La lapidation ou la barbarie participative

4 septembre 2010


 
La mort par lapidation est un supplice auquel recourent les pays où la Charia a force de loi : l’Afghanistan, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Iran, le Nigeria, le Pakistan, le Soudan et le Yémen. Des cas de lapidation ont aussi été signalés au Kurdistan irakien et au Népal (commis par la guérilla maoïste). C’est le seul mode d’exécution par torture encore employé au XXIe siècle.

Le Coran ne mentionne la lapidation dans aucun de ses textes. Par contre, la loi islamique — c’est-à-dire la Charia — cite la lapidation comme peine de mort dans les cas d’adultère commis par une personne mariée ayant eu un rapport sexuel hors mariage avec pénétration si et seulement si quatre témoins ont clairement vu la pénétration. À moins d’une orgie, peu fréquente dans les pays musulmans, il est impossible que des rapports sexuels avec pénétration aient été vus par quatre personnes. On s’étonne donc que des personnes soient condamnées à être exécutées de cette manière.

En réalité, les pays qui pratiquent la lapidation sont souvent des pays qui pratiquent aussi la torture : rappelez-vous de la photographe canadienne Zahra Kazemi violée et battue à mort lors de son interrogatoire dans une prison iranienne. Dans le cas d’une personne accusée d’adultère, ses aveux — spontanés ou obtenus sous la torture — suffisent alors à la faire condamner.

De plus, les pays qui pratiquent la lapidation ne sont pas des États de droit. Par exemple, l’Arabie saoudite est une dictature obscurantiste où les tribunaux ne sont pas liés de respecter scrupuleusement les règles de droit écrites. Si les autorités saoudiennes veulent la condamnation de qui que ce soit, cette personne sera condamnée sans qu’elle ait la moindre chance de se prévaloir des dispositions du droit en sa faveur.

Comment se fait la lapidation ?

Lorsque le tout se fait formellement, on creuse d’abord une fosse suffisamment profonde pour que la personne condamnée puisse y être ensablée presque jusqu’au niveau des épaules. Les fossoyeurs se guident sur leur propre taille pour juger s’il ont suffisamment creusé. Puis la personne condamnée revêt un linceul et est ensablée.

La lapidation est publique. Les articles 102 et 104 du Code pénal iranien définissent les conditions de la lapidation : « Les pierres utilisées pour infliger la mort par lapidation ne devront pas être grosses au point que le condamné meure après en avoir reçu une ou deux. Elles ne devront pas non plus être si petites qu’on ne puisse leur donner le nom de pierre. La taille moyenne est choisie généralement afin de faire expier la faute par la souffrance ».

Selon le site Iran-Resist, les lapideurs doivent rester à distance d’une quinzaine de mètres de leur cible et choisir avec soin leurs pierres : les pierres coupantes sont choisies pour leurs arrêtes effilées qui provoquent les saignements les plus spectaculaires. Une pierre coupante doit de préférence être lancée au visage du condamné. Les pierres rondes nécessitent moins de précision car elles sont efficaces partout. Elles sont idéales pour briser les os et provoquer les hémorragies internes fatales.

Si la lapidation était exécutée par des bourreaux professionnels, les règles ci-dessus seraient respectées à la lettre. Toutefois, dans les faits, ce n’est pas le cas. On doit comprendre que la lapidation est une mise à mort à laquelle tous sont invités à participer. Elle ressemble très souvent à ces émeutes où les participants fracassent les vitrines de magasins aux sommets économiques du G20 sauf que dans ce cas-ci, la cible est un être vivant.

Parce qu’elle s’est opposée publiquement à la lapidation de Sakineh Mohammadi Ashtiani, l’épouse du Président de la République française a été l’objet d’une violente campagne de dénigrement de la part de la presse iranienne. Je ne veux pas répéter ici les insultes et les calomnies utilisées par le régime au pouvoir à Téhéran. Toutefois, quand vient le temps d’inciter le public à tuer une condamnée à la lapidation, cette campagne contre Mme Sarkozy donne une idée des moyens de propagande mis en oeuvre et des propos haineux qui sont utilisés afin de susciter la colère populaire.

En effet, il n’y a pas de lapidation sans haine; les autorités doivent s’assurer que les lapideurs haïssent la personne condamnée au point de vouloir contribuer eux-mêmes à sa mise à mort. Après la décision des tribunaux, la campagne de haine est donc un pré-requis à la lapidation.

En 2007, Du’a Khalil Aswad, une adolescente de 17 ans membre d’une tribu de Yézidi, non musulmane, fut lapidée à mort au Kurdistan irakien à la demande de son oncle car celle-ci était tombée amoureuse d’un Musulman. Ce lynchage — qui prouve bien que la lapidation n’est pas exclusive au monde musulman — a été fait en présence de policiers du gouvernement régional du Kurdistan autonome. Toute la scène a été filmée à l’aide de téléphones portables. Particulièrement choquante, la vidéo qui en témoigne est déconseillée aux personnes sensibles (note : ceux qui la regarderont sont priés de le faire sans la trame sonore qui n’est pas originale et qui n’ajoute rien) : Lapidation de Du’a Khalil Aswad.

Références :
Iran-Resist
Wikipédia

Paru depuis : La lapidation d’une femme enceinte force le premier ministre à intervenir (2014-05-30)

Compléments de lecture :
Arabes vs Musulmans
Impopularité d’Al-Qaida chez les Musulmans
Les boucs-émissaires
Nourriture halal : controverses futiles

Photo d’une roche peinte par Hélène Morency en 1980 :

Panasonic GF1, objectif Lumix 20mm F/1,7 — 1/125 sec. — F/1,7 — ISO 100 — 20 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel