Un nombre grandissant de personnes âgées reçoivent leurs médicaments à la semaine en se rendant hebdomadairement à leur pharmacie ou en les recevant par livraison.
À l’origine, la délivrance se faisait dans de petites boites de plastique rouge, vendues sous la marque Dosett™. Mais il est maintenant plus hygiénique et plus économique de les fournir en cartes alvéolées dont chaque case possède l’apparence de ces contenants uniservice de mayonnaise ou de confiture.
Chaque case contient tous les médicaments que doit prendre le destinataire à l’un ou l’autre de quatre temps du jour.
La Régie de l’assurance-maladie du Québec ne paie la fourniture en semainier que lorsqu’il existe une raison médicale de le faire. Habituellement cette raison est liée à des problèmes d’observance.
Justement parce que les destinataires ont tendance à oublier de prendre leurs médicaments, les semainiers devraient idéalement être fournis à la semaine en contrepartie de l’obligation de présenter le semainier précédent. Ce qui donne l’occasion au pharmacien de juger du nombre de prises oubliées.
Il n’est pas rare que les patients trouvent fastidieuse l’obligation de se présenter à la pharmacie chaque semaine. Voilà pourquoi, dans des cas légers, un pharmacien peut décider de fournir plus d’un semainier à la fois.
Au-delà de ces cas particuliers, on voit mal les raisons qui justifieraient la fourniture de semainiers en grande quantité, à part un voyage à l’étranger.
À juste titre, l’Ordre des pharmaciens du Québec attache une grande importance à la ‘prise en charge’ (sic) des patients par leur pharmacien et surtout au suivi que ce dernier doit effectuer sur leur consommation de médicaments.
Or le suivi des patients qui reçoivent leurs médicaments en semainiers est beaucoup plus facile que pour la clientèle ordinaire.
Tous les pharmaciens dressent une liste des patients ‘sous semainier’. À la vue exclusive du personnel, cette liste indique, pour chaque jour de la semaine, les noms des patients dont les semainiers devraient être prêts à être fournis ce jour-là (puisque les patients ne débutent pas leurs semainiers le même jour de la semaine).
Et c’est le devoir de tout pharmacien de contacter les retardataires pour leur signaler que leur semainier devrait être renouvelé ou, à défaut, de signaler tout retard prolongé à la personne-ressource indiquée au dossier ou au CLSC le plus près.
Le 20 novembre 2015, une Trifluvienne de 65 ans a été retrouvée morte plus d’un mois après avoir reçu sa dernière Dosett™.
Rendu public récemment, le rapport du coroner est rudimentaire. Dans son analyse de trois paragraphes, il retrace la date probable du décès à la dernière prise dans l’unique Dosett™ trouvée sur place.
Il est étonnant qu’une patiente puisse ne donner aucun signe de vie pendant plus d’un mois sans que son pharmacien s’en inquiète.
Le coroner ne semble pas connaitre les normes professionnelles à ce sujet. C’est sans doute pourquoi son rapport ne fournit aucune recommandation adressée à l’Ordre des pharmaciens.
Ce rapport soulève de nombreuses questions au sujet de la délivrance des médicaments à cette patiente.
Depuis plusieurs années, une minorité des pharmaciens du Québec pratiquent ce qu’on appelle ‘la délégation contenant-contenu’.
En vertu de cette délégation, non seulement les aides techniques préparent les médicaments, mais vérifient entre eux le travail effectué. Particulièrement dans le cas de la préparation routinière des semainiers, tout se fait sans intervention du pharmacien, souvent dans un local indépendant de lui.
Le rôle du pharmacien se limite à structurer le travail au départ et de faire des vérifications aléatoires de temps en temps, à une fréquence laissée à sa discrétion (par exemple, une fois par mois ou quelques fois par année).
Là où cela se fait, on ne juge pas nécessaire d’en informer le public puisque des études ont démontré que cela donne d’excellents résultats.
Mais qu’en est-il dans la vie de tous les jours, hors du cadre formaté de ces études ? On présume que c’est pareil.
Il serait méprisant d’insinuer que seuls des professionnels peuvent agir de manière responsable. Toutefois, on doit avouer que la motivation à agir correctement n’est pas la même pour l’employé renvoyé qui refera sa vie ailleurs et pour le pharmacien qui devra vivre le restant de la sienne en portant les stigmates d’une faute professionnelle grave aux yeux de sa clientèle.
Qu’en est-il dans ce cas-ci ? S’agit-il d’une pharmacie de type industriel où les aides techniques ont cette responsabilité et ont tout simplement négligé d’aviser le pharmacien d’une anomalie, jugeant à tort que cela n’est pas de leurs affaires ?
Encore là, le rapport du coroner est muet, probablement parce que le Dr Raynald Gauthier ignore comment les choses se passent concrètement dans une pharmacie.
Raison de plus pour l’Ordre des pharmaciens de faire enquête à ce sujet.
Référence :
Trouvée un mois après sa mort: un coroner trace un triste portrait d’isolement