L’intégration des immigrants en Grande-Bretagne

5 janvier 2017
Concentration des néoBritanniques

Commandé en 2015, le rapport Casey a été remis au gouvernement britannique le 5 décembre dernier.

Ex haute fonctionnaire et membre de la liste des cent femmes les plus influentes de Grande-Bretagne, Mme Louise Casey avait pour mandat de diriger une étude au sujet de l’intégration des communautés culturelles, religieuses et raciales dans son pays.

Résultat d’un passé colonial qui s’est étendu sur tous les Continents, le multiculturalisme anglais a fait de la Grande-Bretagne un grand laboratoire de diversité ethnique.

Pourtant, en 2015-6, on y comptait officiellement 62 518 crimes haineux, une augmentation de 19% en comparaison avec l’année précédente. On estime que leur nombre réel est quatre fois supérieur.

L’aptitude d’une personne à migrer vers une couche socioéconomique supérieure à celle de ses parents est plus facile pour un Britannique ‘de race blanche’; c’est le cas de 43% des hommes ‘blancs’ et de 45,6% des femmes ‘blanches’.

Chez la première génération de Britanniques nés d’immigrants africains, indiens, pakistanais ou bangladeshis, cette proportion n’est que de 34,3% chez les hommes et de 27,6% chez les femmes.

Le rapport formule douze recommandations.

  1. L’État devrait adopter une politique destinée à favoriser la cohésion sociale. À cette fin, la Grande-Bretagne devrait soutenir les initiatives locales vouées à :
    • la promotion de la connaissance de la langue anglaise
    • l’émancipation de groupes de femmes marginalisées
    • l’employabilité des groupes les plus marginalisés
    • l’augmentation de la participation des femmes au travail
    • la maitrise des technologies de l’information par les parents provenant de milieux défavorisés
    • l’augmentation de la mixité sociale chez les jeunes, entre autres par la pratique du sport
    • l’adoption d’autres programmes mettant clairement l’accent sur la réduction de la ségrégation dans certains milieux.
  2. Créer une liste d’indicateurs de bris de cohésion sociale — nombre de crimes haineux, déficience de la connaissance de la langue anglaise, etc.— et en faire le suivi de manière périodique.
  3. Favoriser l’émulation en faisant connaitre les initiatives locales qui auront été couronnées de succès.
  4. La promotion à l’école de la législation, de l’histoire et des valeurs britanniques. Sont jugées ‘valeurs britanniques’ :
    • la Démocratie,
    • le respect du Droit,
    • la liberté,
    • l’égalité,
    • la liberté d’expression,
    • le respect mutuel, la compréhension interconfessionnelle et la tolérance.
  5. Faire connaitre auprès des personnes intéressées à immigrer en Grande-Bretagne, quels seront leurs droits et obligations et mettre sur pied des mesures d’accompagnement auprès des immigrants qui en ont le besoin dès leur arrivée en sol britannique.
  6. Imposer un serment d’intégration aux valeurs britanniques à l’arrivée au pays plutôt qu’au moment de la remise du certificat de citoyenneté.
  7. Travailler à l’intégration des diverses collectivités et accroitre les occasions de mixité scolaire.
  8. Mettre sur pied des programmes destinés à combattre les lacunes en anglais et les obstacles culturels à l’accès au marché de l’emploi.
  9. Prioriser la connaissance de l’anglais chez les adultes là où cela est nécessaire.
  10. Étudier dans quelle mesure la rénovation domiciliaire et les politiques de logement social peuvent favoriser l’intégration des différentes communautés culturelles.
  11. S’assurer que l’instruction à domicile et l’éducation privée ne soient pas des obstacles à l’intégration.
  12. Modifier le serment prêté par les représentants de l’État de manière à enchâsser l’obligation de respecter les valeurs britanniques.

Certaines de ces recommandations rejoignent celles exprimées à de multiples reprises au Québec et qui, en dépit de leur caractère raisonnable, ont suscité les accusations de xénophobie et le repli identitaire.

Comme ces créateurs québécois dont le talent ne nous semble évident qu’une fois leur consécration à l’Étranger, ces suggestions ont probablement plus de chance d’être adoptées ici maintenant qu’elles ont été légitimées dans un pays reconnu pour sa tolérance aux différences culturelles.

Voilà pourquoi la lecture des 199 pages du rapport Casey est recommandée à quiconque veut comprendre les défis à l’intégration auxquels font face les sociétés occidentales.

Référence :
The Casey Review — A review into opportunity and integration

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Écrit par Jean-Pierre Martel


De la cocaïne sur les livres sterling

2 décembre 2011

Au cinéma, on a tous vu quelque part une scène au cours de laquelle un drogué renifle une ligne de cocaïne à l’aide d’une paille faite d’un billet de banque enroulé sur lui-même.

Il est donc normal qu’on puisse trouver occasionnellement des traces de cette substance sur certaines devises. Ce qui est étonnant, c’est l’ampleur de cette contamination.

En Angleterre, 4% de tous les billets de banque en circulation contenait des traces de cocaïne en 2005. Depuis, cette proportion a grimpé à 11%. Et on parle ici de la quatrième devise la plus traitée sur le marché des changes. Concrètement, cela signifie des centaines de millions de billets contaminés.

Évidemment, on doit tenir compte de la contamination croisée puisqu’un billet contaminé peut transférer sa cocaïne sur un ou plusieurs billets avec lesquels il entre en contact.

Ces données confirment que les cocaïnomanes britanniques sont devenus les plus grands consommateurs d’Europe. Leur consommation dépasserait celle de leurs collègues Américains.

Typiquement, l’utilisateur moyen en Angleterre est de ‘race’ blanche, âgé entre 18 et 45 ans, et aime se tenir dans les bars (où il se sert de ce stimulant pour contrer les effets sédatifs de l’alcool). De plus, il est propriétaire de sa propre maison et ne possède pas de casier judiciaire.

La cocaïne s’y vend en doses de 0,4 ou 0,6 gramme pour 20 ou 30 livres sterling : la pureté de la drogue n’est que de 15 % à 30 %. On la dilue souvent avec de l’ecstasy.

Selon les policiers, les cocaïnomanes qui fréquentent les bars parlent fort, sont très verbomoteurs, arrogants, se croient invincibles, transpirent davantage et sont extrêmement paranoïaques. Leurs pupilles sont dilatées.

Référence : Cocaine found on 11% of UK banknotes

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Écrit par Jean-Pierre Martel


The British Big Brother

25 août 2011

La ministre de l’intérieur britannique a convoqué plus tôt aujourd’hui les responsables de Facebook, Twitter et Blackberry à une réunion destinée à faire le point sur le rôle des réseaux sociaux dans les émeutes qui ont embrasé récemment plusieurs villes anglaises et surtout, pour renforcer les moyens d’espionnage des corps policiers.

Alors que le gouvernement britannique s’était réjoui du rôle important joué par les réseaux sociaux au cours des émeutes du Printemps arabe, il se désole aujourd’hui de ce même rôle joué durant le bref Été anglais.

Au cours des dix dernières années, les Anglais sont devenus le peuple le plus espionné au monde. En 2006, il y avait 4,2 millions de caméras de surveillance en Grande-Bretagne, soit une moyenne d’une caméra pour 14 citoyens.

Il y avait déjà des caméras de surveillance dans les aéroports américains au moment des attentats terroristes du 11 septembre 2001. Elles ne les ont pas empêchés. Elles sont utiles pour expliquer a posteriori ce qui est arrivé, mais elles n’ont aucun effet dissuasif sur des gens qui sont prêts à mourir pour une cause. Elles n’ont pas empêché non plus l’Été anglais.

Théoriquement, elles peuvent être précieuses pour coordonner l’action policière. À titre d’exemple, un surveillant qui aperçoit un comportement suspect à un écran pourrait demander à ses collègues d’aller sur les lieux pour prévenir un méfait.

Toutefois, ce qu’on oublie de dire, c’est qu’une telle efficacité nécessite deux prérequis : des policiers en nombre suffisant pour intervenir rapidement n’importe où, et des centaines de milliers surveillants rivés à leurs écrans.

Si on donne vingt écrans à chaque surveillant anglais (ce qui est beaucoup), il faudrait 200,000 surveillants pour s’occuper des millions de caméras du pays. De plus, en moyenne, si chaque surveillant prévient des crimes dont la valeur est moindre que son propre salaire, cela est un mauvais investissement.

Dans les faits, les caméras de surveillance enregistrent de l’information qui, dans la presque totalité des cas, sera détruite avant d’avoir été vue. C’est seulement lorsqu’on aura découvert, par d’autres moyens, qu’un méfait a été commis qu’on voudra passer en revue les enregistrements pour essayer de découvrir quand et par qui le méfait a été commis.

Malheureusement, la qualité médiocre des images ne permet l’identification des coupables que lorsqu’ils sont filmés de près, à visage découvert. Voilà pourquoi en Angleterre, 80% des crimes ne sont pas résolus en dépit des millions de caméras qui s’y trouvent.

Les caméras de surveillance ne sont qu’un moyen de surveillance, parmi d’autres, dont se sont dotés les corps policiers anglais.

La Grande-Bretagne, de concert avec les États-Unis, a mis sur pied un réseau d’espionnage — surnommé ECHELON — capable de filtrer toutes les conversations téléphoniques échangées sur la planète. Elles ne peuvent pas analyser les appels acheminés par câble mais filtrent tous ceux qui sont transmis par des antennes émettrices.

Ce réseau est complètement informatisé : des ordinateurs puissants analysent automatiquement chaque conversation téléphonique à la recherche de mots-clés. Les conversations suspectes sont ensuite écoutées par des préposés. Voilà pourquoi Osama Ben Laden aurait été débusqué il y a des années s’était servi d’un téléphone portable ne serait-ce qu’une seule fois depuis 2001.

Mais un tel système — conçu pour l’espionnage industriel et contre le terrorisme — n’existe pas pour les messages échangés sur les médias sociaux. En effet, ceux qui planifient des attentats terroristes ne dévoilent jamais le détail de leurs projets sur la place publique. En d’autres mots, ils ne l’annoncent pas sur Facebook.

Il existe bien une surveillance importante de l’Internet mais celle-ci n’a pas l’efficacité du réseau d’espionnage des appels téléphoniques puisque dans le cas d’une émeute en cours, la réponse policière doit être immédiate. Le gouvernement britannique entend corriger cette lacune, d’où la réunion d’aujourd’hui.

Le 11 août dernier, devant le Parlement britannique, le premier ministre avait évoqué la possibilité d’empêcher les gens d’utiliser Facebook ou Twitter lorsque les autorités policières croient savoir que ces personnes se préparent à semer le désordre. De plus, pendant les quatre nuits d’émeutes, la police s’est heurtée au système de cryptage des messages des téléphones portables Blackberry, très prisés de certains émeutiers.

Références :
Britain is ‘surveillance society’
Emeutes britanniques : le gouvernement réunit les responsables des réseaux sociaux
Tens of thousands of CCTV cameras, yet 80% of crime unsolved

Parus depuis :
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Photo ci-dessus (modifiée) : © 1984 — MGM Studios

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Écrit par Jean-Pierre Martel