Ordinateur et douanes

Publié le 20 janvier 2020 | Temps de lecture : 4 minutes

Introduction

Les douaniers américains ont le droit de demander les mots de passe de tous les appareils mobiles (téléphones, tablettes et ordinateurs) avec lesquels on veut entrer aux États-Unis.

Depuis deux ans, leurs collègues canadiens ont procédé à la fouille de vingt-six-mille appareils mobiles.

Si les données qui s’y trouvent sont cryptées, ils ont même le droit d’exiger qu’on leur fournisse des clés de cryptage.

Voilà pourquoi il est imprudent de traverser les frontières avec un ordinateur sur lequel se trouvent des données sensibles, notamment des secrets commerciaux ou industriels.

Pour un voyageur ordinaire comme vous et moi, il est improbable que les douaniers américains s’acharnent à essayer de trouver ce qu’on pourrait leur cacher. Mais sait-on jamais…

Une protection simple

Voici la protection que j’ai utilisée lors d’un voyage récent en Californie.

À titre d’administrateur, ouvrez les Préférences Système…. Sur un Macintosh, c’est en haut, à gauche, sous le menu ‘Pomme’.


 
Cliquez sur Utilisateurs et groupes.


 
Cliquez d’abord sur le cadenas situé dans le coin inférieur gauche. Les Options que j’utilise sont celles ci-dessus. Puis cliquez sur le ‘+’ sous les Options afin d’ajouter un nouvel utilisateur.


 
J’ai attribué à ce nouvel utilisateur mon nom suivi du chiffre 2.

Comme mot de passe, j’ai choisi ‘IloveAmerica2’ (ce qui veut dire ‘J’aime les États-Unis moi aussi’. C’est très lèche-botte, mais son ironie ne devrait pas traverser l’esprit de tout agent de la paix le moindrement patriotique.

Une fois cela fait, verrouillez le cadenas et quittez les Préférences Système.


 
Dorénavant, lorsqu’on allume son ordinateur, on est accueilli par un écran semblable à celui ci-dessus.

Et une fois passé l’écran d’accueil, le douanier aurait vu le premier des écrans ci-dessous, plutôt que le deuxième.
 


 
On prendra soin de laisser les coordonnées de personnes sans importance dans votre liste de contacts, s’abonner aux pages Facebook de quelques vedettes populaires, et de laisser dans l’historique de votre navigation sur l’internet quelques sites pornos pour faire plus vrai (même si, comme moi, vous ne faites jamais cela).

Et si le douanier vous interroge sur les sites que vous visitez, mentez en vous frottant un œil et en baissant les yeux. Ce langage corporel incriminant fera passer tout le reste comme vrai puisque le douanier saura ce dont vous avez l’air quand vous ne dites pas la vérité.

La vérité ‘douanière’ de mon ordinateur

Oui, mais que serait-il arrivé si le douanier avait exigé que j’ouvre mon ordinateur sous l’autre nom d’utilisateur ?

Il est imprudent de tenir tête à un douanier américain armé.

Voici donc la vérité ‘douanière’ de mon ordinateur. Cette vérité est l’équivalent des faits alternatifs de Donald Trump.

Cet ordinateur n’est utilisé qu’à l’occasion de mes voyages à l’étranger (ce qui est vraiment vrai). Après des mois sans l’utiliser, j’ai oublié mon mot de passe. Cela arrive.

Mais grâce à Dieu — invoquer Dieu est très judicieux en toute circonstance aux États-Unis — grâce à Dieu dis-je, j’avais créé un deuxième profil pour mon frère lorsque celui-ci m’avait emprunté mon ordinateur quand le sien avait fait défaut.

Après avoir réalisé que j’avais oublié le mot de passe de mon profil, j’ai simplement renommé le profil de mon frère et continué à utiliser mon ordinateur de cette manière.

Conclusion

Si un douanier perspicace voulait vraiment inspecter le contenu de mon ordinateur, il devrait l’ouvrir et extraire son disque dur afin de le lire comme périphérique externe d’un autre Macintosh.

En temps normal, un douanier occupé ne devrait pas se donner cette peine.

Donc, à moins de vous soumettre à un détecteur de mensonges, cette vérité douanière devrait vous permettre de traverser les frontières sans soucis.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Ordinateur, informatique et digital

Publié le 6 mai 2019 | Temps de lecture : 3 minutes


 
De ces trois mots, il en existe un qui n’a pas de rapport aux deux autres. Pouvez-vous deviner lequel ?

Ordinateur

Au début de l’histoire de l’informatique, les ordinateurs n’étaient que de puissantes machines à calcul. On les appelait justement computer en anglais et calculateur en français.

Dans la mentalité légèrement machiste de l’époque, les comptables des petites entreprises effectuaient leurs calculs sur les calculatrices de bureau. Mais lorsqu’on voulait effectuer des calculs complexes sur des machines puissantes, il fallait évidemment quelque chose de plus masculin, d’où le mot calculateur

En 1955, François Girard n’est pas satisfait. Responsable de la publicité chez IBM France, il anticipe le potentiel des machines IBM au-delà de leur utilité mathématique.

Afin de trouver un nom plus approprié, il s’adresse à son ancien professeur de lettres à la Sorbonne, Jacques Perret. Ce dernier est également philosophe et spécialiste du latin.

Il prendra un vieux mot, ordinateur, et proposera de lui donner un sens nouveau.

Du latin ordinator (celui qui commande, qui donne des ordres), ordinateur apparait en français à la fin du XVe siècle dans le sens de celui qui organise, qui met en ordre.

Le mot sera si peu utilisé qu’on ne se donnera même pas la peine d’en parler dans le dictionnaire de l’Académie française de 1935.

La suggestion du professeur Perret sera adoptée d’autant plus facilement que le directeur d’IBM France est également un de ses anciens élèves.

La compagnie tentera de faire breveter le nom afin de distinguer ses produits de ceux de ses concurrents. Sans succès puisqu’on démontra que le mot existait déjà en français depuis longtemps.

Le géant informatique se résolut à le promouvoir en tant que nom commun.

Informatique

Créé par la fusion d’information et d’automatique, le mot informatique est né en France sept ans après ordinateur. L’Académie française l’adoptera dès 1967.

On doit ce mot à la compagnie BULL qui, à l’époque, était le grand concurrent d’IBM.

Si ordinateur (et ses déclinaisons) n’a pas été tellement plus loin que la France et l’Espagne, le succès d’informatique a été mondial.

Digital

En français, l’adjectif digital qualifie ce qui est relatif aux doigts. Exemple : nos empreintes digitales.

En anglais, ‘digital’ se rapporte aux chiffres, appelés ‘digits’. En réalité, il y a deux mots en anglais pour parler d’un chiffre : ‘digit’ et ‘numeral’.

C’est ainsi que le nombre 127 est un ‘numeral’ composé des ‘digits’ 1, 2 et 7. Alors que 2 est un ‘numeral’ composé d’un ‘digit’, ‘two’ (écrit au long) est un ‘numeral’ composé des lettres ‘t’, ‘w’ et ‘o’, mais d’aucun ‘digit’.

Conclusion

Des trois mots du titre, ‘digital’ est le seul qui n’ait pas de rapport aux deux autres. En informatique et en électronique, l’adjectif ‘digital’ est un anglicisme qui doit être remplacé par numérique.

Références :
Jacques Perret (philologue)
Numbers, Numeral and Digits

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Une révolution scolaire dont on pourrait s’inspirer

Publié le 9 mai 2011 | Temps de lecture : 5 minutes

Les Chinois : unis par l’écrit, divisés par l’oral

Le mandarin (la langue chinoise) requiert couramment la connaissance de 3,000 à 5,000 caractères appelés sinogrammes. C’est beaucoup plus que le nombre de touches sur le clavier d’un ordinateur. Alors comment les Chinois font-ils pour écrire leur langue à l’ordinateur ?

Prenons le mot « brochette » (en français) qui s’écrit avec un seul caractère chinois. Ce caractère se prononce « chuan ».

Sur le clavier, on doit taper son équivalent phonétique (en lettres occidentales), soit « chuan ». Malheureusement, cinq autres sinogrammes se prononcent de la même manière mais ont des sens différents. Ce sont des homophones comme, en français, « pain », « pin » et « peint » ou, pour prende un autre exemple, « vin », « 20 », « vain » et « vainc ».

Les homophones sont très nombreux parce que le mandarin ne compte que 404 unités syllabiques ; en d’autres mots, il n’y a que 404 sons uniques pour prononcer les milliers de caractères chinois.

Dans ce cas-ci, à l’écran, les six homophones de « chuan » apparaissent : on choisit le bon et on passe au mot suivant. Et ainsi de suite pour chacun des autres caractères qu’on doit écrire. Vous l’aurez deviné : c’est un peu long.

La reconnaissance vocale — c’est-à-dire dicter son texte à l’ordinateur — ne résout pas ce problème. Au contraire, elle l’empire puisqu’un caractère chinois qui a le même sens partout en Chine peut se prononcer différemment en mandarin (parlé à Beijing), en wu (parlé à Shanghai) et en cantonais (parlé à Hong Kong). C’est comme si le mot « cheval » était représenté par la silhouette de cet animal. Devant cette silhouette, le Francophone dira « cheval », mais l’Anglais dira « horse » et l’Allemand dira « Pferd ».

Imaginez que les langues occidentales s’écrivent avec des symboles comme dans l’exemple du cheval. Cela aurait pour résultat que tous les Occidentaux pourraient lire les mêmes journaux. Toutefois, lus à voix haute, leurs articles donneraient des résultats complètement différents.

C’est ce qui arrive en Chine; les Pékinois, les Shanghaïens et les Cantonnais se comprennent lorsqu’ils s’écrivent mais pas lorsqu’ils se parlent.

Si on veut éviter de taper l’équivalent phonétique (« chuan », dans l’exemple du début), on pourrait recourir à la reconnaissance optique des caractères écrits : c’est-à-dire qu’un Chinois n’aurait qu’à écrire un sinogramme sur une ardoise électronique (par exemple, un iPad) et l’appareil déchiffrerait instantanément ce qu’il a écrit.

Cette solution est beaucoup plus avantageuse pour eux et c’est pourquoi ils y ont consacré beaucoup de ressources.

Une compagnie chinoise, Hanvon (ou Hanwang en mandarin), est le leader mondial à ce sujet depuis une décennie. Fort de sa suprématie, elle a développé toute une série de produits dérivés dont une ardoise électronique appelée hPad.

Sur un hPad, on peut lire n’importe quel des 150 000 livres électroniques offerts par Hanvon. Car cette compagnie est le deuxième plus important libraire électronique au monde, après Amazon.

La révolution scolaire de Shanghai

Hanvon mène présentement un projet pilote dans des écoles de Shanghai qui risque de révolutionner l’édition de manuels scolaires. Dans cette ville, l’école est gratuite (sauf pour les migrants) et est obligatoire. Les pouvoirs publics dépensent annuellement 300 yuans (50$) pour l’achat de manuels pour chaque collégien. Or les études collégiales durent trois ans.

Dans cette expérience, chaque étudiant reçoit plutôt une ardoise électronique équipée d’un logiciel de reconnaissance de caractères chinois écrits à la main.

En début d’année, l’élève télécharge la version électronique de tous les manuels dont il aura besoin. Il fait ses devoirs dans des cahiers d’exercices électroniques que ses professeurs corrigent le lendemain.

Cette expérience ne fait que commencer. Le tout devrait être opérationnel d’ici deux ou trois ans.

Si l’expérience s’avère concluante, 300 millions d’écoliers chinois pourraient bénéficier de cette révolution. En effet, cela entrainerait rien de moins que la disparition des manuels imprimés, des cahiers d’exercice et des bibliothèques dans les écoles.

Si les Chinois prennent une longueur d’avance sur nous, il nous suffirait de sauter l’étape de la reconnaissance des caractères écrits — puisque taper son texte est beaucoup plus simple en français qu’en mandarin — et nous pourrions les rattraper. Si évidemment nous nous grouillons le derrière…

Référence : Barbier M, Le roi du e-Book reader – Maître chez lui, ChinePlus, 2011; 18: 40-3.

Parus depuis :
Tablet PCs speak kids’ language (2015-04-13)
L’enjeu du numérique à l’école (2016-09-24)
De l’école et des écrans (2019-05-04)

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Écrit par Jean-Pierre Martel