La Finlande et la Suède se préparent à une Troisième Guerre mondiale

Publié le 20 novembre 2024 | Temps de lecture : 5 minutes
Port d’Helsinki

Au cours des deux prochaines semaines, la Suède expédiera cinq-millions d’exemplaires d’une brochure de 32 pages destinée à préparer ses citoyens à la guerre ou à des catastrophes naturelles.

Intitulé « En cas de crise ou de guerre », ce document offre des conseils pratiques tels que la constitution de réserves de denrées alimentaires et d’eau, où trouver un abri en cas d’attaque aérienne, ce qu’il faut emporter en cas d’évacuation, et quoi laisser à la maison aux animaux domestiques puisqu’ils ne sont pas admis dans les abris.

S’adressant à tous les résidents de Suède, son introduction fait appel à l’unité du pays contre la menace :

Nous vivons une époque incertaine. Des conflits armés font actuellement rage dans notre coin du monde. Le terrorisme, les cyberattaques et les campagnes de désinformation sont utilisés pour nous affaiblir et nous influencer.

Pour résister à ces menaces, nous devons rester unis. Si la Suède est attaquée, chacun doit faire sa part pour défendre l’indépendance de la Suède – et notre démocratie.

Nous renforçons notre résilience chaque jour, avec nos proches, nos collègues, nos amis et nos voisins.

Dans cette brochure, vous apprenez comment vous préparer et agir en cas de crise ou de guerre.

Vous faites partie de la préparation globale aux urgences de la Suède.

C’est la cinquième fois depuis la Deuxième Guerre mondiale que la Suède procède à la distribution d’un tel document, aujourd’hui actualisé.

La Finlande a lancé un site web avec des conseils similaires.

Le quotidien Le Parisien affirme que cette campagne d’information se justifie par l’imminence d’une guerre avec la Russie.

Selon l’avis de millions d’Européens, une capitulation de l’Ukraine serait catastrophique puisqu’aussitôt (ou dès qu’elle s’en sera remise), une Russie vengeresse et assoiffée de sang se lancera à la conquête du reste de l’Europe. Ce qui déclencherait une Troisième Guerre mondiale.

Est-ce un scénario probable à brève ou à moyenne échéance ?

Au cours de la guerre russo-ukrainienne, l’armée russe a éprouvé de la difficulté à faire la conquête d’un pays de 38 millions de personnes. Elle y travaille depuis mille jours sans y être parvenue.

Et on prétend que, victorieuse sur l’Ukraine, la Russie lancerait ses troupes contre l’Occident, peuplé de 880 millions de personnes.

Une des différences fondamentales entre la Russie et les États-Unis, c’est que la Russie fait la guerre à ses frontières (Tchétchénie, Géorgie, Ukraine) alors que les États-Unis guerroient partout à travers le monde (Vietnam, Afghanistan, Irak, Syrie, Kosovo, etc.).

Ce qui est normal puisque les États-Unis se veulent les gardiens de l’ordre mondial (qui consacre leur hégémonie), alors que la Russie n’a pas cette prétention.

Quelles sont donc les raisons véritables de cette campagne de peur ?

Avant même son adhésion à l’Otan, la Suède possédait une armée compétente à laquelle elle consacrait 1,5 % de son PIB en 2023. Le gouvernement suédois veut faire passer ce pourcentage à 2,4 % en 2025.

Quant à la Finlande, déjà bien armée, elle compte augmenter de beaucoup son budget militaire d’ici 2026. Il en était déjà à 2,5 % du PIB en 2023.

Toutefois, la guerre russo-ukrainienne révèle que même 2 % du PIB est insuffisant. Une guerre de haute intensité, comme celles menées par la Russie en Tchétchénie et en Ukraine, nécessite une quantité d’obus et d’ogives considérable, bien au-delà de ce qu’on croyait nécessaire jusqu’ici.

En raison de la rigueur budgétaire qui les caractérise, il est douteux que les gouvernements de ces deux pays scandinaves choisissent de s’endetter pour financer l’augmentation substantielle de leurs dépenses militaires.

Pour y parvenir, il leur faudra sabrer leur filet de protection sociale. Une protection à laquelle les Finlandais et les Suédois sont très attachés et qui constituait jusqu’ici le dividende de la paix.

Pour qu’ils consentent à des sacrifices jugés nécessaires, il faut créer et entretenir la peur d’une guerre improbable… à moins, évidemment, qu’elle soit provoquée par l’Occident.

Références :
« Courir, se cacher… » : Suède et Finlande préparent leurs habitants à une possible guerre contre la Russie
Finlande: Évolution de la dette en pourcentage du PIB
In case of crisis or war
How you can play your part in Norway’s emergency preparedness
La Finlande va augmenter de 40% son budget de la défense d’ici 2026
La nouvelle Théorie des dominos
La Suède porte son budget défense à plus de 2% de son PIB
Les dépenses militaires des pays de l’Union européenne
Suède: Évolution de la dette en pourcentage du PIB

Paru depuis : « Il est temps de passer à un état d’esprit de temps de guerre », plaide le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte (2024-12-13)

Détails techniques de la photo : Olympus OM-D e-m5 mark II + objectif M.Zuiko 12-40mm F/2,8 — 1/5000 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 22 mm

Laissez un commentaire »

| Course aux armements, Géopolitique | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


La nitrocellulose et la guerre

Publié le 16 juin 2024 | Temps de lecture : 4 minutes


 
Inventée en Chine vers le IXe siècle, la poudre à canon était fabriquée autrefois à partir de trois ingrédients : du salpêtre (c’est-à-dire du nitrate de potassium), du soufre et du charbon de bois. C’est ce dernier qui donnait au mélange son nom de ‘poudre noire’.

De nos jours, la poudre à canon est de la nitrocellulose. Celle-ci s’obtient traitant des fibres de coton avec un mélange d’acides nitrique et sulfurique.

Tel qu’il est récolté, le coton est presque exclusivement de la cellulose à l’état pur.

L’industrie textile utilise préférablement du coton à fibres longues, plus facile à tisser.

Les fibres courtes, jugées de moindre qualité, servent à fabriquer de la nitrocellulose. Selon le procédé de fabrication, on en fait du collodion médicinal, des laques pour instruments à cordes, ou de la poudre à canon.

De loin, la Chine est le principal exportateur de ce coton à fibres courtes qui sert à fabriquer de la nitrocellulose explosive.

À 90 %, sa production est récoltée dans la province du Xinjiang (là où vivent la plupart des Ouïgours).

À la suite de l’adoption par Washington de la Uyghur Forced Labor Prevention Act, l’industrie textile a cherché à s’approvisionner en coton ailleurs qu’en Chine. Mais pour les fabricants de poudre à canon, il est difficile de se passer du coton chinois.

Dès le déclenchement des guerres à haute intensité que sont la guerre en Ukraine et celle dans la bande Gaza, toutes les usines de nitrocellulose explosive à travers le monde se mirent à fonctionner à plein rendement.

Or en 2023, la Chine rapportait une baisse de 6,1 % de sa production de coton à cause de mauvaises conditions météorologiques.

En raison de l’hostilité croissante des pays occidentaux à l’égard de la Chine, on soupçonne que celle-ci approvisionne prioritairement la Russie en coton à fibres courtes, puisque les fabricants européens de nitrocellulose ont de plus en plus de difficulté à en obtenir ou sont dans l’impossibilité d’en acheter davantage.

La situation est telle que la production de poudre à canon est devenue le goulot d’étranglement de la fabrication européenne d’obus et de missiles. D’où la difficulté à respecter les engagements militaires pris en faveur de l’Ukraine.

En dépit de cela, les usines militaires occidentales pouvaient toujours, à défaut d’importer du coton à nitrocellulose, acheter de la nitrocellulose explosive déjà toute faite.

Mais, comble de malheur, la deuxième plus importante usine chinoise de nitrocellulose — située dans la ville de Laohekou, dans la province chinoise d’Hubei — a explosé au début du mois de mai, tuant trois de ses ouvriers.

Aux États-Unis, on nie les difficultés de l’industrie militaire européenne.

Toutefois, celles-ci ont été reconnues par Emmanuel Macron : « Nous avons tous pris conscience de la nécessité de faire face à la rareté de certains composants, notamment de la poudre à canon. […] La poudre, c’est vraiment ce qui manque aujourd’hui.»

On en est rendu là : après s’être doté d’un arsenal nucléaire capable d’exterminer l’espèce humaine, de chasseurs-bombardiers rapides comme l’éclair, de chars puissants, de satellites-espions auxquels rien n’échappe, on manque de coton.

Sapristi qu’on fait dur.

Références :
Bannir le coton du Xinjiang est plus facile à dire qu’à faire
Chine : la production de coton atteint 5,618 millions de tonnes en 2023
Coton
Could China strangle Europe’s weapons output with cotton?
Europe battles gunpowder shortage amid Ukraine war
Macron veut mettre le feu aux poudres qu’il n’a pas car la Chine ne nous livre plus le « coton » nécessaire aux obus
Nitrocellulose
Poudre noire
Short Staple Cotton: The Difference vs Long Staple

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

Un commentaire

| Course aux armements, Géopolitique, Guerre russo-ukrainienne | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


La leçon du fiasco occidental en Ukraine

Publié le 26 avril 2024 | Temps de lecture : 5 minutes

En janvier 2023, l’Allemagne hésitait à envoyer et à permettre aux autres pays d’envoyer des blindés Leopard, de fabrication allemande.

La raison officielle était que l’envoi de chars d’assaut risquait de rappeler aux Russes les souvenirs de l’invasion allemande au cours de la Deuxième Guerre mondiale, et de galvaniser l’armée de Vladimir Poutine.

Se croyant malin, le chancelier allemand avait toutefois ajouté qu’il consentirait à envoyer des chars Leopard si les États-Unis acceptaient d’envoyer eux aussi leurs chars les plus sophistiqués, soit les Abrams, pariant que les Américains ne le feraient pas.

Il fut pris de court quand les Américains ont annoncé leur intention d’envoyer les leurs. Pour beaucoup d’observateurs, il ne s’agissait que d’un bluff destiné à forcer la main aux Allemands.

Mais bientôt, on apprenait qu’une base militaire américaine en Allemagne (Grafenwoehr) avait reçu quelques-uns d’entre eux pour servir à la formation d’opérateurs ukrainiens.

C’est finalement en septembre 2023 que l’Ukraine a commencé à recevoir ces précieuses machines de guerre. Au total, 31 chars Abrams M1A1 ont été reçus.

Toutefois, on annonce aujourd’hui que déjà cinq d’entre eux ont été détruits par l’armée russe. Si bien que, de concert avec l’armée américaine, tous ces chars ont été retirés du front.

Dans leur cas, l’armée russe a copié l’ingéniosité ukrainienne, soit d’utiliser de simples drones pour anéantir des blindés.

Au début de cette guerre, la Pologne s’était débarrassée de ses vieux chars d’assaut datant de l’époque soviétique en les donnant à l’Ukraine. En quelques mois, l’armée russe les avait tous détruits.

On avait cru que les chars américains, mieux blindés, ne subiraient pas le même sort.

Ce n’est pas le cas.

De plus, les chars Abrams possèdent leurs propres vulnérabilités.

Premièrement, ils sont alimentés par du combustible d’avion. Ce qui nécessite des chaines d’approvisionnement différentes que pour les autres chars utilisés par l’armée ukrainienne.

Deuxièmement, ils sont très lourds. Les plus lourds au monde. Donc plus sujets à s’enliser dans les plaines boueuses d’Ukraine au printemps ou à l’automne.

Et troisièmement, après deux heures d’utilisation normale, chaque blindé nécessite huit heures de réparation, soit davantage que les chars ordinaires.

Quoiqu’il ne reste probablement plus aucun char soviétique dans l’arsenal de l’Ukraine (ce qui simplifie les choses), son armée doit quand même maintenir des chaines d’approvisionnement en pièces détachées pour chacun des modèles de char qu’elle utilise. Ce qui constitue un enfer logistique.

De son côté, l’armée ukrainienne a endommagé des milliers de chars de l’armée russe. Des centaines d’entre eux jonchent çà et là le paysage ukrainien.

Mais la plupart ont simplement été retirés à l’arrière du front, rafistolés tant bien que mal — puisque leur fabrication est plus rudimentaire — et renvoyés au front dès qu’ils sont en mesure de fonctionner.

Conclusion

Contre la guerre, l’arme la plus efficace demeure la dissuasion. Plus l’ennemi vous croit invulnérable, moins il osera vous attaquer.

Et malgré le prix élevé de la dissuasion — qui repose souvent sur la technologie ou sur des stocks faramineux d’armement — c’est encore moins cher qu’une vraie guerre comme celle qui se déroule en Ukraine.

En fournissant à ce pays nos armes les plus précieuses, celles qui devaient rendre son armée invulnérable, l’Occident compromet la dissuasion qui lui est indispensable pour maintenir son hégémonie.

L’Occident a tout à perdre en s’entêtant à soutenir une guerre perdue d’avance. Depuis très longtemps, le temps est à la négociation.

Si Boris Johnson (l’ancien premier ministre britannique) n’avait pas convaincu les dirigeants ukrainiens de renoncer à entériner l’entente intervenue à Ankara (en Turquie) entre les négociateurs ukrainiens et russes un mois après le déclenchement de cette guerre, que serait-il arrivé ?

Réponse : des dizaines de milliers de veuves et d’orphelins ne pleureraient pas leurs héros, d’innombrables gaillards ne seraient pas handicapés pour le reste de leur vie, et 40 % de l’économie ukrainienne n’aurait pas été détruite.

Plutôt que de répéter des messages creux par esprit de solidarité otanienne, quand un chef d’État occidental osera-t-il dire que ça suffit !

Références :
L’Allemagne accepte finalement d’envoyer des chars Leopard à l’Ukraine
Ukraine pulls Abrams tanks from front after losing 5 to Russian attacks: US officials
Ukraine war briefing: Kyiv pulls back Abrams tanks due to drone raids and losses, says US

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

2 commentaires

| Course aux armements, Géopolitique, Guerre russo-ukrainienne | Mots-clés : , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


La nouvelle Théorie des dominos

Publié le 28 mars 2024 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

En 1954, à l’occasion d’une conférence de presse, le président américain Eisenhower justifiait la nécessité pour les États-Unis de guerroyer au Vietnam par la crainte d’un effet domino, c’est-à-dire d’une contagion du communisme dans tout le Sud-Est asiatique si le Vietnam en venait à tomber entre les mains du Vietcong.

Effectivement, en 1975, l’année de la défaite américaine au Vietnam, les Khmers rouges (communistes) prirent le pouvoir dans le pays voisin, le Cambodge. Ce qui tendait à prouver la validité de cette théorie.

Toutefois, cette contagion n’alla pas au-delà.

À plusieurs reprises, cette théorie fut invoquée par différentes administrations américaines pour justifier leurs interventions dans le monde.

Depuis l’effondrement du Rideau de fer en 1989, c’est, au contraire, le capitalisme qui s’est répandu. Au point que, de nos jours, les seuls pays communistes sont la Chine, la Corée du Nord, Cuba, le Vietnam et la Russie, de même que quelques anciennes républiques soviétiques du Caucase et d’Asie centrale.

Implicitement, la Théorie des dominos refait surface ces temps-ci alors qu’on affirme que la sécurité européenne serait compromise si la Russie devait gagner la guerre en Ukraine.

Les cassandres de la Troisième Guerre mondiale

De tous les chefs d’État européens, c’est l’ex-premier ministre polonais qui fut le plus ardent défenseur de la nouvelle Théorie des dominos.

Son argumentation était très simple. Un grand écrivain polonais avait prédit que la Russie envahirait l’Ukraine. Il prédit maintenant que la Russie ne s’arrêtera pas là. Or s’il avait raison dans sa première prédiction, il ne peut qu’avoir raison quant à la deuxième.

Peut-être ai-je mal compris son argumentaire. Mais si c’est effectivement ce qu’il disait, sa démonstration est un peu simpliste.

Plus étoffées furent les raisons invoquées par le président français lors d’une entrevue accordée il y a deux semaines à la télévision de son pays.

Une guerre existentielle pour l’Europe

Puisque le continent européen existe depuis des millions d’années, cette affirmation n’a du sens que si ‘Europe’ veut dire l’Union européenne.

L’Europe ainsi définie a survécu aux guerres de la Russie en Tchétchénie et en Géorgie, et a également survécu à la guerre de l’URSS en Afghanistan.

Il aurait été utile qu’on nous précise pourquoi il en serait autrement en Ukraine.

La crédibilité de l’Europe serait réduite à zéro

La défaite probable de l’Ukraine serait, effectivement, une humiliation pour la réputation d’invincibilité des forces occidentales.

Mais l’Europe s’en remettra comme les États-Unis s’en sont remis après avoir perdu au Vietnam, en Syrie et en Afghanistan.

La vie des Français changerait

De toute évidence, l’engagement volontaire des pays de l’Otan de dépenser au moins deux pour cent de leur PIB en armement ne suffit pas. Pour gagner une Troisième Guerre mondiale, il leur faudrait dépenser bien davantage.

En 2023, le PIB de la France était de 2 763 milliards d’euros. Faire passer, par exemple, les dépenses militaires de 2 % à 4 ou à 6 % du PIB, c’est y consacrer entre 55 et 83 milliards d’euros de plus, annuellement.

Or la réforme des retraites ne rapportera qu’environ vingt-milliards d’euros pour l’État français. À cela s’ajoutent les économies de dix-milliards d’euros annoncées en juin dernier en coupant dans les domaines de la santé, des aides au logement et à l’emploi, de même que la fin progressive des avantages fiscaux pour les énergies fossiles.

On est encore loin du compte.

Ce qui changera la vie des Français, ce n’est pas la défaite de l’Ukraine. C’est plutôt l’affaiblissement du filet de protection sociale nécessité par l’accroissement important des dépenses militaires.

La paix, ce n’est pas la capitulation de l’Ukraine

Vraiment ? Comment Emmanuel Macron voit-il la fin des hostilités, si ce n’est pas la capitulation du plus faible au plus fort ?

Le recours aux emprunts pour financer l’aide à l’Ukraine

Puisque l’Ukraine ne peut pas gagner la guerre et que la Russie ne doit pas la gagner, que veut le président de la République française ?

Quel est son objectif ?

Désire-t-il que les contribuables français financent cette guerre pour l’éternité ? À quel moment dit-on que cela suffit ?

Conclusion

À l’heure actuelle, l’État ukrainien est en faillite. Sans le financement occidental, Kyiv serait incapable de payer les fonctionnaires, les soldats, les enseignants, les travailleurs de la Santé, etc.

Jusqu’ici, Washington a principalement payé la note. Mais une proportion croissante de l’électorat américain veut que leur pays se désengage de cette guerre dont il ne voit pas d’issue heureuse.

Or ça tombe bien; Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen et d’autres dirigeants du Vieux Continent jugent important de prendre la relève.

D’où l’idée, croissante aux États-Unis, de leur refiler la patate chaude.

Emmanuel Macron peut bien soutenir la nouvelle Théorie des dominos. Mais, comme nous l’avons dit plus tôt, celle-ci ne s’est pas vérifiée après la victoire de la Russie en Tchétchénie et en Géorgie. Alors sur quoi se base-t-il pour présumer qu’une victoire en l’Ukraine ferait toute la différence…

Si le passé est garant du futur, il y a lieu d’être rassuré. Depuis le 24 février 2022, la Russie peine à faire la conquête d’un pays de 38 millions de personnes. Or, on voudrait nous faire croire que, victorieuse sur l’Ukraine, la Russie lancerait bientôt ses troupes contre l’Occident, peuplé de 880 millions de personnes. Est-ce bien sérieux ?

Ceci étant dit, nous dirigeons-nous vers une Troisième Guerre Mondiale ? C’est possible. Mais celle-ci n’aura lieu que si les va-t-en-guerre comme Macron font tout pour que cela arrive.

Il serait opportun que le président de la République française agisse conformément à la dignité de ses fonctions, plutôt que de se comporter comme un boxeur de fond de ruelle.

S’il est vrai que notre consommation effrénée est une menace à long terme quant à la survie de notre espèce, le danger d’une guerre thermonucléaire déclenchée par l’irresponsabilité de nos chefs d’État est une menace beaucoup plus immédiate…

Références :
Aide à l’Ukraine : la ligne de crête d’Emmanuel Macron
Interview d’Emmanuel Macron : « Nous n’aurons plus de sécurité » en Europe si la Russie « venait à gagner » en Ukraine
Khmers rouges
Le gouvernement veut faire 10 milliards d’euros d’économies
Réforme des retraites : combien va-t-elle rapporter, combien va-t-elle coûter ?
Théorie des dominos

Parus depuis :
« Courir, se cacher… » : Suède et Finlande préparent leurs habitants à une possible guerre contre la Russie (2024-11-18)
« Il est temps de passer à un état d’esprit de temps de guerre », plaide le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte (2024-12-13)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

Laissez un commentaire »

| Course aux armements, Géopolitique, Guerre russo-ukrainienne, Politique internationale | Mots-clés : , , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Le cout environnemental de la guerre

Publié le 20 janvier 2024 | Temps de lecture : 7 minutes


 
Introduction

Les guerres sont principalement des catastrophes humaines au cours desquels un grand nombre de personnes perdent la vie ou deviennent handicapées, physiquement ou moralement, pour le reste de leur vie.

Mais un des aspects dont on parle insuffisamment est le cout environnemental des conflits armés.

Les destructions matérielles

En Syrie

Trois ans après le début de la guerre en Syrie, 791 000 logements avaient été détruits dans ce pays, dont 58 % des habitations d’Alep, la ville la plus peuplée du pays à l’époque.

De nos jours, on estime que 98 % de l’économie syrienne a été détruite par cette guerre, du site d’extraction pétrolière à la petite boulangerie de quartier.

En Ukraine

Avant l’invasion russe du 24 février 2022, l’Ukraine était déjà le deuxième pays le plus pauvre d’Europe (après la Moldavie).

Au cours de la première année du conflit, le pays a enregistré une chute d’environ trente pour cent de son PIB.

De nos jours, l’État ukrainien vit sous le respirateur artificiel de l’Occident. Sans les sommes qui lui sont versées, Kyiv serait incapable de payer la solde des soldats, les salaires des professeurs, des médecins, des fonctionnaires, de même que la pension des retraités.

Dans la bande de Gaza

Il y a dix jours, entre 48 et 60 % de tous les bâtiments de la bande de Gaza avaient été endommagés ou détruits par les bombardements israéliens.

Cela comprend 70 % des écoles et lycées. De plus, 23 des 36 hôpitaux gazaouis ne sont plus en fonction.

Au cours des deux premiers mois de cette guerre, la riposte israélienne a généré 281 000 tonnes de CO₂, soit l’équivalent de la combustion de plus de 150 000 tonnes de charbon.

De leur côté, les missiles du Hamas tirés sur Israël ont généré 713 tonnes de CO₂, soit l’équivalent de la combustion de 300 tonnes de charbon.

Cette différence reflète le déséquilibre des forces en présence.

Un peu plus de la moitié de l’empreinte environnementale de la riposte israélienne vient… des États-Unis; l’appui inconditionnel de Washington a signifié, concrètement, le transport par cargo de 10 000 de tonnes de matériel militaire américain vers Israël.

Cela compte pour 133 650 des 281 315 tonnes de CO₂ de la riposte israélienne.

L’autre moitié, c’est l’essence brulée par les bombardiers, les chars d’assaut, et les véhicules de transport des soldats israéliens. Ce sont également les émissions de gaz à effet de serre généré par la fabrication et l’explosion des missiles utilisés.

De manière générale

Dans leurs engagements climatiques, les pays ne chiffrent jamais l’empreinte environnementale de leurs aventures guerrières à l’Étranger. Par exemple, les bombardements ‘humanitaires’ (sic) du Canada en Syrie n’ont jamais été comptabilisés dans le bilan carbone de notre pays.

En 2022, les bombardements américains au Moyen-Orient contre les infrastructures pétrolières de DAECH ont généré plus de gaz à effet de serre que les émissions totales de 150 pays.

Selon certaines estimations, l’empreinte carbone de la protection militaire américaine dont bénéficient les pays producteurs de pétrole au Moyen-Orient équivaut au cinquième de l’empreinte carbone de tout le pétrole qu’ils produisent.

C’est comme si les États-Unis utilisaient 20 % de tout le pétrole pompé au Moyen-Orient pour protéger les pays producteurs dans cette partie du monde.

À travers le monde, les forces armées produisent un peu moins de 5,5 % des gaz à effet de serre de la planète, soit presque autant que le bilan carbone combiné du transport aérien de passagers (2,9 %) et du transport maritime des marchandises (3 %).

La reconstruction éventuelle

En décembre dernier, l’Ukraine estimait à 150 milliards de dollars US le montant des dommages matériels subis par le pays.

En Syrie, on estime que la reconstruction du pays couterait entre 100 et 200 milliards de dollars. Dans la mesure où l’Occident a perdu la guerre contre le régime syrien, il est hors de question pour nos pays de réparer ce qu’ils ont détruit.

Dans la bande de Gaza, la reconstruction des 500 km du métro de Gaza — ce réseau de tunnels souterrains servant autant à des fins militaires qu’à l’importation clandestine d’objets de première nécessité — génèrera 176 000 tonnes de gaz à effet de serre.

De manière générale, la reconstruction des cent-mille édifices endommagés de la bande de Gaza génèrerait l’équivalent de trente-millions de tonnes de CO₂. C’est environ 40 % des GES produits annuellement par le Québec, selon les plus récentes données disponibles (soit celles de 2021).

Conclusion

La production d’armements nécessite le recours à des ressources matérielles importantes.

Il faut creuser le sol pour y extraire des métaux qui seront fondus à haute température en lingots. Puis il faut laminer ces lingots pour créer, entre autres, les carcasses de bombardiers et des cartouches d’obus ou de missiles.

Sans parler de l’extraction extrêmement polluante des métaux stratégiques nécessaires à la fabrication des circuits électroniques qui rendront ‘intelligentes’ les armes utilisées.

Malheureusement, aucune bombe n’est recyclable. Aucune poudre à canon n’est biologique. Aucun bombardier, aucun char d’assaut et aucun missile n’est alimenté par une source d’énergie renouvelable.

Bref, la guerre est polluante et quand on y recourt, on crée des ruines qu’il faut déblayer et qu’il faut habituellement remplacer. Ce qui exige de nouvelles ressources.

Bref, la guerre est non seulement une boucherie, c’est aussi un désastre environnemental d’origine humaine.

Si on veut sauver la planète, il faudra responsabiliser les va-t-en-guerre, les médias qui propagent leur idéologie haineuse, et les niais qui les applaudissent.

Il arrive que la guerre soit nécessaire. Mais c’est rarement le cas; sur la quarantaine de guerres régionales ou mondiales survenues au XXe siècle, on peut compter sur les doigts d’une main, les conflits armés dont c’était le cas. Les autres n’ont servi qu’à répandre le malheur, qu’à perpétuer les haines, et à polluer l’environnement.

Références :
A Multitemporal Snapshot of Greenhouse Gas Emissions from the Israel-Gaza Conflict
Après un an de guerre en Ukraine, une économie de la résilience
Cinq éléments qui influenceront la guerre en Ukraine en 2024
COP27 : le fret maritime est l’un des plus grands émetteurs de CO2, et il tarde à changer de cap
‘Elephant in the room’: The US military’s devastating carbon footprint
Emissions from Israel’s war in Gaza have ‘immense’ effect on climate catastrophe
Impact climatique du transport aérien
Interventions militaires des États-Unis dans le monde
Léger rebond des GES au Québec en 2021 par rapport à l’année précédente
L’énorme coût environnemental de la guerre en Ukraine
L’impact de 100 jours de guerre entre Israël et le Hamas, en chiffres et en cartes
Liste des guerres du XXe siècle
The numbers that reveal the extent of the destruction in Gaza

2 commentaires

| Course aux armements, Environnement, Politique internationale | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Les conséquences géopolitiques des difficultés de production d’armement en Occident

Publié le 8 décembre 2023 | Temps de lecture : 8 minutes


 
En Ukraine

Quoi qu’ils en disent, les pays occidentaux sont cobelligérants dans la guerre en Ukraine.

Leur appui militaire s’est toutefois limité au renseignement satellitaire et, de manière générale, à la fourniture d’armement puisé dans leurs réserves.

En effet, le complexe militaro-industriel américain — le plus important au monde — a diminué sa production d’armement en 2022, confronté à trois problèmes :
• la difficulté de recruter de la main-d’œuvre qualifiée,
• les perturbations des chaines d’approvisionnement, et
• la flambée des couts.

Par contre, dans les mois qui ont suivi le déclenchement de la guerre en Ukraine, de nombreux pays d’Europe de l’Est se sont débarrassés de leur vieux matériel militaire russe datant de l’époque où ils étaient des républiques soviétiques.

Cela se justifiait par le fait que c’est le matériel avec lequel les soldats ukrainiens sont les plus familiers. Donc pour lequel ils n’ont pas besoin de formation.

Pour les pays donateurs, c’était aussi une manière de se défaire d’un matériel caduc dans la mesure où il ne répond pas aux normes d’interopérabilité exigées par l’Otan.

Sur les ondes de CNN, une experte américaine s’était réjouie qu’au prix d’aussi peu que cinq pour cent de leur budget militaire, les États-Unis pouvaient tester leur armement dans les conditions réelles d’une guerre et affaiblir l’armée russe par la même occasion sans risquer la vie d’un seul soldat américain.

Ce ‘cinq pour cent’ est trompeur. Le budget militaire américain comprend non seulement l’achat de matériel, mais également la solde des soldats, ce qui est nécessaire pour les nourrir, les habiller et les héberger, de même que les sommes vouées à l’entretien des 800 bases américaines réparties à travers le monde.

En réalité, Washington a donné à Kyiv environ le tiers de ses réserves d’armement si on exclut les sous-marins, les porte-avions, les chasseurs bombardiers et les ogives nucléaires.

Puisqu’un autre tiers fait partie de ses réserves stratégiques, Washington a commencé à freiner sa fourniture d’armement à l’Ukraine. De nos jours, pour diverses raisons (dont certaines liées à la politique partisane), les armes américaines sont livrées à l’Ukraine au compte-goutte.

Aux États-Unis, un nombre croissant d’experts militaires expriment (plus ou moins explicitement) l’avis selon lequel l’Ukraine a une obligation de réussite : elle reçoit gratuitement des armes en échange de quoi elle doit gagner la guerre contre la Russie.

En clair, le marché implicite entre les États-Unis et l’Ukraine est que celle-ci doit battre la Russie à défaut de quoi l’Ukraine cesse d’être digne d’intérêt.

Au Proche-Orient

Afin de permettre à Israël de mieux combattre ses ennemis, les États-Unis entreposaient une grande quantité de matériel militaire dans ce pays, prêt à lui être livré en cas de besoin.

Au début de la guerre en Ukraine, Washington croyait avoir trouvé une bonne idée; au lieu d’acheminer du matériel militaire à partir des États-Unis, on approvisionnerait secrètement l’Ukraine à partir des réserves américaines en Israël, 4,7 fois plus proches.

Mais le réveil des hostilités israélo-palestiniennes a pris de court Washington, incapable d’alimenter militairement son allié le plus fidèle au Proche-Orient, les réserves américaines étant à leur plus bas.

Conséquemment, le secrétaire d’État américain (l’équivalent d’un ministre des Affaires étrangères) effectue depuis trois mois des dizaines de déplacements entre les capitales des pays du Proche et du Moyen-Orient afin d’éviter un embrasement général dans cette partie du monde.

En Chine

Le conflit entre le Hamas et Israël force les États-Unis à rétropédaler au sujet de la Chine.

Parce qu’en politique internationale, tout se tient. Donc, ce qui se passe en Europe de l’Est et au Proche-Orient influence la politique américaine à l’autre bout du monde.

Depuis longtemps, les États-Unis savent que la Chine est la plus importante menace à leur hégémonie. Depuis Trump, on l’admet officiellement.

Dans le but de ralentir l’émergence de la Chine à titre de première puissance mondiale, les États-Unis lui ont imposé des tarifs douaniers et ont déclenché un embargo technologique contre elle, en se basant sur le préjugé largement répandu selon lequel la croissance économique chinoise repose sur la piraterie des brevets occidentaux.

Le 2 mars dernier, l’Institut australien de politique stratégique publiait une étude qui concluait que la recherche chinoise était en avance dans 37 des 44 technologies de pointe étudiées.

L’un des sept secteurs où la Chine est en retard est celui des semi-conducteurs. C’est à Taïwan que sont fabriquées les puces les plus avancées au monde.

En raison de leur importance industrielle, toute menace à l’approvisionnement américain en semi-conducteurs taïwanais devient une menace aux intérêts géostratégiques des États-Unis.

Pour atteindre leur autosuffisance avant qu’éclate un conflit armé à Taïwan, ceux-ci ont décidé d’offrir de généreuses mesures incitatives aux fabricants taïwanais pour qu’ils bâtissent des usines en sol américain.

Mais leur implantation se fait péniblement.

En juillet 2023, TSMC — le leadeur mondial des semi-conducteurs — annonçait le report de l’ouverture de son usine de 40 milliards$US en Arizona.

Même si l’usine proprement dite a été érigée en un temps record, la compagnie rencontre des difficultés imprévues à recruter la main-d’œuvre qualifiée dont elle a besoin pour la faire fonctionner.

Si les sanctions économiques, de même que le blocus technologique américain, peuvent ralentir l’émergence de la Chine, ils ne suffisent pas à l’empêcher.

Ce qui pourrait y faire obstacle, c’est une guerre ruineuse entre la Chine continentale et l’ile de Taïwan.

Depuis des années, Beijing ne cesse de répéter que toute déclaration unilatérale d’indépendance de Taïwan serait un casus belli, c’est-à-dire un motif justifiant la guerre.

Donc le ‘truc’ pour amener la Chine à guerroyer est de susciter une telle déclaration. À cette fin, les États-Unis s’emploient depuis des années à manipuler l’opinion publique taïwanaise.

Mais voilà qu’éclatent les hostilités au Proche-Orient, s’ajoutant à celles entre l’Ukraine et la Russie.

Coincés d’un côté par la lenteur à assurer leur autosuffisance en matière de semi-conducteurs et d’un autre côté, par l’impossibilité de faire face simultanément à un autre conflit militaire, les États-Unis doivent impérativement mettre en pause leurs efforts en vue d’une guerre sino-taïwanaise.

D’où ce ballet diplomatique des grands fonctionnaires de l’administration Biden qui se rendent en Chine pour la première fois depuis cinq ans afin de faire patte blanche et de proclamer l’importance soudainement retrouvée à leurs yeux des bonnes relations économiques avec ce pays.

Au Proche et au Moyen-Orient

Depuis des années, Washington sème la discorde entre les pays arabes en plus de guerroyer dans ceux d’entre eux qui sont des pays producteurs de pétrole (sauf l’Arabie saoudite).

Un des objectifs de la diplomatie américaine était d’amener individuellement ces pays divisés à s’entendre avec Israël en vertu d’ententes bilatérales facilitées par le pouvoir de persuasion du dollar américain.

Or, contrairement à leurs dirigeants, la population des pays musulmans — qu’ils soit à majorité sunnite ou chiite — n’a jamais cessé d’être solidaire du peuple palestinien.

Dans un contexte où, dans tous les pays arabes ou musulmans, la rue crie actuellement sa colère face à ce qu’elle voit quotidiennement aux actualités, les dirigeants de ces pays réalisent qu’Israël est devenu — pour l’instant — infréquentable. Du coup, les accords de coopération prévus sont remis à plus tard.

