le jour
Le nouveau Grand Jeu
Oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan
OTAN : Relations avec l’Azerbaïdjan
Résumé de géopolitique mondiale (1re partie)
Routes de la soie : le corridor ferroviaire médian. L’avènement d’une alternative au rôle central de la Russie ?
Transsibérien
Ukraine et Russie : l’échec cuisant de Victoria Nuland
Why the Middle Corridor Will be a Geopolitical Game Changer (vidéo)

Paru depuis : Entre la Russie et l’Iran, une voie ferrée et un nouvel axe contre l’Occident (2024-10-27)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Droit international et géopolitique (quatrième partie)

Publié le 4 octobre 2024 | Temps de lecture : 7 minutes


Plan :
• 1re partie : Assises et instances
• 2e partie  : Impact du droit international
• 3e partie  : L’exemple du droit à la légitime défense
• 4e partie  : Le droit à l’indépendance – Crimée vs Taïwan (ce texte-ci)
• 5e partie  : Les mandats d’arrestation de la CPI

Introduction

Dans l’édition de mars 2017 de l’Action Nationale, l’expert constitutionnaliste André Binette écrit :

Un peuple apparait à la suite de la combinaison de facteurs historiques, sociologiques et culturels.

Avec le temps, ces facteurs conduisent à la formation de trois éléments essentiels. Deux d’entre eux, le territoire et la population, sont de nature objective et variable; le troisième, qui est la prise de conscience par un peuple de sa propre identité, est subjectif et invariable.

Lorsque ces trois éléments sont réunis, le droit international, depuis cinquante ans, reconnait à un peuple le droit à l’autodétermination.

Le droit à l’indépendance est reconnu par plusieurs dispositions du droit international. Toutefois, ces dispositions s’appliquent différemment à chaque cas.

La plupart du temps, l’accession à l’indépendance repose sur Le principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit de disposer d’eux-mêmes (ou résolution 2625), adopté par l’Onu en 1970. Il y est écrit :

La création d’un État souverain et indépendant […] ou l’acquisition de tout autre statut politique librement décidé par le peuple, constituent pour ce peuple des moyens d’exercer son droit à disposer de lui-même.

Il est à noter qu’en vertu du doit international, le mot ‘peuple’ désigne l’ensemble des groupes ethniques qui peuplent un territoire. Il n’est donc pas synonyme de ‘groupe ethnique’. Si c’était le cas, aucun pays ne serait né depuis la création de l’Onu puisque de nos jours, aucun pays n’est mono-ethnique.

Dans le cas des pays africains, ceux-ci ont pu se prévaloir spécifiquement de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux (ou résolution 1514), adoptée par l’Onu en 1960.

Dans le cas de la Crimée et de Taïwan, aucun d’entre eux ne peut s’en prévaloir puisque ni l’un ni l’autre n’est une colonie. Tout au plus, Taïwan peut prouver avoir été une colonie du Japon de 1895 à 1945, mais pas de la Chine continentale.

Au-delà des trois conditions essentielles à l’indépendance, énoncées par André Binette, le juriste Jacques Brossard apporte la nuance suivante quant à la reconnaissance internationale de cette indépendance :

De nos jours, la naissance d’un nouvel État ne peut plus se faire qu’aux dépens […] d’au moins un autre État. Elle ne peut donc que perturber l’ordre international […] Cette naissance peut être indépendante de la volonté des autres États, mais l’admission d’un État au sein de la société internationale dépend au contraire de cette volonté.

Cela signifie que même s’il remplit toutes les conditions pour être indépendant, un nouvel État sera un paria sur la scène internationale si les puissances de ce monde s’opposent son existence.

À l’opposé, un territoire qui n’a aucun droit à l’indépendance y accèdera par simple résolution de l’Onu puisque celle-ci s’ajouterait alors au droit international.

La Crimée

En janvier 2014, le gouvernement central à Kyiv annonçait son intention — qu’il n’eut pas le temps de réaliser — de retirer au russe son statut de langue officielle dans toutes les provinces ukrainiennes où cette langue jouissait de ce statut.

Imaginez qu’au Canada, Ottawa aurait le pouvoir de retirer au français son statut de langue officielle au Québec et qu’il déciderait d’exercer ce pouvoir : il provoquerait l’indépendance du Québec.

C’est ce qui est arrivé en Crimée.

En 2014, la population de la Crimée était constituée de 65,3 % de citoyens russophones et de 15,1 % de citoyens ukrainophones.

Dès l’annonce de Kyiv, le gouvernement provincial de Crimée adopta une déclaration unilatérale d’indépendance et organisa aussitôt un référendum qui fut remporté haut la main par les partisans de l’indépendance.

