Le Canada, serviteur de l’Arabie saoudite

Publié le 17 février 2015 | Temps de lecture : 5 minutes
© 2010 — Google Maps

On apprend aujourd’hui que le gouvernement Harper a dépensé entre 128 et 166 millions$ au cours des six premiers mois de la « mission canadienne » destinée à combattre les milices de l’État islamique en Irak.

Selon le rapport du Directeur parlementaire du budget, l’implication canadienne coutera entre 242 et 351 millions$ pour la première année.

En dépit de la répulsion que nous inspirent les pratiques barbares des milices de l’État islamique, le Canada n’est pas tenu en vertu d’un traité international à bombarder les installations des djihadistes.

De plus, le Canada n’a pas d’intérêts stratégiques à défendre; cette partie du monde ne produit pas de produits dont le manque paralyserait l’économie canadienne.

Tout au plus, est-il probable que le contrat de dix milliards$ que l’Arabie saoudite a accordé à la succursale canadienne de la compagnie américaine General Dynamics soit conditionnel à l’obligation secrète d’attaquer l’État islamique.

L’Arabie saoudite est dotée d’une armée très bien équipée (principalement par les Américains), mais qui ne possède aucune expérience de la guerre.

Par ses contrats militaires lucratifs de 285 milliards$ entre 2001 et 2008, l’Arabie saoudite asservit l’armée de différents pays à ses intérêts géostratégiques. Sans s’en douter, les soldats de ces pays deviennent donc, indirectement, des mercenaires de l’Arabie saoudite.

Les pays contractuels se chargent de convaincre leurs soldats qu’ils protègent la veuve et l’orphelin alors que leurs bombardements font souvent plus de victimes collatérales que parmi les rangs des d’insurgés. En effet, n’ayant que peu de soldats au sol, il est difficile de connaitre la nature exacte des cibles choisies.

L’État islamique est le résultat du gâchis abyssal de la politique américaine et britannique dans cette partie du monde.

Sous le principe naïf qu’il suffisait de renverser un tyran psychopathe (Saddam Hussein) en Irak pour semer la Démocratie parlementaire au coeur du monde arabe, les armées étrangères y ont provoqué la guerre civile.

Puis, désireuses d’abattre un allié de l’Iran (chiite), les pétromonarchies (sunnites), aidées de la Turquie et des États-Unis, ont provoqué la guerre civile dans le pays voisin, la Syrie.

Habilement, le régime de Bachar el-Assad s’en est pris aux insurgés syriens « modérés » afin de favoriser les insurgés radicaux et ainsi devenir la seule alternative raisonnable. Ces milices radicales se sont débarrassées de leurs rivaux affaiblis, leur ont pris leurs armes et sont devenus, tel que prévu, la seule vraie alternative à Bachar el-Assad.

L’État islamique a fédéré les rebelles radicaux en Syrie et est parti ensuite à la conquête d’une bonne partie du nord de l’Irak, s’emparant des armes laissées par l’armée irakienne apeurée.

Il y a quelques années, l’Arabie saoudite s’est fait prendre à verser 60 millions$ à Al-Qaida à partir des coffres de l’État. Lorsque cela a été découvert, les motifs invoqués étaient qu’Al-Qaida menaçait de commettre des attentats dans ce pays si celui-ci ne lui versait pas cette rançon.

En dépit de sa promesse de ne pas recommencer, ce pays est devenu officieusement la principale source mondiale du financement de groupes terroristes sunnites — tels qu’Al-Qaida et les talibans — selon les télégrammes diplomatiques révélés par WikiLeaks.

Il n’est donc pas exclu de penser que les princes saoudiens puissent verser secrètement des sommes à l’État islamique afin que celle-ci s’abstienne d’envahir le royaume.

En fait, les milices de l’État islamique mènent des attaques un peu partout en Irak — même dans les zones chiites — mais, jusqu’à maintenant, aucune dans la zone de 200km qui longe de territoire saoudien. Le tour de l’Arabie saoudite viendra ultérieurement, mais pas pour l’instant.

On pourrait donc découvrir un jour que l’État islamique tuait nos soldats grâce, entre autres, à du financement saoudien. Mais tout cela n’est qu’une hypothèse.

Compte tenu de la durée inconnue de la guerre contre les milices de l’État islamique, combien le Canada est prêt à dépenser afin de protéger l’Arabie saoudite ?

Plus précisément, quelles sont les retombées économiques canadiennes du contrat accordé à General Dynamics et quelle est la somme maximale que le Canada est prêt à dépenser en Irak ?

Malheureusement, le gouvernement Harper, toujours aussi cachotier, ne nous permet pas de connaître les réponses à ces questions.

Références :
General Dynamics: contrat de 10 milliards avec l’Arabie saoudite
La Défense nationale « a retenu des informations » sur les coûts de la mission en Irak
L’Arabie saoudite et le financement d’Al-Qaida
Vente « record » d’armes à l’Arabie Saoudite
What ISIS Really Wants

Parus depuis :
La Suède met fin à sa coopération militaire avec l’Arabie saoudite au nom des droits de l’homme (2015-03-10)
Les jeeps de Justin – Le «deal» avec Riyad fait éclater la vitrine morale d’Ottawa (2016-02-18)
L’Arabie saoudite en retard dans ses paiements pour des véhicules blindés canadiens (2019-10-30)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’immigration d’intégristes au Canada

Publié le 15 février 2015 | Temps de lecture : 5 minutes
« La Franchise de Stephen Harper » ( © 2015 — Frederick Hendy)

Le 12 février 2015, le premier Ministre du Canada annonçait de son intention d’en appeler d’une décision de la Cour fédérale ontarienne permettant à une personne de prononcer le serment de citoyenneté en étant complètement voilée à l’exception des yeux.

« Je considère, et je pense que la plupart des Canadiens considèrent offensant que quelqu’un cache son identité au moment où il s’engage dans la famille canadienne. », a déclaré le premier ministre sous les applaudissements de l’assistance.

Mais comment en sommes-nous arrivés là ?

Mme Zunera Ishaq est une femme d’origine pakistanaise qui a immigré au Canada en 2008. Sa demande d’immigration a été cautionnée par son époux, déjà citoyen canadien.

Elle a passé l’examen de citoyenneté à la fin 2013.

Niqab

Toutefois, près avoir appris qu’elle devrait retirer son niqab en public afin de prononcer le serment, elle ne s’est pas présentée à la prestation de serment, choisissant plutôt de contester cette exigence devant les tribunaux.

Le juge Keith M. Boswell a tranché en faveur de la plaignante parce que cette exigence tirait son origine d’une simple directive ministérielle.

Or un immigrant reçu — c’est-à-dire qui habite le Canada — possède des droits constitutionnels que n’a pas le candidat à l’immigation demeuré dans son pays d’origine. Ces droits ne peuvent être annulés par simple directive administrative, et probablement pas non plus par une simple loi.

Il est donc hautement improbable que le gouvernement Harper gagne cette cause en appel. Aller plus loin sera un gaspillage des fonds publics. Puisque le gouvernement Harper déteste perdre la face, les contribuables paieront donc pour une cause perdue d’avance dont nous connaitrons peut-être l’issue après les prochaines élections fédérales.

En marge de cette affaire, Mme Ishaq a déclaré ne pas avoir d’objection à retirer son niqab lorsque cela est nécessaire à des fins de sécurité et d’identification, mais qu’elle n’accepte pas de le faire en public, à la vue de tous.

Ce que les Québécois souhaitent, ce n’est pas qu’une personne qui porte habituellement le niqab l’enlève pour la durée d’une cérémonie.

Ce que nous voulons, c’est qu’on refuse l’immigration de personnes comme elles. Ni elles, ni leurs maris, ni leurs enfants, ni les autres membres du clan familial. Personne.

Dans le cas de Mme Ishaq, il est trop tard; elle et son mari vivent déjà au pays.

Pour des raisons idéologiques, le gouvernement Harper a donné la citoyenneté canadienne à 35 000 Pakistanais en danger de mort parce que ce sont des Ahmadis, membres d’une secte hérétique de l’Islam.

Le dixième d’entre eux habitent Peace Village, à 50km de Toronto, présenté comme un modèle d’intégration alors qu’en réalisé, il s’agit d’un ghetto dans lequel les femmes portent le niqab et où on vit dans la plus stricte séparation des sexes (mariages arrangés en sus).

Selon la propagande officielle, ces Musulmans nous sont présentés comme des citoyens pacifiques et pieux (ce qui est vrai), victimes des fondamentalistes alors qu’ils ne sont qu’une variante de ce même fondamentalisme.

