La capitulation de la Commission européenne face à Trump

Publié le 30 juillet 2025 | Temps de lecture : 5 minutes

Introduction

Dirigée par Ursula von der Leyen, la Commission européenne est le ‘Conseil des ministres’ de l’Union européenne (UE).

Sous la menace de sanctions économiques, la Commission a finalement consenti dimanche dernier à un accord douanier avec les États-Unis.

Cet accord, qui doit ultérieurement être ratifié par les 27 pays membres de l’UE, prévoit trois choses :
• l’UE consent à ce que Washington impose une taxe de 15 % à tous produits européens qui entrent aux États-Unis,
• au nom des pays membres, l’UE s’engage à acheter pour 750 milliards$ de combustibles fossiles américains au cours des trois prochaines années, et
• l’UE promet d’investir 600 milliards$ de plus dans l’économie américaine.

La taxe de 15 %

Précédemment, l’administration Trump avait imposé un tarif douanier de 4,8 % à l’Europe, auquel s’était ajoutée une surtaxe de 10 %.

En tant que pays souverain, les États-Unis sont libres d’imposer des taxes à l’importation à tous les pays avec lesquels ils ne sont pas liés par des traités de libre-échange.

De son côté, en tant qu’entité étatique, l’UE est également libre de répliquer par ses propres taxes à l’importation.

La nouveauté de cette entente, c’est que l’UE accepte la pénalité imposée à ses entreprises exportatrices et renonce à répliquer par des contre-tarifs.

L’achat d’hydrocarbures américains

La Commission européenne souligne que l’achat de gaz fossile liquéfié (et, secondairement, de pétrole) en provenance des États-Unis lui permettra de remplacer ses importations de gaz russe.

Puisque la demande mondiale de gaz fossile s’accroit, la Russie écoulera donc facilement son gaz sur les marchés internationaux.

Ce que Mme von der Leyen oublie de dire, c’est que le gaz fossile russe était le moins cher au monde. L’UE peut bien acheter pour 750 milliards$ de gaz liquéfié américain, mais elle obtiendra considérablement moins de combustible pour cette somme. Si cela est insuffisant, l’UE devra se procurer le reste ailleurs.

Dans tous les cas, augmenter le cout d’acquisition de son énergie nuit à la compétitivité de l’industrie lourde européenne. Et en augmentant sa dépendance à l’égard des États-Unis, l’Europe accroit sa vassalisation à l’égard de Washington.

De plus, les contrats avec la Russie étaient libellés en euros alors que les achats aux États-Unis le sont en dollars américains. Dans l’éventualité d’une crise économique majeure, l’UE aurait conservé son pouvoir de payer son approvisionnement russe puisque l’UE a la main sur la planche à billets.

D’autre part, l’UE a toujours soutenu que le gaz fossile était un combustible de transition vers les énergies renouvelables. C’est ainsi que depuis 2019, le Pacte vert européen prévoyait de mobiliser mille-milliards d’euros d’investissements publics et privés pour développer les énergies propres.

Le Pacte vert prévoyait donc une réduction de la consommation de combustibles fossiles par l’Europe.

L’entente intervenue entre l’administration Trump et la Commission européenne assurent les pétrolières américaines de la stabilité de la demande européenne d’hydrocarbures.

En conséquence, les commissaires européens devront s’assurer de l’échec temporaire de la transition écologique de l’Europe.

Les investissements garantis aux États-Unis

Une des grandes priorités de l’administration Trump est de rapatrier aux États-Unis une partie de la capacité industrielle délocalisée à l’Étranger au cours des quatre dernières décennies.

C’est ainsi que l’imposition de taxes à l’importation vise à motiver les entreprises étrangères à venir produire aux États-Unis ce qui est destiné au marché américain.

La Commission européenne fait valoir que garantir 600 milliards$ d’investissements aux États-Unis est anodin puisque cela correspond aux intentions actuelles de ses grands groupes industriels.

Toutefois, en garantissant de tels investissements, l’UE s’engage à subventionner son propre déclin économique si jamais l’administration Trump supprime ses tarifs de 15 % en raison de leurs conséquences inflationnistes.

Conclusion

En décembre 2022, j’avais qualifié la présidente de la Commission européenne de ‘tigresse de papier’. Dimanche dernier, sa capitulation devant Donald Trump en est une parfaite démonstration.

Dès la ratification de ce traité, Bruxelles acceptera la perte de sa souveraineté puisque ses engagements économiques (achats d’hydrocarbures, investissements garantis) sont libellés en dollars américains. Ce qui place l’Union européenne sous l’autorité des tribunaux des États-Unis en cas d’infraction à l’entente selon Washington. Comme une simple république bananière.

Plutôt que de taxer les géants de l’internet — qui sont les piliers du régime Trump — la Commission européenne a choisi la politique du moindre mal.

Ç’a aurait pu être pire’ disent les commissaires européens pour se justifier.

En effet, il y a toujours des défaites plus cuisantes…

Références :
EU and US announce trade deal: What you need to know
Guerre commerciale : ce que l’on sait de l’accord avec l’Union européenne
La consommation mondiale de gaz naturel atteint un record en 2024
Un plan de financement européen ambitieux pour une transition énergétique juste

Paru depuis : Investor confidence in EU drops after Trump’s Brussels trade deal (2025-08-04)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La récesflation trumpienne

Publié le 21 mai 2025 | Temps de lecture : 3 minutes

Dans une économie de marché, lorsque la volonté des consommateurs d’acheter un bien dépasse la capacité de le produire, cela incite le producteur de ce bien à hausser ses prix afin de maximiser ses profits.

Dans le cas contraire, lorsque les invendus s’accumulent, le commerçant n’aura d’autres choix que de baisser ses prix afin d’écouler sa marchandise.

En d’autres mots, l’inflation est causée par un déséquilibre, quand la demande dépasse l’offre.

Voilà pourquoi les banques centrales augmentent les taux d’intérêt comme moyen de lutter contre l’inflation; en rendant l’endettement plus onéreux, on dissuade les consommateurs d’acheter à crédit.

Les politiques économiques de l’administration Trump et l’incertitude qu’elle fait peser sur les marchés financiers par ses voltefaces devraient provoquer un phénomène nouveau; la récesflation. Ce mot-valise résulte de la fusion entre récession et inflation.

En imposant une taxe américaine à l’importation de biens étrangers, Washington les rend plus onéreux. Et s’il s’agit de matières premières (l’acier ou l’aluminium, par exemple), cela rend plus couteux les biens fabriqués à partir d’elles.


 
Pourtant, ce n’est pas ce qu’on voit (ci-dessus). S’il est vrai que l’inflation américaine s’est accrue de septembre 2024 à janvier 2025, elle a diminué au cours du premier trimestre de 2025.

Pour comprendre ce qui arrive présentement, il faut considérer deux phénomènes. Premièrement, une diminution de la croissance du PIB américain. Celui-ci était de 2,9 % en 2023 et de 2,8 % en 2024. Mais il a chuté à 2,1 % au cours du premier trimestre de cette année.


 
Parallèlement, le déficit de la balance commerciale américaine s’est creusé au cours du premier trimestre de 2025. Ce qui signifie que les distributeurs de biens importés (notamment de Chine) se sont empressés de garnir leurs entrepôts avant l’entrée en vigueur des taxes à l’importation.

Alors que les réserves sont pleines, la confiance des consommateurs diminue par crainte d’une récession. En remettant à plus tard leurs dépenses pour des biens qui ne leur sont pas essentiels, cela retardera l’écoulement des stocks et repoussera l’apparition inéluctable de l’effet inflationniste des tarifs douaniers.

Normalement, la banque centrale américaine devrait augmenter les taux d’intérêt afin de combattre cette poussée inflationniste. Mais il est fort possible qu’elle hésitera à le faire puisqu’elle se trouvera alors en présence d’un phénomène nouveau; une poussée inflationniste associée à une contraction de l’économie américaine.

Du jamais vu.

Références :
États-Unis – Taux d’inflation
L’économie canadienne, déjà affaiblie par Donald Trump
L’économie américaine pénalisée par les droits de douane, selon la Fed
L’inflation a rebondi aux États-Unis avant même l’entrée en vigueur des tarifs douaniers

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Écrit par Jean-Pierre Martel