Introduction
En novembre 2024, la firme de sondage Gallup publiait les résultats d’une consultation populaire selon laquelle une faible majorité d’Ukrainiens (57 %, après répartition des indécis) étaient favorables à une paix obtenue dans les plus brefs délais. Et ce, même au prix de concessions territoriales à la Russie.
Toutefois, en juin 2025, l’Institut international de sociologie de Kyiv (IISK) rendait public un sondage qui, à l’inverse, indiquait que le refus catégorique de céder des territoires actuellement conquis par la Russie était majoritaire à 58 % (après répartition des indécis) au sein de la population ukrainienne.
Mais voilà qu’un nouveau sondage Gallup relance la controverse; l’appui à une paix négociée dans les plus brefs délais serait passé de 57 % en octobre 2024 à 74 % en juillet 2025 (après répartition des indécis).
Analyse du sondage Gallup
Le graphique ci-dessus représente l’évolution de l’appui des Ukrainiens à une paix négociée de 2022 à aujourd’hui. Ce qui est frappant, c’est sa symétrie; sa moitié gauche est presque l’image inversée de sa moitié droite.
La contre-offensive ukrainienne de l’été 2023, annoncée longtemps d’avance, avait suscité beaucoup d’espoir. Mais son échec semble avoir été le point de bascule de la confiance des Ukrainiens en une victoire de leur pays contre la Russie.
À chacun des mois de 2024, la Russie a gagné plus de territoire ukrainien qu’elle en a perdu. Le cumul des gains russes pour 2024 est évalué à 3 200 km².
La suite presque ininterrompue de mauvaises nouvelles sur le front a finalement eu raison de l’optimisme de nombreux Ukrainiens, selon Gallup.
De plus, la victoire électorale de Donald Trump en novembre 2024 a coïncidé avec un changement de vocabulaire au sein des chancelleries occidentales. Jusqu’alors, jamais le mot ‘paix’ n’était prononcé.
Jusqu’alors, toute personne en Occident qui se disait favorable à une résolution diplomatique au confit russo-ukrainien était immédiatement qualifiée de ‘munichoise’, une allusion à ces dirigeants européens qui ont cru naïvement acheter la paix en consentant à l’invasion de la Tchécoslovaquie par Hitler.
Depuis l’élection de Trump, les mots ‘cessez-le-feu’ et ‘négociations’ sont apparus dans la bouche des dirigeants occidentaux.
Cette évolution se constate également en Ukraine. En juillet 2025, 69 % des répondants (ou 74 % après répartition des indécis) souhaitaient que des négociations de paix débutent dans les plus brefs délais.
Il est à noter que la formulation de la question posée cette année n’est pas identique à celle posée l’an dernier. En effet, en 2024, Gallup demandait l’appui à une paix négociée dans les plus brefs délais même au prix de concessions territoriales à la Russie. Alors que la question de cette année n’en fait pas mention, probablement parce que dans l’esprit des répondants, cela est implicite.
Depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991, la vie politique du pays a été caractérisée par une alternance de gouvernements qui étaient favorables à l’adhésion du pays à l’Otan et de ceux qui y étaient opposés.
C’est après l’indépendance de la Crimée et son rattachement à la Russie en 2014, l’Ukraine s’est définitivement engagée dans un processus d’adhésion à l’Otan. Au point d’inscrire cet objectif dans la constitution du pays.
Toutefois, au cours des douze derniers mois, l’optimisme a chuté quant à une adhésion à l’Otan à brève ou à moyenne échéance.
Il est à noter que cette question ne leur demande pas s’ils sont favorables à cette adhésion, mais seulement s’ils croient que cela se réalisera dans un avenir plus ou moins rapproché.
Le souhait de voir leur pays adhérer à l’Union européenne (UE) a toujours été majoritaire en Ukraine.
Si bien que cette idée fait consensus au sein la classe politique ukrainienne. Tous les gouvernements depuis l’indépendance — qu’ils aient été pro-russes ou pro-otaniens — ont partagé cette volonté commune de voir leur pays adhérer à l’UE.
En Occident, on ignore généralement que Vladimir Poutine lui-même ne s’y est jamais opposé.
C’est sans doute pourquoi l’espoir d’adhérer à l’UE se maintient en Ukraine en dépit de tout.
Le sondage de l’Institut international de sociologie de Kyiv (IISK)
Du 15 mai au 3 juin 2025, l’IISK a effectué un sondage téléphonique automatisé au cours duquel les participants répondaient en appuyant sur les touches de leur clavier.
Les personnes sollicitées habitaient toutes les régions de l’Ukraine à l’exception des territoires occupés par la Russie. Comme ce fut le cas pour le sondage Gallup.
En fonction du nombre de répondants (environ 500 personnes), la marge d’erreur est inférieure à 5,8 %.
Au sujet de la possibilité de concessions territoriales dans le cadre d’une négociation de paix, 52 % des Ukrainiens s’y opposent (58 % après répartition des indécis).
Il est à noter qu’avec le temps, la formulation de cette question a varié. Quand la question précise que ces concessions territoriales seraient irréversibles — ce qui signifie l’abandon de toute idée de les reconquérir un jour — l’opposition aux concessions territoriales grimpe à 68 % (74 % après répartition des indécis).
Quant à la concession à la Russie d’oblasts dans leur entièreté alors que la Russie n’en a conquis qu’une partie, l’opposition atteint 78 % (85 % après répartition des indécis).
Alors que Gallup affirme que le consentement à des pertes territoriales est majoritaire dans toutes les régions du pays, les résultats de l’IISK indiquent plutôt que les Ukrainiens ukrainophones de l’Est du pays s’opposent catégoriquement à ce que leur oblast devienne russe.
Ce qui est tout à fait plausible et contribue donc à la crédibilité des résultats de l’IISK.
Conclusion
En temps de guerre, exprimer sa foi en la victoire finale du pays peut révéler son degré de patriotisme.
Voilà pourquoi, sur un sujet aussi clivant que l’issue de la guerre, tout sondage doit révéler le pourcentage des gens qui ont refusé de répondre puisque cela est un indice de la confiance qu’ils accordaient en l’impartialité des sondeurs.
Malheureusement, ni Gallup ni l’IISK n’ont révélé le nombre de personnes qui ont refusé de participer à cette consultation (en raccrochant, tout simplement, dans le cas du sondage automatisé de l’IISK).
Cette omission est regrettable.
À défaut de pouvoir trancher entre leurs résultats, on peut néanmoins affirmer que le pourcentage des Ukrainiens qui souhaitent la paix dans les plus brefs délais, même au prix de concessions territoriales à la Russie, est compris entre 42 % (IISK) et 74 % (Gallup).
Références :
Dynamics of readiness for territorial concessions and impact of interpreting ‘Territorial concessions’
Half of Ukrainians Want Quick, Negotiated End to War
Contre-offensive ukrainienne de 2023
La Russie a conquis 3 200 km² de territoire ukrainien en 2024, mais le rythme de sa progression a ralenti en décembre
Les Ukrainiens et la paix
Relations entre l’OTAN et l’Ukraine
Ukrainian Support for War Effort Collapses
Paru depuis : Putin says Russia doesn’t oppose Ukraine joining the EU (2025-09-02)
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Et vous cher ami que répondriez-vous?
Moi? J’hésite
Dans un couple, ce n’est pas au mari de décider si son épouse peut divorcer.
Dans ce cas-ci, c’est aux peuples qui habitent dans les oblasts orientaux d’Ukraine de décider s’ils préfèrent que leur coin du monde demeure ukrainien ou deviennent des républiques de la Fédération de Russie.
Or il s’adonne que les territoires ukrainiens conquis par la Russie sont des territoires où les habitants russophones, majoritaires, ne veulent plus être citoyens ukrainiens, après des années de guerre civile (de 2014 à 2022) qui ont été des années d’épuration ethnique dirigée contre eux.
Parce que suis un démocrate, ce qui, à mes yeux, doit primer c’est la volonté de ces gens et non la mienne.
Bonjour Jean-Pierre,
Qui peut se permettre de prendre la moindre décision dans un canot balloté par une tempête, ou même à réfléchir sereinement sur quelque question que se soit, (sauf celle de s’agripper fermement parfaitement au centre du canot) ?
Les Ukrainiens ont un revolver russe pointé entre les deux yeux.
Qui, raisonnablement, peut exiger d’eux une décision démocratique en toute sérénité.
La démocratie normale, même pas encore idéale, exige la sérénité et quiétude populaires et gouvernementales pour toute décision optimale.
Ainsi, ces sondages pour ou contre la paix immédiate, avec ou sans gains ou perte de territoires, sont nuls et non avenus comme base ou justification à toute décision.
Devant un agresseur si évident, dénoncé le 2 mars 2022 par un vote à l’ONU par 141 États, il ne faut envisager qu’une solution : sa défaite par les armes sur le sol ukrainien.
Tu veux la paix dans le déshonneur et le mauvais calcul pour sauver la paix. À terme, tu auras la guerre et un double déshonneur (pusillanimité et mauvais jugement).
Le texte que je viens de publier est un texte censuré par Radio-Canada.
On peut être d’accord ou non avec ce texte. Mais dites-moi, monsieur Légaré, en quoi est-ce si important que l’opinion que j’y exprime soit muselée à Radio-Canada ?
De manière plus générale, combien d’informations vous sont cachés, monsieur Légaré, par la nos médias — et surtout par les agences de presse qui les alimentent de nouvelles internationales — afin de fausser notre jugement au sujet de la guerre russo-ukrainienne ?
Je parie que dans le texte L’engrenage ukrainien, il y a plein de choses dont vous n’avez jamais entendu parler et qui, pourtant, s’appuient sur les références au bas du texte.
Cette censure occidentale, on la retrouve même dans les rapports des observateurs étrangers, censurés à la demande de Kyiv. Comme le prouve le témoignage vidéo de cet observateur de l’OSCE.
D’où la question : pourquoi le sort de l’Ukraine serait-il décidé par des gens qui ne savent presque rien de ce qui s’y passe plutôt que par les gens qui y vivent et qui savent de quoi ils parlent ?
Tous les peuples qui capitulent le font ‘le révolver sur la tempe’. Ce qui n’empêche pas qu’ils sont les seuls qui doivent décider de leur sort.