Introduction
À la suite de Washington, Ottawa a décidé d’imposer une surtaxe qui doublera le prix canadien des véhicules électriques (VE) chinois.
Cette mesure entrera en application dans deux mois et s’appliquera aux VE importés de Chine et non aux VE fabriqués en Amérique du Nord par des fabricants chinois.
Le message est clair : « Si vous voulez éviter la surtaxe, venez fabriquer vos voitures chez nous.»
Dans sa chronique dans le Journal de Montréal, Michel Girard critique cette guerre commerciale, lui reprochant de se faire sur le dos des consommateurs.
Le chroniqueur suggère également qu’Ottawa a pris cette décision en se basant sur la considération suivante.
En 2023, nos échanges commerciaux avec les États-Unis représentaient 595 milliards$ d’exportations et 374 milliards$ d’importations.
Alors qu’en Chine, ces échanges étaient de 30,5 milliards$ d’exportations (vingt fois moins) et 89 milliards$ d’importations (quatre fois moins).
Évidemment, cela ne tient pas compte du fait que beaucoup des produits américains que nous importons sont des produits chinois portant une étiquette américaine qui nous sont revendus beaucoup plus cher.
Les raisons officielles d’Ottawa
Malgré sa manière toute ‘trumpienne’ de faire de la politique, le chef de l’opposition officielle s’est bien gardé de critiquer le premier ministre Justin Trudeau.
Pour la simple et bonne raison que s’il était au pouvoir, il ferait pareil.
Officiellement, Ottawa justifie sa décision en accusant la Chine de subventionner la fabrication de ses VE et conséquemment, de surproduire.
De plus, la surtaxe canadienne serait une bonne chose puisqu’elle servirait à protéger les emplois des travailleurs œuvrant dans l’industrie automobile.
• Protéger nos emplois
Le protectionnisme crée un marché captif qui protège nos industries de la concurrence étrangère.
Toutefois, classé selon la taille de sa population, le Canada occupe le 39e rang mondial. La petitesse de son marché intérieur ne permet pas à nos industries de profiter d’économies d’échelle. Pour ce faire, le Canada doit exporter.
Voilà pourquoi le Canada est un apôtre de la libre circulation des biens et des services.
Ceci étant dit, il y a souvent de très bonnes raisons pour faire exception à une règle, si bonne soit-elle.
À l’époque encore récente où nos politiciens de droite niaient la réalité des changements climatiques et soutenaient que les gaz à effet de serre aidaient les plantes à mieux pousser (sic), la Chine misait sur la voiture électrique.
Lorsque les pays occidentaux ont été confrontés, concrètement, aux effets couteux des changements climatiques et ont tardivement décidé de décarboner leur économie, la Chine était prête à leur fournir ce qu’il leur fallait pour y parvenir, dont des VE.
Pour pallier leur retard industriel dans ce domaine, les États-Unis ont donc décidé d’ériger des barrières commerciales derrière lesquelles ils peuvent tenter de rattraper la Chine. Une fois qu’ils se sentiront moins menacés, on peut s’attendre à ce qu’ils baissent la garde.
D’ici là, semer l’idée selon laquelle il faut recourir au protectionnisme pour protéger nos emplois alimente les milieux qui prêchent le repli sur soi.
• Les subventions
Il est vrai que la Chine subventionne les secteurs de pointe voués à assurer sa suprématie commerciale, dont la construction des VE.
De leur côté, les pays riches d’Occident se sont lancés dans une surenchère aux subventions pour attirer chez eux les constructeurs de VE ou de batteries électriques.
De plus, jusqu’à tout récemment, les pays occidentaux subventionnaient l’achat d’un VE.
Lorsque Canada pointe un doigt accusateur et fronce les sourcils contre les pays qui accordent des subventions à leurs carrossiers, il aurait intérêt à ne pas le faire devant un miroir.
• La surproduction chinoise
Tous les pays exportateurs au monde produisent au-delà des besoins de leur marché intérieur. Lorsqu’on limite la production aux besoins de ses propres consommateurs, cela s’appelle la gestion de l’offre.
Pour les États-Unis, la gestion de l’offre, c’est du communisme.
Voilà pourquoi, à chaque nouveau traité de libre-échange avec nos voisins du Sud ou avec l’Union européenne, le Canada ampute toujours un peu plus la gestion de l’offre sur l’autel du néolibéralisme.
Mais surprise ! Voilà que nos dirigeants politiques aimeraient que la Chine — déjà communiste selon la rumeur — le devienne davantage en adoptant la gestion de l’offre. Mao Zedong serait ravi…
Ce qui montre bien qu’il ne s’agit pas des vrais motifs de la surtaxe canadienne.
Les vraies raisons
Face à la possibilité que la Chine interdise l’importation de canola canadien — ce qui représenterait des pertes d’un milliard de dollars pour nos agriculteurs — on s’inquiète.
En réalité, le Canada n’a pas le choix.
Les voitures électriques chinoises offrent beaucoup plus pour le même prix.
Le Canada ne peut pas se permettre de servir de lieu de transit à la contrebande de voitures chinoises destinées aux États-Unis. Ce qui obligerait Washington à appliquer ses mesures protectionnistes antichinoises contre le Canada.
Ce serait alors une catastrophe pour l’industrie nord-américaine de la construction automobile, dont l’intégration nous est très profitable.
La géographie détermine l’histoire des peuples.
Nous profitons grandement du voisinage de la plus grande économie du monde, soit le marché américain.
Ce qui comporte d’immenses avantages, mais parfois quelques inconvénients. Comme quoi on ne peut pas tout avoir dans la vie.
Si la Chine ferme ses frontières au canola canadien, Ottawa pourra toujours gémir et entretenir sa belle relation sadomasochiste avec la Chine depuis l’affaire Huawei.
En réalité, nous devons assumer notre destin. Si on regarde ailleurs dans le monde, sommes-nous tant à plaindre ?
Références :
Des pressions chinoises sur le canola pourraient coûter 1 G$
L’affaire Huawei : dure pour le Canada, la vie de caniche américain
La guerre aux véhicules électriques chinois se fait sur le dos des consommateurs
Liste des pays par population
Pendant ce temps en Chine : la construction automobile
Tarifs de 100% sur les véhicules chinois: «J’ai peur que ça augmente le prix de beaucoup»