Pétrole traversant le Québec: l’anesthésie péquiste

3 juin 2019
Puits de pétrole

Introduction

En vertu de la Canadian Constitution de 1982, le transport interprovincial de marchandise est un domaine de compétence constitutionnelle du fédéral.

Depuis 2015, c’est un des messages que ce blogue répète inlassablement.

Selon le British North America Act de 1867 — et la constitution de 1982 qui en découle — les provinces n’ont que des pouvoirs locaux alors que tout ce qui est transprovincial tombe sous l’autorité exclusive du gouvernement central.

C’est logique.

L’intérêt du Canada

Pour bien comprendre quelqu’un, il faut se mettre à sa place.

Après l’Arabie saoudite et le Venezuela, le Canada occupe le troisième rang mondial quant aux réserves exploitables de pétrole (173 milliards de barils).

Dans cinquante ans, il est possible que l’économie mondiale soit devenue postpétrolière et que cette ressource n’ait plus aucune valeur.

D’ici là, indépendamment de toute considération environnementale, l’intérêt économique du pays est de s’enrichir en vendant le pétrole pendant que cette ressource naturelle vaut encore quelque chose.

Voilà ce que pensent massivement les angloCanadiens. De plus, l’immense majorité des automobilistes québécois préfèrent même carburer au pétrole de l’Ouest, de préférence à n’importe quel autre.

Bref, la production pétrolière au Canada augmentera inexorablement, que cela nous plaise ou non.

Le déni des politiciens québécois

En 2016, Jean-François Lisée soutenait que le Québec possédait les moyens d’empêcher la construction d’oléoducs traversant son territoire, un bluff que j’avais aussitôt critiqué.

J’écrivais : «…les seules manières d’empêcher la construction d’Énergie-Est, ce sont soit l’indépendance du Québec ou des cours pétroliers tellement bas qu’ils rendent cette construction non rentable.»

Et au sujet de ce bluff, je précisais :

« La principale faille idéologique du PQ, c’est de faire croire aux Québécois qu’on peut obtenir à peu près tous les avantages de l’indépendance sans avoir besoin de la faire.»

C’est ce message que j’ai livré à la plénière du XVIIe Congrès national du PQ, suscitant un profond malaise.

La fin des illusions

La Cour d’appel de la Colombie-Britannique est la plus haute instance juridique de cette province; seule la Cour suprême du Canada peut casser ses décisions.

Ses juges sont nommés par le gouvernement de cette province.

Dans une décision unanime rendue le 24 mai dernier, les cinq juges de ce tribunal ont tranché; la province ne possède aucun pouvoir de bloquer le passage d’oléoducs sur son territoire.

La Colombie-Britannique se propose de porter cette cause en appel.

La Cour suprême du Canada est le bras judiciaire de l’État canadien; elle a intérêt à refuser d’entendre l’appel puisque l’odieux de la décision repose alors sur les épaules d’une cour provinciale.

La résurrection d’Énergie Est

Vers 2030, l’augmentation prévue de la production pétrolière canadienne dépassera les capacités des pipelines Trans-Mountain et Keystone.

Dans les années qui précèderont cette date fatidique, il faudra envisager la construction d’un troisième pipeline afin d’éviter la saturation du réseau.

Après un pipeline vers l’Ouest débouchant sur l’océan Pacifique (Trans-Mountain), après un pipeline vers les États-Unis (Keystone), on complétera le dispositif par l’ajout d’un troisième pipeline vers l’Est, jusqu’à l’océan Atlantique. En clair, on ressuscita le projet Énergie Est, possiblement sous un autre nom.

Si le gouvernement canadien a eu l’audace de faire adopter une nouvelle constitution sans le Québec en 1982, il faut être naïf pour croire que l’opposition du gouvernement québécois empêchera Ottawa de nous passer ce pipeline sur le corps.

Un dernier aveuglement

Le député péquiste Sylvain Gaudreau est très fier d’avoir été à l’origine d’une résolution adoptée unanimement par l’Assemblée nationale du Québec le 28 mai dernier, soit quatre jours après la décision de la Cour d’appel de Colombie-Britannique.

Essentiellement, cette résolution est un appui du Québec à la lutte juridique que mène cette province contre le projet Trans-Mountain.

En préambule, la résolution réitère que l’Assemblée nationale est souveraine sur son territoire et rappelle que tout projet pouvant avoir un impact environnemental — notamment ceux ayant trait au transport d’hydrocarbures — ne peut aller de l’avant sans l’accord du gouvernement du Québec.

De toute évidence, les députés de l’Assemblée nationale vivent dans le déni.

Conclusion

Le doute ou le déni est souvent la première réaction qu’on éprouve lorsqu’on apprend une nouvelle qui ne nous convient pas.

Cela est vrai des particuliers comme des peuples.

Si le PQ prêchait depuis des années que seul un Québec indépendant peut empêcher un pipeline de traverser son territoire, la décision de la Cour d’appel de Colombie-Britannique serait une preuve susceptible de réveiller les sceptiques.

Au lieu de cela, cette décision juridique est sans effet sur l’opinion publique québécoise puisque la résolution péquiste à l’Assemblée nationale a pour effet de nous aveugler.

En réalité, du point de vue environnemental, le choix entre le fédéralisme et l’indépendantisme se résume entre le financement obligatoire (par nos impôts) du Nation Building de l’État pétrolier canadien ou la création d’un pays moderne, respectueux de l’environnement et conforme à ce que nous aspirons à être.

Il serait temps que le PQ nous parle comme à des adultes.

Références :
Décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (en anglais)
La Colombie-Britannique ne peut pas bloquer Trans Mountain
La sainte citation
Le PQ et Énergie-Est
Pétrole et élections : un rendez-vous manqué avec le destin
Procès-verbal de l’Assemblée nationale
Sondage : des Québécois préfèrent le pétrole de l’Ouest

Au sujet de la dangerosité environnementale des pipelines :
Keystone pipeline raises concerns after third major spill in five years (2022-12-21)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Trans-Mountain vs Énergie-Est

3 juin 2018

Introduction

Trans-Mountain est le nom de ce pipeline que la pétrolière américaine Kinder Morgan veut construire pour acheminer le pétrole albertain vers l’océan Pacifique.

