Les types d’homicides
Dans le système judiciaire américain, il y a trois sortes d’homicides.
Le meurtre au troisième degré est l’équivalent de l’homicide involontaire.
Imaginez que vous tirez au hasard dans une foule. Votre balle pourrait simplement blesser quelqu’un. Mais vous pourriez tout aussi bien tuer une personne. Si c’est le cas, vous n’avez pas délibérément décidé de tuer cette personne. Vous avez simplement tiré dans le tas, faisant ainsi preuve d’une grave imprudence entrainant la mort. Voilà un homicide au troisième degré.
Le meurtre au second degré survient lorsqu’on tue quelqu’un intentionnellement, mais sans l’avoir prémédité. Une bagarre éclate, vous frappez votre adversaire un peu trop longtemps. Vous vous doutiez que vos derniers coups pouvaient entrainer sa mort. Mais vous avez choisi de continuer, sans avoir choisi au départ de provoquer son décès.
Et le meurtre au premier degré est non seulement intentionnel, mais également prémédité. Il n’est pas nécessaire que ce meurtre soit longuement planifié. Quelques minutes pourraient suffire. Mais pour obtenir une condamnation, il faut avoir la preuve (un enregistrement, un écrit, le témoignage d’un témoin) qui fasse la preuve de cette préméditation. Ce qui arrive rarement.
Si la poursuite échoue à faire la preuve de la préméditation, l’accusé d’un meurtre au premier degré sera automatiquement condamné au second degré si son intention criminelle est indéniable.
La preuve en droit criminel
Dans une cause civile, l’accusé sera condamné s’il y a prépondérance de preuve. En d’autres mots, si les preuves de sa culpabilité l’emportent sur les preuves de son innocence.
Dans une cause criminelle, l’accusé sera condamné s’il n’y a aucun doute raisonnable quant à son innocence. S’il subsiste le moindre doute dans l’esprit du juge ou du jury, l’accusé sera innocenté.
Ce qui ne veut pas dire que toutes les preuves doivent aller dans le sens de sa culpabilité. Cela signifie qu’aucune preuve de son innocence ne doit être jugée crédible par le tribunal.
La création du doute
Le système judiciaire américain est profondément raciste. On ne compte plus le nombre de fois que les meurtriers (policiers ou civils) ont été innocentés d’accusations d’homicides de ‘Noirs’ alors que leur culpabilité était flagrante.
Dans 39 États américains, les juges de première instance sont élus par la population, tout comme les procureurs généraux d’État ou de comté. Le procureur du comté d’Hennepin (où est située la ville de Minneapolis) a été élu grâce à l’appui du syndicat des policiers, comme ce fut le cas de la grande majorité des procureurs élus à travers le pays.
Dans l’affaire George Floyd, tout avait été mis en place pour que les dés soient pipés en faveur des policiers.
Dès le départ, le doute avait été semé par l’autopsie officielle.
Le médecin choisi par le procureur du comté concluait que la cause de la mort de George Floyd était : « Cardiorespiratory arrest complicating law enforcement subdual, restraint, and neck compression.»
En d’autres mots, le suspect est mort d’un arrêt cardiorespiratoire. Ce qui est une lapalissade; on meurt tous quand notre cœur cesse de battre et qu’on cesse de respirer.
Dans le cas précis de George Floyd, cet arrêt n’a pas été causé par les forces policières mais est venu compliquer leur travail. C’est du moins l’avis du médecin légiste.
George Floyd était obèse, hypertendu et était atteint d’athérosclérose. Les analyses sanguines ont révélé la présence d’un stupéfiant (le Fentanyl®) et de traces de métamphétamine.
En somme, selon le rapport officiel, George Floyd était très mal en point. Il l’était tellement qu’on peut imaginer qu’il serait peut-être mort de lui-même ce jour-là s’il n’avait pas été arrêté.
Bref, qui peut dire avec certitude que les policiers ont causé sa mort ?
En réaction à ce rapport, la famille de George Floyd a dû commander non pas un, mais deux rapports indépendants concluant unanimement au meurtre de George Floyd, de manière à décrédibiliser l’autopsie complaisante du médecin de mèche avec les forces policières.
Et on peut s’attendre à ce que les policiers viennent dire sous serment que George Floyd résistait à son arrestation alors qu’en réalité, menotté et plaqué au sol, il gigotait comme le ferait n’importe quel pendu encore conscient au bout de sa corde.
La vidéo
La vidéo où on voit clairement le policier Derek Chauvin étouffer à mort George Floyd n’est pas une preuve au sens légal du terme.
Pour être admise par le tribunal, la personne qui l’a prise doit venir témoigner et déposer ce clip vidéo en preuve.
Or d’ici ce procès (qui pourrait débuter dans deux ans), bien des choses peuvent survenir. Il suffit que les forces policières fouillent le passé de la personne qui a filmé la scène, l’appréhendent pour des délits mineurs et la convainquent (sous la menace d’accusations) de simplement s’arranger pour perdre l’original de sa vidéo et de ne plus être absolument certaine que la copie qu’on lui présentera en cour est parfaitement conforme à l’original.
En droit criminel, aucun tribunal ne peut tenir compte d’une preuve qui a peut-être été trafiquée.
Les nouvelles accusations
Si votre voisin tue sa femme en plein jour, sur la rue, à la vue de tous, il faudra combien de jours avant qu’il soit arrêté ?
Le policier Derek Chauvin a été arrêté quatre jours après le meurtre de George Floyd.
De plus, dans le cas de ses trois collègues complices, il a fallu la nomination d’un nouveau procureur (celui de l’État, se substituant à celui du comté) pour qu’ils soient inculpés.
Dans leur cas, c’est un renversement de situation très important.
Leur complicité pour meurtre est passible de plusieurs années d’emprisonnement. Leur sentence pourrait être réduite s’ils collaborent à l’enquête. En d’autres mots, s’ils témoignent contre Derek Chauvin.
Avant leur congédiement et leur arrestation, ces policiers avaient tout intérêt à s’entendre sur une version commune et fallacieuse des faits afin d’innocenter Derek Chauvin et de provoquer son retour triomphal au travail. À défaut de quoi, ils auraient été considérés comme des traitres par les autres policiers de l’État et privés de toute perspective de promotion au sein des forces policières.
Maintenant, ce sont de simples citoyens, accusés de complicité d’un crime. Les choses sont complètement différentes.
La mort de George Floyd
Avertissement : La lecture de cette section du texte est déconseillée aux personnes sensibles. Celles-ci devraient aller directement à sa conclusion.
Menotté dans le dos, couché sur le côté, George Floyd a dû subir le poids de l’ex-policier Derek Chauvin, agenouillé sur son cou, en plus de subir un poids sur son thorax.
Chez l’adulte, il faut une pression de 15 kg pour obstruer complètement la trachée. Strictement parlant, Georges Floyd n’a pas été étranglé. C’est pourquoi la victime pouvait quand même parler.
Après s’être plaint à plusieurs reprises de ne pouvoir respirer, il a fallu à George Floyd quelques minutes pour réaliser que les policiers étaient en train de l’assassiner.
Aux derniers instants de sa vie, tel un petit garçon terrorisé, il urine dans ses culottes et appelle sa maman à l’aide.
Non seulement l’a-t-on tué, mais on l’a privé d’une mort dans la dignité.
En plus de la trachée, les veines carotidiennes passent par le cou. Celles-ci sont responsables de l’irrigation de sang vers le cerveau. Pour les bloquer, il faut une pression entre 2,5 et 10 kg.
L’ex-policier a évité d’appliquer une pression trop grande de son genou gauche, ce qui aurait provoqué l’évanouissement du suspect en moins de 18 secondes. C’est le temps que prennent les pendus à perdre connaissance.
Il s’est contenté de nuire à l’oxygénation du cerveau de Georges Floyd afin de provoquer sa lente agonie.
Plus précisément, lorsque le tronc cérébral (situé sous le cerveau et devant le cervelet) est partiellement privé d’oxygène, il ne peut commander correctement la contraction du diaphragme. Ce muscle est responsable de 90 % du travail de la respiration.
De plus, le poids des policiers sur le thorax de George Floyd nuisait également à sa respiration en provoquant la fatigue du muscle.
Recevant de moins en moins d’oxygène, le cœur bat de plus en plus lentement jusqu’à cesser de se contracter.
Les policiers ont continué d’appliquer leur poids sur George Floyd 2 minutes et 53 secondes après que George Floyd ait cessé de respirer.
Les policiers qui ‘assistaient’ Derek Chauvin n’ont pas cru bon mesurer le pouls de la victime. Ce qui fait qu’ils peuvent témoigner sous serment qu’ils ignorent si George Floyd était encore vivant quand l’ambulance est arrivée.
Dans les faits, on sait le moment précis de la mort de George Floyd; c’est quand il s’est arrêté de respirer.
Derek Chauvin s’est assuré que même si les ambulanciers avaient pu ressusciter George Floyd — ce qu’ils ont tenté en vain de faire en chemin vers l’hôpital — les dommages à son cerveau étaient tels (après trois minutes d’anoxie complète), que le ressuscité aurait vécu le reste de son existence tellement tarée intellectuellement qu’il aurait été incapable de livrer en cour un récit cohérent de ce qu’il a vécu.
Conclusion
La collusion entre une police dont le racisme violent s’exerce impunément au quotidien et une profession juridique (juges et procureurs) qui dépend des corps policiers pour son élection, est la base du racisme systémique américain. En d’autres mots, la base d’un racisme érigé en système.
Dans les États où cette collusion existe, le respect de l’ordre établi est l’acceptation implicite de ce racisme systémique.
Voilà le tableau général.
Pour revenir au cas particulier de cette affaire, selon tous les témoignages que j’ai entendus, le procureur du Minnesota (maintenant responsable du dossier) est un homme intègre qui fera tout pour que la famille de George Floyd obtienne justice.
Au départ de cette mobilisation de millions d’Américains, le meurtre sadique de George Floyd n’était que la goutte qui faisait déborder le vase. Et ce, après des décennies (sinon des siècles) d’injustice à l’égard des ‘Noirs’ américains.
Malheureusement, on ne voit pas l’ombre d’une mesure concrète qui puisse garantir aux protestataires que les choses aient profondément changé; le racisme systémique est toujours en place, prêt à resurgir.
Est-ce que leur victoire dans le cas particulier de George Floyd sera suffisante pour que tous ces gens rentrent chez eux satisfaits ?
L’avenir nous le dira…
Parus depuis :
Hopeful that Minneapolis policing will change? Meet the police union’s chief… (2020-06-05)
Revealed: police unions spend millions to influence policy in biggest US cities (2020-06-23)
Mapping fatal police violence across U.S. metropolitan areas: Overall rates and racial/ethnic inequities, 2013-2017 (2020-06-24)
Nearly 1,000 instances of police brutality recorded in US anti-racism protests (2020-10-29)
Compléments de lecture :
L’invention des races humaines
Risk of being killed by police use of force in the United States by age, race–ethnicity, and sex
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