L’édition d’aujourd’hui du Devoir publie un texte d’un ses collaborateurs à Paris qui vante la parution du livre Un racisme imaginaire — Islamophobie et culpabilité de Pascal Bruckner.
Celui-ci illustre parfaitement le talent de cet intellectuel à échafauder de brillantes constructions intellectuelles à partir de matériaux empruntés au réel mais où, au final, le fantasme fait figure de réalité.
L’auteur s’y attaque à une manie de la Gauche — la rectitude politique — pour justifier son point de vue. En vertu d’une logique élastique, M. Bruckner en vient à soutenir que le ‘politiquement abject’ de Donald Trump ne pouvait l’amener à prendre le pouvoir qu’en raison des abus du ‘politiquement correct’ de la Gauche américaine.
Essentiellement, M. Brucker souffre de myopie.
Grâce aux sommes colossales qu’y consacre l’Arabie saoudite — une monarchie absolue qui, par définition, est un régime d’extrême Droite — le fondamentalisme islamiste se propage en Occident et ailleurs.
Cette expansion s’est faite avec la complicité du grand capital. En effet, celui-ci cultive ses liens avec la dictature saoudienne en raison des lucratifs contrats d’armement qu’elle accorde et en raison de la fuite des capitaux orchestrée dans les pétromonarchies au profit de nos économies.
On estime, par exemple, que la dynastie saoudienne et de grands entrepreneurs de ce pays possèdent collectivement environ huit pour cent de l’économie américaine, soit bien davantage que les fortunes combinées de Warren Buffett et de Bill Gates.
Or parallèlement à cette amitié entre le grand capital et l’Arabie saoudite, se déploie une collusion entre le désir hégémonique régional de la dictature saoudienne et le désir américain de priver la Russie de ses alliés dans le mode arabe (Libye, Irak et Syrie). D’où les guerres régionales qu’on y a livrées.
Au sein des pays occidentaux, les mouvements de Droite instrumentalisent la crainte légitime d’attentats terroristes alors que dans les faits, le djihadisme se nourrit de l’indignation provoquée dans les pays arabes par la guerre coloniale menée par Israël en Palestine et par la série de guerres prédatrices de l’Occident dans des pays producteurs de pétrole.
C’est donc avec beaucoup de scepticisme que je prends connaissance de la thèse simpliste de Pascal Bruckner.
Ce que je reproche à M. Bruckner, c’est de ne pas réaliser que la propagande haineuse dirigée contre les Musulmans de nos pays — propagande haineuse qu’il condamne — s’alimente d’un discours victimisant auquel il contribue.
Selon la thèse de M. Bruckner, le terme d’islamophobie anéantit toute parole critique envers l’islam. Il a pour but de bâillonner les Occidentaux.
S’il est vrai que certains imams radicaux ont tenté de museler ceux qui les critiquent en les accusant d’islamophobie, il faut préciser que cette tactique n’a jamais réussi.
Le quotidien parisien Le Monde souligne plutôt que la jurisprudence française est du côté de la liberté d’expression et même du droit au blasphème et non du côté des ‘islamo-gauchistes’.
Dans les faits, des millions de personnes alimentent déjà les médias sociaux de propos haineux à l’égard de l’Islam et des Musulmans. Au point que certains d’entre nous se sentent investis de la mission de les ‘punir’ pour ce qu’on leur reproche.
Si M. Bruckner se sent muselé par les accusations d’islamophobie, c’est son problème à lui et non le nôtre.
De plus, selon le chroniqueur du Devoir, « l’intérêt principal de ce livre réside dans le brio avec lequel l’auteur démontre à quel point ce crime d’islamophobie sert d’abord à condamner ceux qui, de l’intérieur même de l’islam, cherchent à réformer cette religion.»
En réalité, dans les pays où la charia a force de loi, ceux qui s’opposent au fondamentalisme ne sont pas condamnés pour islamophobie — ce qui serait ridicule puisque l’Islam y est omniprésent — mais pour apostasie ou pour insulte à l’Islam, ce qui est très différent.
Quant à l’argument, rapporté par le chroniqueur du Devoir, selon lequel «…si l’Europe est si islamophobe, pourquoi vient-on s’y réfugier par millions ?», je ne peux pas croire que ni M. Bruckner ni le chroniqueur du Devoir n’ont réalisé que la crise migratoire en Europe tire sa source des guerres que nos pays ont provoquées ou qu’ils ont laissé faire si près de leurs frontières.
Je note aussi l’accusation adressée à «…une Gauche exténuée en mal de prolétariat…». La formule est amusante mais tourne à l’aveuglement.
La xénophobie et l’intolérance sont des caractéristiques fondamentales de tout mouvement de Droite.
Au Québec, le discours haineux vient des radiopoubelles (également hostiles à la ‘gogauche’). Or ce discours fleurit dans les régions du Québec où prospère l’idéologie de Droite.
La Droite utilise les peurs sécuritaires représentées par des mouvements terroristes en exagérant la dangerosité des Musulmans occidentalisés et pacifiques qui habitent nos pays et en bloquant toute ouverture à l’autre au nom des valeurs traditionnelles en péril.
De tout temps, la Droite est au service des possédants. Or le 1% ne peut dominer une Démocratie que s’il peut s’appuyer sur suffisamment d’électeurs pour porter au pouvoir ceux qui sont à son service. Pour ce faire, il faut dresser le peuple contre lui-même.
Alors que la majorité de la nouvelle richesse est accaparée par le 1% et que stagnent les revenus des classes moyennes, il faut convaincre celles-ci que c’est à cause du poids fiscal des assistés sociaux et des impôts qui servent à payer une fonction publique hypertrophiée. Et non à cause de l’évasion fiscale qui cache au fisc des milliers de milliards$ à travers le monde.
Et pour détourner la colère du peuple, quoi de mieux également que cette recette séculaire qui consiste à pointer du doigt une minorité ethnique ou religieuse…
Qui a accordé la citoyenneté canadienne à l’imam Charkaoui ? Le gouvernement de Droite de Stephen Harper. Qui a accordé la citoyenneté canadienne à des milliers de femmes niqabées ? Ce même gouvernement.
Pourquoi ? Parce que la Droite a besoin d’épouvantails qui alimenteront la xénophobie qui lui permet de dominer le peuple.
Références :
Islamophobie — Un racisme imaginaire ?
Le prosélytisme de l’Arabie saoudite
Pour Pascal Bruckner, l’« islamophobie » relève de l’illusion