Droit international et géopolitique (deuxième partie)

Publié le 2 février 2024 | Temps de lecture : 9 minutes

Plan :
• 1re partie : Assises et instances
• 2e partie  : Impact du droit international (ce texte-ci)
• 3e partie  : L’exemple du droit à la légitime défense
• 4e partie  : Le droit à l’indépendance – Crimée vs Taïwan

À la Cour pénale internationale (CPI)

Lorsqu’un pays a été le théâtre d’une guerre civile, il est rare que ce pays ait envie de raviver de vieilles plaies en inculpant ceux qui l’ont perdue.

En effet, la réconciliation nationale passe plus souvent par le pardon que par la justice vengeresse.

Voilà pourquoi, dans le cas de chefs d’État, ceux-ci ne sont convoqués devant la CPI qu’après avoir perdu le pouvoir, et lorsque leurs successeurs ont choisi de profiter d’un mandat international pour se débarrasser d’eux.

Avant la création de la CPI, plusieurs tribunaux spécialisés avaient été mis sur pied. C’est ainsi que celui au sujet de la guerre en ex-Yougoslavie a condamné et fait emprisonner Slobodan Milosevic, président de ce pays jusqu’en 2000.

Toutefois, depuis la création de la CPI en 2002, ce tribunal a procédé à 36 accusations qui n’ont mené qu’à six condamnations, toutes contre des Africains.

En somme, depuis sa création, la CPI ne condamne que du menu fretin.

À la prison de Guantánano, quand les États-Unis ont décidé de violer la Convention contre la torture ni G.W. Bush ni Donald Rumsfeld n’ont été inculpés à titre de criminels de guerre parce qu’ils sont citoyens d’un pays qui n’a pas ratifié le Statut de Rome.

En juin 2020, Donald Trump a menacé de sanctions économiques et d’interdiction de séjour tous les juges et les procureurs de la CPI si cette cour osait intenter un procès contre un citoyen américain.

Trois mois plus tard, la procureure de la CPI et l’un de ses subordonnés ont été inscrits sur une liste noire américaine bloquant leurs avoirs et leur interdisant l’entrée sur le territoire américain (sauf pour New York qui dispose d’un statut spécial en raison de la présence des Nations Unies dans cette ville).

L’Ukraine a ratifié le Statut de Rome. Ce qui signifie que même si la Russie ne l’a pas fait, les gestes posés par l’armée russe en Ukraine relèvent de l’autorité de la CPI.

Malgré un mandat d’arrêt émis en mars 2023 par la CPI contre Vladimir Poutine, ce dernier n’a pas été arrêté dans son pays parce que, pour ce faire, il aurait fallu sa collaboration.

D’autre part, il n’a pas été arrêté non plus lors de son voyage au Moyen-Orient en décembre 2023 parce qu’il n’a mis les pieds que dans des pays qui ne reconnaissent pas l’autorité de la CPI.

De plus, son avion était escorté par quatre bombardiers Su-35 afin d’éviter qu’il soit intercepté et détourné par l’Otan.

À la Cour internationale de justice (CIJ)

En 1984, le Nicaragua porta plainte devant la CIJ, accusant les États-Unis de violer le droit international en y soutenant financièrement des terroristes (les Contras) qui cherchaient à s’emparer du pouvoir.

Le Nicaragua eut gain de cause. Mais les États-Unis refusèrent de respecter la décision de la CIJ.

En 1998, les pays de l’Otan décidèrent d’attaquer le Kosovo en violation du droit international.

De 2001 à 2012, environ 750 personnes (dont une soixantaine de mineurs) furent détenues à la prison de Guantánamo. Les États-Unis y pratiquèrent la torture, en violation de la Convention internationale contre la torture, un traité que ce pays avait pourtant ratifié en 1994.

En 2004, la CIJ a eu à se prononcer sur la légalité de l’édification d’un mur entre Israël et la Cisjordanie. Le long de ses 700 km, ce mur empiète à 80 % dans le territoire cisjordanien. Et ce, afin d’englober des colonies juives (ce qui n’est pas le cas du mur qui encercle la bande de Gaza).

Dans le cas du mur en Cisjordanie, la CIJ en est venue à la conclusion que la construction du mur, en raison de son tracé, était contraire au droit international.

Ce qui n’a pas empêché Israël d’ignorer ce jugement et de poursuivre la construction de ce mur pendant plus d’une décennie sans en modifier substantiellement le tracé prévu, sinon pour englober de nouvelles colonies israéliennes.

En 2011, l’Onu autorisa une opération internationale destinée à protéger la population de la Libye contre les belligérants qui s’affrontaient dans ce pays.

Toutefois, les pays de l’Otan violèrent l’article 13 de la résolution habilitante de l’Onu. Cet article imposait un embargo sur les armes destinées aux belligérants.

Une fois le régime de Mouammar Kadhafi renversé, les armes fournies illégalement par l’Occident se retrouvèrent aux mains des terroristes qui, depuis, mettent le Sahel à feu et à sang.

À partir de 2014, une coalition menée par les États-Unis procéda à plus de dix-mille frappes en Syrie sans résolution habilitante de l’Onu.

En 2022, la Russie envahit l’Ukraine sans y avoir été autorisée par l’Onu.

Depuis 1948, le conflit israélo-palestinien est en cours au Proche-Orient. Ce conflit est marqué par la violation systématique du droit international.

Au cours de l’épisode actuel de la guerre israélo-palestinienne, la CIJ est limitée dans son pouvoir d’enquête puisqu’Israël interdit aux procureurs de la CIJ d’entrer en Israël et en Palestine.

Quant à la guerre dans la bande de Gaza, jusqu’ici 83 journalistes et artisans des médias y ont été tués. Vingt-cinq autres ont été emprisonnés.

Ce n’est pas pour rien que l’armée israélienne a systématiquement assassiné les journalistes qui y œuvraient; c’est pour les empêcher de documenter comment elle y a guerroyé.

L’exemple de la guerre d’Irak

Lorsqu’un pays viole ce droit ‘facultatif’, il court un risque; celui qu’un pays beaucoup plus puissant saisisse le prétexte de cette violation pour faire adopter par l’Onu une résolution qui l’autorise à utiliser la force contre le pays contrevenant.

Après l’invasion illégale du Koweït et son annexion par l’Irak, l’Onu adressa à ce dernier un ultimatum que le président irakien décida d’ignorer.

En réponse, l’Onu adopta en 1990 la résolution 678 qui autorisait les États membres à intervenir militairement en Irak. Ce qui mena à la guerre du Golfe.

Mais qu’arrive-t-il quand l’Assemblée générale de l’Onu refuse d’autoriser une guerre punitive ?

Pour répondre à cette question, prenons le cas de la guerre en Irak.

En 2003, Washington aurait préféré obtenir de l’Onu une résolution habilitante pour justifier son invasion de ce pays.

Mais après l’échec du secrétaire américain à la Défense (Colin Powell) à convaincre les pays membres de l’Onu que ce pays possédait des armes de destruction massive, les États-Unis ont fait à leur tête; ils ont envahi illégalement l’Irak… pour finalement avouer qu’ils étaient incapables de trouver les armes de destruction massive qui justifiaient leur invasion.

Selon Wikipédia, cette guerre aurait fait entre cent-mille et deux-millions de morts.

En réalité, celle-ci n’était qu’un prétexte visant à renverser le régime de Saddam Hussain et ainsi permettre au pétrole irakien (jusque-là sous embargo) de couler librement sur les marchés internationaux afin d’en réduire le prix.

La portée limitée du droit international

Dans l’état normal des choses, le fort impose sa volonté au faible.

Toutefois, ce qui empêche un pays de sombrer dans le chaos et l’anarchie, c’est que l’État dispose de quatre moyens répressifs; la police, les tribunaux, les prisons et, dans le cas d’un pays, l’armée.

Grâce à ces moyens répressifs, l’État devient le plus fort de tous et conséquemment, impose sa volonté à l’ensemble de sa population.

À la différence de nos gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral, aucune instance supranationale ne possède de moyen répressif destiné à faire respecter sa volonté.

Sur la scène internationale, le seul organisme dont l’autorité est généralement reconnue, c’est l’Onu. Mais cette autorité est essentiellement morale.

L’Onu adopte une multitude de résolutions, mais dispose de très peu de moyens pour les faire respecter. Tout au plus, dans le cas de petits pays — surtout en Afrique — dispose-t-elle de soldats (les Casques bleus) que quelques pays mettent à sa disposition.

Ces Casques bleus ne sont utiles que pour séparer des belligérants qui aspirent à l’être. Dans ce sens, l’Onu peut abréger certains conflits.

De nos jours, l’Onu fait face à une critique récurrente; celle d’être impuissante à régler les conflits majeurs actuels (en Ukraine, en Palestine et au Congo, par exemple).

Essentiellement, cette impuissance découle de son incapacité à imposer sa volonté aux puissances qui choisissent de l’ignorer.

Dans les faits, la soumission au droit international est facultative; on le respecte lorsque cela fait son affaire et on le viole lorsqu’il ne convient plus.

Références :
Camp de Guantánamo
Cas Nicaragua contre États-Unis
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
Donald Trump menace de sanctions les magistrats de la Cour pénale internationale
Guantánamo : dix ans de honte
Guerre civile syrienne
Guerre d’Irak
Guerre du Kosovo
Intervention militaire de 2011 en Libye
Invasion du Koweït
Israël et ses alliés au mépris du droit des peuples
Journalist casualties in the Israel-Gaza war
La torture par les États-Unis : un crime de guerre impuni
US to deny visas for ICC members investigating alleged war crimes
Washington sanctionne Fatou Bensouda, la procureure de la Cour pénale internationale
Résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies
Société des Nations

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Premiers pas en infrarouge à l’aide d’un capteur Foveon

Publié le 2 février 2024 | Temps de lecture : 3 minutes

Particularités d’un capteur Foveon

Les appareils photographiques fabriqués par la compagnie Sigma sont uniques; ils sont dotés d’un capteur Foveon qu’aucun autre fabricant n’utilise.

Fondamentalement, un capteur n’est qu’un compteur de particules lumineuses (appelées photons).

Dans un appareil photo ordinaire, le capteur reçoit la lumière après que celle-ci ait traversé un filtre en damier dont chaque case ne laisse passer qu’une seule couleur primaire.

Du coup, le nombre de cellules du capteur est considérablement plus élevé que la résolution de l’image puisqu’il faut un minuscule carré de quatre cellules du capteur pour caractériser chaque pixel d’une photo numérique.

Dans un capteur Foveon, chaque cellule du capteur correspond à un pixel d’image. En effet, ce capteur est composé de trois couches superposées qui captent successivement chaque couleur primaire.

Puisque chacune de ses cellules fait le travail de quatre cellules d’un capteur ordinaire, les capteurs Foveon seraient quatre fois plus petits (ou auraient une résolution quatre fois plus grande) si leurs cellules avaient la même taille que les autres. Mais ce n’est pas le cas.

Le capteur Foveon en infrarouge

Les algorithmes créés pour reconstituer une photo couleur font en sorte qu’on obtient le même résultat, peu importe le capteur utilisé par l’appareil.

Toutefois, ces algorithmes n’ont pas été conçus pour la photographie infrarouge. Ce qui fait qu’une fois transformés en appareil à spectre complet, ceux de Sigma donnent des résultats différents.

Il y a trois jours, pour en avoir le cœur net, j’ai fait ma première sortie avec mon appareil Sigma DP1 infrarouge à spectre complet. Voici ce que cela a donné.

Sous chaque photo, on trouvera le post-traitement qu’elle a subi.

Les résultats

Hautes lumières -80, Blancs +36, Noirs +25
Blancs +25
Ombres +38, Noirs +29
Exposition -0,3, Ombres +38, Noirs +29
Exposition +0,4, Ombres +38, Noirs +29

En conclusion, les trois filtres qui coloraient en rose la végétation sur des photos prises à l’Olympus OM-D e-m5 la colorent en fuchsia sur un appareil Sigma DP1.

De plus, toutes les photos ont une légère teinte verdâtre généralisée, typique du capteur.

Détails techniques : Sigma DP1 infrarouge à spectre complet + filtre bleu B+W KB20 + filtre vert jaunâtre B+W 061 + filtre bleu 80C d’Hoya.
1re photo : 1/60 sec. — F/4,0 — ISO 100 — 16,6 mm
2e  photo : 1/80 sec. — F/4,0 — ISO 100 — 16,6 mm
3e  photo : 1/100 sec. — F/4,0 — ISO 100 — 16,6 mm
4e  photo : 1/40 sec. — F/4,0 — ISO 200 — 16,6 mm
5e  photo : 1/80 sec. — F/4,0 — ISO 100 — 16,6 mm

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