Les collabos du colonialisme canadian (2e partie) : l’ensemble des députés libéraux à Ottawa

Publié le 15 mai 2024 | Temps de lecture : 11 minutes

L’adoption de la constitution de 1982

À la suite d’une séance ultime de négociation tenue secrètement en l’absence du Québec, les provinces anglophones du Canada et le gouvernement canadien ont adopté une nouvelle constitution, entrée en vigueur en 1982.

On verrait mal la Grande-Bretagne se doter d’une constitution sans l’assentiment de l’Écosse, du pays de Galles ou de l’Ulster. Mais la députation québécoise à Ottawa — composée à l’époque de 74 députés libéraux et d’un seul député conservateur — n’ont pas vu de problème à changer la loi fondamentale du pays sans l’assentiment du Québec.

Rien n’est plus révélateur du statut colonial du Québec au sein du Canada que l’adoption de cette constitution par l’ethnie dominante du pays. Tout comme n’importe quelle métropole n’hésite pas à imposer sa volonté à ses colonies.

Mais pourquoi Ottawa a-t-il soudainement senti la nécessité d’adopter une nouvelle constitution alors que, jusque-là, celle de 1867 semblait convenir ?

C’est qu’en 1977, le parlement québécois adoptait la Loi 101. Or celle-ci introduisait une nouvelle notion juridique, celle des droits collectifs, plus précisément ceux nécessaires à la protection du français au Québec.

D’où l’urgence, pour Ottawa, d’adopter une constitution qui, au contraire, proclamerait la suprématie absolue des droits individuels, dont celui de s’assimiler au groupe ethnique de son choix.

Pour défendre la légitimité de cette camisole de force constitutionnelle, Ottawa s’est servi des députés fédéraux du Québec comme caution morale.

Puisque 74 députés du Parti libéral du Canada (PLC) couvraient la presque totalité du territoire québécois, Ottawa estimait que ceux-ci étaient aussi représentatifs de la volonté populaire que les députés de l’Assemblée nationale du Québec puisque la population québécoise avait à la fois voté pour les uns et les autres.

En réalité, le parlementarisme d’inspiration britannique soumet les députés à la discipline du parti. Cette discipline s’exerce en privant le député dissident de la rémunération rattachée à la représentation de son parti sur les comités du parlement.

Or à Ottawa, les députés libéraux du Québec sont toujours minoritaires au sein de leur formation politique. Quand vient le temps de défendre les intérêts du Québec, ils le peuvent seulement dans la mesure où leurs collègues anglophones, majoritaires, y consentent.

Ce qui signifie que lorsque le Parti libéral du Canada est au pouvoir, ses députés québécois sont condamnés à défendre ses politiques, même si cela les oblige à trahir les intérêts du Québec.

Ce fut le cas en 1982.

La nouvelle loi sur les langues officielles

De 2006 à 2016, l’usage du français a reculé parmi les 185 500 travailleurs québécois qui œuvrent dans les 3 210 entreprises privées de compétence fédérale établies au Québec.

Au cours de cette période, alors que l’usage du français reculait légèrement dans l’ensemble du marché du travail au Québec (passant de 82,9 % à 80,7 %), ce recul a été beaucoup plus accentué au sein des entreprises de compétence fédérale, chutant de 77,9 % à 71,9 % en une décennie.

Ce recul a été particulièrement marqué dans les secteurs des télécommunications, de la défense, et du transport ferroviaire.

Pour contrer ce déclin, l’Assemblée nationale du Québec a adopté en mars 2021 la loi 96. Parmi ses dispositions, l’une d’elles assujettit les entreprises privées de compétence fédérale à la Loi 101.

Aussitôt, Ottawa a été saisi de l’urgence de moderniser sa propre loi sur les langues officielles. Cette modernisation a pris la forme de la loi C-13, adoptée par le parlement canadien en juin 2023.

Au sujet de la langue de travail, la loi fédérale laisse aux entreprises privées de compétence fédérale le choix de se soumettre soit à la loi C-13 fédérale ou soit à la loi 96 québécoise.

Au niveau des principes régissant la langue de travail, l’une et l’autre sont assez semblables.

La différence fondamentale est dans l’application concrète de la loi.

Au sujet des entreprises privées soumises à son autorité, le fédéral fonctionne sur le principe de l’auto-règlementation; Ottawa exige seulement que les entreprises se dotent de procédures vertueuses et compte sur elles pour les mettrent en application.

C’est ce qui fait que le transporteur ferroviaire MMA, par exemple, a pu opérer de manière très dangereuse pendant des années sans être inquiété par le fédéral, jusqu’à la catastrophe de Lac-Mégantic, conséquence inévitable du laisser-faire d’Ottawa.

Pour revenir au respect du français par une entreprise de compétence fédérale, lorsque celle-ci sera l’objet d’une plainte — du public au sujet de la langue de service ou d’un employé quant à la langue de travail — cette plainte subira un sort bien différent selon que cette plainte sera adressée à Ottawa ou à Québec.

Au sein de la fonction publique québécoise, tous les fonctionnaires parlent français, qu’ils soient francoQuébécois ou angloQuébécois. Dans la fonction publique fédérale, il en est autrement.

La fonction publique fédérale

Avec ses 357 000 fonctionnaires, le gouvernement canadien est, de loin, le principal employeur du pays.

Les fonctionnaires fédéraux se répartissent en deux groupes; ceux qui travaillent dans la capitale nationale (42,6 %) et ceux qui travaillent dans les postes satellites répartis un peu partout sur le territoire canadien.

Dans les postes satellites (ou régionaux)

Ceux qui travaillent dans les postes satellites sont ceux à qui le public s’adresse, par exemple, lorsqu’il appelle ou écrit au ministère fédéral du Revenu ou au ministère de l’Immigration.

Dans d’autres cas, ces fonctionnaires n’ont pas de contact avec le public.

Les postes satellites du Québec sont bilingues au sens où toute personne qui recourt à leurs services sera servie dans la langue officielle de son choix.

Dans les bureaux québécois, les employés se répartissent en trois groupes ethniques; on y rencontre des Francophones bilingues, des Anglophones bilingues et des Anglophones unilingues.

On n’y embauche jamais de Francophones unilingues (soit la moitié de la population du Québec) puisque les fonctionnaires qui y travaillent prennent rarement des décisions importantes; leur rôle est d’étoffer en anglais les dossiers qui seront transmis à Ottawa pour décision.

Dans une cause où un fonctionnaire francophone s’était plaint de n’avoir jamais pu travailler en français, le tribunal a reconnu que la prime au bilinguisme que le fédéral accorde à ses fonctionnaires francophones bilingues correspond en réalité à une somme qui leur est allouée pour la renonciation à leur droit de travailler en français.

Dans la capitale nationale

À Ottawa, les principaux groupes ethniques sont, en ordre décroissant : les Anglophones unilingues, des Francophones bilingues et des Anglophones bilingues.

Les Anglophones unilingues y sont majoritaires pour une raison très simple; le fédéral puise ses effectifs dans la population du pays, majoritairement unilingue anglaise. Autrement, il exercerait une discrimination à l’embauche à l’égard de sa propre population.

Parmi les groupes minoritaires, les Francophones bilingues sont plus nombreux que les Anglophones bilingues parce que c’est également le cas au sein de la population canadienne.

À chaque fonctionnaire francophone qui s’est présenté à la barre des témoins de la commission Rouleau — au sujet du ‘Convoi de la Liberté’ — les commissaires prenaient soin de préciser, dès le départ, que celui-ci était libre de s’exprimer dans sa langue. Pourtant tous ces fonctionnaires francophones ont témoigné en anglais.

Ils ont préféré l’anglais parce que c’est la langue qu’ils parlent habituellement au travail et conséquemment, c’est la langue dans laquelle ils sont le plus familiers pour parler de ce qu’ils font.

De manière générale, il est impossible de faire fonctionner une entreprise lorsqu’on met ensemble des travailleurs qui ne se comprennent pas. D’où la nécessité d’avoir une langue commune. Cette langue est l’anglais à Ottawa et c’est le français à Québec.

Au parlement canadien, on a beau mettre en évidence un conseil des ministres qui reflète la diversité culturelle du pays, dans les faits ceux-ci ne sont que l’interface ministérielle derrière laquelle se cache une machine étatique majoritairement unilingue anglaise et qui fonctionne essentiellement en anglais.

Les plaines relatives aux infractions à la nouvelle loi fédérale sur les langues officielles seront reçues par des fonctionnaires fédéraux, majoritairement unilingues anglais. Pouvez-vous imaginer leur zèle à sanctionner la ‘méchante’ compagnie qui fait travailler ses employés en anglais. What’s the problem ?

Conclusion

Dès que le gouvernement du Québec se dote de moyens législatifs destinés à assurer la pérennité du français au Québec, Ottawa s’empresse de changer la constitution ou d’adopter des lois afin de rendre les lois québécoises inopérantes.

Dans son désir de saboter les efforts du Québec, le gouvernement canadien — toujours dirigé dans ces moments-là par le Parti libéral — peut compter sur sa députation servile du Québec, liée par la ‘discipline du parti’.

En 2016, quand la députée libérale Mélanie Joly, à titre de ministre du Patrimoine canadien, déclare que le premier ministre John-A. Macdonald était un visionnaire qui ‘valorisait la diversité’ alors qu’il a mis en place les politiques génocidaires du Canada à l’égard des Autochtones, il est clair qu’elle ne pensait pas un traitre mot de ce qu’elle disait.

Mais c’est ce que ses fonctionnaires ont écrit pour elle. Alors, au risque de se couvrir de ridicule, elle a obéi. Parce qu’elle est payée pour ça.

La députée libérale Emmanuella Lambropoulos niait récemment le déclin du français au Québec. Quelques jours plus tard, elle en rajoutait en racontant cette histoire invraisemblable du refus d’un médecin de prodiguer des soins en anglais à une angloQuébécoise.

Au fédéral, quand des députés nient le déclin du français au Québec, comment se fait-il que les ‘négationnistes’ soient toujours des libéraux et jamais des députés d’autres formations politiques ?

C’est que les députés québécois du Parti libéral du Canada n’hésitent jamais à servir de façade aux attaques de l’État canadian contre les mesures que nous prenons pour défendre notre langue.

Ils sont les équivalents québécois des hommes de paille du maréchal Pétain au cours de la Deuxième Guerre mondiale.

« Nous serons toujours là pour défendre les droits des minorités » aime à répéter le premier ministre canadien. Depuis toujours, son parti feint d’ignorer que la plus importante minorité du pays, c’est le peuple francoQuébécois et non l’annexe québécoise de la majorité anglo-canadienne, sujette de tous les soins d’Ottawa…

Références :
Aperçu du fonctionnement interne de l’État canadien
Déclaration de la ministre Joly
109 000 fonctionnaires de plus sous Trudeau
Des entreprises à charte fédérale esquiveront la loi 96
Des libéraux fédéraux montent aux barricades pour les anglophones du Québec
Emmanuella Lambropoulos revient à la charge avec des propos controversés
GRC : de hauts gradés unilingues à des postes bilingues
Immigration Canada recrute des agents uniquement anglophones au Québec
La Commission Rouleau : là où le français relève de l’utopie
La façade ministérielle de l’État canadien
La faillite de la dérèglementation ferroviaire du gouvernement fédéral
Les fonctionnaires fédéraux mal à l’aise d’utiliser le français au bureau
Loi constitutionnelle de 1982
L’OQLF déjà prêt à imposer la loi 101 dans les entreprises de compétence fédérale
L’unilinguisme anglais à Immigration Canada
Le bilinguisme, « l’affaire des francophones » dans la fonction publique fédérale

Paru depuis : Rendre le Québec officiellement bilingue, une idée qui ne passe pas au BQ et au PCC (2024-05-31)

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2 commentaires à Les collabos du colonialisme canadian (2e partie) : l’ensemble des députés libéraux à Ottawa

  1. Jacques Cardinal dit :

    Wow ! C’est comme ça que ça se passe dans ce gros pays.

  2. André joyal dit :

    Comme la SJB l’a publié dans Le Devoir: 74 collabos

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