Introduction
L’Hôtel-Dieu de Québec ne suffisant plus à la demande, c’est en 1927 qu’est fondé l’hôpital du Saint-Sacrement.
À l’origine, l’établissement est confié aux Augustines, bientôt suivies par les sœurs de la Charité en juin 1927. Ces dernières en deviennent les propriétaires en 1936 et le demeureront jusqu’à ce que l’hôpital devienne public, quelques décennies plus tard.
Le mois dernier, à la suite de la plainte d’un patient, un crucifix accroché dans le hall d’entrée de l’hôpital a été retiré, puis réinstallé quelques jours plus tard après les protestations de milliers de personnes.
L’archevêque de Québec avait déclaré : « J’y vois plutôt un manque de sensibilité à l’endroit de notre peuple et de son histoire, ainsi qu’un manque de respect envers ces femmes religieuses qui ont fondé l’hôpital et qui y ont œuvré pendant plusieurs décennies.»
Le premier ministre du Québec a soutenu que ça ne dérangeait pas les gens ‘des autres cultures’ de voir le crucifix à l’Assemblée nationale ou dans un hôpital. Vraiment ?
C’est à la demande du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) que le crucifix a été réinstallé.
Dans la justification de sa volteface, le Centre hospitalier de Québec déclare : « Le MSSS considère qu’il ne s’agit pas ici de la neutralité religieuse de l’État mais du respect de l’histoire de l’hôpital, du caractère patrimonial religieux et surtout du respect et de la reconnaissance à avoir envers nos mères fondatrices, la communauté des Soeurs de la Charité.»
Le crucifix a été réinstallé avec une plaque explicative, comme le suggérait le diocèse.
L’incohérence du gouvernement Couillard
Le gouvernement Couillard se dit favorable à la neutralité religieuse de l’État.
Pour bien comprendre ce que cela veut dire, il faut distinguer la pierre et l’humain.
La neutralité signifie que tous les symboles religieux amovibles doivent disparaitre de la propriété de l’État. Ces symboles n’ont leur place que dans les institutions confessionnelles (lieux de culte, écoles privées, etc.) et les lieux privés.
On doit donc enlever toute la camelote religieuse que l’Église elle-même n’a pas cru bon retirer des murs de ses établissements hospitaliers ou scolaires lorsque ces édifices sont devenus des propriétés de l’État.
Ce qui n’est pas amovible reste là parce qu’il fait toujours partie du patrimoine architectural. Comme, à Paris, c’est le cas de la croix au sommet du Panthéon.
N’y a-t-il pas des objets amovibles qui ont également une valeur patrimoniale ? Sans doute. Mais il y a patrimoine et patrimoine.
Tout ce dont on hérite est patrimonial.
Lorsque des parents décèdent, toutes leurs possessions sont du patrimoine. Certains objets sont légués explicitement par testament. D’autres sont partagés entre les héritiers. Et ce qui reste est jeté au rebut.
Il en est de même des objets amovibles patrimoniaux. Ce qui mérite d’être conservé doit l’être. C’est ainsi que le crucifix de l’Assemblée nationale doit être retiré, puis confié à un musée.
Mais tous ces crucifix en plâtre peint ou en métal moulé, faits à la machine à des milliers d’exemplaires, doivent être offerts gratuitement à l’Église catholique. Ce dont elle ne voudra pas devra être jeté au rebut comme n’importe quelle camelote.
Ce qui ne veut pas dire qu’on doive renoncer à rendre hommage, par une plaque explicative, au dévouement des communautés religieuses dans les bâtiments qui leur ont déjà appartenus.
Pour ce qui est des gens, la neutralité de l’État signifie qu’ils sont libres de faire ce qu’ils veulent. Les manifestations extérieures de leur foi, cela ne regarde pas l’État.
Sur la place publique, certaines personnes jugent approprié de ne donner aucun indice de leur appartenance religieuse. D’autres personnes veulent le contraire. C’est leur droit.
Personne ne doit imposer aux autres comment ils doivent vivre leur religion, tant et aussi longtemps que leur liberté n’empiète pas sur le droit des autres de vivre différemment.
Bref, c’est vivre et laisser vivre.
D’autre part, le gouvernement Couillard se propose d’obliger la prestation et la demande de services gouvernementaux à visage découvert. Cela est évidemment discriminatoire à l’égard des femmes qui portent le niqab ou la burka. Mais c’est un choix de société; nous ne voulons pas de ces déguisements sur la voie publique. Voilà tout.
Conclusion
J’avoue avoir de moins en moins de patience à l’égard des débats qui n’en finissent plus au sujet de la place de la religion dans notre société.
Ces déchirements ne cesseront pas avec adoption d’une politique claire à ce sujet mais ils commenceront à s’estomper le jour où l’État cessera de se comporter comme une girouette et que les citoyens mécontents sauront que certains combats sont voués à l’échec. En somme, quand c’est ça qui est ça.
Le projet de loi 59 était la solution du Parti libéral pour lutter contre le fanatisme religieux d’influence saoudienne; il avait été présenté à la suite des propos controversés de deux imams sunnites de Montréal. Malheureusement, ce projet de loi était une passoire. Et il a été retiré parce que jugé liberticide.
En juin 2015, le gouvernement Couillard présentait le projet de loi 62 : celui-ci défendait le principe de la neutralité religieuse de l’État.
Mais arrive la controverse du crucifix de l’hôpital du Saint-Sacrement. Et voilà le gouvernement qui recule. Finalement, l’étude ultérieure du projet de loi est reportée à cet automne.
Bref, après plus d’une décennie de gouvernement libéral presque ininterrompu, on est toujours devant rien; ces débats interminables se poursuivent parce qu’on ne tourne jamais la page pour passer à autre chose.
D’où la question : le gouvernement croit-il sérieusement aux principes qu’il prétend défendre ? Si oui, où en est la preuve ?
Références :
Hôpital du Saint-Sacrement
Intégrisme et radicalisation : de retour à la case départ
Le crucifix de retour à l’Hôpital du Saint-Sacrement
Parus depuis :
Les mystères des crucifix de l’Assemblée nationale (2018-10-22)
Patrimonial, le crucifix de l’Assemblée nationale? (2019-04-03)
Post-Scriptum : Le 28 mars 2019, l’Assemblée nationale du Québec décidait unanimement de retirer le crucifix du Salon bleu du Parlement.