Un tribunal finlandais de première instance condamnait hier le Russe Vojislav Torden (né Ian Petrovski) pour des faits survenus en Ukraine le 5 septembre 2014, c’est-à-dire il a plus d’une décennie.
Ce qui a attiré mon attention, ce sont les titres des articles qui, unanimement, qualifient de ‘néonazis’ l’accusé, de même que la milice Roussitch qu’il dirigeait à l’époque.
En réalité, Roussitch fait partie des milices armées hypernationalistes — et non néonazies — qui servaient de supplétifs à l’armée russe. En Ukraine, ces milices ont commis des crimes de guerre. Comme tous les belligérants dans ce conflit.
Nationalisme russe vs néonazisme
La différence fondamentale entre le nationalisme russe et le néonazisme, c’est que le premier glorifie la Russie (de même que sa culture) et s’oppose aux pays qui la menacent, alors que le second est une idéologie haineuse à l’égard de ‘races’ ou de groupes ethniques.
Autrefois dans l’URSS et aujourd’hui dans la Fédération de Russie, la haine interethnique est une menace à la cohésion sociale. Voilà pourquoi elle y est combattue.
D’où le fait qu’à l’éclatement de l’URSS, une multitude de conflits ethniques (longtemps réprimés) ont éclaté en ex-Yougoslavie, en Ukraine et en Géorgie.
La diabolisation du néonazisme en Russie
Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, entre 22 et 27 millions de Russes ont perdu la vie, soit entre treize et seize pour cent de la population du pays.
Depuis ce temps, le nazisme est diabolisé en Russie. Et toute personne qui se réclamerait de cette idéologie y serait aussitôt considérée comme un traitre et arrêtée.
Le contexte ukrainien en 2014
Le 23 février 2014, le parlement ukrainien annonçait son intention de retirer au russe son statut de langue officielle dans les régions du pays où les Ukrainiens russophones étaient majoritaires.
Si le gouvernement canadien avait le pouvoir de retirer au français son statut de langue officielle au Québec, il provoquerait l’indépendance du Québec.
Pour écraser la révolte dans l’Est de l’Ukraine, Kyiv a secrètement payé des milices néonazies œuvrant dans l’ouest de l’Ukraine pour qu’elles viennent massacrer les insurgés russophones à l’autre extrémité du pays.
Voilà pourquoi, entre 2014 et 2022, cette guerre civile a fait entre quatorze et seize-mille morts, très majoritairement parmi la population russophone de l’Est du pays.
L’accusation contre Vojislav Torden
Le 5 septembre 2014, la milice Roussitch a pris en embuscade un convoi transportant des soldats du bataillon néonazi Aïdar, incorporé dans les forces de défense ukrainienne.
À cette occasion, vingt-deux miliciens sont morts et quatre ont été blessés.
Vojislav Torden a été condamné hier pour avoir exécuté un des prisonniers, fait mutiler un autre (mort depuis de ses blessures), et fait publier sur les médias sociaux des photos sur lesquelles ses miliciens posaient fièrement devant le cadavre d’un de leurs prisonniers (ce qui est interdit par la Convention de Genève).
Une compétence extraterritoriale ?
En Droit international, seule la Cour pénale internationale (située à La Haye, aux Pays-Bas) a autorité pour juger les personnes responsables de crimes de guerre.
Dans ce cas-ci, les crimes de Vojislav Torden n’ont pas été commis en Finlande, l’accusé n’est pas Finlandais, et ses victimes ne le sont pas non plus.
Si ce jugement est présenté contre une grande victoire contre l’impunité des criminels de guerre, c’est surtout un précédent en vertu duquel le système judiciaire de n’importe quel pays peut prétendre à l’extraterritorialité de la compétence de ses tribunaux.
Conclusion
Pour justifier la présence avérée de milices néonazies en Ukraine, la propagande occidentale essaie depuis plus de dix ans de nous faire croire que le néonazisme existerait aussi en Russie.
Le message implicite est le suivant : pourquoi la Russie se plaint-elle de la présence de milices néonazies en Ukraine quand elle-même les tolère sur son propre territoire ?
Ce qui étonne, c’est l’unanimité de la presse occidentale — notamment les grands quotidiens alimentés par l’Agence France-Presse (AFP) — à répéter le mensonge grossier qui consiste à confonde le nationalisme russe à du néonazisme alors que les deux sont complètement différents.
Références :
Alexeï Miltchakov
Droit international et géopolitique (première partie)
En Ukraine, la milice russe néo-nazie Rusich encourage la torture des prisonniers ukrainiens
Finlande : un néonazi russe condamné à la pérpétuité pour des crimes de guerre en Ukraine
Guerre en Ukraine : Qui est ce néonazi russe condamné en Finlande pour crimes de guerre ?
Guerre en Ukraine : un néonazi russe condamné à perpétuité, « une étape-clé dans la lutte contre l’impunité »
Groupe Roussitch
Un néonazi russe condamné à la pérpétuité en Finlande pour des crimes de guerre en Ukraine
La condamnation d’un néonazi russe en Finlande pour des crimes de guerre commis en Ukraine, un procès qui pourrait faire jurisprudence
La nostalgie nazie en Ukraine
Pertes humaines pendant la Seconde Guerre mondiale
Russian Neo-Nazi Leader Receives Life Sentence in Finland for War Crimes in Ukraine
Ukraine : la Finlande soupçonne un néonazi russe de crime de guerre en 2014
Ukraine : l’histoire secrète de la révolution de Maïdan
Un néonazi russe condamné à la pérpétuité en Finlande pour des crimes de guerre en Ukraine (L’Express)
Un néonazi russe condamné à la pérpétuité en Finlande pour des crimes de guerre en Ukraine (TV5 Monde)
Un paramilitaire néonazi russe condamné à la perpétuité en Finlande pour des crimes de guerre en Ukraine
24e bataillon d’assaut « Aidar »
Complément de lecture : La corruption de la presse occidentale par Washington
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Entre un « ultra nationaliste » et un « néo-fasciste » ou un « néo-nazi », des différences subtiles certes peuvent exister. Mais nullement sur le fond et sur les moyens violents employés.
Les moyens violents, non les chambres à gaz typiques des seuls nazis, mais de l’intimidation, l’injure, la bousculade, l’outrance verbale, les abus du drapeau, la xénophobie systématique, les bagarres avec la police, l’antisémitisme assez souvent, le refus de LBGTQ et des slogans grossiers et des explications fautives, et même des fake news martelées.
Il faut rajouter aussi l’absence d’affirmation claire et nette du respect des droits et libertés, de l’affirmation de l’égalité homme/femme, des droits et de la protection des minorités.
Bref, toutes les pourritures ne sentent pas toujours exactement la même odeur. Mais qui voudrait en manger ?