Covid-19 : l’art d’éviter 250 000 morts au Canada

Publié le 21 avril 2020 | Temps de lecture : 7 minutes


 
Introduction

On estime qu’il faut un taux d’immunisation de 60 % à 70 % pour qu’une population soit jugée réfractaire à une épidémie.

Lorsque c’est le cas, le pathogène peut toujours s’attaquer à quelques personnes parmi la minorité encore vulnérable sans que ces personnes soient en mesure de provoquer une généralisation de l’infection autour d’eux.

En absence de vaccin, l’immunité est acquise uniquement par l’exposition au pathogène.

Les données officielles

En raison de la progression logarithmique de l’épidémie, la majorité des personnes atteintes luttent présentement contre la maladie, alors qu’une minorité en est sortie indemne.

Aujourd’hui, on compte officiellement au Québec :
• 20 126 cas totaux,
• 15 238 cas actifs,
•   1 041 morts et
•   3 847 rétablis.

En dépit d’une mortalité de plus de cent morts par million d’habitants, le nombre total de personnes touchées par la pandémie représentent actuellement moins de 0,2 % de la population québécoise.

Conséquemment, à l’heure actuelle, 99,8 % des Québécois n’ont aucune immunité contre le Covid-19.

On est donc très loin du taux d’immunité requis pour que l’épidémie ne soit plus capable de faire des ravages.

Toutefois, ces données sont trompeuses.

En effet, pour être considéré comme un ‘cas’, il faut qu’un diagnostic d’infection à la Covid-19 ait été porté.

Un des critères pour être testé, c’est d’être symptomatique. Cela signifie que toutes les personnes qui ont été infectées par le Covid-19 sans développer de symptôme finiront par être immunisées sans jamais avoir été un ‘cas’.

Et parmi ceux qui sont symptomatiques, plusieurs de ceux atteints légèrement n’ont pas jugé bon consulter leur médecin puisque de toute manière, il n’y pouvait rien.

Bref, le nombre officiel de personnes guéries et immunisées est nécessairement une sous-évaluation de la réalité.

En Californie

Les tests de diagnostic effectués à partir de sécrétions prélevés dans le fond du nez et dans la gorge permettent d’identifier les personnes contagieuses.

Mais ils ne permettent pas de déceler ceux qui ne fabriquent plus de virus parce qu’ils sont guéris de l’infection depuis longtemps.

Depuis peu, les scientifiques ont accès à des tests sanguins.

En quinze minutes, ceux-ci décèlent la présence d’anticorps au Covid-19. Ce qui est la preuve irréfutable que la personne testée a été exposée au virus de manière suffisamment intime pour en développer des anticorps.

La semaine dernière, 17 chercheurs de l’université Stanford ont publié les résultats d’une étude effectuée chez 3 330 adultes et enfants du comté de Santa Clara, le plus affecté du nord de la Californie.

Les sujets de cette expérience ont été recrutés les 3 et 4 avril dernier et l’étude, terminée une semaine plus tard, fut publiée vendredi dernier.

À partir de tests sérologiques, les chercheurs ont trouvé que l’immunité totale ou partielle au Covid-19 est de 50 à 85 fois plus élevée que celle mesurée par les autorités sanitaires californiennes à partir de prélèvements au fond du nez et de la gorge.

En somme, environ 3 % de la population du comté serait réellement immunisée contre le virus.

En France

Officiellement, on comptait en France :
• 158 050 cas totaux,
•   90 073 cas actifs,
•   20 796 morts et
•   39 181 rétablis.

En excluant les morts, c’est environ 0,3 % de la population française. Ce qui voudrait dire que 99,7 % des Français n’ont aucune immunité contre le virus.

Une équipe de chercheurs (en majorité de l’Institut Pasteur) ont trouvé que le confinement promulgué le 17 mars en France a prévenu (c’est-à-dire différé) 84 % de la mortalité qui, autrement, serait survenue.

Selon la modélisation des chercheurs, ceux-ci prédisent qu’au 11 mai prochain, 5,7 % de la population française aura été immunisée au virus.

Ce qui, encore une fois, est loin de l’immunité grégaire souhaitée.

Effet sur le déconfinement

Par des mesures de mitigation, lorsqu’on ‘aplatit la courbe’, on amortit l’impact d’une pandémie sur les ressources hospitalières et on diminue la croissance du taux de mortalité.

Or ces mesures pourront être définitivement abandonnées lorsqu’un vaccin aura été trouvé, lorsque la pandémie sera terminée, ou lorsque l’immunité grégaire aura atteint 60 %.


 
La modélisation du gouvernement fédéral, datée du 9 avril dernier, prévoyait que l’atteinte d’une immunité grégaire de 60 % se ferait au prix de plus de 250 000 morts, soit environ 140 fois plus qu’actuellement.

La vitesse de déconfinement affecte la rapidité avec laquelle on atteint cette immunité, mais n’en diminue pas le prix macabre.

La meilleure stratégie consiste donc à aplatir la courbe à un point tel que la mise au point d’un vaccin ou la fin de la pandémie survient avant l’atteinte d’une immunité grégaire suffisante.

Pour ce faire, il faudra donc ajouter aux mesures de mitigation déjà en vigueur, une mesure qui aurait dû l’être depuis bien longtemps; l’obligation du port du masque sur la voie publique et au travail.

Références :
Antibody study suggests coronavirus is far more widespread than previously thought
Blood tests show 14% of people are now immune to covid-19 in one town in Germany
COVID-19 Antibody Seroprevalence in Santa Clara County, California
Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France
Immunité collective : les conclusions pessimistes d’une étude dans un hôpital de Wuhan
La COVID-19 au Canada: Des données et une modélisation qui éclairent les mesures de santé publique
Le pari risqué de l’immunité grégaire
Les pays cherchent la recette pour mettre fin au confinement de façon sécuritaire

Parus depuis :
No, You Should Not Have or Participate in a Coronavirus Party. Here’s What to Know About Herd Immunity (2020-04-24)
L’immunité «bouclier» plutôt que l’immunité de groupe (2020-05-14)
Coronavirus : même des malades faiblement atteints pourraient être immunisés (2020-05-26)
COVID-19 : l’immunité « diminue assez rapidement », selon une étude (2020-10-27)
L’INSPQ avait un « scénario catastrophe » à 56 000 morts (2021-11-29)
Le rêve « utopiste » de l’immunité collective contre la COVID-19 (2022-05-01)
Le cercle vicieux des vagues de COVID-19 à répétition (2022-07-18)

Postscriptum du 6 aout 2020 : Réalisée chez 7 691 donneurs de sang âgés entre 18 et 69 ans, une étude récente de l’immunité sérologique des Québécois au Covid-19 a révélé que 2,25 % d’entre eux auraient contracté le virus.

Par extrapolation, l’atteinte d’une immunité grégaire de 60 % se ferait au prix d’un peu plus de 150 000 morts si les sujets de cette étude sont représentatifs de l’ensemble de la population québécoise.

Référence : Près de 3% des adultes auraient contracté la COVID-19 au Québec
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Écrit par Jean-Pierre Martel