Introduction
À l’issue des élections législatives du 26 octobre dernier, le parti Rêve Géorgien a été reporté au pouvoir avec 54,1 % des votes. Cette victoire a été confirmée par la Commission électorale du pays.
Aux élections législatives précédentes (celles de 2020), Rêve Géorgien avait également remporté le scrutin. Une victoire qui fut contestée par les partis d’opposition. Ceux-ci avaient aussitôt organisé d’importantes manifestations réclamant de nouvelles élections.
Toutefois, après un mois de protestations de plus en plus violentes, les États-Unis, l’Union européenne et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe demandaient à l’opposition d’accepter le résultat du scrutin et de siéger au parlement.
Cette fois-ci, on assiste à un scénario semblable. Avec la différence que plusieurs pays occidentaux mettent ouvertement en doute la validité du scrutin et donc, la légitimité du gouvernement réélu.
La contestation des résultats
• La mission d’observateurs étrangers
Dès le lendemain du scrutin, la mission d’observation soutenue par le Parlement européen et l’Otan remettait un rapport préliminaire qui signalait des irrégularités mineures qui ne remettaient pas en question les résultats du scrutin.
Ce qui n’a pas empêché l’opposition de soutenir faussement que ce rapport prouvait que les élections avaient été l’objet de fraudes massives.
• My Vote
Les partis d’opposition s’appuient également sur les conclusions de My Vote, une ‘mission d’observation’ composée d’ONG géorgiennes opposées au parti au pouvoir et qui dit avoir observé des irrégularités majeures dans plusieurs circonscriptions.
• Le truffage des boites de scrutin
Une des ‘preuves’ de My Vote, ce sont des clips vidéos qui montrent des personnes qui truffent des boites de scrutin de plusieurs bulletins de vote en présence de témoins impassibles.
Évidemment, cela constitue une fraude électorale. On se surprend que les malfaiteurs aient opéré à la vue de tous, le tout étant même enregistré par les caméras de téléphones multifonctionnels.
Dans chaque cas, les enquêtes policières ont révélé qu’il s’agissait de mises en scène réalisées par les opposants afin de servir de ‘preuves’ si, par la suite, l’issue du scrutin ne leur convenait pas.
• Les sondages
Les firmes américaines Edison Research et HarrisX sondent les électeurs à la sortie des bureaux de vote. À cette fin, un électeur sur 7 ou sur 9 est approché par leurs sondeurs.
Selon les résultats d’Edison Research et d’HarrisX, le parti Rêve Géorgien aurait obtenu respectivement 40,9 % ou 44,4 % des suffrages, et non 54,1 %.
Le site Edison Research ne fournit aucun détail quant à ces résultats. Le 28 octobre dernier, j’ai écrit à cette firme pour demander deux précisions.
Premièrement, pour savoir quelle était la répartition territoriale des 115 bureaux de scrutin à la sortie desquels ils ont interrogé les électeurs. Et deuxièmement, pour savoir si cette firme a constaté une différence entre les préférences des électeurs des régions rurales et ceux des villes.
À ce jour, je n’ai pas reçu de réponse.
À l’opposé, la firme HarrisX a dévoilé les détails de sa méthodologie. Elle a approché 45 054 électeurs à la sortie de 125 bureaux de scrutin. Parmi ceux-ci 12 007 personnes ont accepté de répondre, soit un taux de participation de seulement 26,6 %.
Donc, malgré un taux d’abstention de 73,4 %, cette firme soutient catégoriquement que les résultats officiels étaient ‘tout simplement, statistiquement impossibles’.
• L’opacité du papier des bulletins
L’Association des jeunes avocats de Géorgie a également demandé l’annulation du scrutin (et donc, réclamé de nouvelles élections) parce que les bulletins de vote n’avaient pas été imprimés sur du papier suffisamment épais.
Ainsi, là où les boites de scrutin étaient transparentes, il état possible de voir le choix de l’électeur. Ce qui compromettait le caractère sacré de la confidentialité du vote.
Après une victoire devant le tribunal de première instance, l’ONG a perdu en appel parce que le tribunal a estimé qu’aussi souhaitable qu’eût été l’impression sur du papier parfaitement opaque, cela n’a pas empêché les gens de voter.
• Les manifestations
Que ce soit contre les Gilets jaunes en France, contre le Convoi de la liberté à Ottawa, ou contre les campements pro-palestiniens sur les campus américains, l’objectif des forces policières est de rétablir de l’ordre.
À cette fin, les policiers (ou les soldats) appliquent la force qui leur est nécessaire pour prévaloir. Plus les manifestants résistent, plus ils subissent la répression des forces de l’ordre.
Ces jours-ci, des dizaines de milliers de manifestants protestent chaque soir dans la capitale géorgienne. Même si on nous dit que la contestation se serait répandue dans une quarantaine de municipalités, cette prétention ne s’appuie sur aucune image (photo ou vidéo) qui nous permettrait d’en juger.
Les images qui nous parviennent de la capitale géorgienne sont éloquentes.
D’une part, elles nous montrent la brutalité de la répression policière. Cette brutalité est analogue à celle des corps policiers québécois contre les ‘Carrés rouges’ lors du Printemps érable. On se rappellera qu’au Québec, on avait cassé des dents, fracturé des mâchoires, provoqué des commotions cérébrales, et rendu borgne un protestataire.
D’autre part, elles nous permettent de voir que des dizaines de protestataires utilisent de dispendieux pointeurs au laser (de qualité dite ‘militaire’). Ceux-ci peuvent endommager la vue. En raison de leur cout, ces armes sont très certainement fournies gratuitement par des forces qui se tapissent dans l’ombre.
Conclusion
Lorsque le général al-Sissi est élu ou réélu en Égypte avec 96 % des suffrages en 2014, 97 % en 2018, et 90 % en 2013, il ne semble venir à l’esprit d’aucun gouvernement occidental que ces élections puissent être truquées.
En Géorgie, il n’existe aucune preuve sérieuse que les élections législatives de 2024 ont été l’objet de fraudes massives.
En raison des caractéristiques sociologiques de la population géorgienne, les résultats officiels des dernières élections législatives sont plausibles.
Ce qui n’empêche pas les opposants, les reporters et les chroniqueurs de nos médias, les invités sur les plateaux de nos télévisions, et presque tous les chefs d’État occidentaux d’affirmer catégoriquement que le gouvernement géorgien est illégitime.
La table est donc mise pour qu’en Occident, on voit d’un bon œil son renversement.
Dans notre prochain texte, nous examinerons le rôle central joué par la présidente de ce pays, Salomé Zourabichvili, avec l’appui de la diplomatie française.
Références :
Après la victoire du parti au pouvoir, la Géorgie s’éloigne de l’UE
Breaking: HarrisX Releases Final Georgia 2024 Exit Poll Analysis
Edison Research: 13-Percentage Point Difference Between Exit Polls and Official Election Results Suggests Vote Manipulation
Élections législatives en Géorgie : entre aspirations européennes et pressions russes ?
En Géorgie, des milliers de manifestants pro-européens protestent devant le parlement
EU halts Georgia’s accession to the bloc, freezes financial aid over much-criticized law
Géorgie : le gouvernement exclut de nouvelles législatives malgré la crise politique
Géorgie : près de 150 personnes interpellées lors de manifestations pro-européennes
Géorgie : un manifestant tire des feux d’artifice en rafale contre des policiers
HarrisX Final Georgia 2024 Exit Poll Analysis Reveal Statistically Unexplainable Data Discrepancies
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Is this the beginning of the end of the exit poll?
« La seule option, maintenant, en Géorgie, c’est la révolution » : la ville de Tbilissi en effervescence contre le gouvernement
Les armes offensives des protestataires géorgiens
Les résultats de l’élection législative en Géorgie
My Vote Demands Annulment of Results in 246 Election Precincts Citing “Grave Violations”
Preliminary Report of the International Election Observation Mission
Tirs de balles de plastique : attend-on de tuer quelqu’un ?
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