Nous sommes déjà aux prises avec des Canadiens qui se radicalisent au pays sous l’influence de leaders religieux intégristes. Alors pourquoi devrions-nous le faire exprès en acceptant de recevoir chez nous des gens qui le sont dans leur pays d’origine ?

De leur accession au pouvoir en 2006 jusqu’à la directive ministérielle de 2011, les Conservateurs ont donc mis cinq ans à réaliser que le port du niqab serait contraire aux valeurs canadiennes. Et ce, après avoir accepté au pays des milliers de femmes portant le niqab.

Si le gouvernement Harper était sincère, il pourrait simplement exiger que toute demande d’immigration — la loi exige qu’elle se fasse dans le pays d’origine du demandeur — soit effectuée à visage découvert, en présence d’officiers du sexe opposé.

Les maris seront donc interrogés par un officier de sexe féminin alors que les épouses interrogées par un officier de sexe masculin.

Tout refus de permettre cela entrainera le rejet automatique de la demande d’immigration.

De plus, les murs des bureaux de ces officiers devraient être placardés de photos de Canadiens de différentes origines et de différents métiers, dont au moins une photo, bien à la vue, d’une femme en bikini et d’un homme en maillot de bain.

À mon avis, cela est plus pertinent que d’afficher — obligatoirement depuis que les Conservateurs sont au pouvoir — une photo de la reine d’Angleterre.

Cela n’est pas compliqué et aucune poursuite judiciaire n’est possible. Immigrer au Canada n’est pas un droit; nous sommes donc libres d’accepter qui nous voulons, aux conditions que nous souhaitons.

Références :
Ex-immigration minister Jason Kenney ‘dictated’ niqab ban at citizenship ceremony, court told
Ottawa déterminé à interdire le niqab lors des cérémonies d’assermentation
Qui est dérangé par Peace Village?
Serment de citoyenneté à visage couvert: le fédéral va en appel

Parus depuis :
Niqab et cérémonie d’assermentation : Une vérité constitutionnelle qui dérange (2015-02-15)
La Cour rejette un appel d’Ottawa sur le niqab aux cérémonies de citoyenneté (2015-09-15)

Détails techniques de la photo : Olympus OM-D e-m5, objectif M.Zuiko 12-40mm F/2,8 — 1/125 sec. — F/3,2 — ISO 200 — 23 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Lac-Mégantic : les calculs du gouvernement Harper

Publié le 24 juillet 2013 | Temps de lecture : 10 minutes

Musi-cafe
 
Rappel d’une autre catastrophe

Le 20 avril 2010, une explosion survenue sur une plateforme pétrolière appartenant à la compagnie British Petrolium fait 11 morts. Ce n’est qu’au mois de septembre suivant que BP réussira à colmater la fuite.

Entretemps, 780 millions de litres de pétrole brut seront répendus dans le golfe du Mexique, provoquant le plus important désastre écologique de l’histoire des États-Unis.

Le 16 juin, BP cède aux pressions de l’administration Obama et crée un fonds d’indemnisation de 20 milliards$. Il est à noter qu’à ce moment-là, la fuite n’avait pas encore été colmatée et conséquemment l’ampleur du désastre ne pouvait pas encore être estimé précisément.

L’enfer

Dans la nuit du 5 au 6 juillet dernier, un train est stationné à Nantes, un village situé à 12 km de Lac-Mégantic. Plus tôt dans la soirée, sa locomotive a pris feu sans qu’on sache pourquoi. Laissé sans surveillance, le convoi se met spontanément en branle et dévale la pente dans laquelle il se trouve. Après une course folle qui dure 18 minutes, le train déraille au centre-ville de Lac-Mégantic. Sa cargaison de millions de litres pétrole brut prend feu et déclenche un immense brasier.

À quelques pas de là, quelques dizaines de jeunes sont réunis au Musi-Café (photo ci-dessus). Dès la première explosion, les verres suspendus au dessus du bar s’entrechoquent bruyamment. En dépit de la musique ambiante, la plupart des personnes réunies soupçonnent que quelque chose d’anormal vient de se produire. Un petit nombre de fêtards tentent de calmer l’inquiétude des autres en plaisantant.

Seuls Christian Lafontaine et sa sœur Josée — dont c’est l’anniversaire — ont le réflexe de se précipiter vers la sortie : ils seront les seuls à avoir la vie sauve parmi tous ceux présents dans l’établissement.

