La pluie a cessé quelques secondes avant le début du concert et aussitôt, tous les parapluies se sont fermés.
Le spectacle ‘Charlebois en CharleboisScope’ est un vaste panorama de la carrière de ce chanteur et musicien hors norme. Le tout était accompagné de clips d’animation psychédéliques ou de films d’archive mettant en vedette le jeune Charlebois.
Au début de sa carrière, la chanson québécoise se divise en deux camps qui se méprisent; les ‘chansonniers’ (seuls, accompagnés de leur guitare, comme Félix Leclerc) et les vedettes yéyés (qui enregistrent des versions françaises de succès américains ou britanniques).
Les premiers travaillent dans de minuscules ‘boites à chansons’ tandis que les seconds, beaucoup plus populaires, remplissent les arénas ou les sous-sols d’église.
Quand Charlebois se fait initialement remarquer sur la scène musicale, c’est par ses textes, écrits par des poètes (comme Claude Péloquin), un romancier (Réjean Ducharme), voire par un politicien (Pierre Bourgault). Et surtout, parce que sa musique ne ressemble à rien.
À son retour de Californie, Charlebois est le porte-étendard de la culture pop américaine d’avant-garde.
Après plus d’un demi-siècle, les chansons de Charlebois sont devenues des classiques. Mais d’un classicisme totalement neuf pour ceux qui le découvrent aujourd’hui.
Pour interpréter California, suivi de Lindberg, Charlebois, en tant que baryton, est au sommet de sa forme. Évidemment, pour ces deux chansons, il fait appel à sa partenaire de toujours, Louise Forestier.
Pour ceux qui ont eu le privilège de voir de près la performance de samedi soir, l’estime mutuelle de ces deux complices est évidente.
À 85 secondes avant la fin de Lindberg, quand Charlebois fait signe à Forestier qu’il lui laisse toute la scène pour improviser le reste, le public n’est pas acquis à la chanteuse; une partie de l’auditoire n’a jamais entendu parler d’elle et d’autres sont venus entendre Charlebois.
Après une première improvisation, inspirée de la musique de Lindberg, c’est un demi-échec; le public n’embarque pas.
Mais la chanteuse octogénaire a du métier. À une minute de la fin, elle se ravise et enchaine alors un air incantatoire d’inspiration autochtone. En quinze secondes, on entend déjà des centaines de jeunes à l’arrière chanter en chœur avec elle.
Dans les quinze autres secondes qui suivent, la frénésie s’empare de la foule, de l’arrière vers l’avant.
À 30 secondes de la fin, on n’entend plus Forestier tellement le public est déchainé.
Et quand la chanson est terminée, Louise Forestier savoure son triomphe, elle qui vient de réussir l’exploit de voler (amicalement) la vedette à Charlebois dans le chef-d’œuvre de ce dernier.
Du bout des bras dressés au-dessus de la tête, j’ai filmé les quatre dernières minutes de cette pièce d’anthologie.
Rendu chez moi, je me suis versé un verre de vin blanc et j’ai regardé en boucle ce clip vidéo jusqu’au moment d’aller au lit.
Et je me suis endormi le sourire aux lèvres…
Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectif M.Zuiko 40-150mm F/2,8
1re photo : 1/250 sec. — F/2,8 — ISO 500 — 110 mm
2e photo : 1/250 sec. — F/2,8 — ISO 640 — 150 mm