Afin de désenclaver ce pétrole — dont le seul débouché actuel se trouve vers les États-Unis — le gouvernement canadien veut lui permettre l’accès à d’autres marchés d’exportation, notamment en Asie.

Cet objectif est évidemment partagé par les provinces de l’Ouest (où l’industrie pétrolière canadienne est installée). Il est également appuyé par les institutions financières ontariennes; celles-ci ont massivement investi dans les sables bitumineux et sont impatientes d’obtenir un retour maximal de leurs investissements.

La Colombie-Britannique et les pipelines

Le projet de Trans-Mountain soulève beaucoup d’opposition parmi les citoyens de Colombie-Britannique.

Ce combat suscite de la sympathie chez nous, particulièrement auprès des Québécois qui ignorent que nos amis britannocolombiens étaient majoritairement d’accord avec les pipelines jusqu’au jour où il a été question qu’ils passent chez eux.

Le projet concurrent d’Énergie-Est devait traverser tout le Québec sans y créer d’emplois permanents et soumettait des centaines de plans d’eau québécois à un risque environnemental considérable.

Jusqu’à ce que ce projet soit abandonné parce que trop couteux, 54% des citoyens de Colombie britannique étaient d’accord avec la construction de ce pipeline.

De la même manière, l’opposition des maires de la région montréalaise au passage d’Énergie-Est ne recueillait la sympathie que de 48% des gens de Colombie-Britannique.

Il faut toutefois préciser que si Énergie-Est était supporté par toutes les provinces anglophones du pays, c’est en Colombie-Britannique que cet appui était le moins enthousiaste. On peut même dire que c’était un appui mou.

Il serait donc injuste de leur porter rancune pour si peu. Mais on doit avoir tout cela à l’esprit, sinon la devise du Québec ne serait pas ‘Je me souviens’.

Le spectre d’Énergie-Est

Puisque le pipeline Trans-Mountain dresse entre elles les provinces de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, le fédéral a décidé de trancher la question et d’investir dans ce projet.

Déjà, le maire de Moncton et les dirigeants de la raffinerie d’Irwing au Nouveau-Brunswick crient à l’injustice et réclament que le fédéral ressuscite également le projet Énergie-Est.

Malheureusement pour eux, une fois Trans-Mountain construit, on n’aura pas besoin d’un pipeline semblable à Énergie-Est avant 2030.

En somme, au risque de manquer de rectitude politique, on peut affirmer que Trans-Mountain est, dans l’immédiat, une protection pour le Québec.

Par ailleurs, le combat des Britannocolombiens est de nature à révéler ce qui nous attend en 2030 si la consommation mondiale de pétrole justifie qu’on ressuscite Énergie-Est.

Les pouvoirs constitutionnels d’Ottawa

Selon la Canadian Constitution de 1982, les gouvernements provinciaux sont les intendants régionaux du gouvernement central canadien.

Ottawa possède les pouvoirs économiques les plus importants tandis que les provinces assurent des services de proximité (santé, éducation, réseau routier provincial, etc.).

Par le biais de leurs représentants provinciaux aux discussions constitutionnelles de 1982, les citoyens de la Colombie-Britannique ont consenti à cette concentration inouïe de pouvoirs à Ottawa. Voilà que maintenant cela se retourne contre eux.

Le transport interprovincial de marchandise (dont celui du pétrole) est un domaine de compétence exclusif du gouvernement canadien.

Ce dernier possède donc tous les pouvoirs constitutionnels qui lui sont nécessaires pour imposer le passage de Trans-Mountain en Colombie-Britannique.

De plus, le gouvernement Harper a modifié la loi de manière à ce que toute action citoyenne qui aurait pour effet de nuire à la construction d’infrastructure pétrolière réponde dorénavant à la définition d’un acte terroriste.

Le gouvernement Trudeau invoque l’intérêt national pour accroitre l’acceptabilité sociale à ce projet. Mais cela n’est pas nécessaire. Intérêt national ou non, la Colombie-Britannique devra capituler devant Ottawa.

Une leçon pour le Québec

Le sort qui attend les Britannocolombiens, c’est qui attend les Québécois à l’avenir. Selon les prévisions, le pipeline Trans-Mountain ne suffira plus au-delà de 2030.

Beaucoup de Québécois — notamment parmi nos amis fédéralistes — surestiment les pouvoirs des provinces au sein de la fédération canadienne. Même si la jurisprudence à ce sujet est déjà éloquente, une confrontation très médiatisée entre la Colombie-Britannique et Ottawa permettra d’ouvrir bien des yeux.

De plus, très peu de Québécois se rappellent de la violence des expropriations de Mirabel et du parc national de Forillon, dans les années 1970.

Dans ce dernier cas, l’État a donné aux 225 familles expropriées — presque tous fermiers qui vivaient en parfaite autarcie — une somme moyenne équivalente à 30 000$ d’aujourd’hui en échange pour leur maison, leurs bâtiments et leur terre.

Dans le cas de l’expropriation qui sera nécessaire au passage de Trans-Mountain, on ignore qui procèdera aux expropriations.

L’évaluation pourrait être faite par des fonctionnaires et cela prendra une éternité. Non pas parce que les fonctionnaires sont lents de nature, mais parce que le néolibéralisme a entrainé l’atrophie de la fonction publique des États.

Sinon, l’évaluation pourrait être faite par les pétrolières elles-mêmes. Dans ce cas, celles-ci offriront une bouchée de pain aux expropriés afin de maximiser leurs profits.

Des histoires déchirantes inonderont nos écrans de télévision et les médias sociaux.

La seule manière de nous soustraire à la répétition éventuelle de ce drame au Québec, c’est de faire l’indépendance d’ici là et de nous séparer du pétro-État canadien.