Déjà, la rue Frontenac s’est transformée en un immense couloir de flammes et de suie tourbillonnantes qui lèchent les grandes vitres de la façade. Craignant l’éclatement de celles-ci, ceux qui pensaient se sauver par l’avant réalisent qu’il est trop tard et sont obligés de rebrousser chemin.

Ceux qui ont l’idée de sortir par l’issue de secours doivent y également renoncer; non seulement la poignée de métal est brulante mais, dès qu’on s’approche de la porte, on sent déjà la chaleur.

Gaétan Lafontaine, qui avait préféré aller chercher sa copine (Joanie Turmel), plutôt que de suivre immédiatement son frère et sa sœur, réalise qu’il est pris au piège.

Ceux attablés le long du mur nord n’ont que quelques instants pour quitter leur place alors que le revêtement commence à dégager de la fumée. L’assistance se déplace en panique du côté opposé, renversant sur son passage des chaises et quelques tables.

Pendant que quelques-uns textent nerveusement sur leurs téléphones portables, d’autres tentent de respirer au travers leurs vêtements afin de se protéger vainement de la fumée.

Quelques secondes plus tard, le mur nord s’enflamme spontanément, aux cris de l’assistance. Des débris tombent du plafond. Tout autour du comptoir du bar, les bouteilles de spiritueux répandent au sol la lumière bleutée de leur contenu enflammé.

Des personnes se mettent à pleurer. Bientôt les flammes jaillissent de partout tandis que crépitent les flammèches des courts-circuits.

En moins de deux minutes, la toux se généralise. Ceux qui n’ont pas encore perdu connaissance souffrent de l’air brulant qu’ils respirent. Bientôt chaque personne se transforme en torche vivante et se consume au milieu d’affreuses souffrances.

C’est ainsi, dans le Musi-café, que sont mortes la majorité des victimes de la tragédie de Lac-Mégantic.

L’inertie du gouvernement Harper

Le drame de Lac-Mégantic résulte de l’aveuglement bienveillant du gouvernement Harper à l’égard de l’industrie ferroviaire.

C’est le gouvernement Harper qui a permis aux compagnies ferroviaires d’opérer avec presque personne à bord. C’est lui qui a réduit le nombre d’inspecteurs de 215 à 204 entre 2011 à aujourd’hui alors que le transport de pétrole brut connaissait une croissance 2 800% en trois ans. C’est lui qui préfère laisser à chaque transporteur ferroviaire, le soin de s’assurer du respect des normes de sécurité. C’est lui enfin, qui a choisi de ne pas effectuer des vérifications aléatoires ayant pour but de s’assurer que les compagnies s’acquittent de leurs obligations.

Comme des parents qui veulent éviter d’afficher leur vulnérabilité devant des enfants revendicateurs, le gouvernement Harper veut éviter à tout prix de reconnaitre sa responsabilité. Cette catastrophe donnera naissance à des réclamations totalisant des centaines de millions$ : la priorité numéro un du gouvernement fédéral est de minimiser sa responsabilité dans ce désastre.

Il lui faut donc afficher de la compassion pour les victimes sans donner l’impression qu’il regrette quoi que ce soit. S’il se montre repenti, le gouvernement Harper devient vulnérable aux critiques de l’opposition. Sa priorité est donc de sauver la face.

Toutes les discussions à Ottawa depuis la tragédie concernent les aspects politiques de cette affaire. On ne sera donc pas surpris de la lenteur mise par le Fédéral à annoncer une aide de 60 millions$, ni de l’absence de précisions quant aux modalités.

Comment le gouvernement Harper en est-il arrivé à cette somme de 60 millions$ ? Pourquoi pas 50 ? Pourquoi pas 100 ?

Cette somme n’est pas moindre que celle promise par le gouvernement provincial parce que le Fédéral ne peut pas laisser un gouvernement local, indépendantiste par surcroit, lui voler la vedette et paraitre plus généreux que lui.

Elle n’est pas supérieure parce que toute générosité « excessive » pourrait être interprétée comme un désir de réparer des torts passés.

Une telle générosité est d’autant plus inappropriée qu’elle est inutile. Si le gouvernement Harper se montrerait généreux dans le cas d’une catastrophe en Alberta, tous les Albertains lui en seraient reconnaissants.

Ici, peu importent les sommes dépensées par le Fédéral, cela sera considéré comme normal puisque c’est de sa faute. Bref, les Québécois retiendront moins les millions$ du gouvernement Harper que la cinquantaine de morts que sa négligence a causée.

Le 12 juillet dernier, un déraillement est survenu en France, près de Paris, faisait six morts. La réaction immédiate de la Société nationale des chemins de fer a été d’ordonner une vérification complète du réseau. En quelques jours, l’entreprise publique a réalisé une vérification de l’ensemble des 5 000 aiguillages et 100 000 éclisses du réseau national.

Au Canada, à peu près rien n’a été fait; tout au plus, il faudra dorénavant au minimum deux personnes à bord lorsque le train est en marche. Et on n’a à peu près rien fait parce qu’on ne veut pas donner l’impression d’une précipitation dictée par le repentir.

Ce souci d’éviter toute précipitation explique pourquoi les représentants conservateurs au Comité permanent des transports ont torpillé la rencontre convoquée d’urgence par les représentants du Nouveau Parti Démocratique. On ne veut même pas reconsidérer le refus obstiné de donner suite aux recommandations des experts, soumises à la suite de déraillements passés.

D’autre part, dans le cas de la catastrophe dans le golfe du Mexique, l’administration Obama a forcé BP à créer un fonds d’indemnisation en fidéicommis, ce qui a facilité le paiement des réclamations aux victimes. Toutefois, cette initiative présidentielle lui a attiré les critiques de l’extrême droite américaine; ceux-ci ont estimé que l’agressivité du président des Etats-Unis envers le pollueur n’était pas conforme aux traditions américaines.

Le gouvernement Harper veut éviter de commettre une telle « erreur ». Il ne veut pas être accusé de créer un climat hostile à l’entrepreneurship. Voilà pourquoi il se traîne les pieds, ce qui permettra à la compagnie ferroviaire responsable de cette catastrophe de déclarer faillite, si elle désire, échappant ainsi aux poursuites entamées contre elle en territoire canadien.

Contrairement à BP dans le golfe du Mexique, la compagnie ferroviaire a perdu à Lac-Mégantic du pétrole qui ne lui appartient pas : elle ne faisait que le transporter. Conséquemment, elle devrait, théoriquement, le rembourser à ses clients.

Au départ, on croyait que le convoi transportait 100 000 litres de pétrole brut. Or on apprend aujourd’hui qu’il s’agirait plutôt de 5,7 millions de litres, selon des données divulguées par le ministère de l’Environnement du Québec.

Afin de ménager sa clientèle, la compagnie mère américaine préférera sans doute que les assurances de sa succursale canadienne servent à rembourser prioritairement le coût du pétrole à ses précieux clients corporatifs, plutôt que de dédommager quelques habitants de la République de banane du Canada.

C’est ainsi que les experts embauchés par la compagnie et qui travaillent depuis deux semaines, n’ont pas reçu un seul sou de la compagnie. Et parce qu’ils ont menacé de débrayer, la ville de Lac-Mégantic a consenti à leur verser les salaires que la compagnie leur devait afin qu’ils poursuivent leur travail.

Plus on en apprend dans ce dossier, plus la faillite de la compagnie ferroviaire devient probable. En gagnant du temps, le gouvernement Harper permet à cette compagnie de filer à l’anglaise. Cela compliquera les recours judiciaires et retardera les compensions aux sinistrés puisque ces recours devront être entamés aux Etats-Unis contre la société mère.

C’est apparemment le calcul cynique auquel est parvenu le gouvernement Harper, estimant qu’avec le temps, le souvenir de cette tragédie s’estompera au point que les électeurs s’en rappelleront à peine lors du prochain scrutin.

Si c’est le cas, il ne soupçonne pas à quel point les Québécois de descendance française forment une société tricotée serrée qui a la mémoire longue. Très longue…

Références :
Un arrêt de travail a paralysé le site de la tragédie de Lac-Mégantic
Deepwater Horizon oil spill
Lac-Mégantic : camouflage de la vérité derrière l’échec de la réglementation
La responsabilité du gouvernement Harper dans la cinquantaine de décès au Lac-Mégantic
Le NPD demande une réunion du comité des transports
Réseau ferré : les aiguillages sont sûrs, selon la SNCF

Paru depuis : Explosion à Lac-Mégantic: j’accuse! (2013-07-25)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le despotisme de Stiveniev Harperoff

Publié le 26 juin 2013 | Temps de lecture : 8 minutes

L’abus de pouvoir

En mars 2011, le gouvernement minoritaire de M. Harper devenait le premier gouvernement de l’histoire du Commonwealth à être renversé pour outrage au Parlement et ce, en raison de son refus obstiné de fournir les coûts de l’achat des avions militaires F-35, des baisses d’impôts accordées aux entreprises et de ses projets de loi en matière de justice criminelle.

Réélu à la tête d’un gouvernement majoritaire en mai 2011 avec seulement 39,6% des votes, il a utilisé la guillotine cinquante fois depuis ce temps pour limiter les débats concernant ses projets de loi, dont le quart au cours des deux derniers mois.

Le chef de l’État canadien n’en est pas à son premier mandat : toutefois ce record historique a été établi au cours de la première moitié de son mandat actuel. On peut s’inquiéter d’y voir là un dangereux glissement vers le despotisme et l’abus de pouvoir.

Gangstérisme et politique

Le député conservateur Maxime Bernier a été ministre des Affaires étrangères du gouvernement Harper. Il a démissionné après avoir oublié des documents ultraconfidentiels de l’OTAN au domicile de sa maitresse, une guidoune associée aux motards criminalisés.

Le 17 juin dernier, l’Unité permanente anti-corruption procédait à l’arrestation pour fraude et corruption de Saulie Zajdel, un ex-candidat du parti de M. Harper. Secrètement, celui-ci est à l’emploi du ministère du Patrimoine depuis sa défaite électorale. Sa description de tâche et son salaire sont confidentiels. Selon le Parti libéral, il serait payé à même les fonds publics aux seules fins d’intriguer et faire campagne en vue de déloger le député libéral élu.

Les forums de discussion de Radio-Canada et du Devoir fourmillent relationnistes payés pour défendre les politiques du gouvernement Harper. Ces infiltrateurs, zélés comme les espions de Staline, se reconnaissent facilement d’une part à leur français mal traduit de l’anglais, et d’autre part à leur ignorance totale du Québec (qu’ils sont censés habiter).

Pendant 39 ans, Gilles Vaillancourt a régné d’une main de fer à la tête de la troisième plus importante ville du Québec. L’ex-maire de Laval était un intouchable : il menaçait de poursuites quiconque osait publiquement mettre en doute son honnêteté. Pendant des décennies, il a donc distribué impunément des enveloppes brunes aux candidats de tous les partis politiques importants.

Lorsque Serge Ménard (ex-député du Bloc Québécois) a osé parler d’une tentative de corruption de la part du maire de Laval, ce dernier n’a eu qu’à effectuer quelques appels à Ottawa pour que M. Ménard soit sommé aussitôt de comparaitre devant un Comité parlementaire du gouvernement Harper, où des députés conservateurs et libéraux — notamment Denis Coderre — ont tenté par tous les moyens de miner la crédibilité de leur collègue et lui signifier qu’ils souhaitent la fin de ses révélations compromettantes. Rappelons que M. Vaillancourt a été arrêté depuis pour gangstérisme.

Affamer les pauvres

Le gouvernement Harper a coupé l’aide aux artistes, aux environnementalistes et aux travailleurs saisonniers. Par contre, il dépensera 45 milliards$ pour acheter des chasseurs-bombardiers F-35. Son bilan est simple : il consiste à affamer les pauvres afin d’acheter des joujoux dispendieux pour nos armées.

Son gouvernement est l’instrument de la Guerre interne du peuple : cette guerre consiste à dresser la classe moyenne contre les pauvres pendant que par ailleurs, on engraisse scandaleusement le complexe militaro-industriel américain et qu’on ferme les yeux sur les échappatoires fiscaux des particuliers et des entreprises.

L’achat des F-35 représente une dépense de 45 milliards$ dont seulement 450 millions$ (soit 1%) seront dépensés au Canada. Les retombées économiques totales sont estimées à dix milliards, soit une perte de 78% pour l’économie canadienne. Cette gestion désastreuse des dépenses militaires exige, en contrepartie, qu’on sabre dans les programmes sociaux.

Le mépris de la Démocratie

Après avoir identifié des électeurs qui s’apprêtaient à voter pour d’autres formations politiques, les organisations conservatrices de six circonscriptions ont procédés à des appels effectués faussement au nom d’Élections Canada.

On avisait ces électeurs qu’en raison d’un engorgement, ils devaient plutôt voter à un bureau de vote éloigné (où ils n’étaient pas inscrits). En essayant de décourager ces électeurs de voter, on sabotait ainsi le processus démocratique.

Lorsque l’affaire fut rendue publique, la première réaction de M. Harper fut celle de Vladimir Poutine, c’est-à-dire de nier le tout et d’accuser les autres formations politiques des torts qu’on reprochait à la sienne.

Dans tous les partis politiques, il y a des profiteurs et des individus louches. Leur présence ne met pas en cause l’intégrité des dirigeants politiques de nos partis politiques. Toutefois lorsque leur malhonnêteté devient publique, l’expulsion de ces éléments indésirables doit être prompte et non-équivoque.

En prenant fait et cause pour les fraudeurs et en agissant comme le défenseur aveugle d’une machine politique partisane truffée d’aventuriers et de parvenus, M. Harper s’est compromis et a déshonoré ses fonctions de chef d’État.

Dans son jugement de près de cent pages, le juge Richard Mosley a déterminé qu’effectivement des appels frauduleux avaient bel et bien eu lieu et que les banques de données du Parti conservateur étaient la source probable des listes de numéros de téléphone. De plus, le juge a accusé les Conservateurs de s’être livrés à une guerre de tranchées pour empêcher que l’affaire soit entendue sur le fond devant lui.

Il a refusé toutefois d’invalider les élections parce que rien ne prouve que l’ampleur du phénomène était telle qu’autrement les résultats auraient été différents.

À mon avis, il s’agit d’un très mauvais jugement. Les tribunaux ne refusent pas de condamner celui qui vole un pain à l’épicerie sous le prétexte que son délit n’a pas été suffisant pour acculer le commerce à la faillite. Donc, quand des députés sont élus à la suite de fraudes électorales graves qu’ils ont commises, les tribunaux ont le devoir d’être impitoyables. Sinon ils légalisent le droit à la fraude tant et aussi longtemps qu’on ne peut pas prouver qu’elle ait joué un rôle déterminant.

Cette fraude s’inscrit parfaitement dans la culture conservatrice qui veut que tous les moyens soient bons — :y compris les plus bas et les plus vils — pour s’emparer ou pour conserver le pouvoir, ce qui comprend le mensonge, la calomnie, la diffamation et, dans ce cas-ci, la fraude électorale.

À la suite de ce jugement, non seulement le gouvernement a prétendu faussement que ce jugement lui donnait raison, mais on apprend aujourd’hui que sept députés conservateurs ont l’audace de réclamer 355 000$ à ceux qui ont eu le courage de défendre la Démocratie canadienne en portant l’affaire devant les tribunaux mais qui, techniquement, ont échoué à invalider les résultats frauduleux.

Cette poursuite-bâillon s’apparente aux moyens juridiques qui ont permis au gangstérisme de régner sur l’hôtel de ville de Laval pendant des années.

Je m’attends donc à ce que le Premier ministre prenne les mesures qui s’imposent
 • pour mette fin à ces poursuites dans les plus brefs délais,
 • pour obliger les députés-fraudeurs à s’excuser publiquement sous menace d’expulsion du caucus conservateur,
 • pour purger sa garde rapprochée des voyous et des individus sans scrupule qui le conseillent et
 • pour contrer la tendance au despotisme qui caractérise de plus en plus son exercice du pouvoir.

Références :
Appels frauduleux – Les conservateurs balaient les critiques du jugement
Appels automatisés – Des conservateurs réclament 355 000 $
Arrestation de Saulie Zajdel: surprise au Parti conservateur
Conservateurs en mission
Corruption : la faille « Vaillancourt » doit être colmatée
Feds eyeing online forums to correct ‘misinformation’
Harper government monitoring online chats about politics
Le gouvernement Harper renversé par l’opposition
Les miettes dorées du F-35
M. Harper défend mollement la Démocratie canadienne
Pourquoi acheter des chasseurs F-35 ?
Se cacher derrière ses députés
Saulie Zajdel, fonctionnaire fantôme

Parus depuis :
Harper reste muet au sujet de la liste de fonctionnaires ennemis (2013-07-17)
Libre opinion – Nous ne sommes pas des «ennemis» (2013-07-30)
Liste d’«ennemis» – Ottawa doit changer de ton, disent les organismes visés (2013-08-03)
Accrochage impliquant un journaliste chinois durant un point de presse de Harper (2013-08-23)
La politique de la terre brûlée — Jusqu’où ira Harper pour faire taire ses «ennemis»? (2014-05-10)
Ottawa a intensifié la culture du secret (2014-09-15)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


M. Harper défend mollement la Démocratie canadienne

Publié le 2 mars 2012 | Temps de lecture : 4 minutes

La controverse des appels frauduleux survenus au cours de la dernière campagne électorale ne remet pas en question les résultats du scrutin; le gouvernement conservateur est majoritaire et il le demeurera peu importe l’issue de cette controverse.

