La première joute diplomatique de Trump à l’Onu

Publié le 26 février 2025 | Temps de lecture : 6 minutes


 
En première période

Il y a quatre jours, l’Ukraine et les États-Unis soumettaient à l’Assemblée générale de l’Onu deux résolutions concurrentes.

Première débattue fut la résolution ukrainienne.

Depuis le début de ce conflit, l’Ukraine fait adopter annuellement une résolution qui condamne l’invasion de la Russie dans ce pays.

Longue de 22 paragraphes, cette résolution reprend l’ensemble des reproches occidentaux contre la Russie à ce sujet.

En vain, les États-Unis ont fait pression sur l’Ukraine pour qu’elle retire sa résolution. Aux yeux de Donald Trump, celle-ci reflète l’esprit de confrontation qui caractérisait l’administration de son prédécesseur et de laquelle il désire s’éloigner en vue d’une désescalade du conflit.
 

 
Au final, la résolution ukrainienne a été adoptée par 93 voix pour (dont le Canada et tous les membres de l’Union européenne), 18 voix contre (dont les États-Unis et la Russie) et 65 abstentions (dont la Chine et l’Inde).

En deuxième période

Puis vint le tour de la résolution américaine. Proposée par les États-Unis et appuyée par la Géorgie, cette résolution se lit comme suit :

Le Conseil de sécurité…
– déplorant les tragiques pertes en vies humaines qu’a causées le conflit entre la Fédération de Russie et l’Ukraine,
– réaffirmant que l’Organisation des Nations Unies a pour but premier, comme l’énonce la Charte des Nations Unies, de maintenir la paix et la sécurité internationales et de régler les différends par des moyens pacifiques,

…demande instamment qu’il soit mis fin au conflit dans les plus brefs délais et plaide pour une paix durable entre l’Ukraine et la Fédération de Russie.

Normalement, au sein d’un organisme comme l’Onu, se prononcer en faveur de la paix devrait faire consensus.

Intitulée ‘Une Voie vers la paix’, la nouvelle résolution américaine marque un changement d’époque; Donald Trump veut pacifier l’Europe afin de passer à autre chose.

La toute première étape qui mène à la paix est l’abandon du langage guerrier; ce n’est plus le temps des reproches, des rancœurs et des accusations.

Mais le Canada et les pays européens voient les choses autrement. Pour eux, cesser de battre le tambour de la guerre est un recul. Aussi se sont-ils employés à amender la résolution américaine au point d’en trahir l’esprit.

Les États-Unis, qui s’étaient opposés aux amendements européens, ont fini par s’abstenir de voter en faveur de leur propre texte.

Amendée, celle-ci a finalement été adoptée avec 93 voix pour, 8 voix contre et 73 abstentions. Ce qui constitue un autre revers diplomatique pour l’administration Trump.

En troisième période

Puis, le débat s’est déplacé en après-midi au Conseil de sécurité de l’Onu. Les États-Unis y présentaient le même texte que celui qu’ils avaient introduit plus tôt dans la journée à l’Assemblée générale.

Précisons que les résolutions de l’Assemblée générale sont dites ‘non contraignantes’. En clair, ce sont des vœux pieux. Seules les résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu font partie du Droit international.

Ce qui veut dire que les deux buts comptés lundi dernier dans le filet de Washington ne comptent pas. Ce sont comme des buts comptés lors d’une séance d’entrainement.

Échaudés par leur expérience plus tôt à l’Assemblée générale, les États-Unis avaient savoir qu’ils opposeraient leur droit de véto à tout amendement à leur résolution.

Faisant fi de la menace américaine, les pays européens membres du Conseil (le Danemark, la France, la Grande-Bretagne, la Grèce et la Slovénie) ont proposé les mêmes amendements qui, cette fois-ci, se sont heurtés au véto… russe.

Au Conseil de sécurité, la résolution américaine fut adoptée par 10 voix pour et 5 abstentions (tous alliés européens des États-Unis).

C’est la première fois que le Conseil de sécurité se prononce au sujet de la guerre en Ukraine depuis son déclenchement.

Conclusion

Pour la première résolution américaine de l’ère Trump à l’Onu, la nouvelle administration américaine avait choisi de soumettre une courte résolution qui invitait essentiellement l’Assemblée générale de l’Onu à se prononcer en faveur de la paix en Ukraine.

L’humiliation subie par Washington à l’Assemblée générale est l’œuvre d’alliés militaires menacés par Washington d’une guerre économique.

Ces pays semblent avoir oublié que Donald Trump est jaloux du prix Nobel que Barak Obama a reçu en 2009. Il ambitionne d’en recevoir un pour le récompenser d’avoir mis fin à la guerre en Ukraine et d’avoir pacifié l’Europe.

En cas de réussite, même si la Fondation Nobel devait décider de ne pas le nobéliser, l’Histoire, elle, s’en souviendra.

Donald Trump pardonne facilement à ces ennemis lorsque ceux-ci font amende honorable en lui baisant les mains.

Mais il est probable qu’il se rappellera longtemps de l’humiliation que le Canada et ses alliés européens lui ont fait subir futilement à l’Assemblée générale de l’Onu.

De la part de pays dont le Plan A consiste à tout miser en vue d’une victoire toujours plus lointaine de l’Ukraine et qui n’ont pas prévu de Plan B, on peut se demander à quoi servent ces enfantillages dans les antichambres de l’Onu…

Références :
At UN, Georgia Breaks with EU, Ukraine, Backs Toned Down U.S. Resolution on War
L’ONU rejette la résolution américaine qui demande la fin de la guerre en Ukraine sans mentionner l’agression russe
Résumé de géopolitique mondiale (1re partie)
Résumé de géopolitique mondiale (2e partie et fin)
Ukraine : après trois ans de guerre totale, l’ONU théâtre de divergences dans l’alliance transatlantique
Ukraine : Washington propose à l’ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit
Ukraine: trois ans exactement après l’invasion par la Russie, le Conseil de sécurité adopte une première résolution demandant la fin du conflit dans les plus brefs délais

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Écrit par Jean-Pierre Martel