La nostalgie nazie en Ukraine

Publié le 26 septembre 2023 | Temps de lecture : 6 minutes

Introduction

Le 23 septembre dernier, en présence du président ukrainien Vlodymyr Zelensky, la Chambre des Communes a ovationné le Canadien d’origine ukrainienne Yaroslav Hunka, 98 ans, présenté par l’ex-président de la Chambre comme un héros qui s’est battu pour l’indépendance ukrainienne contre les Russes.

Contexte historique

Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, le Troisième Reich s’est attiré la sympathie de nombreux Ukrainiens en promettant l’indépendance de leur pays si jamais l’Allemagne devait triompher de la Russie.

La campagne nazie de recrutement, menée durant l’hiver 1942-1943, rencontra un immense succès; près de 80 000 Ukrainiens se portèrent volontaires.

C’est ainsi que des milices composées de volontaires ukrainiens ont combattu la Russie. Rappelons qu’à l’époque, la Russie était l’allié du Canada dans cette guerre.

Ces milices étaient armées et entrainées par les SS. L’une d’elles est la Quatorzième division d’infanterie de la SS (galicienne No 1), surnommée Division SS Galicie.

Au procès de Nuremberg, cette unité a été pointée du doigt comme étant responsable de quelques-uns des pires massacres survenus au cours de la guerre.

Au moment où Yaroslav Hunka adhère à cette unité au printemps de 1943, il est âgé de 17 ou de 18 ans. La majorité des Juifs d’Europe centrale ont déjà été exterminés. Conséquemment, les massacres commis par son unité ont concerné essentiellement des populations civiles slaves, notamment en Pologne.

D’où le fait que la Pologne songe à demander l’extradition de Yaroslav Hunka afin de le juger pour crime de guerre.

De collabos à héros

De la fin de la Deuxième Guerre mondiale en 1945 jusqu’à l’indépendance de l’Ukraine en 1991, l’Union soviétique a considéré ces volontaires nazis comme des collabos et des traitres.

Mais depuis l’indépendance, l’Ukraine a revisité son histoire. Plus précisément, depuis la Révolution orange, ce pays a réévalué le statut de ces combattants de la première heure en faveur de l’indépendance nationale. Même si, pour ce faire, il leur a fallu combattre du côté des Allemands (sans nécessairement partager l’idéologie nazie).

C’est ainsi qu’en septembre 2020, la Cour suprême ukrainienne a statué que les symboles de la Division SS Galicie — dont son emblème, ci-contre — n’étaient pas liés au nazisme et ne pouvaient donc pas être interdits en Ukraine.

Pour la première fois en 2021, 300 personnes participèrent à une marche tenue à Kyiv (la capitale du pays) afin de célébrer le 78e anniversaire de la création de la Division SS Galicie.

Une marche similaire se tient depuis déjà plusieurs années dans la ville ukrainienne de Lviv (située à 70 km de la frontière polonaise).

La Brigade Azov

Afin de lutter contre les séparatistes russophones de l’Est du pays, le ministre ukrainien de l’Intérieur décide en 2014 de former des milices spéciales dont la plus importante deviendra la Brigade Azov.

Au départ, celle-ci est un bataillon paramilitaire composé de quelques dizaines de volontaires néonazis et ultranationalistes. En février 2023, ce bataillon (fort maintenant de 3 500 à 5 000 combattants) sera incorporé à l’armée ukrainienne.

Mais à l’époque où ce bataillon était indépendant de l’armée régulière, il opérait dans l’Est du pays.

Entre 2014 et 2020, la guerre civile au Donbass a fait plus de treize-mille morts, tant chez les Ukrainiens ukrainophones que chez les Ukrainiens russophones. Or la Brigade Azov a commis la grande majorité (si ce n’est pas la totalité) des exactions contre la population russophone d’Ukraine.

Conclusion

Il ne faut pas attacher plus d’importance qu’il en faut à l’accusation russe selon laquelle les Ukrainiens auraient des sympathies nazies.

La cause fondamentale de la guerre russo-ukrainienne est l’expansionnisme toxique de l’Otan.

En quelques mots, la Russie ne peut pas accepter d’être menacée d’ogives nucléaires américaines dans sa cour arrière (c’est-à-dire en Ukraine). Ce qui arrivera inévitablement après l’adhésion de ce pays à l’Otan.

Pas plus que les États-Unis ne pouvaient accepter que des missiles russes soient déployés à Cuba en 1962. Et pas plus qu’ils pouvaient tolérer que des armes de destruction massive soient prétendument détenues par l’Irak, à plus de dix-mille kilomètres de chez eux.

Ceci étant dit, la gaffe de l’ex-président de la Chambre des Communes est typique d’un pays dirigé par des personnes qui n’ont pas encore compris les ressorts véritables de cette guerre et qui, aveuglées par la propagande américaine, font involontairement l’apologie des personnes qui combattaient un allié du Canada au cours de la Deuxième Guerre mondiale, c’est-à-dire la Russie.

Références :
Brigade Azov
Comment des militaires d’une unité SS sont-ils arrivés au Canada ?
Crise des missiles de Cuba
FSWC Appalled by Standing Ovation in Parliament for Ukrainian Veteran Who Served in Nazi Military Unit
Guerre du Donbass
Hundreds in Ukraine attend marches celebrating Nazi SS soldiers
J’ai vu l’autre Ukraine, celle qui célèbre les SS et crimes nazis
La Shoah par balles
La Pologne veut faire extrader l’ex-soldat d’une unité nazie Yaroslav Hunka
L’épouvantail russe
Les malheurs de l’Ukraine
L’ex-combattant nazi ovationné au parlement n’est pas le seul à avoir refait sa vie ici en héros
L’expansionnisme toxique de l’Otan
Long-Distance Nationalism: Ukrainian Monuments and Historical Memory in Multicultural Canada
14e division SS (galicienne no 1)

Parus depuis :
Hunka un ex-SS : les Ukrainiens canadiens le savaient (2023-09-27)
La Russie poursuit pour génocide l’ex-soldat nazi applaudi au Parlement canadien (2023-10-20)
Ukraine war briefing: Washington clears Azov brigade for US weapons and training (2024-06-12)

Complément de lecture : À l’Onu, le Canada refuse de condamner le nazisme

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Écrit par Jean-Pierre Martel