Le référendum de 2022 sera notre dernière chance. Et cette dernière chance ne nous sera pas offerte si le PQ n’est pas porté au pouvoir en octobre prochain.

Conclusion

S’il est vrai que la production de pétrole influence sa consommation par son effet indirect sur les prix, il faut réaliser que les gaz à effet de serre sont essentiellement causés par la consommation d’hydrocarbures et non leur production.

Quand la production d’une ressource est à l’origine de quelques unes des plus grandes fortunes du monde et que cette ressource est un enjeu géostratégique de première importance, il est enfantin de penser qu’on peut s’y opposer par des pétitions…

La seule manière de combattre l’industrie pétrolière, c’est en changeant nos habitudes de vie.

Le pouvoir des pétrolières, on l’accroit chaque fois qu’on fait le plein d’essence ou qu’on préfère acheter des aliments qui viennent de l’autre bout du monde.

Références :
Dépossession fédérale, sale boulot provincial
Most say governments will agree to new emissions targets, less convinced Canada will meet them
Réseau d’oléoducs Trans Mountain
2 inconvenient facts make Energy East pipeline revival unlikely
La vengeance des expropriés de Forillon

Au sujet de la dangerosité environnementale des pipelines :
Keystone pipeline raises concerns after third major spill in five years (2022-12-21)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La sainte citation

16 septembre 2017

Dans son éditorial intitulé La sainte prédominance, Michel David termine en déclarant qu’un délégué au récent congrès du Parti québécois se serait opposé à ce qu’un gouvernement péquiste soit trop bon puisque cela rendrait confortable notre soumission à l’ordre canadien et conséquemment, enlèverait des raisons de faire l’indépendance.

Il m’arrive d’être un peu nono, mais pas à ce point-là…

Dans le contexte de la discussion au sujet du premier paragraphe de la résolution 412 (au sujet d’Énergie Est), j’ai effectivement déclaré : « Je suis contre le fait que le PQ fasse croire qu’on peut avoir tous les avantages de l’indépendance sans avoir besoin de la faire.»

Que dit cette résolution ?

Utiliser tous les leviers légaux, règlementaires, judiciaires et politiques pour freiner le projet Énergie Est et tout autre projet de transport de pétrole produit ou raffiné hors Québec à des fins exclusives d’exportation par oléoduc, par navire ou par rail.

Tel qu’il a été adopté, ce paragraphe est un bluff qui laisse croire que le Québec aurait le moyen d’empêcher ou de nuire à la construction de ce pipeline.

Actuellement, le transport de pétrole au Québec — que ce soit par train, par pipeline ou par pétrolier — est un domaine de compétence constitutionnelle exclusif du gouvernement fédéral.

Si Trans-Canada décide d’aller de l’avant avec son projet, seule l’indépendance pourrait empêcher la construction d’Énergie Est.

À preuve : si le Québec était déjà indépendant, Trans-Canada exporterait son pétrole par la Baie d’Hudson.

Énergie Est constitue donc un argument en or pour convaincre ses opposants à devenir indépendantistes s’ils ne le sont pas déjà.

À mon avis, le PQ se tire dans le pied en faisant croire que nous pouvons avoir, dans ce cas, tous les avantages de l’indépendance sans avoir à la faire.

Voilà très précisément le sens de mon intervention au congrès.

Ceci étant dit, l’article 6.4.1 du programme du PQ avoue, à juste titre, que « c’est Ottawa qui décide et le Québec n’a essentiellement rien à dire». À l’opposé, la résolution 412 à laquelle je me suis opposé — et l’article 6.4 du programme qu’elle remplace — constituent un bluff au sujet de pouvoirs que le Québec n’a pas.

J’inviterais donc le Conseil exécutif national du PQ à corriger la contradiction entre le bluff de l’article 6.4 et l’aveu d’impuissance de l’article 6.4.1 du programme.

De plus, à défaut de pouvoir empêcher la construction d’Énergie Est, le PQ peut au moins s’engager à éviter de favoriser la construction de ce pipeline.

Or pour éviter de favoriser sa construction, il suffit d’abroger l’infâme loi 106 du gouvernement Couillard qui accorde le droit d’expropriation aux pétrolières. Un engagement qui n’apparait nulle part dans le programme du parti.

Le Conseil exécutif pourrait en profiter pour corriger cette lacune.

Références :
Le gouvernement Couillard accorde le droit d’expropriation aux pétrolières
Projet de loi 106 : le ministre Arcand doit démissionner

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le gouvernement Couillard accorde le droit d’expropriation aux pétrolières

12 décembre 2016

Introduction

Le 10 décembre 2016, sous le bâillon, l’Assemblée nationale du Québec adoptait la loi 106. Celle-ci donne aux pétrolières le droit d’expropriation.

Normalement, l’expropriation crée une obligation d’abandonner à l’État la propriété d’un bien, moyennant une indemnité, quand l’intérêt public l’exige.

Au début des années 1970, deux grands projets ont nécessité des expropriations massives : la création de l’aéroport de Mirabel (392 km²) et la création du parc national de Forillon (245 km²).

Dans son livre ‘L’expropriation du territoire de Forillon : les décisions politiques au détriment des citoyens’, l’historienne Aryane Babin explique que des centaines de familles vivaient en autarcie sur le territoire de Forillon avant la création de ce parc.

Ces familles ont été réduites à la misère par le gouvernement québécois, recevant pour leur terre à bois, leur potager, les animaux de la ferme et leur bâti (ferme et maison) une somme qui ne dépassait pas 30 000$ en dollars d’aujourd’hui.

Cette dépossession a été condamnée par tous les tribunaux auxquels les expropriés se sont adressés. Si bien que depuis, on a mis en place un certain nombre de mesures qui visent à éviter la répétition d’une telle tragédie.

En décidant de déléguer à l’entreprise privée le soin d’exproprier les territoires sur le passage du pipeline Énergie Est, le gouvernement Couillard ne fait pas que de se décharger de l’odieux d’une expropriation réalisée au bénéfice d’intérêts étrangers; il court-circuite toutes les mesures mises en place depuis Forillon.

En effet, la loi 106 ne prévoit rien qui soit destiné à encadrer le conflit d’intérêts des pétrolières, à la fois évaluatrices de la valeur d’un terrain et bénéficiaires des économies réalisées lors de son acquisition.

Concrètement, ce nouveau pouvoir accordé aux pétrolières signifie que si un citoyen refuse de vendre son terrain ou s’il demande un prix jugé excessif par la compagnie, celle-ci pourra s’en emparer de force et l’obtenir pour presque rien.

La loi 106 n’est rien de moins que la capitulation de l’État qui, au lieu de défendre le territoire national, l’offre à la convoitise irrépressible d’intérêts étrangers.

Grâce à cette loi, Trans-Canada pourra faire main basse sur tout territoire convoité et obliger leurs propriétaires à le lui céder — sous la menace d’expropriation — au plus faible prix possible.

En somme, il s’agit d’un pouvoir d’extorsion accordé légalement aux pétrolières.

Le boycottage

Le Printemps érable ne s’est terminé qu’à la suite de l’accession au pouvoir de Mme Marois.

Cette crise sociale a démontré l’inefficacité de marches de protestation contre un gouvernement libéral déterminé à parvenir à ses fins.

Voilà pourquoi je suggère un moyen nouveau, d’autant plus efficace qu’il tient compte de la vulnérabilité des partis politiques, encadrés au Québec par de strictes règles de financement.

Ce moyen nouveau, c’est le boycottage du financement populaire.

On n’a pas pris conscience de l’impact révolutionnaire de la loi sur le financement des partis politiques : celle-ci place les politiciens à la merci du peuple. Le peuple n’a plus le pouvoir uniquement au moment du scrutin : il a ce pouvoir en tout temps.

Dans ce cas-ci, il s’agit de faire cesser immédiatement toute contribution financière au Parti Libéral du Québec tant qu’il n’aura pas retiré la loi 106.

Ce qu’il faut, c’est que le mot d’ordre de boycottage se répande sur les médias sociaux, les blogues et les courriers des lecteurs, comme le feu sur une flaque de pétrole.

Le premier ministre et son cabinet ne sont que la façade derrière laquelle se cachent les véritables dirigeants du PLQ. Ceux qui mènent cette formation politique, ce sont les collecteurs de fonds. C’est à eux qu’il faut nous adresser.

Ce boycottage est le moyen ultime pour nous faire entendre d’eux.

J’invite donc les lecteurs de ce blogue à répandre le court clip vidéo ci-dessous dans les médias sociaux. À cette fin, il suffit de cliquer sur la flèche qui apparaitra dans le coin supérieur droit de la vidéo à la fin du visionnement.

Merci à l’avance.
 

 

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pipelines : le sénateur Boisvenu a raison

9 décembre 2016

Plus tôt cette semaine, en présentant le rapport du comité sénatorial au sujet de l’infrastructure de transport du pétrole brut au Canada, le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu a blâmé les Québécois pour leur réaction émotive et irrationnelle face au passage du pipeline Énergie-Est.

Pourquoi réagissons-nous ainsi ?

L’enfant qui se met à pleurer lorsqu’il perd de vue sa mère, l’adulte dont le pouls s’accélère face au danger, répondent de la même manière face à l’inquiétude.

Tout être humain réagit viscéralement lorsqu’il est inquiet ou pire, lorsqu’il se sent menacé.

Dans le domaine du transport des matières dangereuses, si le gouvernement fédéral s’acquittait de son devoir de nous protéger, nous dormirions sur nos deux oreilles. C’est ce que nous avons fait pendant des décennies.

Mais le néolibéralisme promu par les gouvernements fédéraux (autant conservateurs que libéraux) fait en sorte qu’Ottawa préfère économiser en ne faisant rien pour nous protéger; il remet notre sécurité entre les mains d’aventuriers déterminés à maximiser leurs profits même si cela signifie la mise en péril de nos vies.

Ce que la catastrophe de Lac-Mégantic nous a appris, c’est que le fédéral se fie aveuglément à l’autodiscipline de l’entreprise privée. Plus aucune inspection et aucune vérification. Sauf à la suite d’un incident.

De plus, quand 47 personnes meurent brulées vives, quand une catastrophe environnementale de 1,5 milliard$ se produit, le fédéral ne paie que 50% des couts.

Ce qui veut dire que le fédéral économise des millions en salaires de fonctionnaires et quand cela tourne mal, nous devons non seulement enterrer nos morts, mais payer 62% de la facture (50% refilé à Québec et 12% de notre part de la moitié fédérale).

Notre réaction ‘émotive’ est la conséquence d’un gouvernement qui a le devoir de nous protéger et qui a démissionné de ses responsabilités.

Or le sénateur Boisvenu porte une lourde responsabilité à ce sujet.

En effet, celui-ci est membre du Comité sénatorial permanent des Transports et des Communications. À ce titre, il a adopté article par article, l’encadrement législatif du transport ferroviaire au pays. De plus, en tant qu’homme politique, il a défendu bec et ongles les politiques de dérèglementation du gouvernement Harper, politiques responsables au second degré de la tragédie de Lac-Mégantic.

Si le gouvernement fédéral ne se donne pas la peine d’inspecter du matériel roulant, peut-on imaginer qu’il va déterrer des pipelines pour les voir ?

Comment sera-t-il informé des fuites ? Par ce que voudront bien lui révéler les pétrolières. Et si des fuites discrètes contaminent nos nappes phréatiques, quand le saurons-nous ? Des décennies après que ces fuites auront commencé à migrer vers nos sources d’eau potable.

Et qui paiera pour l’augmentation des cancers causés par la présence de traces de substances toxiques dans l’eau du robinet ? Jusqu’à la fin des temps, qui paiera pour la fourniture d’eau embouteillée à des populations dont l’eau sera devenue impropre à la consommation ?

