Ottawa veut mettre Hydro-Québec sous tutelle

3 octobre 2018

Après avoir financé la tentative d’invalidation de toutes les lois du Québec plus tôt cette année, voilà maintenant qu’Ottawa tente de prendre le contrôle d’Hydro-Québec.

La partie 2 du projet de loi C-69 s’intitule Loi sur la Régie canadienne de l’énergie. Basée à Calgary, le Canadian Energy Regulator — aux pouvoirs considérablement étendus — vise à remplacer l’Office national de l’énergie.

Entre autres, cet organisme régira l’exploitation, le développement et le transport interprovincial ou international d’hydroélectricité, de même que les droits et tarifs qui s’y appliquent.

L’article 355 de cette loi interdit notamment l’exportation d’électricité sauf conformément à un permis émis par le fédéral.

En clair, Ottawa veut mettre Hydro-Québec sous tutelle. La société continuera de fonctionner comme avant sauf que toutes ces grandes décisions devront dorénavant recevoir l’autorisation du fédéral.

Ce projet de loi a été adopté en troisième lecture par la Chambre des communes le 20 juin 2018. Son adoption finale par le Sénat est prévue d’ici quelques semaines.

Rappelons que transport interprovincial ou international de biens ou de services est un domaine de compétence constitutionnelle exclusive d’Ottawa.

Jusqu’ici le fédéral avait négligé d’assumer ses pouvoirs au sujet de l’hydroélectricité. Grâce à l’adoption de ce projet de loi, cette lacune sera corrigée.

Ottawa justifie son intervention par le nécessité de protéger la population canadienne.

Si nous avons tous à l’esprit des exemples de catastrophes environnementales causées par des déversements pétroliers, il n’y a rien de comparable en ce qui concerne l’énergie hydroélectrique.

Si la rupture d’un barrage est un événement extrêmement rare, on voit mal comment les ingénieurs de la Canadian Energy Regulator pourraient prendre en défaut le travail des experts mondiaux que sont ceux qui travaillent pour Hydro-Québec.

Concrètement, pour Hydro-Québec, cela veut dire des délais supplémentaires et l’obligation de traduire en anglais les milliers de pages d’études et de documents techniques destinés à être soumis au Canadian Energy Regulator. Parce que si la fonction publique fédérale est à 92% unilingue anglais à Ottawa, imaginez à Calgary…

Récemment, on apprenait que le fédéral met en moyenne 45 semaines à décider de rembourser les frais de santé des vétérans francophones et 24 semaines dans le cas des vétérans anglophones.

Si le fédéral met plus de dix mois à payer une facture de quelques dizaines ou quelques centaines de dollars, peut-on imaginer le temps qu’il mettra à approuver un projet de plusieurs milliards$ ?

On peut donc craindre que le fédéral ralentisse le développement économique du Québec en se traînant les pieds dans le cas des projets d’Hydro-Québec.

Bien plus : l’organisme situé à Calgary pourra faire pression pour que le gouvernement québécois facilite la réalisation de projets pétroliers albertain au Québec en retardant nos projets hydroélectriques. Ce sera donnant-donnant.

Et à chaque fois que ce nouveau centre névralgique du colonialisme canadian agira de manière discriminatoire contre le Québec, l’interface ministérielle fédérale refusera de s’en mêler, soucieuse de respecter l’autonomie des tribunaux, et plaidera l’obligation de tous de respecter l’État de droit, c’est-à-dire un ordre colonial qui nous est hostile.

En résumé, l’initiative d’Ottawa est une autre manière d’assujettir le peuple francoQuébécois.

Voilà le prix de notre appartenance au Canada.

Références :
Les vétérans francophones doivent s’armer de patience
Projet de loi C-69
Un fonctionnaire fédéral défend son droit de travailler en français

Pour consulter tous les textes de ce blogue consacrés au prix que nous payons pour appartenir au Canada, veuillez cliquer sur ceci.

Laissez un commentaire »

| le prix du fédéralisme, Politique canadienne | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Qui paie les canapés ?

27 mai 2011

LVM est une filiale de Desseau, un groupe d’ingénieurs-conseils. Le 18 mai dernier, Desseau et sa filiale LVM donnaient une réception à un bain public de Montréal auquel étaient invités leurs employés, de même que des clients du secteur public dont des cadres d’Hydro-Québec.

La firme Desseau considère acceptable d’inviter — dans la sobriété, précise-t-elle — des représentants de l’État qui attribuent des contrats publics. « Nous avons invité des êtres humains avant tout, avec qui nous avons une relation d’affaires. Il ne s’agissait pas de les remercier, mais de souligner le cinquantième anniversaire de LVM » a souligné la porte-parole de la compagnie.

En 2010, LVM a obtenu — sans appel d’offres — onze contrats d’une valeur totale de 18,9 millions de dollars au chantier de la centrale hydroélectrique Eastmain.

Le 6 mai 2011, Dessau, LVM, Technisol et Dunton-Rainville (firme très présente à Laval notamment), avaient réservé pour eux l’Aquarium de Québec afin d’y inviter les maires à une expérience gastronomique aux fruits de mer — qualifiée d’inoubliable dans le programme imprimé du congrès — à l’occasion des assises de l’Union des municipalités du Québec.

Roche — une autre firme de génie-conseil — était partenaire « bronze » de ces assises. En février dernier, les policiers de la SQ arrêtaient France Michaud, vice-présidente de Roche, lors d’une opération concernant la Ville de Boisbriand. Elle fait face à treize chefs d’accusation, entre autres de corruption d’élus et de fonctionnaires.

Le Commissaire au lobbyisme du Québec considère que ce type de rencontre est un cadre propice pour les communications d’influence. Selon lui, les titulaires de charges publiques demeurent titulaires de ces charges même en dehors de leurs heures de travail. Si un démarcheur (c’est-à-dire un lobbyiste) tente d’influer sur l’une de leurs décisions, ni le lieu ni le moment n’ont d’importance ; il s’agit alors d’une communication qui doit faire l’objet d’une inscription au registre des lobbyistes.

Cet avis n’est pas partagé par le gouvernement Charest qui a expressément exclu les services professionnels (en d’autres mots, les firmes d’avocats et d’ingénieurs) de l’obligation d’inscrire leurs démarcheurs dans le registre du Commissaire au lobbyisme du Québec.

Dès juin 2009, dix plus grandes sociétés de génie québécoises refusaient de se soumettre volontairement aux lois sur le lobbyisme invoquant qu’elles n’y sont par obligées par la loi.

Références :
Dessau et Roche commanditent les assises annuelles de l’UMQ
Dessau invite encore ses «amis» du secteur public
Projet hydroélectrique Eastmain – Dessau à la fois gérant et sous-traitant
Une question pour Jean-Marc Fournier

Laissez un commentaire »

| corruption | Mots-clés : , , , , , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel


Les superpiles québécoises : une autre occasion ratée

30 mars 2011

L’Institut de recherche en électricité du Québec (IREQ) est une filiale d’Hydro-Québec. Depuis des années, cet institut travaille à la mise au point d’une superpile qui permettrait aux voitures électriques de rivaliser avec les voitures conventionnelles en terme d’autonomie et de performance.

En janvier dernier, l’IREQ annonçait la mise au point d’une pile lithium-fer-phosphate apte à conserver sa performance initiale en dépit d’une recharge à tous les jours pendant cinquante ans. De plus, cette pile se recharge à 80 % en quatre minutes, soit le temps de faire un plein d’essence.

Cette percée technologique importante — surtout en raison de la vitesse de la recharge — permettra d’utiliser ces piles autant qu’on le voudra dans des véhicules urbains de livraison, des autobus et des vélos électriques.

Les découvertes de l’IREQ ont fait l’objet d’une multitude de brevets. Cette protection légale est une occasion pour le gouvernement québécois d’imposer une « clause Québec » à toutes les entreprises qui voulaient tirer profit de ces technologies. En vertu de cette clause, les acheteurs de ces licences auraient pu être tenus d’installer une usine au Québec et d’y effectuer une partie de leur production.

Mais le gouvernement Charest en a décidé autrement. En vertu d’un scoop du journaliste Daniel Bordeleau de Radio-Canada, publié hier, on apprend que selon la ministre Nathalie Normandeau, il n’est pas question de forcer Hydro-Québec à inclure la « clause Québec » dans ses ventes de licence.

Alors que la voiture électrique s’annonce comme le mode de transport de l’avenir, le gouvernement Charest vient une fois de plus compromettre le développement économique du Québec en renonçant à une occasion extraordinaire de créer ici des milliers d’emplois qui auraient découlé des découvertes de nos chercheurs.

C’est à se demander si le gouvernement Charest possède une stratégie de développement industriel pour le Québec et si oui, sur quoi repose-t-elle ? S’agit-il de se croiser les bras en attendant qu’un industriel ait l’infinie bonté de nous faire l’honneur d’investir chez nous ? Comme des dizaines d’autres gouvernements avec lesquels nous sommes en compétition, s’agit-il offrir des subsides de plus en plus généreux ou d’offrir les réductions de taxes les plus importantes — en somme, faire la courbette la plus basse — alors qu’on possède une carte-maitresse dans notre jeu : la possibilité pour cet entrepreneur d’acquérir la technologie qui lui permettrait de fabriquer les piles les plus performantes au monde ?

Pour les grands industriels qui doivent planifier leurs investissements dans le développement des automobiles électriques et les voitures hybrides, de même que pour les entrepreneurs qui les approvisionneront en pièces et composants (dont les piles), les décisions se prennent maintenant. Pas dans dix ans. C’est maintenant que cela se discute et c’est de ces temps-ci que les grandes décisions se prennent.

En acceptant que ces investisseurs aient accès à la technologie québécoise en ne payant que de simples droits d’utilisation — sans aucun engagement de retombées économiques pour le Québec — le gouvernement Charest solde pour presque rien l’expertise de nos chercheurs comme il a bradé nos gaz de schiste pour des redevances insignifiantes.

Références :
Des brevets d’Hydro-Québec suscitent la controverse
L’IREQ met au point une batterie qui dure…50 ans

Laissez un commentaire »

| 2003-2012 (années Charest), Politique québécoise | Mots-clés : , , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel