La secte

Publié le 24 novembre 2020 | Temps de lecture : 7 minutes

Introduction

Peut-on imaginer qu’environ 900 Américains se soient suicidés au cyanure le 18 novembre 1978 à la demande de leur maitre à penser ?

Avant les attentats du 11 septembre 2001, la tragédie du Temple du Peuple fut en effet la plus grande perte de civils américains en une seule occasion.

Ici même au Québec, de 1977 à 1989, Roch Thériault (alias Moïse) dirigea une secte de douze adultes qui consentirent à sa tyrannie.

Un enfant de trois ans décéda à la suite d’une circoncision bâclée. Une de ses épouses fut amputée à froid d’une main. Il émascula un de ses disciples pour le punir. Et il retira une partie de l’intestin d’une autre épouse (qui en mourut le lendemain).

L’Ordre du Temple solaire fut une autre secte qui fit en tout 74 victimes à l’occasion de plusieurs suicides collectifs en Suisse, en France et au Québec au milieu des années 1990.

La plus puissante et la plus dangereuse secte de toute l’histoire de l’Humanité a cours actuellement; c’est celle que Donald Trump a créée à partir du Parti républicain.

Cette secte compte des dizaines de millions de fidèles abonnés à ses prêches sur Twitter.

La colère d’un dieu déchu

Ce n’est jamais une bonne idée d’élire un sociopathe à la tête d’un État : c’est ce que les Américains sont en train de découvrir ces jours-ci.

Ce à quoi ils assistent, c’est à la contrariété de leur président sortant, un président qui vient de subir la plus humiliante défaite de sa vie; le peuple de son pays vient de le congédier de la Maison-Blanche après quatre ans d’un règne chaotique.

Comme beaucoup de dirigeants de secte, Donald Trump est un escroc. Un escroc qui ne peut souffrir le rejet. Ce qui lui rappelle le souvenir douloureux d’une mère qui ne s’est jamais attachée à ce bambin détestable, lâche et pleurnichard.

Depuis l’affront qu’il vient de subir, Donald Trump ne s’intéresse plus aux affaires de l’État. Il joue au golf, congédie les traitres et songe à une guerre à la hauteur de sa colère.

Les deux prochains mois seront donc parmi les plus dangereux non seulement pour le peuple américain, mais pour nous tous.

La carte du trumpisme

Aux dernières élections présidentielles, les 51,0 % des électeurs qui ont voté pour Biden peuplent les 477 comtés (essentiellement urbains) où se crée 71 % de la richesse du pays.

Par contre, les 47,1 % qui ont voté pour Trump habitent 2 497 comtés (principalement ruraux) qui en recueillent les miettes, soit 29 %.

La carte géographique du trumpisme suit la répartition des régions rurales dispersées un peu partout dans le pays.

Ces trumpiens se sentent dépossédés. Une dépossession lente et inexorable qui s’accompagne d’un sentiment d’impuissance.

Non seulement ces gens ont-ils des difficultés croissantes à joindre les deux bouts mais, symboliquement, ils croient également que leur pays est en train de tomber entre les mains de personnes qui ne sont pas de ‘vrais’ Américains.

Pour eux, les ‘vrais’ Américains, ce sont ces millions de parents qui, comme eux, travaillent fort, mais dont les revenus stagnent depuis des décennies.

Alors que d’autres — à la couleur de peau et à l’accent différents — mènent la belle vie, croient-ils, dans les riches régions côtières du pays.

Pour ces trumpistes peu fortunés, leur histoire personnelle se confond avec le sort de tout le pays.

De 2010 à 2019, il s’est créé seize-millions d’emplois aux États-Unis. Mais seulement 0,3 % de ces postes pouvaient être occupés par ceux qui, à 16 ans, avaient déjà quitté l’école. Or dans les régions pauvres de l’Amérique profonde, il n’est pas rare qu’on abandonne l’école pour aider la ferme familiale qui manque de main-d’œuvre.

De plus, il y a ces jeunes adultes qui sont revenus d’université avec un diplôme qui s’est avéré inutile dans le coin de pays ingrat où ils sont nés et où ils ont choisi d’habiter.

Ils acceptent donc des petits boulots qui leur assurent des revenus à peine supérieurs à ce dont ils ont besoin pour rembourser l’immense dette qu’ils ont contractée au cours de leurs études universitaires.

Ces gens-là sont les laissés-pour-compte des gouvernements qui, à Washington, signent des traités de libre-échange dont l’effet le plus visible est la délocalisation et la fermeture des entreprises situées dans leur coin de pays.

Ces gens fomentaient une colère depuis longtemps.

Le messie

Arrive Donald Trump. Celui-ci ajoute à l’électorat républicain conservateur et traditionnel, tous ces travailleurs Blancs négligés et abandonnés à qui il promet la prospérité et la fierté d’antan.

Ces gens ont tellement soif d’espoir qu’ils le croient sans hésiter.

L’acte de naissance du trumpisme est la création du lien contre nature entre un mythomane nombriliste et des millions de dévots liés à lui par une dépendance émotive.

Il serait facile de considérer les adorateurs de Trump comme des imbéciles. En réalité, ce sont des victimes.

Depuis des années, Donald Trump abuse de la confiance de ces gens. Ceux-ci croient tout ce qu’il dit non pas parce que cela est objectivement vrai, mais parce que cette croyance leur est émotionnellement nécessaire.

Oubliez donc l’idée que le Parti démocrate est le parti des travailleurs et le Parti républicain, celui des riches.

Le mérite de Trump, c’est d’avoir rallié ces travailleurs à ce mirage de prospérité qui recule à chaque pas qu’on fait pour s’en approcher et d’avoir maintenu vivant l’espoir d’y arriver.

L’avenir du trumpisme

On aurait tort de penser que le trumpisme disparaitra avec la défaite électorale du président sortant. Les trumpistes étaient déjà en attente de jours meilleurs. Le magnat immobilier s’est simplement présenté comme le messie venu les sortir de la misère.

Donald Trump est un homme intelligent. Mais ce n’est pas un idéologue. Il n’a pas le vocabulaire qu’il lui faudrait pour développer une pensée sophistiquée.

Il se contente de promettre des jours meilleurs et de se féliciter pour de grandes réalisations fictives.

En somme, le trumpisme est une coquille vide. À la rhétorique simpliste du 45e président américain (symbolisé ci-contre) s’ajoutent les idéologies racistes de l’Extrême-droite américaine et les théories complotistes du mouvement QAnon que Trump sanctifie plus ou moins explicitement dans ses gazouillis.

Tout comme le christianisme et la religion musulmane ont survécu à la disparition de leurs créateurs, le trumpisme survivra au président actuel des États-Unis parce qu’il répond à un besoin.

Références :
Donald Trump has lost the election – yet Trumpland is here to stay
Les deux États-Unis d’Amérique
L’inculture de Donald Trump
Ordre du Temple solaire
QAnon
Roch Thériault
Roch «Moïse» Thériault assassiné en prison
Temple du Peuple

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Écrit par Jean-Pierre Martel