Le gouvernement conservateur (soutenu par le sénateur Boisvenu) n’a pas cessé de s’attaquer au financement des groupes écologistes. Quel groupe organisé sera en mesure de nous alerter des lacunes des politiques du gouvernement fédéral ?

Quand le gouvernement modifie la loi de manière à ce que toute obstruction citoyenne à la construction d’un pipeline réponde à la définition d’un acte terroriste, n’est-ce pas de nature à nous convaincre du biais de l’État à l’égard des pétrolières.

Commettre un méfait est déjà illégal : pourquoi les pétrolières auraient-elles besoin de la protection des services de renseignements antiterroristes ?

Bref, le sénateur Boisvenu a entièrement raison de critiquer les Québécois pour notre réaction émotive au sujet des pipelines. Mais si nous réagissons ainsi, à qui la faute ?

Références :
Lac-Mégantic : le silence étrange du sénateur Boisvenu
Pipelines — Le Sénat juge que les citoyens sont trop émotifs

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le PQ et Énergie-Est

16 septembre 2016

Hier soir dans mon quartier, j’ai assisté à une conférence prononcée par un candidat à la chefferie du Parti Québécois (PQ). Ce candidat n’était pas mon préféré jusque là mais il l’est devenu en dépit de sa position au sujet d’Énergie-Est.

Rappelons qu’Énergie-Est est le nom d’un pipeline que veut construire une pétrolière et qui doit acheminer 1,1 million de barils de pétrole de l’Ouest vers le Nouveau-Brunswick principalement à des fins d’exportation, et ce en traversant la totalité de la vallée du Saint-Laurent.

Le candidat en question est opposé au passage de ce pipeline au Québec. Bien. Mais il a déclaré que le Québec possédait des moyens d’empêcher la construction de ce pipeline.

Et il a donné comme exemple la possibilité d’obliger la pétrolière à obtenir un permis chaque fois que son pipeline traverserait un cours d’eau. Or ce pipeline doit traverser 830 cours d’eau au Québec.

Et, l’air espiègle, il a précisé que ces demandes devront obtenir l’autorisation de sa collègue Martine Ouellet (dont l’opposition à ce projet est également bien connue).

Voyons les faits.

Le transport interprovincial de marchandises est un domaine de compétence constitutionnelle exclusif du fédéral. Dans un État de droit, on ne peut pas faire indirectement ce qu’il est interdit de faire directement.

En d’autres mots, le Québec ne peut pas empêcher par des moyens détournés un projet autorisé par le gouvernement fédéral dans un domaine de compétence qui lui est exclusif.

Si le Québec devait essayer d’agir de la sorte, les tribunaux invalideraient les moyens entrepris d’autant plus facilement que ce candidat a commis l’imprudence de révéler publiquement leur véritable but.


 
Si le Québec était déjà un pays indépendant, la controverse relative à Énergie-Est n’existerait pas; le Canada exporterait son pétrole par un port situé dans la Baie-d’Hudson (voir ci-dessus).

Pour l’instant, le Québec est une province au sein d’un pays démocratique. Or il faut deux choses pour qu’un pays se définisse comme tel.

Il faut que les minorités puissent s’exprimer. C’est le cas : le Québec peut clamer son opposition.

Mais il faut aussi que la majorité puisse agir. Or justement, le Canada anglais veut Énergie-Est. Conséquemment, ce pipeline nous sera imposé que cela nous plaise ou non.

Tant que le Québec ne deviendra pas un pays indépendant, il devra se soumettre aux décisions majoritaires du Canada anglais. L’adoption de la Canadian constitution de 1982 en est un exemple.

La principale faille idéologique du PQ, c’est de faire croire aux Québécois qu’on peut obtenir à peu près tous les avantages de l’indépendance sans avoir besoin de la faire.

Déclin de l’appui à l’indépendance du Québec de 2004 à 2014

Involontairement, c’est le message que répète inlassablement le PQ depuis des décennies. Il ne faut donc pas se surprendre du lent déclin de la ferveur indépendantiste au Québec.

Les Québécois ne sont pas fous. Pourquoi se lanceraient-ils dans l’aventure incertaine de la partition du Canada quand ils n’auront presque rien de plus qu’en y restant ?

En réalité, les seules manières d’empêcher la construction du pipeline Énergie-Est, ce sont soit l’indépendance du Québec ou des cours pétroliers tellement bas qu’ils rendent cette construction non rentable.

En entrevue avec la chaine télévisée Business News Network, le premier ministre de la Saskatchewan déclarait lundi dernier qu’il s’inquiétait pour l’unité du pays si le processus de consultation de l’Office national de l’énergie ne se terminait pas bien.

Nationalisme albertain

C’était une menace voilée au sujet de l’émergence possible de forces sécessionnistes dans l’Ouest canadien si le fédéral ne réussissait pas à imposer ce pipeline aux Québécois.

Mais ce faisant, le premier ministre de la Saskatchewan révélait ce qui inquiète au plus haut point les stratèges fédéralistes. Ces derniers sont incapables de contrer l’opposition massive des Québécois au passage d’Énergie-Est dans leur province.

Cela ne laisse pas d’autre alternative au fédéral que d’imposer le passage de ce pipeline manu militari — de préférence avec l’aide d’un gouvernement provincial complice — comme ce fut le cas lors de la création du parc national de Forillon et de l’aéroport de Mirabel.

Il s’agit donc d’un argument en or pour inciter les Québécois à opter pour l’indépendance. En effet, le Québec a le choix entre demeurer au sein du Canada et devenir une autoroute à pétrole — par pipeline, par trains et par navires de type Panamax — ou stopper tout cela en devenant indépendant.

En somme, la capitulation du Québec face à l’ordre pétrolier canadien est le prix de son appartenance au pays.

Parce que le fédéralisme a un prix, ce qu’on oublie trop souvent de dire.

Si, comme je le pense, ce pipeline finit par traverser le Québec, les stratèges fédéraux — par le biais de Radio-Canada et La Presse — n’auront plus qu’à détourner la colère populaire contre le PQ qui aura trompé les Québécois sur son aptitude (en réalité nulle) à les protéger de ce projet.

