Les vaccins de Pfizer/BioNTech et de Moderna chez les femmes enceintes

Publié le 19 septembre 2021 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

Un certain nombre de femmes hésitent à se faire vacciner contre le Covid-19 craignant de ‘faire entrer du chimique dans leur corps’.

De plus, à l’époque où ces vaccins attendaient leur homologation officielle, l’autorisation spéciale accordée aux vaccins anticovids excluait, entre autres, la vaccination chez les femmes enceintes.

Ce qui laisse croire qu’il pourrait y avoir un risque théorique associé à la vaccination dans leur cas.

D’où la question : qu’en pense la science ?

Le Covid-19 et la femme enceinte

Une étude publiée le 11 aout dernier a porté sur 869 079 Américaines qui ont accouché entre le 1er mars 2020 et le 28 février 2021.

On nota des différences entre les 18 715 (2,2 %) femmes atteintes par Covid-19 et celles qui accouchaient sans être atteintes par la pandémie.

Une première différence n’était pas significative :
• césariennes : 32,5 % chez les infectées vs 32,3 % chez les autres.

Par contre, d’autres différences étaient significatives :
• naissances prématurées :16,4 % vs 11,5 %
• admissions aux soins intensifs : 5,2 % vs 0,9 %,
• intubations respiratoires ou ventilation assistée : 1,5 % vs 0,1 %,
• décès : 0,1 % vs moins de 0,01 %.

Une tragédie

En raison de la contagiosité fulgurante du variant Delta, on assiste actuellement à un phénomène autrefois extrêmement rare : l’hospitalisation de femmes enceintes non vaccinées, habituellement dans la trentaine.

Le mois dernier, six Albertaines non vaccinées ont été admises aux soins intensifs en raison de la sévérité de leur infection au Covid-19. L’une d’entre elles en est morte.

Au cours des cinq dernières semaines, huit femmes enceintes non vaccinées sont mortes de la pandémie au Mississippi.

Lorsqu’on retire le tube d’intubation d’un patient après sa mort, il est couvert de pus et de sang. Parce que le patient agonisant se noie dans son propre pus.

C’est comme ça, crument, qu’on meurt du Covid-19.

Quand une jeune femme enceinte meurt de la pandémie, cette femme était, moins de trois semaines plus tôt dans la fébrilité de vivre l’expérience la plus mystérieuse et la plus extraordinaire que permet la condition humaine; transmettre la vie.

Et la voilà, moins de trois semaines plus tard, gisant sur un lit d’hôpital et luttant en vain pendant des heures, en train de se noyer de l’intérieur. Elle qui ne verra jamais l’enfant qu’elle porte en elle depuis parfois des mois.

De toutes les morts, celle du Covid-19 est une des plus tragiques, particulièrement dans le cas d’une femme enceinte.

Les vaccins et la femme enceinte

Presque deux ans après le début de la pandémie, il n’y a pas grand-chose dans la littérature scientifique relativement aux effets bénéfiques des vaccins administrés au cours de la grossesse.

Pourquoi ? Parce que l’autorisation spéciale qui leur était accordée excluait expressément leur administration aux femmes enceintes.

L’étude officielle relative à l’utilisation du vaccin de Pfizer/BioNTech chez les femmes enceintes est en cours. Entamée le 16 février dernier, cette étude doit être terminée dans un mois.

Cette étude porte sur des femmes vaccinées entre la 24e et la 34e semaine de leur gestation. Ce qui veut dire que même lorsqu’on connaitra ses conclusions, ils ne s’appliqueront pas à l’administration d’un vaccin anticovid au cours du premier trimestre.

Les résultats préliminaires (non publiés) ont toutefois été soumis aux autorités règlementaires. Ceux-ci les ont jugés convaincants au point de recommander la vaccination aux femmes enceintes.

Cette recommandation s’appuie sur trois considérations.

Premièrement sur les risques démontrés de la pandémie au cours de la grossesse.

Deuxièmement, sur le fait que les fabricants ont déjà testé leurs vaccins chez l’animal gravide; ceux-ci s’y sont avérés parfaitement sécuritaires.

Et troisièmement, les vaccins contre la grippe — y compris les années où la pandémie grippale est causée par un coronavirus — sont recommandés aux femmes enceintes depuis des décennies.

Or les coronavirus grippaux et le virus du Covid-19 sont apparentés. Ils se fixent aux mêmes récepteurs. Et tout ce qui les distingue, c’est la virulence.

En raison de la longue expérience d’innocuité des vaccins antigrippaux — même chez les femmes enceintes — il est raisonnable de présumer qu’il en est de même des vaccins contre le Covid-19.

Le 17 juin dernier, le New England Journal of Medicine publiait une étude sur 3 958 participantes à un programme volontaire de déclaration d’effets secondaires liés aux vaccins administrés au cours de la grossesse.

On doit interpréter avec prudence ce genre d’étude puisqu’il n’existe aucun moyen de vérifier la véracité des réponses obtenues.

Les auteurs estiment que l’incidence d’effets secondaires de la vaccination à la fois sur le déroulement de la grossesse et sur son issue est semblable à l’incidence observée avant la pandémie.

Conclusion

Actuellement, il est prouvé que l’immunisation contre le Covid-19 réduit les risques d’accouchement prématuré.

De plus, il n’existe aucun indice suggérant que ces vaccins nuiraient à la fertilité des femmes.

D’autre part, il est prouvé qu’ils réduisent de manière très importante les risques de contracter la pandémie. Or celle-ci est particulièrement dangereuse au cours de la grossesse.

Voilà pourquoi la vaccination à l’aide des vaccins de Pfizer/BioNTech ou de Moderna est recommandée par l’Association américaine des obstétriciens et des gynécologues et par le Centers for Disease Control and Prevention (CDC).

Cette recommandation est valide à la fois pour les femmes enceintes et celles qui tentent de le devenir, de même que pour les femmes qui allaitent.

Dans ce dernier cas, chez les femmes vaccinées, le lait maternel contient des anticorps protecteurs contre le Covid-19.

En dépit du fait qu’on ignore dans quelle mesure cette protection antivirale est utile chez le nouveau-né, on s’entend pour dire que cela ne devrait pas nuire…

Bref, la mise au point rapide de vaccins aussi efficaces et aussi sécuritaires que le sont ceux de Pfizer/BioNTech et de Moderna tient du miracle. Compte tenu de ce signifie concrètement le décès par Covid-19, comment peut-on en courir le risque ?

Références :
Characteristics and Outcomes of Women With COVID-19 Giving Birth at US Academic Centers During the COVID-19 Pandemic
COVID-19 Vaccines While Pregnant or Breastfeeding
Mississippi health officials plea for vaccination after ‘significant’ number of COVID-19 fatalities in pregnant women
Preliminary Findings of mRNA Covid-19 Vaccine Safety in Pregnant Persons
Spike of unvaccinated pregnant women in COVID-19 ICUs concerning, says Calgary doctor
Study to Evaluate the Safety, Tolerability, and Immunogenicity of SARS CoV-2 RNA Vaccine Candidate (BNT162b2) Against COVID-19 in Healthy Pregnant Women 18 Years of Age and Older

Paru depuis :
Covid-19 Vaccination during Pregnancy and First-Trimester Miscarriage (2021-11-18)
Les femmes enceintes non-vaccinées courent des risques accrus (2022-01-07)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au Covid-19, veuillez cliquer sur ceci

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Covid-19 : justifier à postériori l’espacement des doses du vaccin de Pfizer

Publié le 18 février 2021 | Temps de lecture : 5 minutes

En raison de leurs difficultés d’approvisionnement, certains États américains ont décidé de reporter à six semaines l’administration de la deuxième dose des vaccins de Pfizer/BioNTech et de Moderna.

Un sondage d’opinion effectué par The New England Journal of Medicine révèle que 58 % des médecins désapprouvent cette décision et que seulement 41 % sont d’accord.

S’il avait été question d’espacer les doses de douze semaines (comme au Québec et non de six, comme dans ces États américains), on peut présumer que le pourcentage de la désapprobation médicale aurait été encore plus grand.

De plus, la décision de retarder de beaucoup l’administration de la deuxième dose est l’objet d’une poursuite judiciaire au Québec.

On ne doit donc pas se surprendre que la Santé du publique du Québec ait senti le besoin d’opérer une campagne de relations publiques pour ‘vendre’ sa décision arbitraire.

Plus tôt aujourd’hui, on apprenait dans La Presse qu’une nouvelle étude justifierait la décision de la Santé publique du Québec d’espacer de trois mois les deux doses du vaccin de Pfizer contre le Covid-19.

En réalité, il s’agit d’une courte lettre d’opinion parue dans The New England Journal of Medicine. Dans cette lettre, les deux signataires — dont le Dr Gaston De Serres, de la Santé publique du Québec — donnent leur avis sans apporter de faits nouveaux.

Sans parler d’une nouvelle étude, le quotidien Le Devoir rapporte aujourd’hui les propos tenus récemment par le même Dr De Serres lors d’un breffage technique.

À cette occasion, celui-ci déclarait :

Pour le moment, selon ce qu’on peut voir dans les données au Québec, il n’y a pas de grande urgence à donner la deuxième dose parce que cette première dose-là protège bien. Les données scientifiques sont très rassurantes.

De quelles données scientifiques parle-t-on ?

La semaine dernière, la Santé publique du Québec publiait des données préliminaires selon lesquelles une seule dose protège 80 % des travailleurs de la Santé vaccinés (d’où le titre du Devoir).


 
Dans le graphique ci-dessus, l’efficacité (la courbe en rouge) s’exprime selon l’échelle placée au côté gauche du graphique. Effectivement, on y voit que l’efficacité d’une seule dose de vaccin atteindrait 80 %.

Toutefois, l’incidence — le nombre de cas par dix-mille travailleurs — diminue à la fois chez ceux vaccinés (en vert) et chez ceux qui ne le sont pas (en bleu), passant de neuf cas par dix-mille personnes à environ un seul.

Quant à la diminution plus rapide de la contagion chez les vaccinés, rien n’indique ici que cette différence soit statistiquement significative.

En réalité, ce qu’on observe, c’est l’effet du confinement actuel; la contagion diminue au sein de la population québécoise, notamment chez les travailleurs de la Santé, qu’ils soient vaccinés ou non.

L’utilité de cette publication, c’est de révéler l’abyssal manque de rigueur scientifique des autorités sanitaires du Québec, justifiant leurs décisions à partir d’études tellement mal faites qu’elles seraient refusées par n’importe quelle revue scientifique digne de ce nom.

Ceci étant dit, il est possible que des études scientifiques justifient un jour la décision d’espacer de trois mois les deux doses du vaccin de Pfizer/BioNTech. Mais pour l’instant, cette décision québécoise ne repose sur aucune base scientifique.

Références :
Données préliminaires sur l’efficacité vaccinale et avis complémentaire sur la stratégie de vaccination contre la COVID-19 au Québec en contexte de pénurie
DLes vaccins contre la COVID-19 sont efficaces à 80% après la première dose, constate l’INSPQ
Safety and Efficacy of the BNT162b2 mRNA Covid-19 Vaccine
Une seule dose serait presque aussi efficace, selon une étude

Parus depuis :
Mourir en attendant sa deuxième dose (2021-05-25)
Pfizer vaccine second dose has ‘sweet spot’ after eight weeks, UK scientists say (2021-07-23)

Postscriptum du 21 février : Ce matin, sur les ondes de CNN, le Dr Anthony Faucy — une des plus grandes autorités mondiales au sujet du Covid-19 — s’opposait pour l’instant à l’espacement des deux doses du vaccin de Pfizer/BioNTech et ajoutait :
Lorsqu’on administre une dose du vaccin de Pfizer suivie d’une deuxième dose 21 jours plus tard, on obtient une efficacité de 94 ou 95 %. Or les taux d’anticorps sont dix fois plus grands après deux doses qu’après une seule. Cette différence est importante puisque c’est le ‘coussin’ qu’on aimera avoir pour combattre un variant contre lequel le vaccin offre moins de protection.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Covid-19 : la course au vaccin

Publié le 16 mars 2020 | Temps de lecture : 6 minutes

Introduction

Tous les jours, des milliers de bactéries tentent d’envahir notre corps, principalement par nos muqueuses. Dans l’immense majorité des cas, nos anticorps non spécifiques réussissent à les détruire et à nous protéger d’une infection.

Cela n’est pas vrai des virus; il suffit d’un nombre beaucoup plus faible de copies d’un virus pour que nous tombions malades.

Le virus Ebola est un exemple de ces virus extrêmement contagieux.

Après l’exposition à un virus, les seules manières d’éviter d’être infecté, c’est par le biais de la vaccination ou par une immunité spécifique acquise à la suite d’une exposition antérieure au même virus.

Sur la quarantaine de coronavirus connus, l’immense majorité d’entre eux sont incapables de se développer chez l’humain.

Sept le peuvent. Quatre font partie du groupe hétéroclite des virus responsables d’infections respiratoires bénignes; on estime que de 15 à 30 % des rhumes banals sont causés par un coronavirus.

Mais trois coronavirus peuvent causer de graves épidémies : le virus du SRAS, celui du SRMO et le tout dernier, le Covid-19.

La recherche d’un vaccin anti-SRAS

Commun chez la chauvesouris, le virus du SRAS s’est propagé à l’humain par le biais d’un carnivore qui a servi d’intermédiaire : la civette palmiste masquée.

Le SRAS a causé une pandémie en 2003.

Mais comme les virus ont un mécanisme de réplication grossier, il a muté tout en se propageant d’un humain à l’autre jusqu’au moment où il devenait inoffensif pour nous.

Voilà pourquoi on ne l’a plus revu depuis.

Et les compagnies pharmaceutiques qui avaient investi des sommes importantes pour mettre au point un vaccin contre lui ont abandonné leurs recherches quand elles ont réalisé que plus personne n’en avait besoin.

La recherche d’un vaccin anti-SRMO

Le virus du SRMO est plus récent. Il est apparu au Moyen-Orient en 2012. Il se propage à l’humain à partir du chameau.

Il aurait disparu depuis longtemps si on avait résolu d’abattre les bêtes qui en sont atteintes.

Conséquemment, il circule lentement dans cette partie du monde depuis sa découverte.

En raison de la richesse des pétromonarchies et leur absence d’infrastructure scientifique, certains laboratoires occidentaux travaillaient à la mise au point d’un vaccin anti-SRMO quand soudainement le Covid-19 est apparu.

La recherche d’un vaccin contre le Covid-19

Découvrir un vaccin contre un nouveau virus peut prendre des années. Pensez au SIDA; on attend toujours.

Les compagnies qui avaient trouvé des approches prometteuses contre le virus du SRMO ont toutes décidé de réorienter leurs recherches contre le Covid-19.

Leur longueur d’avance s’est soudainement réduite lorsque la Chine a pris tout le monde par surprise en publiant la séquence génétique du virus le 11 janvier dernier, soit seulement deux mois après la découverte des premiers cas d’infection humaine.

Ceux qui voient encore la Chine comme un pays arriéré qui ne fait que copier des brevets occidentaux doivent réaliser qu’en 2011, sur les 2 140 000 millions d’inventions dans le monde, 526 412 venaient de Chine, soit 24,6 % (en comparaison avec 23,5 % de provenance américaine).

En 2015, le nombre de brevets chinois était même supérieur au total des brevets américains, japonais, coréens et européens.

Grâce à la publication du génome, des virologues allemands produisaient le premier test de diagnostic une semaine plus tard.

Ces bonds en avant accélèrent la découverte d’un vaccin. Environ trente-cinq compagnies et institutions académiques se ruent présentement pour le découvrir. Prix Nobel garanti.

Les tests cliniques préliminaires débuteront le mois prochain.

Normalement, la mise au point d’un vaccin prendrait plus d’un an.

Mais au printemps 2018, Donald Trump a dissout l’unité chargée de la santé globale au National Security Council, et son équivalent au Department of Homeland Security.

De plus, l’amputation du financement des Centers for Disease Control and Prevention (réduisant leurs activités de détection de 80 %), la fin du programme USAID’s Predict (permettant de freiner la transmission des virus), et les 44 % d’Américains qui renoncent à consulter un médecin parce qu’ils n’en ont pas les moyens, sont autant de raisons qui incitent à anticiper une catastrophe sanitaire aux États-Unis.

À chaque saison de la grippe, 70 à 150 millions d’Américains l’attrapent. Avec un taux de mortalité de 3,6 % (36 fois plus que la grippe), l’épidémie de Covid-19 aux États-Unis pourrait faire plus de 2,5 millions de morts…

Dans son édition de dimanche, le quotidien allemand Die Welt rapporte que Donald Trump aurait offert un milliard de dollars à la pharmaceutique CureVac afin qu’elle ne distribue qu’aux États-Unis le vaccin anti-Covid-19 qu’elle finaliserait d’ici quelques mois (selon son site web).

Outré, le ministre allemand de l’Économie a déclaré ce matin que l’Allemagne n’est pas à vendre.

Un vaccin commercialisé à toute vitesse permettrait à Donald Trump de se présenter aux élections présidentielles en sauveur de la nation américaine.

Souhaitons-lui bonne chance et espérons que ce vaccin approuvé à la hâte pour servir ses intérêts ne soit pas un autre 737 MAX…

Références :
Aux Etats-Unis, la pénurie de tests pour le Covid-19 vire au scandale
Chine ou États-Unis, lequel est plus dangereux ?
Coronavirus
Coronavirus: anger in Germany at report Trump seeking exclusive vaccine deal
COVID-19 Germany: Country holds crisis talks after U.S. reportedly tries to poach vaccine
La bonne question
Trump déclare l’état d’urgence aux États-Unis
When will a coronavirus vaccine be ready?

Parus depuis :
Premier essai clinique d’un vaccin contre le coronavirus (2020-03-16)
COVID-19 : l’immunité « diminue assez rapidement », selon une étude (2020-10-27)

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au Covid-19, veuillez cliquer sur ceci

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Écrit par Jean-Pierre Martel