Un ‘pogrome’ à Amsterdam : vraiment ?

Publié le 9 novembre 2024 | Temps de lecture : 6 minutes

Je ne sais pas qui est ce petit génie qui a décidé d’inviter un club israélien à participer cette semaine à un match de football à Amsterdam.

Si on boycotte les équipes sportives russes en Occident, je ne vois pas pourquoi on devrait inviter des équipes israéliennes, tant que durera le massacre des civils dans la bande de Gaza.

Déjà, en mars dernier, des partisans de cette équipe de foot avaient causé du grabuge à l’occasion d’une joute à Athènes.

Après que des immigrés eurent scandé ‘Free Palestine’, certains de ces partisans se sont attaqués à eux pour leur infliger une solide correction.

De plus, ils ont battu un homme d’origine égyptienne à une sortie de métro. Selon certaines sources, le jeune homme s’était drapé d’un drapeau palestinien. La victime fut hospitalisée.

Au sujet des violences survenues en marge du match disputé à Amsterdam, j’ai soigneusement analysé les clips vidéos publiés par les médias occidentaux.

Deux de ces clips documentent des attaques antisémites.

Dans le premier, un partisan des Jaunes — c’est la couleur du maillot de l’équipe israélienne lorsqu’elle joue à domicile — est assis par terre, entouré de gens hostiles qui veulent lui faire dire ‘Free Palestine’.

Dans l’autre, un passant terrorisé déclare ne pas être juif, apparemment pour éviter qu’on s’en prenne à lui. Toutefois, puisque cela ne n’a pas empêché d’être battu, on peut penser qu’il s’est trompé quant à l’identité de ses assaillants.

Mais la plupart des autres prouvent, au contraire, les méfaits commis par les partisans des Jaunes.

Dans deux clips, on les voit s’attaquer à deux propriétés privées en prenant l’initiative de déchirer les drapeaux palestiniens qui pendaient à la fenêtre de deux maisons différentes.

Ils ont brisé les fenêtres d’une troisième maison parce que le drapeau palestinien était trop haut pour qu’ils puissent le retirer.

Un autre clip montre une foule de partisans des Jaunes qui descendent un escalier mécanique. Leur chant joyeux indique qu’on les voit avant le match puisqu’ils l’ont perdu. Mais que chantent-ils donc ?

Sur l’internet, on en trouve plusieurs traductions légèrement différentes, mais qui reviennent au même. La version qui me semble la plus plausible est celle-ci :
— olé, olé. Mort aux Arabes !
— olé, olé. Nous vaincrons.
Laissons l’armée israélienne gagner. ‘Phoque’ les Arabes !

De plus, durant le match, ces partisans ont refusé de respecter la minute de silence en hommage aux victimes des inondations à Valence. Pourquoi ? Parce que l’Espagne a récemment annulé une importante vente d’armement destiné à Israël.

Que s’est-il passé après la défaite du club des Jaunes ? Apparemment, l’esprit n’était plus à la fête.

Leurs partisans ont passé leur mauvaise humeur sur les manifestants propalestiniens hostiles venus à leur rencontre. Les affrontements ont provoqué cinq hospitalisations et 62 arrestations.

Les médias occidentaux ont beaucoup fait circuler un clip vidéo qui montre, parait-il, un partisan de l’équipe des Jaunes fuyant des personnes déchainées contre lui. Puisque ce clip ne montre que des gens habillés de noir, cela est plausible.

Toutefois, lorsqu’on voit l’ensemble du clip de 33 secondes (et plus précisément son début), on voit qu’un petit nombre des agresseurs portaient du jaune.


 
Annet de Graaf, la créatrice de ce clip, a accusé ceux qui le diffusent de propager des nouvelles fallacieuses puisqu’il montre, au contraire, quelques-uns des partisans des Jaunes qui, ce soir-là, frappent des gens et des véhicules avec la boucle métallique de leur ceinture.

Finalement, dans un autre clip, on voit un homme évanoui au sol recevant des coups de pieds de personnes qui l’injurient en israélien.

Toutes les agences de presse occidentales (et conséquemment, tous les médias qui publient leurs dépêches) ont aussitôt relayé comme un fait avéré l’accusation du gouvernement israélien selon laquelle, les Pays-Bas ont été complices d’un ‘pogrome’.

Rappelons qu’un pogrome est une émeute, tolérée ou soutenue par les autorités, dirigée contre les Juifs, et accompagnée de pillage et de meurtre.

Sans remarquer qu’il y a là une très légère exagération, les plus hauts dirigeants des Pays-Bas et de l’Union européenne se sont empressés de blâmer ceux parmi leurs citoyens qui s’en sont pris à ces voyous étrangers, racistes et violents, qui sèment la bisbille partout sur leur passage.