Voilà pourquoi je ne porte pas rancune à ce candidat; ses collègues à la chefferie sont comme lui, occupés à nous expliquer que leur programme électoral est le meilleur pour rendre confortable notre domination au sein du Canada, au point de rendre l’indépendance du Québec à peine nécessaire.

Références :
Énergie Est : Le vrai enjeu
Pipeline Énergie Est : le NON ! de Montréal
Risques décuplés par les navires sous pavillon de complaisance

Au sujet de la dangerosité environnementale des pipelines :
Keystone pipeline raises concerns after third major spill in five years (2022-12-21)

Pour consulter les textes de ce blogue consacrés au prix à payer pour l’appartenance au Canada, veuillez cliquer sur ceci

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Projet de loi 106 : le ministre Arcand doit démissionner

9 juin 2016

Le ministre libéral de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Arcand, a présenté le mardi 7 juin dernier le projet de loi 106 dont l’article 55 du chapitre III cède aux pétrolières le droit d’expropriation.

Normalement, l’expropriation crée une obligation d’abandonner à l’État la propriété d’un bien, moyennant une indemnité, quand l’intérêt public l’exige.

Au Québec et dans bien d’autres provinces canadiennes, les mines possèdent déjà depuis le XIXe siècle un tel pouvoir qu’elles utilisent pour ouvrir les terres vierges au peuplement et au développement économique. Plus précisément, il s’agit de terres situées dans le Grand-Nord du Québec et qui appartiennent à des spéculateurs qui les laissent en friche dans l’attente de la découverte d’un gisement minier.

Dans ce cas-ci, il s’agit plutôt de la vallée du Saint-Laurent où se concentrent la population et l’essentiel des entreprises manufacturières, de même que les terres agricoles les plus fertiles du Québec.

Concrètement, ce nouveau pouvoir accordé aux pétrolières signifie que si un citoyen refuse de vendre son terrain ou s’il demande un prix jugé excessif par la compagnie, celle-ci pourra s’en emparer de force et verser à l’ancien propriétaire le prix qui lui convient.

Le cultivateur qui a pris des années à obtenir une certification biologique sera obligé de permettre qu’un pipeline traverse ses terres même si cela signifie la perte de cette certification alors que la compagnie ne lui aura payé que le mince ruban de terrain par lequel le pipeline passe.

Il ne s’agit plus de soumettre les propriétaires de terrains à la volonté des pétrolières par le biais du pouvoir corrupteur de l’argent. Il s’agit d’anéantir toute résistance à leur volonté, même par ceux qui veulent leur tenir tête en raison de leurs convictions personnelles.

En somme, l’article 55 de cette loi, c’est une capitulation de l’État qui, au lieu de défendre le territoire national, l’offre à la convoitise irrépressible d’intérêts étrangers.

Comme une brebis dont on attache les pattes et qu’on soumet à la prédation d’une meute de loups.

À l’Assemblée nationale, le ministre Arcand a soutenu hier que ce pouvoir d’expropriation est un pouvoir de dernier recours. Il l’est dans les faits lorsque ce pouvoir est exercé par les pouvoirs publics puisque tout abus de leur part est sanctionné par l’électorat.

Dans le cas d’intérêts privés, il en est autrement puisque ces compagnies ne sont redevables qu’à leurs actionnaires. Ceux-ci demandent la maximisation du rendement de leur investissement. Or, contrairement à ce que dit le ministre, presque rien dans le projet de loi 106 ne précise les critères de l’utilisation de ce pouvoir et rien n’en précise les limites.

C’est un pouvoir absolu, accordé sans condition à des intérêts privés afin de leur permettre de faire main basse sur tout territoire convoité et d’obliger leurs propriétaires à le céder — sous la menace d’expropriation — au plus faible prix possible. En somme, il s’agit d’un pouvoir d’extorsion accordé légalement aux pétrolières.

De mémoire d’homme, je ne rappelle pas d’avoir connu un gouvernement aussi enclin à trahir effrontément les intérêts supérieurs de la Nation.

À mon avis, pour cette trahison de la nation québécoise, ce ministre est indigne de sa fonction. Conséquemment, il doit démissionner ou, à défaut, être démis de ses fonctions.

Références :
Le ministre Pierre Arcand défend le droit d’expropriation des pétrolières
Québec donne aux pétrolières le droit d’exproprier

Paru depuis :
Le projet de loi sur les hydrocarbures est adopté à Québec (2016-12-10)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Pipeline Énergie Est : le NON ! de Montréal

22 janvier 2016

Introduction

À l’occasion d’une conférence de presse tenue le 21 janvier dernier, le maire de Montréal et le président de la Communauté métropolitaine ont annoncé conjointement l’opposition unanime des 82 villes de la région au passage du pipeline Énergie Est sur leur territoire.

Le projet Énergie Est n’entrainera que la création d’une trentaine d’emplois directs permanents. Ses retombées fiscales seront, au plus, de 45 millions$ par année pour le Québec. En contrepartie, un déversement majeur dans la région montréalaise pourrait couter entre un et dix milliards$. Il faudra donc entre vingt ans et deux siècles de revenus fiscaux pour payer le cout d’une catastrophe environnementale majeure qui pourrait survenir.

À la suite de cette annonce de cette opposition, le premier ministre de la Saskatchewan a exprimé sa colère sur son compte Twitter.

L’absence de stratégie industrielle du gouvernement canadien

Au cours de la décennie Harper, le Canada n’avait pas de stratégie de développement industriel.

Les politiques économiques du gouvernement canadien consistaient à avaliser tout investissement privé en supprimant les obstacles à sa réalisation.

L’État canadien devenait l’instrument servile de la maximisation des profits de l’entreprise, quelles qu’en soient les conséquences pour la population du pays. Les citoyens de Lac-Mégantic en savent quelque chose.

Bloqué au sud et à l’ouest, la seule issue du pétrole canadien devenait son transport vers l’est. De plus, son moyen de transport de plus économique, c’est le pipeline.

Entre le raffinage sur place et l’exportation brute à l’étranger, il est plus économique de le transformer dans des pays où les couts de la main-d’œuvre sont moindres et où les lois visant à protéger les travailleurs sont absentes.

Voilà pourquoi la compagnie TransCanada a décidé de la construction d’un pipeline traversant les trois quarts du pays afin de pouvoir exporter du brut canadien.

La capacité du pipeline de TransCanada est de 1,1 million de barils par jour alors que la capacité maximale de raffinage du Nouveau-Brunswick n’est que 0,3 million de barils par jour. Donc ce pétrole sera principalement exporté sans être raffiné au pays.

Contrairement au président américain (qui a bloqué un projet analogue parce qu’il n’était pas dans l’intérêt des États-Unis), jamais son homologue canadien ne s’est demandé la même chose pour le Canada.

Son gouvernement s’est contenté de placer des sympathisants de l’industrie pétrolière à la tête des organismes chargés d’évaluer l’acceptabilité environnementale du projet et de passer des lois en vertu desquelles serait considérée comme acte terroriste toute tentative d’empêcher sa réalisation (un blocus routier de citoyens, par exemple).

Le tracé le plus risqué

De toutes les manières d’acheminer le pétrole canadien vers les marchés d’exportation, la plus risquée est de lui faire traverser les zones les plus densément peuplées et là où se concentre l’industrie manufacturière du pays.

Le trajet Énergie Est évite la majorité des zones industrielles de l’Ontario. Mais il passe en plein dans la vallée du Saint-Laurent.

Face à un gouvernement aveuglément voué à ses intérêts, la compagnie TransCanada n’a pas cru bon élaborer un tracé alternatif à celui le plus économique.

Mais ce projet, est-il le meilleur pour le Canada ?

Une solution alternative

En vertu des traités de libre-échange conclus par le Canada, notre pays ne peut obliger la transformation locale d’une richesse naturelle extraite au pays.

Son seul pouvoir de marchandage officieux est donc la nécessité pour l’industrie d’obtenir l’autorisation nécessaire dans le cas du transport de matières dangereuses.

Plutôt que de se traîner les pieds jusqu’à ce que TransCanada soumette un projet qui consiste à transporter du pétrole raffiné vers l’Étranger, les Conservateurs ont misérablement trahi les intérêts du pays.

Et la propagande conservatrice a convaincu nos concitoyens de l’Ouest que cette trahison servait leurs intérêts.


 
Le tracé le plus sécuritaire est celui qui achemine le pétrole raffiné à un port en eau profonde situé dans la baie d’Hudson. De là, celui-ci serait expédié par bateau aux lieux de sa consommation à travers le monde. C’est le tracé en vert sur la carte ci-dessus.

Pour les provinces productrices, cette suggestion permettrait de relancer leur industrie pétrolière, durement touchée par l’effondrement des prix des hydrocarbures, en y augmentant la valeur ajoutée du pétrole, plutôt que d’exporter cette ressource brute.

Pour les populations du Manitoba, de l’Ontario, et du Québec, on les libère du risque d’une catastrophe. Les habitants du Nouveau-Brunswick ne perdent rien de ce qu’ils ont déjà.

Au premier abord, les peuples autochtones de la baie d’Hudson sont les grands perdants puisqu’on transfère sur leur dos un risque environnemental qu’on soulage ailleurs.

Or leur acceptation au projet du pipeline court est, à mon avis, une condition sine qua non à sa réalisation.

Voilà pourquoi les peuples autochtones devraient avoir priorité à l’embauche, et qu’au minimum 80% des emplois devraient leur être accordés.

Le Grand-Nord canadien a une économie de subsistance et les peuples qui l’habitent sont aux prises avec des problèmes sociaux importants (alcoolisme, abus de drogue, violence conjugale, etc.).

La législation québécoise prévoit que dans le cas d’infrastructures (autoroutes, écoles, hôpitaux, etc.), un pour cent du budget soit consacré à la création d’œuvres artistiques.

Dans le cas du pipeline canadien, un pour cent du budget de l’ensemble de ce projet devrait être consacré à la réalisation des priorités sociales et culturelles déterminées par les leaders autochtones.

De plus, un fonds d’indemnisation d’un milliard de dollars devrait être créé et géré indépendamment du transporteur pétrolier dans le but d’indemniser sur-le-champ les victimes de toute catastrophe environnementale qui pourrait résulter de ce projet, sans qu’ils aient besoin de s’adresser aux tribunaux.

De toute évidence, un tel projet serait dans l’intérêt de tous les Canadiens.

Conclusion

L’opposition québécoise au projet de la compagnie TransCanada est légitime.

Toutefois, il serait important que nos élus fassent l’effort d’expliquer aux citoyens des provinces de l’Ouest que les Québécois ne désirent pas nuire à leurs intérêts économiques mais au contraire, désirent l’ajout de valeur ajoutée à l’extraction pétrolière. Un ajout qui servira exclusivement leurs intérêts.

Il est certain que l’industrie pétrolière utilisera toute sa machine de propagande afin de susciter la colère des gens de l’Ouest canadien et nous intimider. D’où l’importance du dialogue pour éviter les incompréhensions mutuelles.

Références :
Le pipeline de TransCanada en trois questions
Projet Enbridge: peu d’avantages pour le Québec, selon une étude
Projet Énergie Est : C’est «non», scandent les maires de la CMM
82 maires disent non à l’oléoduc Énegie Est
TransCanada va de l’avant avec son oléoduc vers l’est du pays
TransCanada veut bâtir un pipeline qui traversera le Québec
Where oil meets water: The final stop for the Energy East pipeline

Parus depuis :
Un pipeline voué à l’exportation de pétrole de l’Ouest (2016-03-09)
Keystone pipeline raises concerns after third major spill in five years (2022-12-21)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’option alternative d’un pipeline court

7 novembre 2015
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Introduction

‘Énergie Est’ est le nom d’un projet de la compagnie TransCanada visant à construire un pipeline de 4 600 km destiné à transporter quotidiennement 1,1 million de barils de pétrole brut de sites d’extractions situés dans l’Ouest canadien vers un port en eau profonde à construire au Nouveau-Brunswick.

Au cours des dernières décennies, on a beaucoup fermé de raffineries dans l’Est du pays. Conséquemment, cet approvisionnement dépassera de beaucoup la capacité de raffinage au Canada. Une bonne partie du pétrole brut sera donc exporté vers des raffineries américaines et étrangères, créant principalement des emplois à l’Étranger.

Les richesses naturelles enfouies dans le sol du pays étant la propriété du peuple canadien, les pétrolières se voient donc offrir gratuitement cette richesse en contrepartie d’obligations qui — malgré leur importance sur papier — sont une bagatelle en comparaison avec les revenus immenses que se partageront leurs actionnaires une fois le pipeline construit.

Privatiser la richesse, étatiser le risque

En vertu de la Constitution canadienne-anglaise de 1982, le transport interprovincial de marchandise est un domaine de compétence constitutionnelle exclusif du fédéral.

Autrefois, le gouvernement fédéral assumait totalement les conséquences financières des lacunes de sa gestion du risque dans les domaines exclusifs de sa compétence.

Depuis la catastrophe de Lac-Mégantic — la pire catastrophe environnementale de l’histoire du Canada — ce n’est plus vrai; Ottawa ne paie que la moitié de la facture, refilant le reste à la province et aux municipalités affectées.

Puisque le tracé d’Énergie Est (en bleu sur la carte ci-dessus) traverse les trois quarts du Canada, il apparait donc insensé qu’on expose la grande majorité de la population canadienne au risque inévitable d’une autre catastrophe environnementale, sachant que dans l’éventualité de celle-ci, TransCanada filera à l’anglaise (comme l’a fait la MMA à Lac-Mégantic), laissant les Canadiens pleurer leurs morts et payer la facture.

Si on prend pour acquis que l’exploitation et l’acheminement du pétrole albertain est une bonne chose (un prérequis à la discussion auquel de nombreux lecteurs seront en désaccord), j’aimerais proposer une alternative au tracé d’Énergie Est.

Le tracé court : avantages et inconvénients

Ma suggestion est simple : obliger le raffinement du pétrole sur place, en Alberta, et l’acheminer à un port en eau profonde situé dans la baie d’Hudson. De là, le pétrole raffiné serait expédié par bateau aux lieux de sa consommation à travers le monde. C’est le tracé en vert sur la carte ci-dessus.

Pour l’Alberta, cette suggestion permettrait de relancer leur industrie pétrolière, durement touchée par l’effondrement des prix des hydrocarbures, en y augmentant la valeur ajoutée du pétrole, plutôt que d’exporter cette ressource brute à l’Étranger.

Pour les populations du Manitoba, de l’Ontario, et du Québec, on les libère du risque d’une catastrophe.

Les habitants du Nouveau-Brunswick ne perdent rien de ce qu’ils ont déjà. Toutefois, ils sont privés de la création d’emplois reliés à la construction prévue d’un terminal pétrolier et à l’accroissement de la capacité de raffinement dans leur province.

Au premier abord, les peuples autochtones de la baie d’Hudson sont les grands perdants puisqu’on transfère sur leur dos un risque environnemental qu’on soulage ailleurs.

Or leur acceptation au projet du pipeline court est, à mon avis, une condition sine qua non à sa réalisation.

Voilà pourquoi je propose que les peuples autochtones aient priorité à l’embauche et qu’au minimum 80% des emplois leur soient accordés.

D’autre part, la législation québécoise prévoit que dans le cas d’infrastructures (autoroutes, écoles, hôpitaux, etc.), un pour cent du budget soit consacré à la création d’oeuvres artistiques.

Le Grand-Nord canadien a une économie de subsistance et les peuples qui l’habitent sont aux prises avec des problèmes sociaux importants (alcoolisme, abus de drogue, violence conjugale, etc.).

Un pour cent du budget de l’ensemble de ce projet devrait être consacré à la réalisation des priorités sociales et culturelles déterminées par les leaders autochtones.

Énergie Est représente un projet de douze milliards de dollars. Un fonds d’indemnisation d’un milliard de dollars devrait être créé et géré indépendamment du transporteur pétrolier.

Ce fonds serait destiné à dédommager sur-le-champ les victimes de toute catastrophe environnementale qui pourrait résulter de ce projet, sans qu’ils aient besoin de s’adresser aux tribunaux.

Conclusion

La construction d’un pipeline qui expose les deux tiers de la population canadienne au risque d’une défaillance mécanique inévitable est une folie.

Toutefois, c’est la solution la plus économique et il a fallu un gouvernement totalement inféodé à l’industrie pétrolière pour souscrire aveuglément à ce projet.

Le régime Harper était un gouvernement qui jugeait le peuple canadien stupide. Conséquemment, seul un choix simple, binaire, lui était proposé; pour ou contre le projet Énergie Est. En somme, seul le choix maximisant les profits de l’industrie était promu par ce gouvernement.

Je suis convaincu de ne pas être le premier à penser à la solution d’un pipeline court, tellement ses avantages sont évidents. Mais sous ce gouvernement autoritaire, hostile à toute contradiction de la part de ses fonctionnaires, il ne semble pas qu’on ait jugé bon proposer une solution autre que celle décidée d’avance par le bureau du premier ministre.

Maintenant que nous avons un nouveau gouvernement à Ottawa, le temps est venu d’inscrire la politique énergétique canadienne dans le contexte d’une stratégie globale de développement économique du pays.

Le projet que je propose comporte d’autres risques, mais qui affectent beaucoup moins de Canadiens. Voilà pourquoi l’alternative d’un pipeline court devrait être envisagée. Et le choix à faire à ce sujet devrait placer l’intérêt du pays au-dessus de l’intérêt privé des pétrolières et de leurs actionnaires.

Référence : Oléoduc Énergie Est

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Écrit par Jean-Pierre Martel