Aucun pays ne mit en doute ce résultat.

Toutefois, l’Ukraine et les pays occidentaux jugèrent que cette consultation était sans valeur.

À leur initiative, l’Onu adopta peu de temps après une résolution dépourvue de valeur juridique contraignante qui déclare non valide le référendum criméen et qui réitère l’importance du respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

Il est donc paradoxal de voir des pays qui prétendent défendre la démocratie dans le monde, s’opposer à la volonté démocratique du peuple criméen de disposer de lui-même, une opposition qu’ils justifient au nom du droit international alors que cette résolution, strictement parlant, n’en fait pas partie.

Taïwan

Depuis la résolution 2758, adoptée par l’Onu en 1972, le gouvernement de Beijing représente à l’Onu non seulement la Chine continentale, mais également l’ile de Taïwan.

Depuis que le gouvernement de Chiang Kaï-chek s’y est réfugié en 1950 (après avoir perdu la guerre civile chinoise), l’ile possède une complète autonomie gouvernementale… et en jouira tant qu’elle évite de proclamer son indépendance.

Sachant cela, Washington essaie depuis des années de convaincre la population de l’ile de franchir la ligne rouge tracée par Beijing.

Le but de Washington est de répéter le ‘truc’ qui a si bien fonctionné en Ukraine, soit de susciter une guerre avec son voisin afin d’affaiblir l’armée de ce dernier.

Pour freiner l’accession de la Chine au titre de première puissance économique mondiale, les dirigeants américains souhaitent donc l’affaiblir par une guerre ruineuse.

Washington n’a jamais caché son intention de reconnaitre l’indépendance de Taïwan dès que le gouvernement de l’ile la proclamera.

Toutefois, Taïwan ne peut accéder à l’indépendance en vertu du droit international. Pourquoi ? Tout simplement parce que son profil ethnique ne se distingue pas celui de la Chine continentale.

Lorsque le gouvernement de Chiang Kaï-chek s’installe à Taïwan, accompagné de deux-millions de partisans, il y instaure une ‘Terreur blanche’ qui durera de 1949 à 1987 et qui se fit principalement aux dépens de la population autochtone de l’ile (qui le percevait comme un envahisseur).

Si bien que de nos jours, Taïwan est peuplé à 95 % de Hans alors que cette ethnie forme 92 % de la population de la Chine continentale.

En définitive, tout ce qui distingue Taïwan de la Chine continentale, c’est le niveau de vie, les caractères d’écriture et le système politique.

Bref, rien qui justifie l’indépendance.

Quant à l’adoption d’une résolution de l’Onu qui légaliserait l’indépendance de Taïwan, il faudrait que le représentant de la Chine au Conseil de sécurité (où Beijing dispose d’un droit de véto) soit soudainement retenu au lit par une vilaine grippe…

Références :
Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux
Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
D’un simple décret, Khrouchtchev fit don de la Crimée à l’Ukraine en 1954
Le droit du peuple québécois à l’autodétermination et à l’indépendance
Le pouvoir constituant du peuple québécois et l’accession à l’indépendance (1re partie)
Le pouvoir constituant du peuple québécois et la coexistence avec les peuples autochtones (2e partie)
Résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations unies
Résolution 2625 de l’Assemblée générale des Nations unies
Résolution de l’Onu appelant au respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine
Résolution du Conseil de sécurité des Nations unies
Terreur blanche (Taïwan)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’insupportable popularité de TikTok

Publié le 19 septembre 2024 | Temps de lecture : 3 minutes

Accusée de recueillir des données personnelles pour ce compte du gouvernement chinois, TikTok a apporté des correctifs qui n’ont pas satisfait ses accusateurs.

TikTok n’est pas un appareil; c’est une application. En tant que telle, TikTok ne peut rien colliger de plus que ce que font déjà tous les médias sociaux américains.

Depuis les révélations d’Edward Snowden, on sait que les pays à majorité anglo-saxonne (États-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande) épient tous nos courriels, tous nos textos et toutes nos conversations téléphoniques.

Dans ce dernier cas, cela ne veut pas dire qu’un espion écoute nos conversations en temps réel, mais que cette conversation est enregistrée et conservée sur d’immenses serveurs.

Que TikTok appartienne à la Chine, au Burkina Faso ou à des Extraterrestres, on ne voit pas très bien ce que ça change.

Une proportion croissante des Américains sont de cet avis.

Selon un sondage réalisé par le Pew Research Center, l’appui au bannissement de TikTok a chuté de 50 % en mars 2023 à 32 % l’été dernier.

Inversement, l’opposition au bannissement est en hausse, passant de 22 % à 28 %. Quatre points de pourcentage séparent maintenant les pour des contre.

Ce qui distingue les uns des autres est moins l’allégeance politique que leur utilisation de l’application; ceux qui s’en servent ne sont que 10 % à vouloir son interdiction alors qu’ils sont 61 % à s’opposer à cette mesure.

Ce qui devrait accroitre la détermination du Congrès américain à aller de l’avant malgré la fonte de l’appui populaire, c’est la découverte que 36 % des utilisateurs de TikTok s’en servent pour s’informer au sujet de la politique américaine.

Cette proportion est même de 39 à 48 % (selon les sondages) chez les jeunes de 18 à 29 ans.

Imaginez que le quotidien le populaire au Québec, ce ne soit pas le Journal de Montréal/Journal de Québec (avec leur 3,6 millions de lecteurs), mais l’édition québécoise de la La Pravda de Moscou…

Que TikTok milite actuellement ou non en faveur d’une idéologie particulière, cela n’a pas d’importance; ce qui compte, c’est qu’il soit en mesure de le faire, notamment en période de crise.

Aux yeux de la plus grande puissance militaire au monde, TikTok est la cellule dormante du pays qui représente la plus grande menace à sa suprématie.

Voilà pourquoi elle sera bannie ou vendue à des intérêts américains.

Références :
About half of TikTok users under 30 say they use it to keep up with politics, news
How Americans Navigate Politics on TikTok, X, Facebook and Instagram
Le bannissement de TikTok au travail
More Americans – especially young adults – are regularly getting news on TikTok
Support for a U.S. TikTok ban continues to decline, and half of adults doubt it will happen
TikTok
TikTok et le Bonhomme Sept Heures
TikTok is Now the Frontier for Political Discourse

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le mot en G

Publié le 18 septembre 2024 | Temps de lecture : 2 minutes

Pour comprendre ce qui va suivre, on doit savoir que sur le site de Radio-Canada, les commentaires ne sont jamais censurés; ils sont ‘désactivés’.

Lorsque c’est le cas, l’auteur du message devient le seul qui peut voir son texte. En somme, il devient secret. Comme les documents ‘For Your Eyes Only’ adressés à l’agent 007.

Et lorsqu’une personne réplique à ce commentaire avant sa désactivation, tous les lecteurs peuvent voir la réplique, sans savoir de quoi il s’agit.

Revenons au mot en G…

On apprenait ce matin que le Hezbollah libanais avait équipé ses combattants de téléavertisseurs (ou pagettes). Sans le savoir, ces appareils renfermaient des explosifs insérés par les services de renseignements israéliens, des explosifs que ces derniers pouvaient faire sauter à distance.

En apprenant cette nouvelle, j’ai publié le commentaire suivant.


Il est à noter que ce commentaire ne contient pas les mots Israël, Hezbollah, ni Gaza. Il est vague et n’accuse personne en particulier.

Mais il est tellement évocateur que la simple lettre ‘G’ suffit à justifier sa désactivation.

Puisque sur ce site, il est interdit de tenir des propos obscènes, je présume que les censeurs de Radio-Canada ont simplement confondu le mot en ‘G’ avec le point G.

C’est tellement mélangeant…

Références :
How did Hezbollah’s pagers explode in Lebanon?
Huit morts au Liban dans l’explosion des téléavertisseurs de membres du Hezbollah

2 commentaires

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’Inde, pays au potentiel bridé

Publié le 16 septembre 2024 | Temps de lecture : 4 minutes

Classée selon son produit intérieur brut, l’Inde se trouve au cinquième rang (3,8 mille milliards$), loin derrière les États-Unis (26,2 mille milliards$) et la Chine (21,6 mille milliards$).

Autrefois, la Chine freinait sa croissance démographique grâce à sa Politique de l’enfant unique. En raison de ce qui en coute de nos jours pour élever un enfant en Chine, cette politique a été abandonnée parce que devenue superflue.

L’Inde n’a pas cherché à le faire. Si bien qu’elle est devenue récemment le pays le plus populeux au monde.

De plus, le taux de croissance de l’économie de l’Inde (6,2 % en 2023) dépasse celui de la Chine (4,7 %) et des États-Unis (2,1 %).

Si bien que certains prévoient que l’Inde deviendra bientôt la 3e puissance économique du monde, dépassant l’Allemagne et le Japon, deux pays qu’elle talonne de près.

En effet, cela est probable.

D’abord parce que l’Allemagne, pour plaire à Washington, a adopté contre la Russie des sanctions économiques très préjudiciables à sa propre économie et qui plomberont celle-ci pour une décennie. À moins d’un renversement de l’élite politique qui la dirige.

Pour ce qui est du Japon, le vieillissement de sa population et la fermeture raciste de ses frontières empêchent ce pays de bénéficier de l’apport de sang neuf. En plus, en proportion de son économie, c’est le troisième pays le plus endetté au monde (après l’Ukraine et le Soudan, ravagés par la guerre).

L’Inde les dépassera parce qu’elle les talonne de près. Il en est autrement des deux premières puissances économiques mondiales.

Avec son taux de croissance de 4,7 %, l’économie chinoise s’est accrue de 1 017 milliards$ en 2023 alors que l’économie de l’Inde, avec son taux de croissance de 6,2 %, ne s’est accrue que 237 milliards$, soit quatre fois moins.

Á l’avenir, le taux de croissance de l’Inde devra être considérablement plus élevé si ce pays espère rejoindre les deux pays plus puissants qu’elle… à moins d’une Troisième Guerre mondiale au cours de laquelle ses deux principaux rivaux s’entredéchireront.

Les deux handicaps insurmontables de l’Inde sont son système de castes et sa misogynie.

L’Inde est la capitale mondiale du viol. Même accompagnées, les travailleuses de ce pays empruntent tous les jours les transports en commun à leurs risques et périls.

Or un pays ne peut atteindre son plein potentiel économique en se privant du talent des femmes, c’est-à-dire de la moitié de sa population.

Quant à son système de castes, même Gandhi fut incapable de le réformer en profondeur, en dépit du mépris qu’il entretenait pour lui.

Malgré la législation qui l’interdit, la discrimination entre les castes prévaut toujours parce qu’elle est basée sur des textes jugés sacrés.

Actuellement, ce n’est pas le président nationaliste du pays, Narendra Modi, qui osera s’y attaquer.

En raison du fanatisme religieux qui prévaut dans ce pays, tout dirigeant politique qui tenterait, concrètement, de l’abolir serait assassiné.

Le résultat, c’est que jamais un ouvrier de ce pays n’acceptera d’obéir aux ordres de quelqu’un issu d’une classe inférieure à la sienne.

Avec sa population de 1,4 milliard de personnes, l’Inde est déjà un formidable marché de consommation. Mais elle restera toujours une puissance industrielle bridée par ses traditions d’une autre époque.

Références :
Castes en Inde
Classement PIB 2024 : quels sont les pays les plus riches du monde ?
Fin de la politique de l’enfant unique en Chine
Inde : le pays du viol
Le cout de la dé-Merkellisation de l’Allemagne

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pourquoi la Mongolie n’a-t-elle pas arrêté Vladimir Poutine ?

Publié le 4 septembre 2024 | Temps de lecture : 3 minutes


 
Introduction

En mars 2023, la Cour pénale internationale (CPI) lançait un mandat d’arrestation contre Vladimir Poutine.

Pourtant, lors d’une visite officielle à l’Étranger qui s’est terminée hier, le président russe s’est rendu en Mongolie et en est reparti sain et sauf. Pourquoi ?

Un droit facultatif

Lorsque la CPI lance un mandat d’arrestation, elle compte sur les ressources policières des pays signataires du Statut de Rome pour arrêter la personne visée par ce mandat.

En dépit du fait que la Mongolie a signé et ratifié ce traité, ce pays a pourtant laissé filer Poutine.

Lorsqu’un pays signataire refuse d’obéir à la Cour, ce pays peut être sanctionné par résolution du Conseil de sécurité de l’Onu.

Or, on voit mal comment la Russie — qui possède un droit de véto à l’Onu — pourrait punir la Mongolie pour y avoir été accueillie chaleureusement.

Aparté : Si Benyamin Netenyahou n’a pas fait l’objet d’un mandat d’arrestation de la CPI, c’est en raison de la menace américaine de représailles contre les procureurs de la Cour s’ils osent s’en prendre au premier ministre israélien.

La Mongolie, alliée de Moscou et de Beijing

Pour justifier son refus d’obéir à la CPI, la Mongolie invoque l’immunité diplomatique dont jouit Poutine.

Cela ne tient pas debout : les statuts de la CPI prévoient justement la levée de l’immunité diplomatique des personnes qu’elle accuse.

Les véritables raisons sont simples.

Quel pays aurait pu aller chercher Poutine en Mongolie s’il y avait été arrêté ? La Mongolie est un pays enclavé entre la Russie et la Chine; rien ne peut quitter la Mongolie sans passer par l’un ou l’autre de ces deux voisins.

