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Sur les 3 300 agronomes du Québec, 15 ont émis en 2018 de près de la moitié des 1 500 ordonnances d’atrazine, un herbicide cancérogène interdit en Europe depuis plus d’une décennie.
Ces quinze agronomes sont employés principalement par des fabricants ou des distributeurs de pesticides.
Selon Radio-Canada, de manière générale, la majorité des agronomes qui conseillent les agriculteurs sur l’utilisation des pesticides sont des salariés des entreprises qui vendent ces produits.
Inversement, la majorité des agriculteurs qui se font prescrire ces produits reçoivent leurs ordonnances d’agronomes payés par l’industrie.
Environ 80% des entreprises qui emploient des agronomes leur versent un salaire. Mais elles leur versent également des commissions associées à la vente de pesticides ou de défoliants.
Par exemple, si l’agronome vend suffisamment de poches de graines de maïs enrobées d’un pesticide, il gagne un voyage dans le Sud, toutes dépenses payées.
Dans quelques cas, l’agronome est payé exclusivement à commission : pas de vente de pesticides, pas de salaire. Selon l’Ordre des agronomes, il ne s’agit-là que d’une apparence de conflit d’intérêts.
Accusé de laxisme, l’Ordre a répliqué en soutenant que ceux qui blâment ses membres ne font qu’essayer de se faire du capital politique sur leur dos.
Cet organisme estime que son rôle est de faire appliquer les lois. « Que le gouvernement légifère et l’Ordre va suivre », déclare son vice-président.
Mais voilà, le gouvernement a déjà légiféré.
Plutôt que de déterminer lui-même les bonnes pratiques agricoles, l’État québécois a décidé en 2018 de s’en remettre au jugement professionnel des agronomes en obligeant les cultivateurs à obtenir une ordonnance d’un agronome pour pouvoir acheter des pesticides ou des défoliants.
Or l’article 31 du Code de déontologie des agronomes interdit déjà tout avantage, ristourne ou commission relatifs à l’exercice de sa profession.
Il est inacceptable qu’en violation de leurs règles déontologiques, la majorité des agronomes aient intérêt, personnellement, à ce qu’on vende le plus possible de pesticides et de défoliants.
L’Ordre est incapable de donner le moindre exemple de mesure cœrcitive prise contre un seul de ses membres à ce sujet.
Les propositions visant à renforcer l’indépendance des agronomes ont toutes été battues en assemblée générale en raison de la mobilisation des agronomes-pushers, accourus massivement pour le vote.
Bref, la profession des agronomes est pourrie de l’intérieur à un point tel que même l’Ordre des agronomes est paralysé.
Pour étirer le temps, cet organisme professionnel a créé un comité d’experts mandatés pour faire des recommandations. Son rapport est attendu d’ici la fin de l’année 2019.
Le comble de la mauvaise foi est sa décision d’y nommer des agronomes à la solde de l’industrie des pesticides.
Gênée par cet exemple flagrant de conflit d’intérêts, la puissante Union des producteurs agricoles a refusé de faire partie de ce comité.
Ce qui n’a pas empêché le nouveau président de l’Ordre de soutenir que les agronomes provenant de l’industrie s’exprimeront en toute indépendance par rapport à leur entreprise.
« On peut vous garantir que s’il y a des représentants de l’industrie, ils ne sont pas là pour noyauter le comité » a-t-il déclaré.
Je pense que l’Ordre des agronomes nous prend vraiment pour des imbéciles.
D’où la question : ne devrait-on pas mettre cet Ordre professionnel sous tutelle en raison de sa faillite à défendre l’intérêt public comme l’y oblige la loi ?
Références :
Agriculture: l’industrie siège au comité de révision sur l’usage des pesticides
Des agronomes payés par l’industrie prescrivent davantage d’herbicide
Des incitatifs illégaux versés à des agronomes pour vendre plus de pesticides
Pesticides: «Beaucoup de monde essaie de se faire du capital politique»
Pesticides : le manque d’indépendance d’agronomes et de chercheurs continue de faire des vagues
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Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 12-40mm F/2,8 — 1/640 sec. — F/5,6 — ISO 200 — 34 mm.