Les mille pannes annuelles du métro de Montréal

Publié le 21 janvier 2018 | Temps de lecture : 4 minutes
Exemple de panne dans le métro de Montréal

Se basant sur une étude londonienne, la Société des transports de Montréal (STM) estime qu’elle fait mieux que la moyenne au chapitre des interruptions de service. Conséquemment, elle n’a aucun plan de réduction des pannes. Aucun objectif. Aucune cible.

Ainsi, Montréal se compare avantageusement au métro de Londres, inauguré en 1863, au vieux métro sale de New York, inauguré en 1904, et à différents métros dont les dates d’inauguration ne sont pas précisées.

J’ai eu l’occasion de prendre des vacances de trois semaines dans chacune des villes suivantes sans être affecté par une seule panne : Barcelone, Berlin, Lisbonne, Paris, Porto, Prague, Shanghai et Vienne.

Si la seule ambition des dirigeants de la STM est de faire mieux que différents métros vétustes à travers le mode, permettez-moi de dire qu’elle manque d’ambition.

Depuis des années, il y a environ mille pannes dans le métro de Montréal, soit une moyenne de trois par jour. Les interruptions de plus d’une heure ont augmenté de 52% en 2016. Les pannes de plus de cinq minutes ont augmenté de 31% en 2017.

La STM est toujours empressée de fournir des statistiques pour se justifier. Par exemple, on nous dira que 86% des usagers sont satisfaits du service.

À ce sujet, allez dans n’importe quel restaurant insalubre et vous verrez que plus de 86% des clients en sont satisfaits; ceux qui ne le sont pas mangent ailleurs.

La STM n’a jamais estimé le cout économique des pannes pour les usagers. Combien de millions d’heures-personnes perdues ? Combien de frais de taxi ? Bref, combien de millions$ de pertes économiques ? On ne sait pas.

Puisque tout se mesure, pourquoi n’est-elle pas capable de le dire ? Parce qu’il serait compromettant pour elle de le savoir. Alors elle s’abstient de le déterminer.

C’est plus simple de blâmer les usagers qui se suicident ou qui descendent imprudemment pour récupérer des objets échappés sur la voie. Ce sont eux les responsables, selon la STM.

Métro de Shanghai

À Paris et à Shanghai, on a choisi de dresser une paroi transparente entre les utilisateurs et les voies. Des portes ne s’ouvrent qu’au moment où un train est en gare. Pas de suicide. Pas de téléphone échappé sur la voie.

Avec de telles cloisons, on éliminerait les plus longues pannes montréalaises.

Plutôt que de dresser de telles cloisons — trop dispendieuses selon la STM — celle-ci se propose de climatiser tous les wagons du métro, ce qui coutera des millions de dollars.

La Havane n’a pas de métro. Mais elle a des autobus. Et pour lutter contre la chaleur tropicale, on utilise un moyen qui ne détruit pas la couche d’ozone, qui ne crée pas de gaz à effet de serre, qui est parfaitement écologique et qui ne coute presque rien : ce sont des éventails de papier. Ceux qui ont chaud s’en servent, mais pas les autres.

À défaut de données à ce sujet, je présume que les arrêts de service à Montréal causés par des tentatives de suicide doivent être plus nombreux que ceux causés par des coups de chaleur puisque nous habitons un pays où on gèle onze mois par année.

J’invite donc la STM à se demander si des cloisons qui sauvent des vies devraient avoir préséance sur des climatiseurs.

Une fois que les ambulanciers ont déplacé une personne vers les quais — elle est rarement traitée sur les voies — je ne vois pas ce qui empêcherait la ligne de métro de fonctionner; il suffit de ne pas faire d’arrêt à la station durant l’intervention.

Finalement, pour ce qui est de ceux qui tombent malades dans les wagons, combien y en a-t-il par année ?

Bref, si on veut que les Montréalais abandonnent l’auto pour le transport en commun, il faudra augmenter sa fiabilité.

Pour ce faire, il serait temps que les nouveaux dirigeants de la ville obligent la STM à se doter d’une politique de réduction des pannes plutôt que de se satisfaire de la médiocrité du service qu’elle donne présentement.

Références :
La navette du 747 : un service pourri
Métro de Montréal : les statistiques de la désinformation
Refonte majeure du réseau d’autobus de la STM

Parus depuis :
La STM alertée 25 fois par jour pour des escaliers roulants bloqués (2018-06-01)
Interruptions de service dans le métro : Retour aux niveaux prépandémiques (2024-06-29)

Un commentaire

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Métro de Montréal : les statistiques de la désinformation

Publié le 20 juin 2017 | Temps de lecture : 6 minutes
Station Place des Arts

Depuis des années, les dirigeants de la Société de transport de Montréal (STM) refusent d’admettre le manque de fiabilité du métro.

Il y avait 794 interruptions de service en 2006, 980 en 2011, et 923 en 2016. En moyenne, c’est près de trois par jour.

En 2011, les porte-paroles de la STM justifiaient l’augmentation de 23% des pannes (en comparaison avec 2006) en expliquant que le prolongement du métro vers Laval avait augmenté de 29% la taille du réseau.

Statistiquement, cela faisait moins d’interruptions par kilomètre parcouru, plus précisément seulement 1/25e de panne par mètre du réseau.

Comme quoi on peut tout faire dire aux statistiques.

Il est normal que du matériel roulant tombe en panne. Mais j’ai eu l’occasion de prendre le métro à Barcelone, Berlin, Paris, Prague, Shanghai et Vienne, et je n’ai rencontré aucune panne au cours des trois à six semaines que j’ai passées dans chacune de ces villes.

Au contraire, il ne se passe pas une semaine sans que cela m’arrive à Montréal. La dernière fois, c’était cette panne d’une vingtaine de minutes, hier vers 14h.

Plus grave encore, les interruptions de plus d’une heure ont augmenté de 52% depuis l’an dernier, passant de 17 en 2015 à 26 en 2016.

Les porte-paroles de la STM font remarquer les pannes sont attribuables, dans la moitié des cas, à un facteur humain — une personne malade, quelqu’un sur la voie, un autre qui retient les portes — et non uniquement à des problèmes techniques.

Depuis qu’on a rendu presque impossible le suicide en se jetant du pont Jacques-Cartier, j’ai toujours pensé que les tentatives de suicide dans le métro avaient augmenté.

Les statistiques officielles suggèrent que ce n’est pas le cas. Mais je n’ai pas réussi à me convaincre que les suicidaires renoncent à s’enlever la vie lorsqu’on les prive d’un des moyens de le faire.

Dans tous les cas, il est clair qu’un certain nombre de personnes se jettent sur la voie afin de se suicider.

Portes-palières du métro de Shanghai

Le moyen de prévenir cela existe. Il est simple. C’est de faire comme à Paris, Zurich et Shanghai (ci-dessus), et de dresser entre les quais et les rails une paroi vitrée dont les portes ne s’ouvrent qu’à l’arrêt du train. Ces portes sont appelées portes-palières.

Mes dirigeants de la STM s’y refusent en déclarant que cela couterait trop cher.

Mais trop cher par rapport à quoi ? A-t-on calculé les millions d’heures-personnes perdues par les usagers qui sont prisonniers du métro en panne à chaque année ?

Non. Mais ce qu’on a calculé, c’est que la durée totale des interruptions enregistrées en 2016 (soit 183 heures) ne représente que 0,6% du temps de fonctionnement du métro.

Combien de centaines de milliers de personnes ont été affectées durant ces 183 heures ? Combien de dizaines de millions d’heures-personnes ont été perdues ?

Ça, on ne sait pas. Mais l’ignore-t-on parce que cela est impossible à calculer ou parce qu’on ne veut pas se donner la peine de faire ce calcul ?

On sait précisément à quels moments du jour surviennent ces pannes. On sait grosso modo, combien de personnes sont dans le métro à tout heure du jour. Donc il est très facile de calculer le nombre d’heures-personnes perdues à attendre la reprise du service.

La perte de productivité des travailleurs en retard au travail et les frais de taxi représentent des dépenses qui reviennent d’année en année alors que la construction d’un mur de protection est une dépense qui n’est pas récurrente.

On ne peut pas à la fois refuser de prendre les mesures qui s’imposent, et se disculper du manque de fiabilité du métro en blâmant les usagers.

La STM fait valoir que 97,5% des utilisateurs du métro arrivent à destination à l’heure. Elle oublie de dire que le manque de fiabilité du métro est chronique et qu’une partie des usagers partent au travail plus tôt que nécessaire au cas où ils seraient retardés par une panne.

Si la STM connait le pourcentage de gens qui arrivent à l’heure en dépit des pannes, c’est qu’elle leur a demandé. C’est qu’elle a fait un sondage qui lui a permis de le savoir. Leur a-t-elle demandé combien, en moyenne, ils dépensent en taxi parce qu’ils ne peuvent pas attendre le retour en service du métro ?

Ah, ça non plus, on ne sait pas. Comme c’est étrange; tout ce qu’on sait, ce sont les données qui permettent à la STM de justifier son laxisme.

Bref, de la désinformation.

En réalité, les dirigeants de la STM évitent de mettre dans l’embarras leurs patrons, ces autorités municipales qui refusent de leur donner les moyens d’améliorer la fiabilité du métro. Donc, on nie le problème pour protéger son job.

En retour, les autorités municipales justifient leur refus d’y consacrer les sommes nécessaires en citant les dirigeants de la STM qui affirment qu’il n’y a pas de problème ou s’il y en a un, c’est de la faute des usagers.

Tout se tient.

Comme je l’écrivais il y a cinq ans, le métro est beaucoup plus qu’un simple moyen de transport à Montréal : c’est une vitrine de l’expertise québécoise en matière de transport en commun.

Près d’un million de touristes visitent la métropole du Canada chaque année. Parmi eux, il y a des décideurs publics qui pourraient un jour avoir à adopter un devis de Bombardier pour la construction d’un métro dans leur ville. Quel intérêt verront-ils à lui accorder le contrat quand notre métro est si loin de susciter l’admiration et l’envie ?

Références :
Les arrêts de service du métro de Montréal à la hausse
Peut-on se fier au métro de Montréal ?
Près de mille interruptions de service en 2011 dans le métro de Montréal

Paru depuis :
Métro de Montréal: vers un record de pannes (2017-11-24)

Détails techniques : Panasonic GH1, objectifs Lumix 20 mm F/1,7 (1re photo) et Lumix 14-45 mm (2e photo)
1re photo : 1/40 sec. — F/1,7 — ISO 100 — 20 mm
2e photo  : 1/30 sec. — F/3,5 — ISO 125 — 14 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel