Pressions cubaines

Publié le 14 mai 2015 | Temps de lecture : 3 minutes
Puits abandonnés à la Fortaleza de San Carlo de la Cabaña, à La Havane

Lorsque le président américain Barack Obama a annoncé le rétablissement des relations diplomatiques avec Cuba, cette décision était le point de départ d’un long processus visant à lever l’embargo américain contre le régime castriste.

Évidemment, cette annonce-surprise a suscité la critique de ses adversaires républicains comme le veut la coutume de ce parti de critiquer à peu près toutes les décisions d’un président démocrate.

Mais la virulence de ces critiques a été moindre dans ce cas-ci parce que la grande industrie américaine est favorable à ce rapprochement.

Cuba compte onze millions de citoyens. Or onze millions de citoyens, c’est onze millions de consommateurs.

Si ces consommateurs ont présentement peu de pouvoir d’achat — le revenu moyen mensuel d’un travailleur cubain est de 19$ par mois — la levée de l’embargo suscitera inévitablement un boom économique, une augmentation de ce pouvoir d’achat et la création d’un nouveau marché dans un pays qui manque de tout ce qui est superflu… et parfois d’un peu du nécessaire.

C’est bien connu; qu’y a-t-il de plus arriéré qu’un peuple qui ne boit pas une seule bouteille de Coca-cola ? C’est le cas du peuple cubain.

La stratégie du gouvernement américain était prévisible; susciter de grands espoirs chez le peuple cubain, faire durer le suspense, obtenir concession après concession du régime castriste. Puis après que celui-ci soit à genoux, lui demander davantage.

Mais les dirigeants cubains ne sont pas nés de la dernière pluie.

Plus tôt cette semaine, le président de la République française devenait le premier chef d’État occidental à se rendre dans l’île depuis le rétablissement des relations diplomatiques avec les États-Unis.

M. François Hollande s’y rendait dans un but précis : signer une entente commerciale en vertu de laquelle la pétrolière française Total obtenait des droits de prospection pétrolière dans les eaux territoriales cubaines du golfe du Mexique.

En somme, la France coupait ainsi l’herbe sous le pied des Américains. Ces derniers croyaient avoir tout le temps voulu pour faire main basse sur l’île et voilà que les Cubains leur montraient qu’ils ne se laisseraient pas domestiquer aussi facilement.

C’est à suivre…

Références :
Cuba announces France oil deal as Hollande urges end to US trade embargo
Le monde salue le rapprochement historique entre les États-Unis et Cuba

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectif Lumix 12-35mm F/2,8 — 1/400 sec. — F/6,3 — ISO 200 — 18 mm


Voir aussi :
Liste des diaporamas du premier voyage à La Havane
Liste des diaporamas du second voyage à La Havane

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Elián González et la fin de l’embargo américain

Publié le 11 décembre 2013 | Temps de lecture : 4 minutes

En 1999, Elián González a six ans. Il vit à Cárdenas, un port cubain de 87 000 habitants située 120km à l’est de La Havane.

Sa mère Elizabeth Brotons, séparée de son époux Juan-Miguel Gonzalez, habite maintenant avec son fils unique et un nouveau conjoint. Mais les temps sont difficiles. Après de longues discussions, on décide de partir clandestinement vers les États-Unis.

Dans la nuit du 21 novembre 1999, la famille embarque à bord d’un bateau de 6 mètres de long. L’embarcation est en aluminium et le moteur est en mauvais état. Il fait 20 degrés Celsius.

Au cours de la traversée, une tempête se déclare. Soumis à des vagues de trois à quatre mètres, l’embarcation chavire. Onze des quatorze passagers se noient, dont la mère et son conjoint. L’enfant — le seul à bord — et deux autres passagers survivent.

Après une dérive de plusieurs heures, les passagers échouent en Floride où ils sont recueillis par les services d’immigration.

Ce matin-là, le père de l’enfant apprend la fuite de son ex. Ignorant le décès de cette dernière, il téléphone à un parent qui habite en Floride pour lui demander de surveiller l’arrivée de son épouse et de son fils. Dès que la nouvelle se repend, Lázaro González intervient auprès des autorités américaines afin de recueillir l’enfant.

Mais au lieu de faire en sorte que l’orphelin soit retourné à son père, ce grand-oncle se prend d’affection pour l’enfant, estime qu’il peut lui offrir un meilleur avenir, et décide de l’adopter.

Trahi, le père crie au kidnapping. S’engage alors une guérilla diplomatique, judiciaire, et médiatique à l’issue de laquelle, le 21 mars 2000, les tribunaux américains tranchent en faveur du père.

Mais le 29 mars, le maire de Miami-Dade et 21 personnalités politiques déclarent publiquement qu’ils refuseront de coopérer au rapatriement de l’enfant vers Cuba. Des citoyens se relaient jour et nuit afin de protéger l’enfant d’une saisie destinée à faire respecter le jugement. La fille du grand-oncle laisse même entendre que les opposants sont armés.

À l’aube du 22 avril 2000, les forces policières donnent l’assaut et libèrent l’enfant, remis à son père quatre jours plus tard.

Aujourd’hui, le grand-oncle, le cœur brisé, a conservé intacte la chambre qu’occupait l’enfant chez lui, transformée depuis en mémorial. La porte de la chambre, endommagée lors de l’opération policière, n’a pas été réparée afin de rappeler l’événement.

Elián González a maintenant 20 ans. Délégué au Festival mondial de la jeunesse et des étudiants — qui se tient présentent en Équateur — il est revenu dans l’actualité en déclarant hier à un journaliste de la chaine de nouvelles CNN : « Comme ma mère, beaucoup de personnes sont mortes en essayant d’atteindre les États-Unis. Mais cela est la faute du gouvernement américain. Son embargo injuste provoque une situation économique insoutenable à Cuba. »

Plus tôt cette semaine, la poignée de mains échangée entre le président américain et son homologue cubain a suscité de nombreuses réactions aux États-Unis. Mais l’incident n’est pas sans précédent : en 2000, l’année où Elián González est retourné dans son pays, le président Clinton et Fidel Castro avaient fait de même à un sommet de l’ONU.

Mais treize ans plus tard, il est peut-être temps pour les États-Unis de réaliser que cet embargo est un échec.

Il a de profondes conséquences économiques pour l’ile cubaine. Mais ces conséquences ne sont pas le but de l’opération. Il y a un demi-siècle, le but était un changement de régime. Prévisibles, les conséquences économiques n’étaient qu’un moyen d’y parvenir. Et rien n’indique que ce moyen est prêt d’aboutir.

Les États-Unis et la Chine sont maintenant des partenaires commerciaux. Il est peut être temps que Cuba et les États-Unis fasse de même.

Références :
Castro and Clinton Shake Hands at U.N. Summit
Elián González affair
Elian Gonzalez slams U.S. embargo against Cuba
Obama: les États-Unis doivent revoir leur politique vis-à-vis de Cuba
The Elian Gonzalez custody crisis
Paru depuis : L’«Université flottante» de retour à Cuba après 9 ans

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Écrit par Jean-Pierre Martel