Références :
A mob of Israeli thugs (fans of Maccabi Tel Aviv) attack a Palestinian in ATHENS (vidéo)
Avant les violences, des hooligans du Maccabi Tel-Aviv avaient semé le trouble à Amsterdam
Chaos in Athens: Maccabi fans unleash unrest at Syntagma Square
Comment la guerre au Moyen-Orient a plongé Amsterdam dans la violence (en néerlandais)
Des hooligans du Maccabi Tel Aviv agressent un chauffeur de taxi à Amsterdam (en néerlandais)
Du silence du boycott pour Valence à « la mort des Arabes »
Israeli soccer fans assault foreigner in downtown Athens
Un premier avion transportant des Israéliens évacués d’Amsterdam atterrit à Tel-Aviv
When far-right football fans take to the streets in Israel

Parus depuis :
Des témoins oculaires filment comment les supporters du Maccabi sont eux-mêmes entrés sur le sentier de la guerre après avoir perdu un match (en néerlandais) (2024-11-09)
Images du ponçage dur du Maccabi : « Ils ont donné des coups de pied à notre porte et ont essayé d’entrer dans notre maison » (en néerlandais) (2024-11-09)
Hoologans israéliens : quand un adolescent donne des leçons de journalisme aux médias dominants (vidéo) (2024-11-09)
Muslim Rights Watch dépose une plainte contre les supporters du Maccabi : « Des gens ont reçu des crachats et des coups de pied » (en néerlandais) (2024-11-11)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La poudrière américaine

Publié le 1 juin 2020 | Temps de lecture : 4 minutes

Préambule

En 2012, George Zimmerman, fils d’un magistrat, s’était donné la mission de sécuriser son quartier. Le soir du 26 février, cette sentinelle bénévole remarque et suit un jeune ‘Noir’ qu’il juge suspect. Excédé par sa longue traque, Trayvon Martin, 17 ans, se retourne contre son harceleur et exprime sa vive contrariété. Les deux en viennent aux coups. George Zimmerman sort alors son arme et tue Trayvon Martin, non armé.

Invoquant la légitime défense, l’assassin sera innocenté par un jury. La cause ne sera pas portée en appel.

La banalité de l’assassinat aux États-Unis

Les émeutes qui perdurent ces jours-ci aux États-Unis étaient parfaitement prévisibles.

Depuis des siècles, ce pays se caractérise par l’exploitation de l’homme par l’homme. Une exploitation verrouillée par un système juridique d’extrême-droite toujours prête à innocenter le meurtre d’un ‘Noir’ américain par un ‘Blanc’, qu’il soit policier ou non.

Les faits relatés en préambule à ce texte ne constituent pas qu’une simple anecdote dans un grand pays où il est normal que quelques bizarreries surviennent; ces faits sont l’illustration parfaite de la violence banale exercée quotidiennement contre les ‘Noirs’ et légitimée par un système juridique raciste.

Les États-Unis sont un pays où règne l’importance démesurée accordée à la pigmentation de la peau. Où même l’antiracisme perpétue malgré lui cette démesure. Ce qui explique, par exemple, le concept d’appropriation culturelle dont l’effet est de museler les artistes ‘Blancs’ qui critiquent l’esclavage.

Ce policier de Minneapolis — agenouillé sur la gorge d’un ‘Noir’ menotté (donc impuissant) qu’il étrangle froidement — se sait filmé. Il opère en plein jour. Il l’assassine publiquement pendant huit longues minutes. Sourd aux supplications de sa victime. Pourquoi le fait-il sans gêne ?

Parce qu’il sait qu’il s’en tirera. Que derrière lui, un système juridique profondément raciste l’innocentera de tout reproche. Qu’il sera même grassement dédommagé pour les sanctions qu’on lui imposera pour calmer l’indignation éphémère de protestataires sans pouvoirs réels.

Ces émeutes ne sont pas les premières contre le racisme aux États-Unis. Depuis des décennies, toutes les autres ont échoué à changer durablement ce pays. Parce que le respect de l’ordre établi y prévaudra. Seule une seconde révolution américaine pourrait y parvenir.

Les Américains y sont-ils prêts ? Je n’en suis pas certain.

Conclusion

Il y a moins de dix jours, j’écrivais un texte prémonitoire intitulé ‘Les États-Unis : sur la voie d’une guerre civile ?’.

Ce texte permet de comprendre que ces émeutes actuelles sont l’expression de la perte de confiance d’une partie des Américains (surtout les jeunes) à l’égard des institutions de leur pays.

Le tout s’inscrivant dans un contexte où les cent-mille morts américains du Covid-19 ont laissé derrière eux un grand nombre de citoyens endeuillés qui croient les dirigeants politiques du pays partiellement responsables de ce bilan meurtrier. Et où plus de quarante-millions de chômeurs — sur une population adulte de 209 millions de personnes — ont tout le loisir d’exprimer leur ras-le-bol et leur colère.

Références :
Affaire Trayvon Martin
Appropriation culturelle et racisme anglo-saxon
De Minneapolis à Washington, une 6e nuit de fureur
Les États-Unis : sur la voie d’une guerre civile ?

Parus depuis :
FBI Affidavit About the Plot to Kidnap and Kill Governor of Michigan (2020-10-07)
Six people charged in plot to kidnap Michigan governor Gretchen Whitmer (2020-10-08)
Rochester Officers Will Not Be Charged in Killing of Daniel Prude (2021-02-23)

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Écrit par Jean-Pierre Martel