Peut-on imaginer un avion militaire américain violer l’espace aérien d’un de ces pays pour aller chercher Poutine ? Cet avion ne se serait jamais rendu à destination et, dans le meilleur des cas, serait revenu bredouille.

Les deux tiers des importations mongoles proviennent de Russie et de Chine. Et 93 % des exportations mongoles sont destinées à la Chine.

Cela dit tout.

Références :
Cour pénale internationale
La Cour pénale internationale lance un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine
Mandats d’arrêt demandés par la CPI : quelles conséquences pour Netanyahu ?
Pourquoi la Mongolie n’a-t-elle pas arrêté Vladimir Poutine lors de sa visite?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les débuts chaotiques de la diplomatie ukrainienne en Afrique

Publié le 20 août 2024 | Temps de lecture : 10 minutes
Pays (en vert) qui n’ont pas adopté de sanctions économiques contre la Russie

Un effort diplomatique remarquable

Depuis son indépendance en 1991, l’Ukraine a ouvert huit ambassades dans les pays africains suivants : en Algérie, en Angola, en Égypte, en Éthiopie, au Kenya, au Nigeria, au Sénégal et en Afrique du Sud.

Kyiv annonçait dernièrement sa décision de faire passer à vingt le nombre de ses ambassades africaines.

C’est ainsi que le 12 avril dernier, l’Ukraine aménageait sa nouvelle ambassade en Côte d’Ivoire dans une maison cossue de 1 200 m² située à deux pas de l’ambassade de la Russie (selon les précisions de la BBC).

L’Ukraine veut ainsi être en mesure de faire plus efficacement la promotion de ses intérêts auprès d’une vingtaine de pays africains sur les 53 pays que compte le continent. À titre de comparaison, on trouve des ambassades et des consulats canadiens dans 35 pays africains.

Dans les faits, le travail quotidien de ces délégations à l’Étranger sera d’informer et de délivrer des visas aux personnes de ces pays qui voudront voyager en Ukraine et d’autre part, aider les Ukrainiens sur place qui auront perdu leur passeport ou qui se seront fait voler leurs effets personnels.

En aout 2022, deux des plus importantes agences de notation financière — S&P Global Ratings et Fitch Ratings — ont rétrogradé les finances de l’Ukraine au niveau de l’avant-dernier échelon de leur grille; en défaut de paiement sélectif. En somme, l’Ukraine est presque en faillite.

Longtemps deuxième pays le plus pauvre d’Europe, l’Ukraine n’a jamais eu les moyens de se doter d’un corps diplomatique important. On s’étonne que, dans l’état actuel de ses finances, l’Ukraine ait décidé maintenant de corriger cette lacune.

L’éléphant dans la pièce

Ces jours-ci, dans le petit monde de la diplomatie internationale, l’Ukraine se comporte comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Quelques jours après le début de la guerre russo-ukrainienne, sur la page Facebook officielle de son ambassade au Sénégal, l’Ukraine avait fait paraitre une offre d’emploi pour des volontaires prêts à s’enrôler dans son armée.

Aussitôt, le gouvernement sénégalais ordonnait à l’Ukraine de cesser tout recrutement de mercenaires à partir de son territoire.

Le 27 juillet dernier, aidés par l’Ukraine, des rebelles maliens ont tendu un guet-apens aux mercenaires russes de l’Africa Corps (le nouveau nom du Groupe Wagner).

Au cours de cette embuscade qui a duré deux ou trois jours, 84 Russes ont été tués. C’est la pire défaite de cette milice depuis son déploiement dans ce pays, en 2022.

Deux jours plus tard, le porte-parole du Service de renseignement militaire de l’Ukraine révélait à la télévision nationale que la victoire des rebelles avait été facilitée par l’Ukraine.

Pour l’instant, on ignore la nature de cette collaboration. Certaines informations suggèrent que les forces spéciales ukrainiennes auraient formé les séparatistes à l’utilisation de drones d’attaque. Une expertise qui leur aurait été précieuse dans ce cas-ci.

À la suite de la confirmation — par l’ambassadeur ukrainien au Sénégal — selon laquelle l’Ukraine était effectivement impliquée dans cette attaque, le Mali a rompu ses relations diplomatiques avec l’Ukraine le 4 aout.

Il faut savoir que l’attaque dont il s’agit visait un convoi de l’armée malienne accompagné de mercenaires de l’Africa Corps. Au cours de cette bataille, 47 soldats maliens ont également perdu la vie.

Le communiqué émis par le gouvernement malien ne laisse aucun doute quant à sa vive contrariété : « [Le Mali] adhère totalement au diagnostic établi par la [Russie] qui a pourtant mis en garde le monde, depuis des années, sur la nature néonazie […] des autorités ukrainiennes, aujourd’hui alliées au terrorisme international, loin des aspirations de paix et stabilité du peuple ukrainien.»

Voisin oriental du Mali, le Niger a lui aussi rompu ses relations diplomatiques avec l’Ukraine.

Sans aller jusque là, le Sénégal (situé à l’ouest du Mali), a déclaré :

« [Le Sénégal…] ne saurait accepter sur son territoire […] des propos et gestes allant dans le sens de l’apologie du terrorisme, surtout lorsque ce dernier vise à déstabiliser un pays frère comme le Mali

Situé au sud du Mali, le Burkina Faso a rappelé le principe sacro-saint de la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État souverain (le Mali) et s’est contenté de rappeler les responsabilités de la communauté internationale « face au choix opéré par l’Ukraine de soutenir le terrorisme dans un contexte mondial où l’unanimité est faite sur l’impératif de combattre ce fléau.»

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, habituellement très critique à l’égard de la junte militaire malienne, a néanmoins déclaré qu’elle « désapprouve et condamne fermement toute ingérence extérieure dans la région […] et toute tentative visant à entrainer la région dans les confrontations géopolitiques actuelles.»

En d’autres mots, les pays africains jugent que la guerre russo-ukrainienne est un conflit qui ne les concerne pas et refusent d’être les pions d’une guerre hégémonique en Europe. Par-dessus tout, ils s’opposent à ce que leur pays devienne une extension territoriale de ce conflit.

Ceci étant dit, un petit détail est intrigant; tous ces pays accusent l’Ukraine de ‘terrorisme’ alors que nos médias sont muets à ce sujet. Au contraire, chez nous, on se réjouit plutôt de voir l’Ukraine infliger une défaite à la Russie en aidant des rebelles à lutter contre la dictature militaire de leur pays.

Qu’en est-il vraiment ?

Le contexte malien

Pour comprendre la situation actuelle au Mali, il faut remonter à 2011.

Cette année-là, l’Onu ordonnait un embargo sur la fourniture, la vente et le transfert d’armements aux belligérants qui s’affrontaient alors en Libye, un pays situé au nord du Mali.

Puisque le droit international est de facto facultatif, l’Otan n’a pas hésité à violer la résolution de l’Onu en livrant une quantité considérable d’armements aux rebelles en Libye et à tous les habitants de la région qui acceptaient de devenir mercenaires contre le régime libyen de Mouammar Kadfafi.

Après son assassinat, ces derniers sont retournés à leurs occupations habituelles. Dans un grand nombre de cas, les armes puissantes qu’ils avaient reçues étaient beaucoup trop encombrantes pour leur être utiles.

Conséquemment, ces ex-belligérants se sont départis des armes les plus puissantes et les plus lourdes, vendues aux seules personnes que cela pouvait intéresser, soit les milices terroristes qui œuvraient dans la région subsaharienne, notamment au Mali.

Depuis ce temps, ce pays est aux prises avec une révolte de djihadistes qui combattent le gouvernement central malien afin d’établir une république islamiste dans la moitié nord du pays (appelée Azawad) et d’y imposer la charia, voire d’y créer un califat.

Bref, les armes déversées massivement par l’Otan en Libye ont finalement contribué à la puissance militaire des rebelles du Mali et à l’instabilité politique de ce pays.

Le 6 avril 2012, les Touaregs du MNLA (le Mouvement national de libération de l’Azawad) proclamaient l’indépendance de la moitié nord du Mali. Cette proclamation fut condamnée par le Mali, l’Union africaine et la communauté internationale.

Incapable d’imposer l’ordre, le Mali a d’abord fait appel au Tchad, puis peu après à la France, dont les opérations militaires au Mali se succédèrent de 2014 à 2022 sans parvenir à éradiquer la menace djihadiste.

À la suite du coup d’État de 2021, les nouvelles autorités maliennes se sont montrées de plus en plus critiques, publiquement, à l’égard de l’armée française dans le pays. Ce qui a contribué à généraliser son impopularité au sein de la population malienne.

Dès l’année suivante, la France prétextait l’annulation des élections au Mali pour se retirer du pays.

Celui-ci s’est tourné vers le Groupe Wagner d’Evgueni Prigojine, renommé depuis Africa Corps.

Le mois dernier, aveuglées par leur désir d’infliger une défaite à la Russie, les autorités ukrainiennes ne semblent pas avoir réalisé qu’elles aidaient des terroristes à déstabiliser un pays africain.

En dépit de l’ouverture de ses ambassades, l’Ukraine a rendu toxiques les relations qu’elle comptait tisser avec les pays du continent africain.

Conclusion

En septembre 2023, au parlement canadien, l’ovation d’un sympathisant nazi d’origine ukrainienne en présence de Volodymyr Zelensky a éclaboussé la réputation internationale du Canada et fait le jeu de la Russie, heureuse de souligner le passé pro-nazi de l’Ukraine.

Cet incident s’est produit en raison de la profonde méconnaissance de l’histoire que possède notre classe politique puisque personne, apparemment, ne s’est rendu compte de ce qu’il faisait.

Dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, tous les journaux du Québec — imprégnés du néo-maccarthisme ambiant — ont rapporté positivement (voire triomphalement) l’embuscade tendue à l’Africa Corps par l’Ukraine et ses alliés.

Malheureusement, aucun de nos journalistes ne semble avoir soupçonné que l’Ukraine se faisait ainsi complice de djihadistes affiliés à Al-Qaïda et à Daech. Des salafistes qui mettent la moitié du Mali à feu et à sang depuis une décennie.

Il était à prévoir qu’un jour, les groupes terroristes apprendraient comment utiliser des drones non seulement pour glaner des renseignements mais également pour commettre des attentats.

Si les informations partielles que nous possédons sont exactes, nous assistons ici à un transfert technologique du pays le plus expérimenté au monde à ce sujet vers des groupes indésirables. Et ce, sous les applaudissement niais de nos journalistes.

Et pendant que tout ce beau monde se tarde d’inclusion et de diversité, personne ne s’est donné la peine de chercher sur l’internet pour savoir ce que les Africains eux-mêmes en pensaient.

Triste époque…

Références :
Au lendemain de la mort de Mouammar Kadhafi, l’Otan a annoncé la fin de sa mission libyenne le 31 octobre
Azawad
10 nouvelles ambassades ukrainiennes en Afrique: quels sont les enjeux ?
La désinformation au sujet de la Division SS Galicie
Le Burkina Faso invite l’Ukraine à ne pas se tromper de combat
La nostalgie nazie en Ukraine
Le rôle de l’Ukraine dans la défaite de l’Africa Corps russe pourrait-il se retourner contre elle ?
L’Occident ne veut pas payer pour reconstruire l’Ukraine
L’Ukraine frappe la Russie en Afrique
L’Ukraine sous le respirateur artificiel américain
Maccarthysme
Mali
Mali cuts diplomatic ties with Ukraine over Wagner attack controversy
Niger’s junta cuts diplomatic ties with Ukraine
Résolution de l’ONU No 1970 (2011)

Parus depuis :
Burkina, Mali et Niger appellent l’ONU à «prendre des mesures» face au «soutien de l’Ukraine au terrorisme» (2023-08-21)
La méthode Wagner, au service des ambitions russes en Afrique (2023-08-22)

Complément de lecture : Ukrainian Trained, Turkish Sponsored Syrian Rebels Lead Assault on Aleppo (2024-12-01)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Guerre en Ukraine : amener les Allemands à la raison

Publié le 16 août 2024 | Temps de lecture : 6 minutes

L’Allemagne est le deuxième plus important fournisseur d’armes à l’Ukraine (loin derrière les États-Unis, mais devant la Grande-Bretagne et la Pologne). Ce pays est actuellement dirigé par une coalition tripartite qui n’a de cesse que de s’entredéchirer sur à peu près tous les sujets.

Au parlement allemand, tout comme au parlement européen, ce sont les Verts — ironiquement qualifiés de ‘Verts kaki’ par leurs adversaires politiques — qui battent le plus vivement le tambour de la guerre contre la Russie. Même au prix, paradoxalement, d’un cout environnemental colossal.

Prédite sur ce blogue dès 2022, la récession économique qui frappe actuellement l’Allemagne oblige ce pays à réduire l’importance de l’aide militaire qu’elle comptait accorder à l’Ukraine, faisant chuter cette aide de 8 à 4 milliards d’euros cette année.

Cette réduction fait controverse.

La droite américaine fait circuler la rumeur selon laquelle l’Ukraine serait au cœur du sabotage des gazoducs Nord Stream afin d’amener l’opinion publique allemande ‘à la raison’.

Ces oléoducs servaient à approvisionner directement l’Allemagne en gaz fossile russe. En court-circuitant les gazoducs qui passent par le territoire ukrainien — et qui permettaient à l’Ukraine de prélever deux-milliards de dollars de redevances — l’Allemagne abaissait ses couts de production et améliorait ainsi la compétitivité de ses produits industriels.

Il faut savoir que couper sciemment l’approvisionnement énergétique d’un autre pays est un casus belli, c’est-à-dire un acte justifiant une déclaration de guerre.

Selon l’article publié dans le Wall Street Journal (un quotidien financier d’allégeance républicaine), quelques hauts gradés de l’armée ukrainienne auraient planifié en mai 2022 une opération de sabotage contre les gazoducs Nord Stream. Au cout de 300 000$, l’opération aurait été financée par un ou plusieurs oligarques ukrainiens.

Dans un premier temps, l’opération aurait été approuvée par le président ukrainien. Mais celui-ci serait revenu sur sa décision après en avoir été dissuadé par la CIA.

Toutefois, selon certains journaux américains, l’ordre d’arrêter le tout aurait été ignoré par le commandant de l’opération, le général Valerii Zaluzhyi, promu depuis à titre d’ambassadeur plénipotentiaire de l’Ukraine à Londres par Zelensky.

Tout ceci est cousu de fils blancs.

La mer Baltique est une des régions les plus surveillées au monde en raison de son importance géostratégique. S’imaginer que six Ukrainiens (comprenant des plongeurs professionnels) louent un navire de plaisance afin de planter des explosifs au nez et à la barbe de la Russie, de l’Allemagne, de la Pologne, du Danemark et de la Suède, est un scénario totalement invraisemblable.

Beaucoup plus plausible est l’enquête du journaliste Seymour Hersh, traduite et résumée l’an dernier sur ce blogue et qui accusait les États-Unis d’avoir mené cet acte de sabotage.

Par contre, l’article du Wall Street Journal (visant l’Ukraine) se résume à accuser ce pays de terrorisme à l’égard de son principal fournisseur européen d’armement.

Ceci étant dit, le gouvernement fédéral allemand a intérêt à faire semblant de croire à cette accusation afin de faire accepter la réduction controversée de son aide militaire à l’Ukraine.

Toutefois, à quelques semaines des élections régionales au Brandebourg, en Saxe et en Thuringe, cette nouvelle apporte de l’eau au moulin de deux partis d’opposition, l’AfD et la BSW.

Opposée à l’aide militaire à l’Ukraine, la première est un parti d’extrême droite qui est en tête des sondages dans ces trois Lands. De son côté, la BSW est un nouveau parti d’extrême gauche opposé à l’Otan qui, selon le Land, occupe présentement la deuxième ou la troisième position dans les intentions de vote.

Le message ‘subliminal’ de la nouvelle du Wall Street Journal est clair : verser des milliards d’euros allemands pour aider l’Ukraine, c’est récompenser des militaires prêts à saboter l’économie allemande pour parvenir à leurs fins.

D’autre part, la nouvelle américaine brouille l’Allemagne contre la Pologne; cette dernière a laissé un des coupables présumés traverser son territoire pour se réfugier en Ukraine en dépit d’un mandat d’arrestation émis par l’Allemagne.

Bref, on ne se lasse jamais de l’ingéniosité américaine à semer la bisbille partout où ils passent.

Références :
Aide à l’Ukraine et réarmement de l’armée… La bascule militariste de l’Allemagne est-elle tenable ?
Européennes 2024 en Allemagne : vers un nouveau « Mur de Berlin » ?
Guerre en Ukraine : la coalition au pouvoir en Allemagne se déchire sur l’envoi de missiles Taurus à l’Ukraine
Guerre Russie – Ukraine : l’Allemagne “fatiguée” de soutenir l’Ukraine ?
Guerre russo-ukrainienne et désindustrialisation de l’Europe
How did divers manage to blow up the Nord Stream pipeline? We went down to the spot to find out
Le chancelier allemand Olaf Scholz s’inquiète de l’évolution de l’opinion publique sur le soutien à l’Ukraine
Le cout environnemental de la guerre
Le début de la délocalisation industrielle de l’Allemagne
Le sabotage de Nord Stream validé au plus haut niveau ukrainien
L’UE doit-elle continuer à soutenir l’Ukraine ? Notre sondage révèle que les Européens y sont favorables
L’énorme coût environnemental de la guerre en Ukraine
Ukraine et Russie : l’échec cuisant de Victoria Nuland
Ukraine’s top general disobeyed Zelenskyy and blew up the Nord Stream pipeline without permission, report says
Valeur estimée des livraisons d’armes à l’Ukraine de janvier à novembre 2022, par pays

Parus depuis :
En Allemagne, les élections locales pèsent sur l’aide à l’Ukraine (2024-08-19)
Allemagne : l’inquiétante montée de l’extrême droite (2024-09-02)
Social Democrats fend off AfD in crucial German state election, initial results show (2024-09-22)
Émoi en Allemagne après un soutien appuyé d’Elon Musk à l’extrême droite (2024-12-20)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel