L’entomophagie humaine et animale

Publié le 3 mai 2017 | Temps de lecture : 7 minutes
Cliquez sur l’image pour l’agrandir

Introduction

L’entomophagie est la consommation d’insectes.

En 2013, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture publiait un rapport-choc favorable à l’élevage des insectes afin de favoriser la sécurité alimentaire.

À moins d’une guerre mondiale d’ici là, il y aura neuf-milliards d’humains en 2050. Pour les nourrir, la production alimentaire devra doubler.

Présentement, l’élevage mondial du bétail mobilise 70% (!!!) des terres agricoles. Les océans sont déjà surexploités.

Toute majoration importante de l’élevage des animaux de boucherie et des surfaces cultivées accentuera la déforestation et mettra en péril les réserves d’eau douce.

Selon l’ONU, répondre à cette demande accrue nécessitera des solutions innovantes.

L’entomophagie est déjà une réalité

Les insectes constituent l’alimentation naturelle de nombreux poissons et de nombreux oiseaux.

Un grand nombre de peuples consomment des insectes par choix, en raison de leur goût et de leur place dans leur gastronomie. C’est ainsi que les insectes font partie des repas traditionnels d’au moins deux-milliards de personnes.

Parmi les 1,4 million d’espèces animales décrites sur Terre, les deux tiers sont des insectes. On croit qu’il en existe des millions d’autres, inconnues.

Du nombre connu, seulement 5 000 sont considérées comme dangereuses pour les cultures, le bétail et les humains, et seuls 1 900 sont mentionnées comme aliments humains.
 

 
En ordre décroissant, les insectes les plus consommés sont :
• 31% — les coléoptères (scarabées)
• 18% — les lépidoptères (chenilles)
• 14% — les hyménoptères (abeilles, guêpes et fourmis)
• 13% — les orthoptères (sauterelles, criquets et grillons)
• 10% — les hémiptères (cigales, cicadelles, cochenilles et punaises)
•  3% — les isoptères (termites)
•  3% — les odonates (libellules)
•  2% — les diptères (mouches)
•  5% — divers.

Avantages et inconvénients

Les insectes sont nutritifs. La teneur en oméga-3 du ver de farine est comparable à celle du poisson et bien supérieure à celles du bétail. Ses teneurs en protéines, vitamines et minéraux sont comparables à celles du poisson et de la viande.

Les avantages de l’élevage des insectes pour l’alimentation humaine et animale reposent sur son efficacité.

Contrairement aux animaux à sang chaud qui doivent utiliser une partie de leur alimentation afin de maintenir leur température corporelle, les insectes sont à sang froid. Pour cette raison, ils convertissent très efficacement leurs aliments en masse corporelle.

Les grillons n’ont besoin que de 1,7 kilogramme d’aliments pour accroitre leur poids d’un kilogramme.

Pour produire la même quantité de protéines, les grillons ont besoin de douze fois moins d’aliments que les bovins, quatre fois moins que les ovins, et la moitié de ce qui est requis par les porcs et les poulets.

Plus de 80% du grillon est comestible et digeste, à comparer avec 55% du poulet et du porc, et 40% du bœuf.

L’élevage des insectes ne requiert pas de défrichement de nouvelles terres.

L’élevage du bétail est responsable de 18% des émissions de gaz à effet de serre, soit davantage que le secteur des transports. Par contre, les insectes estimés propices à la consommation humaine en Occident émettent cent fois moins de GES.

L’agriculture consomme environ 70% de l’eau douce mondiale. On a estimé que la production d’un kg de protéines animales demandait 5 à 20 fois plus d’eau que la production d’un kg de protéines végétales.

Toutefois, si on tient compte de l’eau requise pour la production de fourrage ou de protéines végétales utilisées à nourrir les animaux de boucherie, la production d’un kg de poulet demande 2 300 litres d’eau, un kg de porc demande 3 500 litres et un kg de bœuf demande entre 22 000 litres et 43 000 litres.

En comparaison, le volume d’eau requis pour produire un kilogramme d’insectes est infiniment moindre.

À l’exception des insectes piqueurs qui, de toute manière, ne servent jamais à la culture intensive, on ne connait aucune pandémie humaine susceptible d’être provoquée par l’élevage intensif des insectes.

Les microorganismes de la flore intestinale des insectes vivants sont distincts des pathogènes des vertébrés. Dans presque tous les cas, ils peuvent être considérés comme inoffensifs pour les humains. Voilà pourquoi beaucoup d’insectes, comme les petits poissons, sont consommés en entier.

Ceci étant dit, aux Pays-Bas, trois espèces d’insectes (le ver de farine, le petit ver de farine et le criquet migrateur) peuvent être achetées à des fins de consommation humaine. Avant leur mise à mort, un jour de jeûne leur est imposé pour s’assurer que leur système digestif soit vide.

En contrepartie, les allergies induites par l’ingestion d’insectes sont rares, mais elles existent. Quelques cas de réactions allergiques aux arthropodes ont été signalés.

Les défis

Le principal défi de la production d’insectes à des fins d’entomophagie humaine en Occident est lié à son acceptabilité sociale et notamment au dégout qu’ils provoquent.

À des fins d’entomophagie animale, c’est plutôt les couts de production qui est le principal frein à leur utilisation puisque l’automatisation et de la mécanisation des procédés ne sont pas optimales. Si bien que les produits issus des insectes sont actuellement substantiellement plus chers que les produits carnés habituels.

C’est ainsi que les vers de farine coutent approximativement trois fois plus cher que le porc et environ cinq fois plus que le poulet.

L’engouement soudain pour le grillon domestique

La plus grande ferme de grillons en Amérique du Nord est située à Norwood, en Ontario.

Après seulement trois ans d’exploitation, la surface des bâtiments de la ferme est passée de 450 mètres² à 5 500 mètres². Selon Jarrod Goldin, président d’Entomo Farms, pour répondre à la demande, il lui faudrait 3 500 mètres² d’espace additionnel.

Ce qui contribue à la popularité du grillon domestique pour l’alimentation humaine, c’est qu’il est riche en vitamine B12 (5,4μg par 100g chez les adultes, soit plus que le bœuf, le porc et le poulet). Cette vitamine est totalement absente des végétaux.

Cet insecte contient plus de calcium que le lait et autant d’oméga-3 que le poisson.

Chez Entomo Farms, on produit 400kg d’insectes par jour à partir des 900 millions de grillons qu’on y élève par année.

Ils y vivent à 32°C sous une atmosphère saturée d’humidité. Aux mêmes conditions, l’odeur d’une ferme d’élevage d’animaux de boucherie serait toxique à respirer, ce qui n’est pas le cas des grillons.

Leurs œufs éclosent en dix jours et les insectes atteignent leur taille adulte en six semaines.
 

 
À l’intérieur des bâtiments, les grillons vivent ‘librement’ dans de simples séparateurs de boites de carton. Des grains de maïs et de soya en poudre sont placés sur des plateaux à proximité; les insectes y vont manger à leur guise.

En plus, les insectes n’ont besoin que de quelques gouttes d’eau par jour.

À Montréal, uKa Protéine propose des grillons rôtis et des barres tendres à partir de farine d’insectes.

Virebibittes et La Ferme d’insectes en Estrie, de même que Tarzan Nutrition à Sherbrooke, se sont ajoutés à la liste des producteurs québécois d’aliments à base d’insectes.

Organisé de 1993 à 2005 par l’Insectarium de Montréal, l’évènement Croque-insectes a connu un grand retentissement. Cette initiative bien en avance sur son temps a marqué l’imaginaire de milliers de Montréalais.

Aux intéressés et aux curieux, précisons que cette dégustation est de retour à l’Insectarium du 15 juin au 4 septembre 2017.

Références :
Adieu veau, vache, cochon, voici venu le grillon
Insectes comestibles — Perspectives pour la sécurité alimentaire et l’alimentation animale
Une petite révolution en alimentation

Détails techniques de la photo : Panasonic GH1, objectif Sigma 24mm Macro f/2,8 — 1/30 sec. — F/5,6 — ISO 200 — 24 mm

2 commentaires

| Nourriture | Mots-clés : | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel