La géopolitique de l’Arctique

Publié le 13 janvier 2025 | Temps de lecture : 9 minutes


 
Une région essentiellement vierge

L’Arctique est la région entourant le pôle Nord comprise à l’intérieur du cercle polaire.

Les territoires de huit pays franchissent le cercle polaire et s’étendent donc jusqu’en Arctique : d’ouest en est, ce sont les États-Unis (par le biais de l’Alaska), le Canada, le Danemark (par le biais du Groenland), l’Islande, la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie.

Les zones économiques exclusives (ZÉE) de la Russie et du Canada couvrent la majeure partie de l’Arctique. Des deux, c’est la Russie qui a le plus prospecté le potentiel économique de sa ZÉE.

À partir de ce qu’on en sait, l’Agence internationale de l’énergie estime que le sous-sol de l’Arctique contient 13 % des réserves mondiales de pétrole et 30 % des réserves mondiales de gaz fossile encore inexploitées.

À 95,6 % dans le cas du pétrole et à 98,4 % dans le cas du gaz fossile, ces réserves se trouvent dans les ZÉE des pays riverains de l’océan Arctique.

De la même manière que la Chine décrite par Marco Polo faisait rêver les Européens de son temps, les richesses minérales de l’Arctique d’aujourd’hui sont l’objet de spéculations.

Même si plusieurs mines sont déjà en activité à l’intérieur du cercle polaire, on aurait tort de croire que le potentiel minier de l’Arctique est bien connu.

Lorsqu’on affirme que l’Arctique est riche de tel minerai, c’est que ce minerai est exploité quelque part dans la région. Est-ce que ce minerai se trouve ailleurs en Arctique ? Le trouve-t-on un peu partout à l’intérieur du cercle polaire ? Généralement, personne ne le sait.

Toutefois, ce qu’on sait, c’est que cette région renferme des terres rares. Comment le sait-on ? Parce que, contrairement à ce que suggère leur nom, les terres rares ne sont pas rares du tout; on les trouve en très petite concentration partout sur terre

En Arctique comme ailleurs, ce potentiel est sous-exploité pour deux raisons. Premièrement, à cause de leurs procédés de raffinement encore très polluants. Et deuxièmement, parce que la Chine vend ses terres rares à des prix tellement compétitifs que cela dissuade l’ouverture de mines concurrentes ailleurs dans le monde.

Un passage

Au-delà du fantasme des puissances à la recherche de métaux stratégiques, l’Arctique occupe une position importante en tant que voie de navigation maritime durant la saison chaude.

Sur une représentation aplatie du globe terrestre, relier la Chine à l’Europe par l’Arctique est légèrement plus court qu’effectuer le détour par le canal de Suez.

Sur un globe terrestre, cette distance est nettement inférieure. Même si, pour ce faire, il faut passer par le détroit de Béring.

Par exemple, la distance maritime entre Shanghai et le port néerlandais de Rotterdam est de 20 700 km lorsqu’on passe par le canal de Suez, et de 15 000 km lorsqu’on passe par la Route polaire de la soie. Le passage par cette dernière prend même deux jours de moins que par la plus rapide Route terrestre de la soie (celle qui traverse la Sibérie).

De plus, en longeant les côtes de la Fédération de Russie, cette route est la seule voie maritime importante qui n’est pas contrôlée par les États-Unis.

La Russie y voit un moyen d’exporter ses hydrocarbures aux marchés asiatiques par le biais de ses ports sibériens.

La Russie possède déjà la plus importante flotte de brise-glaces, composée de 55 navires actifs. Certains d’entre eux sont les plus puissants au monde, capables de naviguer dans une banquise de 2,8 mètres d’épaisseur.

D’ici 2030, ils seront suivis par une nouvelle classe de brise-glaces à propulsion nucléaire, capables de fendre lentement une banquise épaisse de quatre mètres et de naviguer à 19 km/h au travers d’une banquise de deux mètres d’épaisseur.


 
L’avantage de la Russie est que la banquise d’été de l’Arctique permet davantage la navigation maritime du côté russe que du côté canadien. En d’autres mots, sans l’aide de brise-glaces, la Route polaire de la soie est navigable plus longtemps que le Passage du Nord-Ouest canadien.

Lorsqu’on s’inquiète de l’augmentation de la présence chinoise en Arctique, on doit savoir que tout cela est limité à l’Arctique russe; la Chine cherche à améliorer les installations portuaires qui sont susceptibles d’accueillir sa marine marchande le long de la Route polaire de la soie.

Autrefois, cette présence accrue concernait également quelques projets miniers et aéroportuaires au Groenland que les pressions américaines sur le Danemark ont fait avorter.

La Chine ne s’est jamais considérée comme une puissance arctique (ce qui serait ridicule) et n’a jamais eu la prétention de l’être.

Pour prouver les ambitions nordiques de la Chine, on répète souvent que la Chine a demandé (et obtenu) le statut d’observateur au Conseil de l’Arctique, un forum international voué à la promotion du développement durable de l’Arctique en matières sociales, économiques et environnementales.

Toutefois, on oublie de préciser que treize autres pays ont obtenu ce statut d’observateur dont la Suisse, l’Italie et l’Inde, trois pays aussi peu nordiques que la Chine.

D’autre part, le vieillissement des installations de NORAD — ce système de détection canado-américain essentiel à la protection de l’Amérique du Nord — peut certainement justifier de nouveaux investissements.

Mais les justifier au nom de la menace chinoise grandissante en Arctique relève du néo-maccarthysme; la Chine investit en Arctique russe pour assurer la liberté de son commerce avec l’Europe et non pour menacer notre sécurité nationale.

L’Arctique canadien

Le Canada a toujours considéré que le passage au travers des iles canadiennes de l’Arctique faisait partie de ses eaux territoriales. En conséquence, le Canada exige que les bateaux étrangers qui l’empruntent lui en demandent la permission.

Les États-Unis ont toujours refusé de reconnaitre la souveraineté du Canada à ce sujet. Pour ne pas perdre la face, le Canada délivre les autorisations nécessaires aux navires américains sans qu’ils en fassent la demande.

Avec le réchauffement climatique, on assiste à une augmentation du transport maritime en Arctique. De 2011 à 2024, le nombre de navires qui ont navigué dans l’Arctique canadien a augmenté de près de moitié.

Aussi impressionnant que cela puisse paraitre, il s’agit en fait de 466 navires l’an dernier, comparativement 319 il y a plus d’une décennie. En somme, c’est un ou deux bateaux par jour durant la belle saison. On est loin des dizaines de milliers de navires qui empruntent annuellement le canal de Suez.

Libres de prospecter le Grand Nord canadien sans études d’impact rigoureuses, les minières ont découvert un petit nombre de gisements intéressants qui ont mené à l’ouverture de mines.

Si bien que de 2013 à 2023, ce sont des vraquiers — transportant du minerai brut — qui représentent essentiellement l’augmentation du trafic maritime dans l’Arctique canadien, notamment dans sa partie orientale (le Nunavut).

Conclusion

De toutes les cibles militaires situées en sol québécois, le complexe hydroélectrique de La Grande est la cible potentielle la plus nordique. Or celle-ci se trouve à 5,2 mille kilomètres des côtes arctiques de la Russie, soit environ une fois et demie la distance entre Montréal et Vancouver.

Ce complexe n’est pas hors de portée d’un missile intercontinental ennemi. Toutefois, en raison des conditions climatiques qui règnent dans cette partie du monde, cette région est le plus improbable théâtre d’une guerre.

En effet, les chars d’assaut, les fantassins et même l’aviation de belligérants perdraient un temps précieux à traverser une région inhospitalière dépourvue d’importance stratégique. De plus, cette longue traversée à découvert priverait cette attaque de tout effet de surprise et favoriserait l’anéantissement des troupes qui y participeraient.

Contrairement à un pays comme la Norvège — dont le littoral arctique est beaucoup plus développé que le Grand Nord canadien puisqu’environ dix pour cent de la population de ce pays y habite — la militarisation de l’Arctique devrait être la moindre des priorités militaires du Canada, à l’exclusion de la protection contre des missiles intercontinentaux.

D’autre part, les compagnies minières s’emploient ces jours-ci à alimenter les journalistes et les chroniqueurs de rapports complaisants qui présentent l’Arctique comme un eldorado moderne, riche en minerais essentiels à notre développement économique.

Ce qu’on néglige de dire, c’est que toute exploitation des ressources minières de l’Arctique n’est compétitif — en comparaison avec des mines concurrentes situées ailleurs dans le monde — qu’au prix de subventions étatiques colossales.

Références :
Augmentation du trafic maritime dans l’Arctique canadien en 2024
China’s new technology achieves ‘unprecedented’ rare earth production speed
Conseil de l’Arctique
De plus en plus de navires circulent dans le passage du Nord-Ouest
Géopolitique de l’Arctique : une région sous haute tension
How the Pentagon Countered China’s Designs on Greenland
Implications of a melting Arctic
La géopolitique de l’Arctique, entre fantasmes et réalité
La Russie lance son second brise-glace de combat
L’obsession pas si folle de Trump pour le Groenland
The US is picking a fight with Canada over a thawing Arctic shipping route

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le contexte régional de la prise du pouvoir par les Islamistes en Syrie

Publié le 21 décembre 2024 | Temps de lecture : 1 minute
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Le régime de Bachar el-Assad s’est effondré parce qu’il n’y avait plus grand-monde pour le défendre.

Le mythe du peuple syrien opprimé que se révolte contre le tyran du pays est très romantique, mais il ne correspond pas à la réalité; pendant que les troupes de l’Organisation de libération du levant marchaient vers la capitale, le peuple syrien vaquait à ses occupations quotidiennes.

Pour comprendre réellement ce qui s’est passé en Syrie et pour avoir un aperçu de ce qui attend ce pays, je vous invite à regarder cette vidéo magistrale du géopoliticien Alain Juillet.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La Géorgie sur la voie d’un coup d’État (2e partie)

Publié le 14 décembre 2024 | Temps de lecture : 13 minutes

La Charte géorgienne

Depuis sa dernière réforme constitutionnelle, la Géorgie est gouvernée par un système parlementaire où la présidence n’a plus qu’un rôle cérémonial… sauf en cas de crise politique majeure.

En mai dernier, à l’occasion de la fête nationale géorgienne, la présidente actuelle, Salomé Zourabichvili, a rendu publique une ‘Charte géorgienne’ qu’elle a conçue et à laquelle elle invitait les partis politiques géorgiens à adhérer.

Aux élections législatives de 2024 (qui se sont tenues entretemps), si le peuple géorgien avait élu majoritairement des partis signataires de cette Charte, ceux-ci s’engageaient à ce que leurs députés adoptent la législation nécessaire à la réalisation des trois objectifs suivants :
• l’abrogation de toutes les lois géorgiennes qui sont contraires aux directives européennes,
• l’amnistie accordée à toutes les personnes condamnées pour des délits commis lors des manifestations de 2024, et
• la purge politique du système judiciaire.

La constitution géorgienne prévoit qu’à l’issue des législatives, le poste de premier ministre est confié à la personne désignée par le parti qui a obtenu le plus de votes (ou par une coalition que ce parti a formée). À son tour, le premier ministre choisit ses ministres et forme ainsi le gouvernement.

En vertu de la Charte — qui, en réalité, est un pacte — si les partis politiques signataires avaient pris le pouvoir, ils auraient renoncé à former le gouvernement. Celui-ci aurait été formé de technocrates nommés par la présidente du pays.

Ce gouvernement ‘intérimaire’ aurait dirigé le pays pendant quelques mois, le temps de réaliser la Charte, à l’issue duquel de nouvelles élections législatives auraient eu lieu.

À la section ‘Un différent type de gouvernement’, la Charte statuait ceci :

« Ce sera un tout nouveau modèle de gouvernement. Ce ne sera pas un gouvernement composé de partis politiques, mais de membres distingués, sélectionnés et professionnels de la société. Le processus de constitution du gouvernement sera mené en coordination avec la Présidente.»

Dans la formation du Conseil des ministres, la présidence s’accordait un pouvoir de ‘coordination’ sans qu’on sache très bien qui aurait le dernier mot entre elle et le parlement.

Un mois après l’annonce de cette Charte, tous les partis d’opposition y avaient adhéré, sauf le parti Pour la Géorgie (arrivé en cinquième place des élections législatives).

Tout en se disant d’accord avec les objectifs de la Charte, ce parti a refusé, dans un premier temps, de la signer en raison de sa réticence à l’égard de la formation de ce gouvernement temporaire de technocrates dont la durée aurait pu s’éterniser.

Toutefois, le 23 septembre suivant, ce parti s’est finalement rallié à la Carte.

Jusqu’ici, Mme Zourabichvili a refusé de préciser si les technocrates qu’elle nommerait à des postes ministériels seraient des citoyens du pays ou des experts étrangers (Européens ou Américains, par exemple).

Bref, cette Charte — dont les dispositions sont contraires à la constitution du pays — avait toutes les apparences d’un coup d’État déguisé.

Au lieu que la Géorgie soit gouvernée par un premier ministre et des ministres élus par le peuple, le pays aurait été dirigé par des ‘experts’ qui n’ont aucune légitimité populaire.

Une première manche ratée

Puisque les partis soutenant la Charte n’ont pas été élus majoritairement, il sera impossible de modifier la constitution du pays pour donner à la présidente les pouvoirs qu’elle réclame pour réaliser son coup d’État.

Déçue, celle-ci manquait de mots pour qualifier le scrutin : ‘violations généralisées’, ‘système sophistiqué de fraudes’, ‘falsification totale’, ‘opération spéciale russe’, ‘guerre hybride contre le peuple géorgien’, etc.

Affirmant publiquement détenir des preuves irréfutables de fraudes électorales, la présidente a néanmoins refusé de les dévoiler au procureur chargé d’enquêter à ce sujet.

Elle s’est toutefois adressée à la Cour constitutionnelle afin de faire invalider les résultats du scrutin. On présume que c’est là qu’elle soumettra ses preuves.

En principe, cette cause devrait empêcher la réunion du nouveau parlement jusqu’à la décision du tribunal.

Cela n’est pas de nature à paralyser l’État puisque le gouvernement sortant est habilité à expédier les affaires courantes du pays par décret jusqu’à ce que le nouveau gouvernement puisse se réunir.

En refusant de convoquer le parlement — tel qu’exigé par l’article 38 de la Constitution — le but de Mme Zourabichvili était de se maintenir illégalement au pouvoir en empêchant les élus de nommer son successeur.

Le parti au pouvoir a plutôt choisi de convoquer le parlement en passant outre le refus de la présidente.

L’appui du parlement européen

Préambule : Pour comprendre ce qui suit, rappelons que l’Union européenne (UE) est dirigée par un parlement qui siège à Strasbourg, un exécutif (la Commission européenne) qui siège à Bruxelles, et par un Conseil européen qui réunit quatre fois par année les chefs d’État des 27 pays membres de l’UE.

Après avoir signé un accord d’association en 2014, et après avoir rempli une bonne partie des conditions préalables, la Géorgie a déposé officiellement sa candidature d’adhésion à l’Union européenne (UE) le 3 mars 2022.

Cette demande est d’abord refusée le 17 juin 2022, puis acceptée le 14 décembre 2023.

Toutefois, en juin 2024, le Conseil européen a décidé de geler le processus d’adhésion de la Géorgie à l’UE en raison de la loi adoptée par ce pays au sujet de la transparence de l’influence étrangère.

Pourtant, les États-Unis ont une loi semblable depuis 1938 : c’est la Foreign Agents Registration Act. Le Canada a adopté une loi similaire en juin 2024, soit la loi C-70. La France a fait de même, le mois suivant avec sa loi No 2024-850.

Depuis, les relations entre la Géorgie et l’UE se sont envenimées.

Lors des élections législatives d’octobre dernier, le parti Rêve géorgien a fait campagne, entre autres, en faveur des ‘valeurs géorgiennes’, en opposition aux valeurs jugées décadentes de l’Occident. Ce qui n’est rien pour plaire à l’UE.

À l’issue du scrutin, en dépit du rapport préliminaire indulgent de la mission d’observation internationale (dont nous avons parlé plus tôt), le parlement européen a adopté le 28 novembre une résolution rejetant les résultats des élections législatives géorgiennes.

Le jour même, le premier ministre géorgien gelait le processus d’adhésion à l’UE jusqu’en 2028, déclenchant aussitôt une nouvelle vague de protestations dans la capitale.

Plus tôt cette semaine, une délégation de six parlementaires européens ont participé à une marche de protestation contre le gouvernement. De plus, ils ont officiellement rencontré Salomé Zourabichvili.

On peut présumer, par exemple, que si des congressistes américains avaient non seulement contribué (comme ils l’ont fait) au financement du Convoi de la liberté à Ottawa, mais s’était rendus sur place pour se joindre aux contestataires, Ottawa les aurait accusés de s’immiscer dans les affaires intérieures du Canada et d’y susciter la révolte…

L’appui de la diplomatie française

À la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, Mme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, n’a pas été invitée. Par ordre d’Emmanuel Macron.

Mais parmi la quarantaine de chefs d’État qui l’ont été, se trouvait Mme Salomé Zourabichvili, en tant que représentante de la Géorgie. Ce qui est conforme au protocole.

Ce qui l’est moins, c’est l’importance démesurée qui lui a été accordée dans l’attribution des places. Dans un pays comme la France, toute dérogation aux règles protocolaires prend une importance considérable.

Normalement, Donald Trump aurait dû être entouré, en ordre décroissant, par les plus importants alliés des États-Unis. Or Mme Zourabichvili a été placée dans la rangée derrière lui, à deux mètres sur sa gauche.

Salomé Zourabichvili et Donald Trump à la cathédrale Notre-Dame de Paris

Profitant d’un instant où elle se trouvait dans son champ de vision, Mme Zourabichvili s’est dressée de son siège et s’est penchée vers le président américain pour prendre l’initiative de se présenter à lui.

Ce qui, strictement, constitue un incident diplomatique mineur; on ne décide pas de se présenter à l’homme le plus puissant du monde; on attend de lui être présenté.

Contrairement à Volodymyr Zelensky — qui a obtenu une rencontre en tête-à-tête avec Donald Trump en présence d’Emmanuel Macron — Mme Zourabichvili a rencontré quelques instants Donald Trump un peu avant le diner d’État (note : au Québec, le repas du soir est appelé souper). Ce repas fut servi aux dirigeants politiques venus pour l’occasion.

Sur son compte X, Mme Zourabichvili a affirmé avoir eu une discussion ‘profonde’ avec Donald Trump au sujet des élections volées en Géorgie et de la répression violente des manifestations pro-européennes.

Salomé Zourabichvili et Donald Trump au palais de l’Élysée

Les traits tirés par le décalage horaire et l’estomac vide, le président américain était certainement bien disposé à une discussion profonde au sujet d’un petit pays dont il ignore probablement dans quelle partie du monde il est situé.

Cela devait tellement l’intéresser…

L’importance considérable que la diplomatie française a accordée à la présidente de la Géorgie contribue à son image d’égérie de la démocratie géorgienne alors qu’en réalité, l’objectif qu’elle poursuit est d’y provoquer un coup d’État.

Mardi dernier, à l’occasion d’une conversation téléphonique avec Bidzina Ivanishvili (l’éminence grise du régime), Emmanuel Macron a exigé la libération des manifestants qui, selon lui, ont été arrêtés arbitrairement.

De plus, il a condamné la violence exercée contre les protestataires par les forces de l’ordre. Une violence qui, entre nous, n’est pas différente de celle qu’il a exercée contre les Gilets jaunes dans son propre pays.

Dans une vidéo publiée aujourd’hui sur YouTube, Emmanuel Macron a invité le peuple géorgien à reprendre en main son destin, ce qui est une manière à peine voilée de les appeler à la révolte, voire à la révolution.

La situation au 14 décembre 2024

Plus tôt aujourd’hui, un Collège électoral (formé de 150 députés et de 150 représentants régionaux) a nommé le successeur de Salomé Zourabichvili. Le mandat de la présidente sortante se termine officiellement dans deux semaines.

Mais celle-ci n’entend pas quitter son poste. Considérant que le nouveau parlement est illégitime parce qu’issue d’une fraude massive, la présidente estime que les 150 députés qui composent la moitié du Collège électoral n’ont pas le pouvoir de participer au choix de son successeur.

Celle-ci a déclaré : « Tant qu’il n’y aura pas de nouvelles élections et un parlement qui élira [mon successeur] selon de nouvelles règles, mon mandat se poursuivra [au-delà de son terme légal, le 29 décembre 2024].»

Le résultat, c’est que la Géorgie se retrouve avec deux présidents qui, chacun, invoque sa légitimité.

Même si de nombreux manifestants entendent servir de boucliers humains pour empêcher les forces de l’ordre d’expulser Salomé Zourabichvili du Palais présidentiel, il est douteux qu’ils puissent protéger l’édifice jour et nuit à l’approche du temps des Fêtes.

Salomé Zourabichvili est, de loin, la personnalité la plus populaire parmi celles opposées au gouvernement. Si elle ne s’enfuit pas à l’Étranger, le gouvernement sait que l’emprisonner (sous l’accusation de sédition, par exemple) et l’empêcher de communiquer avec l’extérieur de sa cellule est la manière la plus facile de décapiter l’opposition.

Par contre, si des puissances étrangères organisent en Géorgie un massacre comme celui survenu à Kyiv en 2014, ils provoqueront une indignation populaire qui sera analogue à celle qui a chassé du pouvoir le président pro-russe, élu démocratiquement en Ukraine.

Si cela devait être le cas, Salomé Zourabichvili sera la personne la plus crédible pour diriger le pays et reviendra au pouvoir auréolée de gloire.

La question n’est donc plus de savoir quand la Géorgie sera le théâtre d’un coup d’État mais qui le commettra.

Références :
Constitution of Georgia
Election en Géorgie : « Deux présidents vont revendiquer leur légitimité », s’inquiète le constitutionnaliste David Zedelachvili
En Géorgie, les manifestants sont prêts « à défendre physiquement » la présidente Salomé Zourabichvili, qui refuse de remettre son mandat
Entretien avec Bidzina Ivanichvili, Président honoraire du Rêve géorgien
EU Parliament delegation visits Georgia and marches with pro-EU protesters
EU halts Georgia’s accession to the bloc, freezes financial aid over much-criticized law
Georgian Charter: President Proposes Unified Goals for Short-Term Parliament, Technical Government
Giorgi Gakharia a signé la « Charte géorgienne » (en géorgien)
La Géorgie repousse à 2028 son objectif d’entrée dans l’UE, sur fond de crise électorale
Le Coche et la Mouche
Législatives en Géorgie : la présidente refuse une convocation du parquet, qui a ouvert une enquête pour « falsification présumée » des élections
L’engrenage ukrainien
Macron Scolds Ivanishvili, Calls for Inclusive Dialogue
Message vidéo du Président de la République au peuple géorgien (transcription écrite)
Monsieur le Président Emmanuel Macron – Message aux Géorgiens (vidéo)
Opposition Parties Sign Georgian Charter
President Says She Will Present Technical Government Before Elections, Calls on Signatories to Fully Follow Georgian Charter’s Letter
Procédure d’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne
Résumé de géopolitique mondiale (1re partie)
Speech Delivered by H.E. Salome Zourabichvili
Ukraine : l’histoire secrète de la révolution de Maïdan
Zbigniew Brzeziński

Parus depuis :
Businesses Back Georgian Protests as Crisis Disrupts Economy (2024-12-21)
CEC Rejects President’s Allegations of Vote-Rigging Amid Growing International Scrutiny of October 26 Elections (2024-12-24)

Pour consulter en ordre chronologique tous les textes de cette série consacrée à l’histoire récente de la Géorgie, veuillez cliquer sur ceci.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La Géorgie sur la voie d’un coup d’État (1re partie)

Publié le 13 décembre 2024 | Temps de lecture : 8 minutes

Introduction

À l’issue des élections législatives du 26 octobre dernier, le parti Rêve Géorgien a été reporté au pouvoir avec 54,1 % des votes. Cette victoire a été confirmée par la Commission électorale du pays.

Aux élections législatives précédentes (celles de 2020), Rêve Géorgien avait également remporté le scrutin. Une victoire qui fut contestée par les partis d’opposition. Ceux-ci avaient aussitôt organisé d’importantes manifestations réclamant de nouvelles élections.

Toutefois, après un mois de protestations de plus en plus violentes, les États-Unis, l’Union européenne et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe demandaient à l’opposition d’accepter le résultat du scrutin et de siéger au parlement.

Cette fois-ci, on assiste à un scénario semblable. Avec la différence que plusieurs pays occidentaux mettent ouvertement en doute la validité du scrutin et donc, la légitimité du gouvernement réélu.

La contestation des résultats

La mission d’observateurs étrangers

Dès le lendemain du scrutin, la mission d’observation soutenue par le Parlement européen et l’Otan remettait un rapport préliminaire qui signalait des irrégularités mineures qui ne remettaient pas en question les résultats du scrutin.

Ce qui n’a pas empêché l’opposition de soutenir faussement que ce rapport prouvait que les élections avaient été l’objet de fraudes massives.

My Vote

Les partis d’opposition s’appuient également sur les conclusions de My Vote, une ‘mission d’observation’ composée d’ONG géorgiennes opposées au parti au pouvoir et qui dit avoir observé des irrégularités majeures dans plusieurs circonscriptions.

Le truffage des boites de scrutin

Une des ‘preuves’ de My Vote, ce sont des clips vidéos qui montrent des personnes qui truffent des boites de scrutin de plusieurs bulletins de vote en présence de témoins impassibles.

Évidemment, cela constitue une fraude électorale. On se surprend que les malfaiteurs aient opéré à la vue de tous, le tout étant même enregistré par les caméras de téléphones multifonctionnels.

Dans chaque cas, les enquêtes policières ont révélé qu’il s’agissait de mises en scène réalisées par les opposants afin de servir de ‘preuves’ si, par la suite, l’issue du scrutin ne leur convenait pas.

Les sondages

Les firmes américaines Edison Research et HarrisX sondent les électeurs à la sortie des bureaux de vote. À cette fin, un électeur sur 7 ou sur 9 est approché par leurs sondeurs.

Selon les résultats d’Edison Research et d’HarrisX, le parti Rêve Géorgien aurait obtenu respectivement 40,9 % ou 44,4 % des suffrages, et non 54,1 %.

Le site Edison Research ne fournit aucun détail quant à ces résultats. Le 28 octobre dernier, j’ai écrit à cette firme pour demander deux précisions.

Premièrement, pour savoir quelle était la répartition territoriale des 115 bureaux de scrutin à la sortie desquels ils ont interrogé les électeurs. Et deuxièmement, pour savoir si cette firme a constaté une différence entre les préférences des électeurs des régions rurales et ceux des villes.

À ce jour, je n’ai pas reçu de réponse.

À l’opposé, la firme HarrisX a dévoilé les détails de sa méthodologie. Elle a approché 45 054 électeurs à la sortie de 125 bureaux de scrutin. Parmi ceux-ci 12 007 personnes ont accepté de répondre, soit un taux de participation de seulement 26,6 %.


 
Donc, malgré un taux d’abstention de 73,4 %, cette firme soutient catégoriquement que les résultats officiels étaient ‘tout simplement, statistiquement impossibles’.

L’opacité du papier des bulletins

L’Association des jeunes avocats de Géorgie a également demandé l’annulation du scrutin (et donc, réclamé de nouvelles élections) parce que les bulletins de vote n’avaient pas été imprimés sur du papier suffisamment épais.

Ainsi, là où les boites de scrutin étaient transparentes, il état possible de voir le choix de l’électeur. Ce qui compromettait le caractère sacré de la confidentialité du vote.

Après une victoire devant le tribunal de première instance, l’ONG a perdu en appel parce que le tribunal a estimé qu’aussi souhaitable qu’eût été l’impression sur du papier parfaitement opaque, cela n’a pas empêché les gens de voter.

Les manifestations

Que ce soit contre les Gilets jaunes en France, contre le Convoi de la liberté à Ottawa, ou contre les campements pro-palestiniens sur les campus américains, l’objectif des forces policières est de rétablir de l’ordre.

À cette fin, les policiers (ou les soldats) appliquent la force qui leur est nécessaire pour prévaloir. Plus les manifestants résistent, plus ils subissent la répression des forces de l’ordre.

Ces jours-ci, des dizaines de milliers de manifestants protestent chaque soir dans la capitale géorgienne. Même si on nous dit que la contestation se serait répandue dans une quarantaine de municipalités, cette prétention ne s’appuie sur aucune image (photo ou vidéo) qui nous permettrait d’en juger.

Les images qui nous parviennent de la capitale géorgienne sont éloquentes.

D’une part, elles nous montrent la brutalité de la répression policière. Cette brutalité est analogue à celle des corps policiers québécois contre les ‘Carrés rouges’ lors du Printemps érable. On se rappellera qu’au Québec, on avait cassé des dents, fracturé des mâchoires, provoqué des commotions cérébrales, et rendu borgne un protestataire.

D’autre part, elles nous permettent de voir que des dizaines de protestataires utilisent de dispendieux pointeurs au laser (de qualité dite ‘militaire’). Ceux-ci peuvent endommager la vue. En raison de leur cout, ces armes sont très certainement fournies gratuitement par des forces qui se tapissent dans l’ombre.

Conclusion

Lorsque le général al-Sissi est élu ou réélu en Égypte avec 96 % des suffrages en 2014, 97 % en 2018, et 90 % en 2013, il ne semble venir à l’esprit d’aucun gouvernement occidental que ces élections puissent être truquées.

En Géorgie, il n’existe aucune preuve sérieuse que les élections législatives de 2024 ont été l’objet de fraudes massives.

En raison des caractéristiques sociologiques de la population géorgienne, les résultats officiels des dernières élections législatives sont plausibles.

Ce qui n’empêche pas les opposants, les reporters et les chroniqueurs de nos médias, les invités sur les plateaux de nos télévisions, et presque tous les chefs d’État occidentaux d’affirmer catégoriquement que le gouvernement géorgien est illégitime.

La table est donc mise pour qu’en Occident, on voit d’un bon œil son renversement.

Dans notre prochain texte, nous examinerons le rôle central joué par la présidente de ce pays, Salomé Zourabichvili, avec l’appui de la diplomatie française.

Références :
Après la victoire du parti au pouvoir, la Géorgie s’éloigne de l’UE
Breaking: HarrisX Releases Final Georgia 2024 Exit Poll Analysis
Edison Research: 13-Percentage Point Difference Between Exit Polls and Official Election Results Suggests Vote Manipulation
Élections législatives en Géorgie : entre aspirations européennes et pressions russes ?
En Géorgie, des milliers de manifestants pro-européens protestent devant le parlement
EU halts Georgia’s accession to the bloc, freezes financial aid over much-criticized law
Géorgie : le gouvernement exclut de nouvelles législatives malgré la crise politique
Géorgie : près de 150 personnes interpellées lors de manifestations pro-européennes
Géorgie : un manifestant tire des feux d’artifice en rafale contre des policiers
HarrisX Final Georgia 2024 Exit Poll Analysis Reveal Statistically Unexplainable Data Discrepancies
HarrisX Releases Final Georgia 2024 Exit Poll Analysis
Is this the beginning of the end of the exit poll?
« La seule option, maintenant, en Géorgie, c’est la révolution » : la ville de Tbilissi en effervescence contre le gouvernement
Les armes offensives des protestataires géorgiens
Les résultats de l’élection législative en Géorgie
My Vote Demands Annulment of Results in 246 Election Precincts Citing “Grave Violations”
Preliminary Report of the International Election Observation Mission
Tirs de balles de plastique : attend-on de tuer quelqu’un ?

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les armes offensives des protestataires géorgiens

Publié le 12 décembre 2024 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Hier, le président Emmanuel Macron a pris l’initiative d’appeler Bidzina Ivanishvili, l’éminence grise du parti au pouvoir en Géorgie.

À l’occasion de cet entretien qui a duré environ une heure, le président français a demandé la libération de tous les protestataires arrêtés arbitrairement et exigé le respect des libertés d’expression et de rassemblement.

Le communiqué émis par le palais de l’Élysée précise :

[Le Président de la République] a condamné les intimidations contre les représentants de la société civile et de l’opposition ainsi que les violences des forces de l’ordre contre les manifestants pacifiques et les journalistes.

Effectivement, depuis le 28 novembre dernier, des manifestations ont eu lieu quotidiennement dans la capitale géorgienne. Celles-ci sont de plus en plus violentes. Une violence qui s’est légèrement estompée depuis peu.

Mais opposent-elles des forces de l’ordre brutales à des manifestants pacifiques comme le suggère le président français, à l’instar de l’ensemble de la presse occidentale ?

Le critère qui distingue des manifestations pacifiques de celles qui ne le sont pas est simple; dès que des armes offensives contre les forces de l’ordre sont utilisées au cours d’une manifestation, celle-ci cesse d’être pacifique.

Pour cela, il n’est pas nécessaire que tous les protestataires soient violents ou que la majorité d’entre eux le soient; il suffit que dans la masse des protestataires, il y ait un nombre significatif de personnes dotées d’armes offensives.

Or c’est le cas en Géorgie.

Les projectiles pyrotechniques

Au cours des affrontements, les forces policières ont tiré des balles de caoutchouc et utilisé des matraques, des bondonnes de poivre de Cayenne, des gaz lacrymogènes et des canons à eau.

Rappelons que ce sont les armes répressives que les forces de l’ordre québécoises ont utilisées en 2012 pour réprimer la contestation étudiante lors du ‘Printemps érable’.

Qu’en est-il chez les manifestants géorgiens ?
 


 
En Géorgie, on a pu voir des pièces pyrotechniques exploser sur la façade du parlement alors que d’autres, pointées à l’horizontale vers les forces de l’ordre, visaient à les blesser de leurs tisons brulants.

À partir des interrogatoires réalisés auprès des protestataires arrêtés, la police a appris que ces armes étaient distribuées par certains partis d’opposition.

Les descentes policières qui ont suivi aux sièges sociaux des partis concernés ont permis la saisie de ces armes et l’arrestation des responsables.

Ce qui a aussitôt été condamné par l’Union européenne comme une tentative de museler l’opposition et d’intimider ses représentants.

Depuis ce temps, la vente des feux d’artifice est interdite.

Les pointeurs laser


 
Dans les reportages qu’on nous montre des manifestations dans la capitale géorgienne, on peut voir que de nombreux protestataires utilisent des pointeurs au laser.


 
Leur lumière est verte, leur faisceau est plus large et ils sont beaucoup plus puissants que les stylos laser utilisés par les conférenciers.

Sur le site d’une entreprise qui fabrique de tels pointeurs, on trouve la mise en garde suivante :

Ne jamais diriger un de ces pointeurs laser surpuissants vers une personne et surtout ne pas viser ses yeux ou son visage. Le rayonnement du laser peut endommager gravement les yeux.

En somme, lorsque de nombreux protestataires pointent ces rayons vers les policiers, cela vise à les aveugler (dans tous les sens du mot).

Pourtant, rares sont les reportages occidentaux qui soulignent l’utilisation de ces pointeurs laser alors qu’ils constituent une caractéristique spécifique des manifestations géorgiennes.

Personne ne trouve suspect que des dizaines de Géorgiens aient eu la même idée en même temps, soit de s’équiper de pointeurs laser dont le prix varie de cent-cinquante à plus de mille dollars chacun.

Est-il possible qu’un parti de l’opposition — voire une puissance étrangère — subventionne l’achat ou fournisse ces armes à l’opposition géorgienne ?

Jusqu’ici, les forces de l’ordre ne semblent pas avoir remonté à la source de cette fourniture aux manifestants.

Conclusion

Jusqu’ici, plus de 400 personnes ont été arrêtées (dont trois chefs de partis d’opposition), un grand nombre de personnes ont été blessées (dont 50 journalistes et plus de 42 policiers).

Toutefois, le narratif occidental — repris implicitement par Emmanuel Macron — qui oppose des policiers à la solde d’un brutal gouvernement pro-russe à de paisibles manifestants luttant pour la démocratie parlementaire est simpliste et fallacieux.

Ce qui se passe en Géorgie est la préparation d’un coup d’État semblable à celui survenu en Ukraine en 2014.

Références :
Entretien avec Bidzina Ivanichvili, Président honoraire du Rêve géorgien
Feux d’artifices et lasers, meilleurs alliés des manifestants géorgiens
Macron Scolds Ivanishvili, Calls for Inclusive Dialogue
PL-E Pro Pointeur Laser Vert 10000mW 520nm Ultra Puissant
Tirs de balles de plastique : attend-on de tuer quelqu’un ?
Ukraine : l’histoire secrète de la révolution de Maïdan

Paru depuis : Facing Resistance, Georgian Dream Rushes in Repressive Laws (2024-12-17)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La Syrie, d’une dictature à l’autre

Publié le 9 décembre 2024 | Temps de lecture : 4 minutes
Forces en présence au 8 décembre 2024

Introduction

En moins de deux semaines, l’Organisation de libération du levant (Hayat Tahir al-Cham ou HTC) — autrefois affilié à Al-Qaïda — s’est emparée du pouvoir en Syrie.

Pour savoir ce qui attend la partie du territoire syrien tombée entre ses mains, il faut se reporter à la gouverne du HTC dans son fief de la province d’Idlib (au nord-ouest de la Syrie) où il est la faction rebelle dominante depuis 2019.

Wikipédia nous apprend qu’à Idlib, la charia n’était pas appliquée de manière très rigoureuse; il n’y a pas de code vestimentaire strict autre que le port du voile pour les femmes, pas d’interdiction de fumer, pas d’interdiction faite aux femmes de se balader seules, et pas de contrôle de l’internet.

Femmes et hommes s’assoient séparément dans les restaurants. Mais la mixité est tolérée dans les centres commerciaux ou les parcs. Les commerces peuvent diffuser des chants révolutionnaires.

Du moment que les églises chrétiennes ne font pas sonner leurs cloches et enlèvent les crucifix visibles à l’extérieur, des offices religieux peuvent s’y dérouler discrètement.

Si le passé est garant du futur, c’est ce qui attend la population syrienne sous le contrôle du HTC.

Conséquences internationales

La prise du pouvoir par le HTC est une victoire pour leur principal commanditaire, la Turquiye.

Et c’est une victoire pour Israël puisque ce nouveau régime sunnite brise ce croissant chiite (Syrie, Iraq et Iran) par lequel l’Iran approvisionnait le Hezbollah libanais anti-israélien.

Pour ces raisons, c’est une défaite cuisante pour l’Iran.

Même si le régime de Bachar el-Assad était un allié de la Russie, et même si les trois bases russes en Syrie sont de la plus haute importance aux yeux de Moscou, la diplomatie russe devrait permettre à la Russie de sauver les meubles pour deux raisons.

Premièrement, parce que la Russie peut faciliter la reconnaissance internationale du HTC auprès du Sud Global alors qu’il est encore considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, le Canada et de nombreux pays occidentaux.

Deuxièmement, parce que la guerre en Syrie a détruit 98 % de son économie. Or ce pays ne peut espérer le moindre prêt auprès des institutions financières créées par les BRICS sans l’accord de la Russie.

Quant aux pétromonarchies, elles savent qu’il sera plus facile de s’entendre avec le nouveau régime qu’avec celui de Bachar el-Assad.

La véritable question est de savoir si Washington verra un intérêt à reconnaitre le nouveau pouvoir syrien. À ses yeux, ce qui compte, c’est de pouvoir continuer de piller le pétrole syrien dans la partie du pays où se trouvent ses sites d’extraction (en jaune sur la carte).

Réaction de la presse occidentale

La plupart des médias occidentaux comptent sur les agences de presse pour les alimenter en nouvelles internationales.

Or certaines des plus influentes d’entre elles sont aveuglément pro-israéliennes, probablement parce qu’elles appartiennent à des financiers qui le sont. Par exemple, si l’agence Reuters a pu faire croire à tout l’Occident qu’un pogrome avait eu lieu récemment à Amsterdam, elle peut faire croire n’importe quoi à nos journalistes et aux experts autoproclamés de nos médias.

Or la victoire du HTC est avantageuse pour Israël. D’où le portrait flatteur que les agences de presse nous font de cet ex-partenaire d’Al-Qaïda.

Ceux-ci nous parlent donc de l’allégresse qui s’est emparée de la diaspora syrienne dans nos pays et font un bilan accusateur (à juste titre) du tyran déchu… tout en passant sous silence le fait que la Syrie ne fait que passer d’une dictature laïque à une dictature islamiste qu’on nous dit bienveillante.

Cela reste à voir…

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Droit international et géopolitique (cinquième partie)

Publié le 28 novembre 2024 | Temps de lecture : 4 minutes


Plan :
• 1re partie : Assises et instances
• 2e partie  : Impact du droit international
• 3e partie  : L’exemple du droit à la légitime défense
• 4e partie  : Le droit à l’indépendance – Crimée vs Taïwan
• 5e partie  : Les mandats d’arrestation de la CPI (ce texte-ci)

Étendue de l’autorité de la Cour pénale internationale

La Cour pénale internationale (CPI) est née en 2002. Ce tribunal ne juge pas les pays ni les gouvernements; seuls des dirigeants politiques ou militaires sont sommés d’y comparaitre.

Son autorité s’étend aux 124 pays ou entités étatiques dont le parlement a ratifié le Statut de Rome (en vert sur la carte ci-dessus).

Après le mandat d’arrestation émis par la CPI contre Benyamin Nétanyahou, le Canada, l’Italie et la Grande-Bretagne ont fait savoir qu’ils procèderaient (à regret) à l’arrestation du dirigeant israélien s’il devait mettre les pieds sur leur territoire.

De son côté, la France ne compte pas procéder à l’arrestation de Nétanyahou s’il devait y venir.

Mais contrairement à certains pays occidentaux qui ont annoncé leur refus de respecter leurs obligations internationales — le Paraguay, l’Argentine, l’Autriche, la République tchèque et la Hongrie — la France justifie paradoxalement son refus au nom de ses obligations internationales, notamment le respect de l’immunité diplomatique dont jouirait Nétanyahou.

Qu’en est-il ?

Le premier paragraphe de l’article 27 du Statut de Rome est clair. Il se lit comme suit :

Le présent Statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’État […] n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut […].

Les autorités françaises soulignent néanmoins qu’un autre article dit le contraire.

En effet, l’article 98 stipule que lorsque la CPI requiert (notez le verbe) l’arrestation d’une personne normalement protégée par l’immunité diplomatique, le pays requis (par exemple, la France) doit obtenir la coopération du pays tiers (dans ce cas-ci, Israël) pour que celui-ci lève l’immunité diplomatique qui protège la personne visée par le mandat.

Cela semble contradictoire. À l’article 98, comment peut-on exiger la levée d’une immunité qui n’existe pas en vertu de l’article 27 ?

Une des règles de l’interprétation du droit veut que le législateur ne parle pas pour rien. Si l’article 98 semble contredire l’article 27, c’est qu’il s’agit d’une exception à la règle.

En somme, si la France voulait arrêter un de ses ressortissants, elle n’aurait besoin de la permission de personne. Mais pour arrêter Nétanyahou, il faut l’accord d’Israël.

Si cela est exact, n’est-ce pas également le cas de Vladimir Poutine ? Bien oui; on ne peut l’arrêter que si la Russie est consentante. En somme, s’il le veut bien.

Alors pourquoi avoir caché à l’opinion publique internationale les dispositions de l’article 98 dans le cas de Poutine ?

Parce que les pays rivaux instrumentalisent le Droit international à des fins de propagande.

C’est ainsi que pour provoquer l’indignation et afin de susciter la détestation de la Russie, il suffit de donner l’impression que ce pays viole impunément le Droit international.

Cette instrumentalisation est d’autant plus évidente lorsqu’on se rappelle que, techniquement, Poutine est accusé d’avoir déporté un nombre non précisé d’enfants sains et saufs vers la Russie alors que Nétanyahou est accusé de crimes de guerre qui ont conduit au massacre de dizaines de milliers d’enfants palestiniens.

Références :
La Cour pénale internationale lance un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine
Paris critiqué pour avoir évoqué l’« immunité » de Nétanyahou
Pourquoi la France donne des gages à Benyamin Nétanyahou après le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale
Statut de Rome de la Cour pénale internationale

Paru depuis : Poland says it will protect Benjamin Netanyahu from potential arrest (2025-01-09)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Comment s’appelaient les enfants qui ont perdu la vie dans la bande de Gaza ?

Publié le 22 novembre 2024 | Temps de lecture : 2 minutes

Depuis le début de la réplique israélienne à l’attaque du Hamas, plus de 17 400 enfants sont morts dans la bande de Gaza. Selon l’âge, ils se répartissaient comme suit :
•    710 de moins d’un an,
• 1 793 de 1 à 3 ans,
• 1 205 de 4 ou 5 ans,
• 4 205 étudiants du primaire (de 6 à 12 ans), et
• 3 442 lycéens (de 13 à 17 ans).

Pour 2 898 d’entre eux, on connait leurs prénoms. En ordre décroissant, les voici :
• 935 Mohammed (équivalent de Mahomet)
• 439 Ahmed (inspiré d’ahmad, qui veut dire ‘digne d’éloges’)
• 167 Yusuf (équivalent de Joseph)
• 131 Omar (en hommage à un compagnon de Mahomet qui portait ce prénom)
• 129 Ibrahim (équivalent d’Abraham de qui, selon le Coran, descendraient tous les Arabes)
• 110 Noor (prénom habituellement féminin qui signifie lumière)
• 106 Layan (prénom mixte qui signifie doux ou tendre)
•   98 Sarah (nom de l’épouse d’Abraham)
•   91 Jana (vient de l’arabe al-janna, qui signifie jardin paradisiaque)
•   89 Hala (prénom féminin, signifie auréole)
•   78 Khaled (prénom d’un général et compagnon de Mahomet)
•   72 Tala (pourrait signifier protection)
•   71 Baraa (prénom masculin qui signifie innocent)
•   64 Farah (prénom masculin qui signifie joie)
•   64 Rahaf (prénom féminin qui signifie gentillesse)
•   58 Zain (prénom féminin qui signifie beauté)
•   47 Uday (prénom masculin peut-être déviré du sanscrit, signifie aube)
•   46 Dima (prénom féminin peut-être dérivé de Dinah, fille unique d’Abraham)
•   41 Ghazal (prénom masculin qui signifie courtisant)
•   25 Waleed (ou Walid, qui signifie le fils)
•   19 Céline (donné en l’honneur d’une chanteuse populaire)
•   18 Eline (prénom féminin qui signifie brillante).

Références :
A to Z of the children Israel killed in Gaza
Liste de prénoms arabes

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La Finlande et la Suède se préparent à une Troisième Guerre mondiale

Publié le 20 novembre 2024 | Temps de lecture : 5 minutes
Port d’Helsinki

Au cours des deux prochaines semaines, la Suède expédiera cinq-millions d’exemplaires d’une brochure de 32 pages destinée à préparer ses citoyens à la guerre ou à des catastrophes naturelles.

Intitulé « En cas de crise ou de guerre », ce document offre des conseils pratiques tels que la constitution de réserves de denrées alimentaires et d’eau, où trouver un abri en cas d’attaque aérienne, ce qu’il faut emporter en cas d’évacuation, et quoi laisser à la maison aux animaux domestiques puisqu’ils ne sont pas admis dans les abris.

S’adressant à tous les résidents de Suède, son introduction fait appel à l’unité du pays contre la menace :

Nous vivons une époque incertaine. Des conflits armés font actuellement rage dans notre coin du monde. Le terrorisme, les cyberattaques et les campagnes de désinformation sont utilisés pour nous affaiblir et nous influencer.

Pour résister à ces menaces, nous devons rester unis. Si la Suède est attaquée, chacun doit faire sa part pour défendre l’indépendance de la Suède – et notre démocratie.

Nous renforçons notre résilience chaque jour, avec nos proches, nos collègues, nos amis et nos voisins.

Dans cette brochure, vous apprenez comment vous préparer et agir en cas de crise ou de guerre.

Vous faites partie de la préparation globale aux urgences de la Suède.

C’est la cinquième fois depuis la Deuxième Guerre mondiale que la Suède procède à la distribution d’un tel document, aujourd’hui actualisé.

La Finlande a lancé un site web avec des conseils similaires.

Le quotidien Le Parisien affirme que cette campagne d’information se justifie par l’imminence d’une guerre avec la Russie.

Selon l’avis de millions d’Européens, une capitulation de l’Ukraine serait catastrophique puisqu’aussitôt (ou dès qu’elle s’en sera remise), une Russie vengeresse et assoiffée de sang se lancera à la conquête du reste de l’Europe. Ce qui déclencherait une Troisième Guerre mondiale.

Est-ce un scénario probable à brève ou à moyenne échéance ?

Au cours de la guerre russo-ukrainienne, l’armée russe a éprouvé de la difficulté à faire la conquête d’un pays de 38 millions de personnes. Elle y travaille depuis mille jours sans y être parvenue.

Et on prétend que, victorieuse sur l’Ukraine, la Russie lancerait ses troupes contre l’Occident, peuplé de 880 millions de personnes.

Une des différences fondamentales entre la Russie et les États-Unis, c’est que la Russie fait la guerre à ses frontières (Tchétchénie, Géorgie, Ukraine) alors que les États-Unis guerroient partout à travers le monde (Vietnam, Afghanistan, Irak, Syrie, Kosovo, etc.).

Ce qui est normal puisque les États-Unis se veulent les gardiens de l’ordre mondial (qui consacre leur hégémonie), alors que la Russie n’a pas cette prétention.

Quelles sont donc les raisons véritables de cette campagne de peur ?

Avant même son adhésion à l’Otan, la Suède possédait une armée compétente à laquelle elle consacrait 1,5 % de son PIB en 2023. Le gouvernement suédois veut faire passer ce pourcentage à 2,4 % en 2025.

Quant à la Finlande, déjà bien armée, elle compte augmenter de beaucoup son budget militaire d’ici 2026. Il en était déjà à 2,5 % du PIB en 2023.

Toutefois, la guerre russo-ukrainienne révèle que même 2 % du PIB est insuffisant. Une guerre de haute intensité, comme celles menées par la Russie en Tchétchénie et en Ukraine, nécessite une quantité d’obus et d’ogives considérable, bien au-delà de ce qu’on croyait nécessaire jusqu’ici.

En raison de la rigueur budgétaire qui les caractérise, il est douteux que les gouvernements de ces deux pays scandinaves choisissent de s’endetter pour financer l’augmentation substantielle de leurs dépenses militaires.

Pour y parvenir, il leur faudra sabrer leur filet de protection sociale. Une protection à laquelle les Finlandais et les Suédois sont très attachés et qui constituait jusqu’ici le dividende de la paix.

Pour qu’ils consentent à des sacrifices jugés nécessaires, il faut créer et entretenir la peur d’une guerre improbable… à moins, évidemment, qu’elle soit provoquée par l’Occident.

Références :
« Courir, se cacher… » : Suède et Finlande préparent leurs habitants à une possible guerre contre la Russie
Finlande: Évolution de la dette en pourcentage du PIB
In case of crisis or war
How you can play your part in Norway’s emergency preparedness
La Finlande va augmenter de 40% son budget de la défense d’ici 2026
La nouvelle Théorie des dominos
La Suède porte son budget défense à plus de 2% de son PIB
Les dépenses militaires des pays de l’Union européenne
Suède: Évolution de la dette en pourcentage du PIB

Paru depuis : « Il est temps de passer à un état d’esprit de temps de guerre », plaide le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte (2024-12-13)

Détails techniques de la photo : Olympus OM-D e-m5 mark II + objectif M.Zuiko 12-40mm F/2,8 — 1/5000 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 22 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le multiculturalisme néerlandais et ses conséquences politiques

Publié le 15 novembre 2024 | Temps de lecture : 8 minutes
Place du Dam, à Amsterdam

Introduction

Les Pays-Bas étaient autrefois considérés comme le pays le plus tolérant d’Europe occidentale. Aujourd’hui, c’est l’inverse.

Que s’est-il passé ?

À partir des années 1960, un grand nombre d’immigrants s’établirent aux Pays-Bas afin de pallier la pénurie de main-d’œuvre qui y sévissait.

Ceux-ci provenaient des anciennes colonies néerlandaises, du sud de l’Europe (Grèce, Italie et péninsule ibérique), et de pays situés à la périphérie du continent (la Turkiye et le Maroc).

Afin d’être plus accueillants, les Pays-Bas ont adopté dans les années 1980 des politiques multiculturelles exemplaires.