Ce qui est en cause, c’est la Démocratie.

Tenter de décourager des électeurs d’aller voter en rendant cette tâche plus compliquée, c’est torpiller la Démocratie. Harceler des électeurs en leur faisant croire qu’un autre parti politique est responsable de cet harcèlement, c’est tenter de fausser leur choix.

La Démocratie est le pouvoir du peuple de choisir ses dirigeants. Idéalement, les gens devraient choisir leurs dirigeants d’après ce que les candidats se proposent de faire s’ils sont élus (ou réélus) et d’après leur compétence à gouverner. Dans l’exercice de ce choix, l’électeur doit tenir compte des antécédents des candidats, c’est-à-dire ce qu’ils ont accompli jusqu’ici.

Déjà, les stratèges politiques tentent d’orienter le vote d’après la personnalité des candidats, d’après l’image rassurante qu’ils projettent, d’après des slogans accrocheurs et d’après des campagnes de dénigrement ou des demi-vérités. Tout cela est regrettable, mais c’est parfaitement légal.

La ligne à ne pas dépasser est la légalité. Or cette ligne a été franchie.

Appeler, en se faisant passer pour Élections Canada, afin d’aviser des centaines électeurs qu’en raison d’un engorgement, ils devaient plutôt voter à un bureau de vote éloigné (et où ils n’étaient pas inscrits), c’est de la fausse représentation : or, qu’elle soit verbale ou écrite, la fausse représentation est illégale.

À l’heure actuelle, tous les indices portent à croire que certains stratèges du Parti conservateur ont été trop loin. Mais il n’est pas impossible que des zélés d’autres partis soient aussi fautifs. Aussi condamnables que soient leurs initiatives, on peut se rassurer à l’idée que nous vivons dans une société de droit et que les coupables devraient être démasqués et punis.

Par contre, ce qui est très inquiétant, c’est la stratégie utilisée jusqu’ici par le Premier ministre canadien pour se défendre. Ce que nous voyons, c’est son aveuglement politique et une agressivité — habituelle chez beaucoup de politiciens — qui consiste à accuser les autres des torts qu’on lui reproche.

Aujourd’hui, Radio-Canada nous apprend que le Premier ministre accuse l’opposition d’avoir aussi utilisé du télémarketing au cours de la campagne électorale. Ceci est une tactique de diversion : ce dont il est question, ce n’est pas le télémarketing politique — qui est légal et qui se fait depuis que le téléphone existe — mais d’un acte criminel, soit la fausse représentation.

Alors qu’il est trop tôt pour connaître l’ampleur de ce scandale, cette mauvaise foi évidente augure mal. En raison de la gravité des faits, on est en droit d’exiger du chef du gouvernement canadien qu’il se comporte en chef d’État et non en politicailleur.

De la même manière qu’on suspend un policier soupçonné d’agissements illégaux jusqu’à ce qu’il soit innocenté, M. Harper doit suspendre immédiatement les liens commerciaux qui unissent son parti à toute entreprise de télémarketing dont des employés ont déclaré avoir procédé à des appels illégaux.

De plus, au lieu de chercher des puces à ses adversaires, M. Harper doit se montrer intraitable dans sa détermination à restaurer la confiance de la population dans le processus électoral. En particulier, en défenseur auto-proclamé de la loi et de l’ordre, il a une occasion unique d’être cohérent et de faire adopter par le Parlement une loi prévoyant des peines minimales très sévères pour toute personne qui entreprendrait de nous priver du droit de choisir nos dirigeants.

Référence :
Appels frauduleux : Harper accuse les libéraux, l’opposition contre-attaque

Sur le même sujet :
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Torpiller la démocratie canadienne

Parus depuis :
Appels trompeurs: «scandaleux», dit le DGE (2012-03-30)
Appels frauduleux – Les conservateurs balaient les critiques du jugement (2013-05-15)
Point Chaud – Élections Canada en a assez des «tricheurs» (2013-10-15)

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Écrit par Jean-Pierre Martel