60 Millions de consommateurs et la fondation France Libertés, publient aujourd’hui une étude qui révèle la présence de traces de pesticides et de médicaments dans environ le cinquième des eaux embouteillées disponibles en France. Précisons que cette étude ne remet pas en cause leur potabilité puisqu’il ne s’agit que de traces infimes.
Le porte-parole déclarait : « C’est ce qui est très perturbant (…) Parce que normalement, on ne devrait pas retrouver ces traces-là (…) Quel est le plus beau symbole de pureté que l’eau minérale (…) Même de symbole de pureté là, il est maintenant touché par les polluants d’origine humaine. »
Depuis 1977, la présence de polluants dans l’eau potable est bien documentée, principalement à partir d’études réalisées en Grande-Bretagne : à l’époque, ce sont les sources approvisionnant la capitale britannique en eau potable qui faisaient l’objet de l’attention des chercheurs.
Ceux-ci avaient découvert que cette eau contenait des traces d’à peu-près tous les médicaments couramment utilisés, dans des proportions variables. C’est ainsi qu’avec une consommation normale d’eau du robinet, un Londonien de 70 ans aura consommé involontairement entre 4 et 16 grammes d’acétaminophène (appelé paracétamol en Europe) dans sa vie, soit l’équivalent de quatre à seize doses maximales de cet analgésique.
De manière générale, plus un médicament est utilisé, plus on en retrouve des traces importantes dans l’environnement. Toutefois, la présence dans l’eau potable sera influencée de manière déterminante par la solubilité du produit dans l’eau.
Il serait rassurant de se dire que depuis les études de ces pionniers, la situation a beaucoup évoluée. Autrefois, les médicaments étaient jetés aux égouts ou dans des sites d’enfouissement alors qu’aujourd’hui le public a pris l’habitude de rapporter les médicaments périmés à sa pharmacie pour être finalement incinérés.
Parce qu’elle n’est pas comparative, l’étude française ne nous dit pas si la situation a évoluée, mais seulement que le problème demeure. Et dans la mesure où les techniques d’analyse se perfectionnent plus rapidement que les méthodes de filtration des usines d’épuration, il est prévisible qu’on trouvera encore longtemps des résidus de médicaments dans nos eaux potables.
Contrairement aux produits chimiques industriels, les aliments et les médicaments sont généralement biodégradables. Toutefois, si les principaux nutriments (glucides, protéines et lipides) sont finalement dégradés par notre métabolisme en de petites molécules (eau, gaz carbonique, acide urique, sels minéraux, etc.), ce n’est généralement pas le cas des médicaments.
Les médicaments sont l’objet d’une transformation partielle. Celle-ci peut être très superficielle — visant à ajouter un radical destiné à augmenter la solubilité dans l’eau afin de faciliter le rejet dans l’urine — ou d’une dégradation qui ne rend pas jusqu’au niveau du gaz carbonique et de l’eau.
Conséquemment, l’immense majorité des médicaments sont rejetés partiellement transformés. Dans tous les cas, lorsque nos enzymes ne sont pas capables de les détruire complètement, les enzymes des microorganismes de la nature sont capables de faire le reste.
Même les médicaments jugés « non-biodégradables » par certains chercheurs, ne le sont que parce que la période d’analyse qu’ils ont choisie est trop courte. Contrairement aux plastiques et autres produits industriels, tous les médicaments sont biodégradables, certains plus lentement que d’autres.
Les médicaments périmés contribuent de manière insignifiante à la présence de substances médicamenteuses dans l’environnement. Plus de 99% des quantités retrouvées proviennent donc les selles et des urines de personnes soignées à l’aide de ces produits.
Les techniques d’épuration des eaux usées et les procédures de filtration des municipalités ont été conçues pour éviter la propagation des épidémies par le biais de l’eau potable. Le chlore détruit les bactéries pathogènes, tandis que le sable et d’autres substances filtrantes assurent la transparence de l’eau potable. Ces techniques, qui datent du XIXe siècle, n’ont jamais été conçues pour éliminer les polluants industriels. Ils éliminent les grosses molécules et laissent passer les petites (dont la très grande majorité des médicaments).
Or de plus en plus d’eaux embouteillées — particulièrement celles parfumées — ne sont que des eaux du robinet ozonisées, purifiées, édulcorées et parfumées. Quant à celles tirées des nappes phréatiques, elles sont parfois contaminées par ce qui suinte des sites d’enfouissement et, en montagne, des fosses septiques de ceux qui y vivent.
Et comme nous sommes à une époque où les États réduisent leur taille sous la pression de leurs créanciers, il ne faut pas s’attendre à ce que les municipalités mettent au point des moyens nouveaux et sophistiqués (donc coûteux) d’épuration des eaux potables qui seraient destinés à débarrasser l’eau de tous ses polluants.
En somme, la seule manière d’éliminer les médicaments de notre environnement, c’est de cesser d’en produire et d’en consommer, ce qui n’arrivera jamais.
Quant aux pesticides et insecticides (dont je n’ai pas parlés), on doit savoir qu’en cas d’interdiction, leur présence dans l’environnement peut être décelable plus d’une décennie après. Raison de plus pour s’y prendre tôt.
Références :
Des pesticides trouvés dans une bouteille d’eau sur cinq
Des traces de pesticides et de médicaments retrouvées dans des bouteilles d’eau
Richardson ML et Bowron JM. The fate of pharmaceutical chemicals in the aquatic environment. J. Pharm. Pharmacol. 1985, 37: 1-12.