L’Iran joue avec le feu

Publié le 7 janvier 2012 | Temps de lecture : 5 minutes
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Du point de vue de la navigation maritime, le golfe persique est un cul-de-sac dont il n’existe qu’une seule issue : le détroit d’Ormuz.

C’est par là que transite le tiers du pétrole transporté par voie maritime dans le monde (et le cinquième du trafic, tous modes confondus). L’essentiel du pétrole exporté d’Arabie saoudite, d’Iran, des Émirats arabes unis, du Koweït et de l’Irak transite par ce passage étroit de 6,4 km.

Pendant dix jours à partir du 22 décembre dernier, l’Iran y menait officiellement des exercices militaires, sans toutefois interrompre le trafic maritime.

Mais voilà que quelques jours après le début des exercices, ce pays donne une idée de ce qui pourrait être ses véritables intentions. En effet, le premier vice-président iranien déclare que son pays n’hésitera pas à fermer le détroit si l’ONU devait adopter de nouvelles sanctions économiques contre son pays. Comme si cet exercice n’était qu’une préparation en vue de cette fermeture.

L’amiral Mahmoud Moussavi, porte-parole des manoeuvres navales, précise : « À partir (du 31 décembre), une majorité de nos unités navales — de surface, sous-marine et aérienne — vont se positionner selon une nouvelle formation tactique destinée à rendre impossible le passage de tout navire par le détroit d’Ormuz si la République islamique en décide ainsi. »

Or la libre circulation par ce détroit est essentielle à l’économie mondiale. Tout blocus iranien représente un risque certain d’un conflit armé dans la région.

Il existe deux alternatives terrestres à Ormuz; par le pipeline qui court d’Arabie saoudite vers la mer Rouge et par celui qui relie les Émirats arabes unis à la mer d’Oman. Mais ces alternatives ne concernent pas la production pétrolière du Koweït et du Qatar.

Le blocus du détroit est une arme à double tranchant puisqu’il toucherait aussi la production du pétrole iranien. Toutefois l’économie de l’Iran est beaucoup plus diversifié que celle de son grand rival régional, l’Arabie saoudite. En effet, le pétrole ne représente que 8% du Produit intérieur brut (PIB) de l’Iran — mais 80% de ses exportations — alors que le pétrole représente 53% du PIB d’Arabie (et 90% de ses exportations).

On comprend donc que l’Arabie saoudite, dont l’économie est à la merci de l’Iran, souhaite ardemment une guerre éclair qui anéantirait la menace iranienne. Rien ne ferait plus plaisir à l’Arabie que les « Impies » américains tuent des hérétiques iraniens (car à 89% chiites) pendant que l’Arabie saoudite (officiellement à 100% sunnite) assiste au spectacle gratuit de l’autre côté de la rive en sirotant son thé à la menthe.

Or il est très improbable que les États-Unis déclarent une troisième guerre en une décennie contre autant de pays musulmans. Pour plusieurs raisons.

Premièrement, le peuple américain a été très complaisant relativement à la guerre en Irak : il a supporté l’entrée en guerre comme il appuie généralement aveuglément son club de football local. Il regrette aujourd’hui cet engagement. C’est pourquoi une nouvelle guerre, aussi justifiée soit elle, est politiquement indéfendable auprès des Américains.

Deuxièmement, l’organisme National Priorities Project estime à plus de 800 milliards de dollars le coût de la guerre en Irak et à plus de 488 milliards de dollars le coût de la guerre en Afghanistan. Les guerres républicaines récentes représentent donc une dépense de plus de quatre mille dollars pour chaque Américain (homme, femme ou enfant). Or une guerre totale contre l’Iran sera définitivement plus coûteuse que la somme des deux guerres précédentes.

L’Iran a une population de 78 millions de personnes, soit d’avantage que l’Irak (31.2 millions) et l’Afghanistan (29.8 millions) réunis. Alors que le régime de Saddam Hussein ne pouvait pas compter sur la mobilisation enthousiaste des minorités qu’il avait faites massacrer — soit les Kurdes (dans le nord du pays) et les Irakiens chiites (au sud) — la population iranienne est beaucoup plus homogène du point de vue ethnique (perse à 70%, turcophone à 26%) et religieux (chiite à 89%). Des envahisseurs y rencontreraient une population beaucoup plus hostile et beaucoup plus unie derrière ses dirigeants.

Non seulement une telle guerre porterait le prix du pétrole à 150$ ou 200$ le baril, mais l’Iran pourrait être tenté d’envahir le sud de l’Irak afin de « délivrer » ses coreligionnaires chiites, victimes des attentats terroristes dans ce pays, et réunir des populations qui faisaient partie autrefois de la Perse antique (et qui se distinguent aujourd’hui par la langue; les Iraniens parlent surtout le perse alors que les Irakiens sont arabes).

Références :
Guerre d’Afghanistan (2001)
Guerre d’Irak
La guerre en Irak ou L’aveuglement collectif américain
L’Iran menace Ormuz pour éviter des sanctions
La guerre en Irak ou L’aveuglement collectif américain
L’Iran teste des missiles sur fond de nouvelles sanctions
Paix mondiale – L’Iran représente la plus grande menace, selon Harper
« Plus une goutte de pétrole ne passera par Ormuz » en cas de sanctions, avertit l’Iran

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Écrit par Jean-Pierre Martel