En vertu de celles-ci, l’État accordait des subsides à des médias et à des institutions qui encourageaient activement ces minorités à vivre en marge de la culture du pays si elles le désiraient.

C’est ainsi que la ville de Rotterdam annonçait en 2006 la construction d’un hôpital islamique conforme aux préceptes de la charia. Toutefois, sur l’internet, je n’ai pas trouvé de confirmation indiquant que cet établissement avait finalement ouvert ses portes.

Plus concrètement, en 2012, on annonçait à Amsterdam l’ouverture d’un immeuble locatif de 188 logements entièrement conçus pour les besoins de la communauté musulmane.

Le revirement

En janvier 2000, le sociologue Paul Scheffer publie ‘Het multiculturele drame’ qui obtient un retentissement considérable. Dans cet essai, l’auteur s’inquiète de la surreprésentation des personnes nées de parents immigrants dans les statistiques du chômage et de la délinquance.

En 2002, l’assassinat du politicien Pim Fortuyn — hostile à l’immigration non européenne — et, deux ans plus tard, celui du cinéaste Theo van Gogh par un islamiste, ont suscité l’indignation et provoqué la naissance d’un sentiment d’hostilité à l’immigration, particulièrement contre les Musulmans, chez une frange de la population néerlandaise.

À l’heure actuelle, les Musulmans comptent pour seulement six pour cent de la population néerlandaise. Ils sont principalement d’origine (ou de descendance) turque ou marocaine.

Depuis ces assassinats, des formations politiques ont fait campagne contre les politiques migratoires du pays en obtenant d’abord un succès très limité, puis de plus en plus important.

La formation politique la plus radicalement opposée à l’immigration est le Parti populaire pour la liberté, créé en 2006.

D’abord marginal, ce parti a vu ses appuis populaires lentement grimper avec la hausse du nombre d’immigrants aux Pays-Bas.

En 2022, ce pays a accueilli le plus grand nombre d’immigrants de son histoire, soit environ 400 000 personnes, en hausse de soixante pour cent en comparaison avec l’année précédente.

Ce qui a propulsé soudainement la popularité du PVV à un sommet et assuré sa victoire surprise aux élections législatives de novembre 2023.

Résultats des dernières élections

Le parlement néerlandais se compose d’une chambre basse équivalente à notre Chambre des communes et d’une chambre haute équivalente à notre Sénat.

Les dernières élections législatives ont été dominées par les trois thèmes principaux :
• la perte du pouvoir d’achat causée par l’inflation (à 20 % en 2023 à la suite des sanctions contre la Russie, avant de descendre à 10 % à l’approche des élections),
• l’immigration jugée incontrôlable, et
• le maintien du système de santé.

Se présentant comme un parti nationaliste, eurosceptique et anti-Islam, le Parti populaire pour la liberté (le PVV) est celui qui a fait élire le plus de députés. Toutefois, il n’a pas obtenu suffisamment de sièges pour former un gouvernement majoritaire.

Après six mois de négociations, le PVV a finalement formé autour de lui un gouvernement de coalition, entré en fonction le 2 juillet dernier.

Aux 37 députés du PVV se sont joints les 24 députés du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD). L’un et l’autre ont fait campagne sur le durcissement de la politique migratoire. Ils se distinguent par le ton utilisé, radical pour l’un, plus pondéré pour l’autre.

À cela s’ajoutent les 20 députés du Nouveau Contrat social (NSC), les 7 députés du Mouvement agriculteur-citoyen (BBB). Pour un total de 88 députés sur 150.

Normalement, le chef du PVV (le parti en tête) aurait dû être nommé premier ministre. Mais pour rendre le gouvernement de la coalition plus acceptable aux yeux de la communauté internationale, on a préféré nommer Dick Schoof à titre de premier ministre.

Ce dernier a fait carrière dans la sécurité intérieure et les services de renseignement. C’est un dur parmi les durs dont les idées sont très compatibles avec celles du PVV.

L’instrumentalisation de la violence par la Droite

Pour le PVV et pour le premier ministre, les récentes émeutes à Amsterdam constituent une aubaine. Pour maximiser la portée de sa réthorique anti-Islam (et maintenir sa popularité), le PVV a besoin que les Musulmans soient perçus, par l’ensemble de la population néerlandaise, comme des indésirables, voire des personnes dangereuses.

En tant qu’ancien chef du renseignement, le premier ministre Dick Schoof savait très bien la réputation des partisans du club Maccabi de Tel-Aviv; ceux-ci sèment le grabuge partout où ils passent.

Non seulement s’en prennent-ils aux partisans des autres équipes en Israël, mais ils ont même agressé (avec des tessons de bouteille) des Israéliens qui protestaient contre les politiques du gouvernement de Benyamin Netanyahou. En somme, les ultras du Maccabi sont les ‘chemises brunes’ du premier ministre israélien.

En acceptant leur venue à Amsterdam, le gouvernement savait ce qui arriverait. Mais pas la mairesse.

Plutôt de gauche, celle-ci s’est naïvement informée auprès des autorités israéliennes quant aux mesures à prendre pour assurer la sécurité autour de l’évènement.

Elle s’est fait dire que les partisans du club Maccabi étaient généralement pacifiques. Ce qui est vrai.

Le partisan qui écoute les matchs à la télé dans son salon est pacifique. Ceux qui assistent aux matchs en Israël sont bruyants, mais généralement pacifiques.

Mais ceux qui sont prêts à dépenser des milliers de dollars pour encourager le club à l’Étranger — en supposant que leur voyage n’était pas subventionné par papa Netanyahou — sont des fanatiques.

Ce sont des hommes. Des vrais. Des brutes gonflées de testostérone. Racistes et violents.

Convaincue que le danger ne viendrait pas d’eux, elle a ordonné à la police de la ville de se concentrer sur les manifestants pro-palestiniens.

Dans un clip vidéo anodin (mais révélateur), on voit un citoyen de la ville qui fait son égoportrait avec, derrière lui, des partisans du club Maccabi sur la place du Dam.

Pendant qu’il leur fait dos, un Israélien l’entarte sournoisement par-derrière. Au lieu d’arrêter l’entarteur, la police a choisi d’arrêter l’entarté qui, évidemment, est devenu agité à la suite de l’agression mineure dont il a été victime.

Plus tôt cette semaine, au parlement néerlandais, le gouvernement a évoqué la possibilité de retirer la citoyenneté néerlandaise aux manifestants pro-palestiniens d’origine marocaine (très spécifiquement) qui possèdent une double citoyenneté.

La loi permet déjà de le faire dans le cas des citoyens (Marocains ou non) qui commettent un attentat terroriste au pays. Le gouvernement veut étendre ce pouvoir à l’encontre de certains des Néerlandais qui protestent en faveur des Gazaouis.

En réaction à cette annonce, Nora Achahbar (née au Maroc) a présenté sa démission à titre de secrétaire d’État aux Finances. Sans l’appui de son parti (le NSC), le gouvernement actuel deviendrait minoritaire au parlement.

Reste à voir si l’ensemble de son parti suivra.

Références :
À Amsterdam, les appartements aussi sont halal
Élections législatives néerlandaises de 2023
Het multiculturele drama (en néerlandais)
Islam aux Pays-Bas
Les Pays-Bas en ébullition: des propos racistes poussent une secrétaire d’État à démissionner
Mayoress’ Report
Religion aux Pays-Bas
Theo van Gogh (réalisateur)
Un hôpital islamique aux Pays-Bas

Complément de lecture : Le mandat d’arrêt contre Nétanyahou, source de discorde au sein de la coalition néerlandaise (2024-11-24)

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Écrit par Jean-Pierre Martel