Références :
Blinken holds high-stakes talks in China amid rising tensions between world’s two superpowers
China leading US in technology race in all but a few fields, thinktank finds
In Ukraine, U.S. tax dollars are funding more than just military aid
L’augmentation du chiffre d’affaires issu des ventes d’armes du Top 100 du SIPRI impactée par des défis de production et des carnets de commandes remplis
L’engrenage ukrainien
L’invasion de Taïwan par la Chine continentale
Pendant ce temps en Chine : les semi-conducteurs
Pentagon Sends U.S. Arms Stored in Israel to Ukraine
Poland to deliver fighter jets to Ukraine in major escalation of military backing
The world is big enough for US and China, Yellen says as she concludes Beijing trip
TSMC: Chip giant delays Arizona production in blow to Biden
Xi and Biden cool the heat, but China and the US are still on collision course

Un commentaire

| Course aux armements, Géopolitique | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Les difficultés de l’approvisionnement militaire en 2022

Publié le 7 décembre 2023 | Temps de lecture : 7 minutes


 
Introduction

Le 4 décembre dernier, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) publiait son plus récent rapport annuel sur le marché de l’armement, soit celui pour l’année 2022.

Cette année-là, les cent plus grands fabricants ont vendu en matériel militaire pour 597 milliards$US, soit 3,5 % de moins qu’en 2021.

Une quantité colossale d’armement a été utilisée dans le cadre de la guerre à haute intensité menée par la Russie en Ukraine. Or ce qui a été en forte demande, ce sont des systèmes de défense aérienne, des munitions, des blindés, des lance-missiles et des drones.

Parmi les 21 compagnies aptes à fournir ce genre de matériel, les deux tiers ont connu une augmentation de leurs ventes. Les sept autres auraient connu le même sort, n’eût été leurs problèmes de production.

Aux États-Unis

De ces cent plus grands fabricants, 42 sont américains. Ils représentent 51 % de tout l’armement vendu à travers le monde. La baisse de leurs chiffres d’affaires a été en moyenne de 7,9 %.

En effet, malgré l’afflux des commandes, le complexe militaro-industriel américain s’est avéré incapable de maintenir sa production. Et ce, pour trois raisons :
• la difficulté de recruter de la main-d’œuvre qualifiée,
• les perturbations des chaines d’approvisionnement, et
• la flambée des couts.

À titre d’exemple, les ventes militaires de Boeing (quatrième producteur mondial) ont chuté de 19 % en 2022.

On s’attend à un rebond des ventes au cours des prochaines années, au fur et à mesure que les entreprises américaines surmonteront leurs difficultés.

De manière générale, les États-Unis se spécialisent dans la production minutieuse d’armement haut de gamme vendu en vertu de contrats s’étendant sur plusieurs années.

Ce qui fait que l’armement américain fabriqué en 2022 visait à satisfaire les commandes reçues bien avant le début de la guerre en Ukraine. Celle-ci a surtout profité aux pays plus prompts que le complexe militaro-industriel américain.

Dans le Sud global

Les 22 fabricants non occidentaux — d’Asie, d’Océanie et du Proche-Orient, à l’exclusion donc de la Russie — ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 3,1 % pour atteindre 134 milliards$US, démontrant ainsi leur capacité à répondre à une demande accrue dans des délais plus courts.

Pour la deuxième année consécutive, ils ont réalisé des ventes supérieures à celles de leurs concurrents européens.

La réactivité plus grande des fabricants asiatiques s’explique, entre autres, par le recours à des fournisseurs locaux ou régionaux, alors que les fabricants occidentaux conçoivent et assemblent leurs armes à partir d’une multitude de fournisseurs répartis à travers le monde. Ce qui les rend plus sujets aux bris d’approvisionnement.

Deuxième fabricant mondial d’armements, la Chine possède huit entreprises au classement SIPRI. Elles ont connu une augmentation de leurs ventes de 2,7 % (pour atteindre 108 milliards$US).

C’est au Proche-Orient (où se trouvent 7 des entreprises du palmarès) que la croissance des ventes a été la plus forte, soit 11 % (pour atteindre 17,9 milliards$US).

Les quatre entreprises turques ont enregistré une augmentation de leurs ventes de 22 % (pour atteindre 5,5 milliards$US). Le producteur turc des drones bon marché Bayraktar (qui ont fait fureur en Ukraine) est entré dans le palmarès SIPRI en raison de l’augmentation de 94 % de son chiffre d’affaires.

La croissance des ventes israéliennes (trois fabricants au Top 100) a été de 6,5 % pour atteindre 12,4 milliards$US.

Pour terminer, les ventes indiennes se sont accrues de 7,4 % (à 6,4 milliards$US).

En Europe

Les 26 entreprises européennes qui font partie de ce classement ont vu leurs ventes augmenter de seulement 0,9 %, pour atteindre 121 milliards$US.

Les sept compagnies britanniques qui apparaissent dans le palmarès de SIPRI ont été plus chanceuses, avec une croissance des ventes de 2,6 % (à 41,8 milliards$US).

Les ventes d’armement ont essentiellement augmenté en provenance des pays qui produisent ce qui était nécessaire à la guerre d’usure à haute intensité menée en Ukraine, soit l’Allemagne, la Norvège et la Pologne.

Depuis des années, la Pologne se dote d’un complexe militaro-industriel efficace et moderne. À cette fin, elle y investit des sommes colossales, soit annuellement près de quatre pour cent de son PIB.

Ce pari sur la guerre s’est avéré payant puisqu’en 2022, la société d’État PGZ (Polska Grupa Zbrojeniowa) — qui regroupe toutes les usines d’armement du pays — a augmenté son chiffre d’affaires de 14 %.

Cédant aux pressions américaines, l’Allemagne s’est brutalement sevrée du gaz fossile russe en 2021. Du coup, ce pays a envisagé de limiter l’approvisionnement énergétique de son industrie lourde pour l’hiver suivant (celui de 2022-2023). Une crainte qui s’est avérée superflue en raison d’une saison froide anormalement douce.

Dans l’insécurité quant à leur approvisionnement, les industriels allemands ont hésité à augmenter leur production. C’est pourquoi leurs ventes n’ont augmenté que de 1,1 % en 2022.

La délocalisation de la production industrielle

En économie, on distingue trois secteurs.

Le secteur primaire est celui qui est lié à l’exploitation des ressources naturelles : agriculture, forêt, pêche, mines et gisements. Le secteur secondaire est lié à la transformation industrielle de la production du secteur primaire. Le secteur tertiaire est celui des services : banques, finance, assurances, services juridiques, etc.

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis possédaient la moitié de la puissance industrielle mondiale. Entre autres, parce que l’Europe venait de se faire harakiri.

Au cours des décennies suivantes, les pays occidentaux ont privilégié la croissance de leur secteur tertiaire.

À l’époque, beaucoup d’intellectuels faisaient un rapprochement entre la Révolution industrielle et celle qu’ils anticipaient pour demain.

La première a provoqué l’émergence des pays industrialisés aux dépens des pays agricoles. Et dans le futur, croyait-on, les pays riches seront ceux qui auront développé leur secteur tertiaire parce que c’est celui à la plus forte valeur ajoutée.

D’où l’idée de délocaliser vers les pays pauvres (mis en concurrence les uns contre les autres) la production de biens concrets en raison des marges bénéficiaires limitées qu’ils génèrent.

Ce qui, en temps de guerre, pose un problème majeur. En effet, c’est le secteur secondaire (celui de la production industrielle) qui fournit l’essentiel de l’effort de guerre.

Il est beaucoup plus facile de transformer une chaine de montage automobile en chaine de montage d’obus que vouloir faire la même chose avec un cabinet d’avocats.

En d’autres mots, l’hypertrophie du secteur tertiaire dans les pays occidentaux nuit à leur aptitude à transformer rapidement leur économie en une économie de guerre.

C’est ce que démontre l’étude de SIPRI.

Ceci entraine d’importances conséquences géostratégiques, comme nous verrons dans le second texte de cette série.

Référence : L’augmentation du chiffre d’affaires issu des ventes d’armes du Top 100 du SIPRI impactée par des défis de production et des carnets de commandes remplis

Laissez un commentaire »

| Course aux armements, Géopolitique | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


France : la réforme des retraites finance l’augmentation des dépenses militaires

Publié le 18 mars 2023 | Temps de lecture : 3 minutes

Le président de la République française a justifié le recours au bâillon pour court-circuiter l’Assemblée nationale et forcer l’adoption de sa réforme des retraites en ces termes : « Je considère qu’en l’état, les risques financiers, économiques sont trop grands.»

Son ministre délégué aux comptes publics a été plus explicite :
« C’est la réforme ou la faillite ! »

Tout comme les entreprises, l’État doit avoir en tout temps les liquidités qui lui sont nécessaires pour respecter ses engagements.

Or l’essentiel de la dette des États est constitué de bons du Trésor.
Lorsqu’ils viennent à échéance, le pays émetteur peut alors les payer (s’il en a les moyens) ou pelleter vers l’avant cette dette en émettant de nouveaux bons du Trésor pour payer les anciens.

Il y a quelques mois, l’ambitieux programme de réduction de taxes pour les riches (qui devait accroitre substantiellement la dette britannique) a été abandonné par Londres quand les bons du Trésor nouvellement émis n’ont pas trouvé preneurs.

Ce qui a entrainé la démission de la première ministre britannique.

D’abord estimé sommairement à 43 milliards de livres sterling, cette réforme devait finalement couter entre 100 et 200 milliards de livres.

Dans le même ordre d’idée, la France a dernièrement annoncé une augmentation de son budget militaire de 413 milliards d’euros en sept ans.

Par crainte de la sanction des milieux financiers, la France doit sabrer son filet de protection sociale. D’où la réforme des retraites.

Puisque le compte n’y est pas, on peut donc anticiper — lorsque la grogne populaire sera passée — d’autres compressions budgétaires reflétant les nouvelles orientations de l’Élysée.

Références :
Crise de la dette : S&P dégrade la perspective du Royaume-Uni
La Banque d’Angleterre intervient en urgence pour empêcher le naufrage de la dette britannique
L’armée française manque de munitions pour la haute intensité
Pourquoi la Banque d’Angleterre est-elle intervenue sur le marché obligataire?
Réforme des retraites : Macron justifie le 49.3 en invoquant des « risques financiers trop grands »
Retraites : la réforme pourrait rapporter 18 milliards d’euros d’ici à 2030, le gouvernement fait l’impasse sur les surcoûts

Parus depuis :
Le gouvernement [français] veut faire 10 milliards d’euros d’économies (2023-06-19)
Comptes publics : une situation alarmante (2024-09-04)

Laissez un commentaire »

| Course aux armements, Politique internationale | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


La fourniture de chars d’assaut lourds à l’Ukraine

Publié le 30 janvier 2023 | Temps de lecture : 7 minutes

Il y a cinq jours, l’Allemagne a finalement autorisé les pays qui disposent de ses chars Leopard 2 à en acheminer vers l’Ukraine.

Pourquoi ces pays doivent-ils obtenir sa permission ?

L’Allemagne interdit la revente du matériel militaire de pointe qu’elle fabrique afin d’éviter l’éventualité que ce matériel se retrouve entre les mains d’un pays entré en guerre contre elle.

Il existe plus de deux-mille chars Leopard 2 dans le monde. L’Allemagne en possède 212 opérationnels, en plus d’une centaine de chars Leopard d’un autre modèle.

Le Canada possède 82 Leopard 2, dont quatre seront donnés à l’Ukraine.

En comparaison, la France disposait de 1 500 chars lourds au début des années 1990. Mais ces chars, comme les voitures, ne sont pas faits pour durer.

Ses meilleurs chars lourds, les Leclerc, ne sont plus fabriqués depuis 2008. La France en possède encore 226, dont seulement les deux tiers sont opérationnels.

Au total, les pays occidentaux comptent livrer de 143 à 177 chars lourds à l’Ukraine, dont 98 à 132 chars Leopard 2.

Cela ne correspond pas à une nouvelle escalade dans le conflit puisque dès avril ou mai 2022, la Pologne livrait plus de 200 chars T-72 de fabrication soviétique à l’armée ukrainienne.

Depuis le début du conflit, l’armée russe a perdu 1 642 chars. L’Ukraine en a perdu 449 (dont la totalité des chars T-72 livrés par la Pologne).

Puisque les chars Abrams M1 américains ont une logistique d’approvisionnement en carburant et en pièces de rechange plus compliquée que celle des Leopard 2, ces derniers seront livrés en premier à l’Ukraine, soit dès mai 2023.

Technologiquement, les Abrams M1 et les Leopard 2 sont nettement supérieurs aux chars T-72 soviétiques. Mais leurs poids sont respectivement de 68, de 64 et de 45 tonnes. Ce qui rend ces derniers un peu moins susceptibles de s’enliser dans les sols boueux des plaines ukrainiennes au printemps.

Qu’en sera-t-il dans la vraie vie ? C’est ce que nous verrons bientôt; la guerre en Ukraine est un laboratoire où les belligérants testent l’efficacité et la fiabilité de leur matériel militaire dans les conditions réelles d’un conflit armé.

Dans le cas des pays occidentaux, ils procèdent à cette vérification sans risque pour leurs soldats puisque l’Ukraine est heureuse d’accomplir cette tâche en contrepartie de la fourniture gratuite de ce qui lui faut pour se défendre.

Mais cette guerre de haute intensité met à mal les stocks d’armements. À l’été 2022, au plus fort des combats, soixante-mille obus russes et vingt-mille obus ukrainiens étaient tirés quotidiennement.

Avec le résultat que le Pentagone, principal fournisseur de l’Ukraine, lui a livré en neuf mois trois-mille drones et près d’un million d’obus de 155 mm, de même que 50 000 missiles sol-sol et 1 600 missiles sol-air. C’est le tiers des stocks américains de missiles.

À ce rythme, les États-Unis assisteraient impuissants à l’invasion de Taïwan par la Chine si cette dernière le décidait dans deux ans.

Du coup, la course aux armements déclenchée en 2014 par l’Otan à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie s’avère déjà insuffisante.

Un pays comme le Canada, endetté à hauteur d’environ 40 % de son PIB, peut se permettre de refiler ses achats militaires au service de la dette.

Celle-ci est constituée de bons du Trésor qui viennent périodiquement à échéance. Le pays émetteur peut alors les payer (s’il en a les moyens) ou pelleter vers l’avant cette dette en émettant de nouveaux bons du Trésor pour payer les anciens.

L’ambitieux programme de réduction de taxes pour les riches (qui devait accroitre substantiellement la dette britannique) a été abandonné par Londres quand les bons du Trésor nouvellement émis n’ont pas trouvé preneurs.

Dans le même ordre d’idée, la France a dernièrement annoncé une augmentation de son budget militaire de 413 milliards d’euros en sept ans. C’est considérable.

Par crainte de la sanction des milieux financiers, la France — déjà endettée à hauteur de 120 % de son PIB (comparativement à 20 % pour la Russie) — doit sabrer son filet de protection sociale, provoquant déjà la grogne de millions de Français.

Dans tous les pays démocratiques, la fabrication du consentement populaire est indispensable à la croissance colossale des dépenses militaires. Sinon, des partis pacifistes prendront le pouvoir.

Voilà pourquoi tous nos médias répètent cette nouvelle théorie des dominos (sur laquelle je reviendrai) qui consiste à dire que toute victoire russe en Ukraine provoquerait un effondrement de l’ordre mondial et le retour à l’âge des cavernes…

Certes, la guerre russo-ukrainienne a été déclenchée par la Russie. Mais la cause profonde de ce conflit est l’expansionnisme toxique de l’Otan, c’est-à-dire son obsession à encercler militairement la Russie au plus près.

La Russie ne peut pas accepter qu’on installe des ogives nucléaires dans sa cour arrière. Pas plus que les États-Unis ne pouvaient tolérer qu’on fasse pareil à Cuba en 1962.

Et n’oublions pas que l’armée américaine s’est rendue à l’autre bout du monde pour envahir l’Irak sous le prétexte fallacieux que ce pays possédait des armes de destruction massive.

Avant que l’Otan accueille en son sein une bonne partie des anciennes républiques soviétiques, c’est en Turquie (à environ deux-mille kilomètres de Moscou) que les États-Unis entreposaient leur plus grand stock d’ogives nucléaires hors du territoire américain.

Une décennie après l’adhésion de la Roumanie à l’Otan, les États-Unis ont déplacé une partie de leurs ogives nucléaires dans ce pays, à environ 1 500 km de Moscou.

Et si l’Ukraine et la Finlande rejoignent l’Otan, l’armée américaine sera en mesure de rapprocher ses missiles respectivement à 500 km de Moscou et à 125 km de Saint-Pétersbourg.

Non seulement elle pourrait le faire, mais elle le fera.

Pour Poutine (ou n’importe quel dirigeant russe compétent), cela est totalement inacceptable.

De plus, en prolongeant cette guerre au-delà de ce qui est nécessaire pour amener le peuple ukrainien à la raison, l’Otan pousse la Russie à recourir à l’arme nucléaire.

Comme les États-Unis l’ont fait en 1945 au Japon pour briser l’aveuglement du peuple japonais à croire que leur empereur était un demi-dieu.

À ce jour, les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki constituent les deux plus importants ‘crimes de guerre’ de l’histoire de l’Humanité.

Espérons que ce triste record américain ne sera pas battu.

Références :
Bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki
Crise des missiles de Cuba
La fabrication du consentement politique : un exemple américain
La guerre en Ukraine met les stocks d’armes occidentaux sous pression
La Pologne serait en train de livrer 200 chars T-72 aux forces ukrainiennes
La première ministre britannique Liz Truss démissionne
Les chars occidentaux marqueront-ils un tournant dans la guerre en Ukraine?
L’expansionnisme toxique de l’Otan
Loi de programmation militaire : un budget colossal mais des choix drastiques
Pourquoi la France hésite à livrer des chars Leclerc à l’Ukraine

Parus depuis :
L’armée française manque de munitions pour la haute intensité (2023-02-18)
Réforme des retraites : Macron justifie le 49.3 en invoquant des « risques financiers trop grands » (2023-03-16)
UK urged to protect Ukraine from legal action over private debt default (2024-07-07)

Compléments de lecture :
L’engrenage ukrainien
L’épouvantail russe

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés à la guerre russo-ukrainienne, veuillez cliquer sur ceci.

2 commentaires

| Course aux armements, Géopolitique, Guerre russo-ukrainienne | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Margaret Thatcher, le secret des Exocet, et la menace nucléaire

Publié le 3 mars 2022 | Temps de lecture : 3 minutes

L’archipel des Malouines est formé principalement de deux iles au large des cotes de l’Argentine.

Depuis le XIXe siècle, ce pays en disputait en vain la souveraineté à l’Angleterre.

En avril 1982, la junte militaire argentine décide d’envahir les Malouines afin de détourner l’opinion publique de la crise économique qui sévit dans le pays.

La guerre qui s’en suivit ne dura que du 2 avril au 14 juin suivant. Elle opposait donc la cinquième puissance économique mondiale, la Grande-Bretagne, à la vingt-huitième.

Fait à noter : entre ces deux alliés des États-Unis, le président Reagan penchait en faveur de l’Argentine puisque ce pays jouait un rôle-clé dans sa lutte obsessionnelle contre le communisme en Amérique latine.

Les porte-avions argentins transportaient, entre autres, cinq chasseurs Super-Étendard équipés de missiles Exocet. Leur nom fait référence aux exocets, les poissons volants.

Les missiles français, à la surprise des Anglais, s’avérèrent d’une redoutable efficacité.

Secrètement, ils étaient dotés d’un dispositif qui permettait de les inactiver à distance. C’était une précaution prise par la France au cas où elle vendrait ces missiles à un pays qui se retournerait contre elle.

Le 7 mai 1982, la première ministre britannique appelle le président français. Elle est furieuse. Trois jours plus tôt, un missile Exocet, largué à basse altitude, rase les flots et frappe mortellement le contretorpilleur HMS Sheffield.

Au moment de l’appel, les photos du navire en feu sont à la une de tous les journaux britanniques. Il mettra six jours à sombrer.

Nous sommes à un an des élections. Mme Thatcher somme alors le président français de lui révéler le code d’inactivation des Excocet, menaçant de recourir à l’arme nucléaire contre l’Argentine si Mitterand refuse.

Ce récit fait partie des confidences que le président français aurait faites à son psychanalyste Ali Magoudi et qui se retrouvent dans Rendez-vous, un livre paru en 2005.

Les documents déclassifiés en 2012 par Archives nationales britanniques — trente ans après les faits, comme c’est son habitude — révèlent une foule de détails quant à la coopération secrète entre la France et la Grande-Bretagne afin d’empêcher l’Argentine d’acquérir d’autres Excocet.

Mais elles sont muettes au sujet de l’appel du 7 mai. D’où la question : Margaret Thatcher, a-t-elle vraiment menacé de recourir à l’arme nucléaire ?

Ce qui rend douteuses les affirmations du psychanalyste, c’est qu’il précise que Mitterrand aurait cédé à la pression. Or cela est contredit par la suite de la guerre.

Le 25 mai, deux missiles Excocet coulent le MV Atlantic Conveyor. Le 11 juin, c’est au tour du HMS Glamorgan d’être atteint par un missile Exocet.

Ces deux autres frappes n’auraient pas eu lieu si Mitterrand avait révélé le code d’inactivation des Exocet à Mme Thatcher.

Finalement, la Guerre des Malouines, comme toutes les guerres, servit de réclame publicitaire en faveur des armes qui s’avérèrent les plus efficaces.

Dès l’année suivante, le nombre de commandes d’Exocet augmenta de manière importante.

Références :
Falklands: “The Sphinx and the curious case of the Iron Lady’s H-bomb”
Guerre des Malouines
Maggie’s war with treacherous Mitterrand over Exocet missile: Archive files reveal ‘James Bond’ plot to hijack aircraft carrying French-made weapons
Thatcher ‘threatened to nuke Argentina’

Laissez un commentaire »

| Course aux armements, Histoire, Politique internationale | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel