Le masque et la ‘variolisation’ contre le Covid-19

Publié le 21 septembre 2020 | Temps de lecture : 6 minutes

Introduction

Née en Chine et propagée le long de la route de la soie, la variolisation est une technique médicale qui consiste à inoculer le virus de la variole à une personne saine à partir d’un échantillon de pus prélevé chez une personne faiblement atteinte.

Très risquée, cette technique a été remplacée par la vaccination (soit l’injection du virus mort ou de ses débris inoffensifs).

Les limites du masque

Les masques chirurgicaux ont été créés pour empêcher les gouttelettes respiratoires du chirurgien de tomber dans la plaie ouverte du patient opéré. Leur but n’a jamais été de protéger les gens en temps de pandémie virale.

Ces masques séquestrent les gouttelettes projetées vers l’avant sans affecter celles détournées vers les joues ou vers le haut du visage. Celles-ci sont aspirées par la pression négative qui règne dans la salle opératoire.

Hors du cadre hospitalier, le masque (chirurgical ou non) ne bloque pas toutes les gouttelettes respiratoires émises par le porteur et ne filtre pas toutes celles auxquelles il est exposé.

Inoculum et sévérité de la maladie

Inoculum est le nom donné au prélèvement destiné à être inoculé.

Chez le hamster doré, l’augmentation du nombre de copies du virus dans l’inoculum entraine une augmentation de la sévérité de l’infection par le Covid-19.

En d’autres mots, plus on administre de virus à l’animal, plus il tombe malade. À l’inverse, lorsque la dose est très faible, l’infection est anodine.

Le port du masque réduit la contagiosité des personnes atteintes et le nombre de particules virales inhalées par les porteurs sains.

D’où la question : est-il possible que le masque ‘variolise’ la population contre le Covid-19 et réduise ainsi la sévérité de la pandémie ?

Indices de variolisation

Le Centers for Disease Control and Prevention estime à environ 40 % le pourcentage de porteurs asymptomatiques au sein d’une population contaminée par le Covid-19.

En croisière sur le MS Zaandam

En mai dernier, à l’occasion d’une éclosion de Covid-19 sur un bateau de croisière argentin, on a immédiatement distribué des masques aux 217 passagers et membres de l’équipage. Puis on les a testés au cours des jours qui suivirent.

Sur les 128 personnes testées positives, 81 % demeurèrent asymptomatiques. On y déplora un seul mort.

À l’opposé, trois mois plus tôt, alors qu’on manquait de masques, sur les 712 personnes à bord du Diamond Princess, 703 développèrent les symptômes du Covid-19 et treize personnes en moururent.

À l’hôpital Riley d’Indianapolis

À la fin du mois de mars, 25 employés travaillaient à soigner les 13 patients admis à l’unité d’hémodialyse de l’hôpital pédiatrique Riley (en Indiana). Le port du masque y était obligatoire pour tous (employés comme patients).

Durant les trois semaines qui suivirent l’admission d’un patient atteint de Covid-19, 23 % des autres patients et 44 % du personnel développèrent des anticorps au virus sans qu’aucun d’entre eux ne soit symptomatique.

En Extrême-Orient

En comparaison avec les pays les plus riches d’Occident, les pays d’Extrême-Orient ont eu moins de décès par million d’habitants et une proportion moindre de décès parmi les gens atteints.

Ce qui suggère que dans les pays où le port du masque est généralisé, la contagion par le virus est non seulement moins répandue, mais également elle est moins sévère puisque moins de personnes atteintes en meurent.


Pourcentage des décès parmi les personnes atteintes
(Note : les décès et les cas sont exprimés par million d’habitants)

Pays Morts Cas Rapport
Allemagne 113 3 286 3,4 %
Canada 244 3 845 6,3 %
États-Unis 617 21 259 2,9 %
France 480 7 014 6,8 %
Grande-Bretagne 615 5 865 10,5 %
Italie 591 4 955 11,9 %
             
Chine 3,2 59 5,4 %
Corée du Sud 6,4 451 1,4 %
Hong Kong 13,7 671 2,0 %
Japon 11,8 626 1,9 %
Taïwan 0,3 21 1,4 %
Vietnam 0,4 11 3,6 %

Conclusion

Le port du masque est une des mesures les plus efficaces pour lutter contre le Covid-19.

En plus de réduire le nombre de citoyens atteints, il existe un nombre croissant d’indices qui suggèrent que la protection imparfaite du masque favorise l’apparition des formes bénignes de l’infection aux dépens de ses formes les plus sévères.

Il y cinq mois, nous écrivions :

Dans la majorité des cas, le Covid-19 colonise sournoisement les voies respiratoires supérieures avant de déclencher la fièvre et de se lancer à l’assaut des poumons pour y provoquer la toux.

Il est possible que l’incubation nasale du virus prenne davantage de temps lorsque l’inoculum ne contient qu’une petite quantité de particules virales.

Ce qui donnerait plus de temps au système immunitaire pour préparer la réplique de l’organisme et diminuer la sévérité de l’infection au point d’être, dans bien des cas, asymptomatique.

Références :
Asymptomatic Seroconversion of Immunoglobulins
to SARS-CoV-2 in a Pediatric Dialysis Unit

COVID-19: in the footsteps of Ernest Shackleton
Facial Masking for Covid-19 — Potential for “Variolation” as We Await a Vaccine
Les mystères du Covid-19 (2e partie)
Masks do more than protect others during COVID-19: reducing the inoculum of SARS-CoV-2 to protect the wearer
Syrian hamsters as a small animal model for SARS-CoV-2 infection and countermeasure development
Variolisation

Paru depuis :
Infecter des gens volontairement pour le développement d’un vaccin, est-ce éthique? (2020-10-26)

Mise en garde du 25 septembre 2020 : Comme toute mesure imparfaite, le masque variolise accessoirement une partie des gens qui le portent contre la pandémie.

Toutefois, il serait imprudent de s’exposer au Covid-19 dans l’espoir de se ‘varioliser’ contre lui.

La variolisation est une mesure risquée qui peut s’avérer autant néfaste qu’utile. En d’autres mots, la variolisation sauvage peut autant tuer que sauver des vies.

C’est seulement par des études cliniques au cours desquelles on administrera une quantité croissante et standardisée de virus qu’on pourra déterminer la manière sécuritaire de varioliser une population.

Une étude à ce sujet est en cours en Grande-Bretagne. Ses résultats seront utiles aux pays pauvres qui n’auront pas les moyens de se procurer les grandes quantités de vaccins qui leur seraient nécessaires pour immuniser leur population toute entière contre la pandémie.

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Écrit par Jean-Pierre Martel