La dette de l’État québécois

Publié le 11 janvier 2017 | Temps de lecture : 6 minutes


Avant-propos : À part sa conclusion, le texte qui suit s’inspire principalement d’un dossier publié dans l’édition de janvier 2016 du mensuel l’Action Nationale. Ce dossier fut écrit par l’économiste Louis Gill, professeur retraité de l’UQÀM.

 
Introduction

Selon une évaluation de l’économiste Pierre Fortin — professeur émérite en sciences économiques de l’UQÀM — le Québec serait un des États qui mènent les politiques d’austérité les plus sévères parmi les pays industrialisés.

Pour en arriver à cette conclusion, l’économiste s’est servi d’un indice obscur appelé ‘degré d’austérité’. Selon cet indice — dont on trouvera la définition technique à la fin du texte — seuls le Japon et l’Australie ont des politiques budgétaires plus austères que celles du Québec.

Il faut savoir que M. Fortin est un des experts qui furent consultés par le gouvernement Charest lors de la mise sur pied de la cure d’austérité infligée aux finances québécoises depuis le budget 2010-2011.

Indépendamment de la sévérité du remède, qu’en est-il du diagnostic ? En d’autres mots, le Québec est-il trop endetté ?

Dette selon différents critères

Également signataire d’un manifeste qui avait créé la controverse il y a une décennie (le Manifeste des Lucides), M. Fortin reconnait candidement aujourd’hui : « Je me suis rendu compte après ça que la dette de la province de Québec comptait pour 61% du PIB en 1995, mais qu’en 2009 elle était de 50%. On était un peu perdu avec les chiffres. Les méthodes comptables changent tout le temps, il faut dire. Mais ce sont ceux-là les vrais chiffres.»

Effectivement, une des raisons qui expliquent le caractère rébarbatif des discussions entre économistes, c’est qu’ils ne s’entendent pas.

Le but du présent texte est de présenter différentes évaluations à ce sujet et de déterminer si l’endettement du Québec est excessif.

Dette du gouvernement proprement dit

La dette brute du gouvernement est la somme des emprunts déjà contractés, des engagements courants (régime des retraites) et des comptes à payer. Si on lui soustrait les avoirs immobiliers de l’État, on obtient la dette nette, soit 186 milliards$ ou 50% du Produit intérieur brut (PIB).

La dette nette du Québec diminue. Depuis l’atteinte de l’équilibre budgétaire par le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard, cette dette est passée de 59% en 1997-1998 à 50% de nos jours, et ce en dépit des déficits encourus par l’État depuis la Grande récession de 2007-2008.

Dette du secteur public

Si on ajoute la dette d’Hydro-Québec, des écoles, des hôpitaux, des municipalités, et des universités, la dette totale du secteur public québécois passe à 271 milliards$ en 2015 (ou 73% du PIB). Cinq ans plus tôt, cette dette était de 222 milliards$ (70% du PIB). Depuis quelques années, cette dette s’accroit donc.

Dette comparative du Québec

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) regroupe 34 pays industrialisés. Elle possède sa propre manière de calculer l’endettement des États. Cette méthode commune permet de comparer les États entre eux.

Selon celle-ci, l’endettement du Québec est de 63% du PIB en 2015. Toutefois, cela ne tient pas compte de la part du Québec dans la dette canadienne. Or la dette nette du gouvernement canadien est de 687 milliards$ ou 36% du PIB du Canada.

Puisque l’économie du Québec représente 20% de l’économie canadienne, si on lui attribue vingt pour cent de la dette canadienne, la dette d’un Québec indépendant serait alors de 99,5% du PIB québécois de 2015, soit en dessous de l’endettement moyen des gouvernements centraux des pays membres de l’OCDE qui était de 114%.

Toutefois, on doit garder à l’esprit qu’on compare ainsi des pommes à des oranges. En effet, cela ne tient pas compte de la dette des länders, des provinces et des autres gouvernements régionaux de ces pays étrangers.

Si on tient compte de cela, la dette du Québec, même majorée de sa part de la dette canadienne, se compare avantageusement à l’endettement des pays membres de l’OCDE.

Conclusion

La dette nette du secteur public québécois est de 271 milliards$.

Imaginons que le Québec refuserait de respecter ses engagements et que ses créanciers saisissent ses biens; interdiction de circuler sur nos routes, fermeture des hôpitaux, des écoles et des universités, interruption du fonctionnement des centrales hydroélectriques et des usines de traitement des eaux potables, interruption du service de collecte des ordures ménagères, etc.

Combien serions-nous prêts à payer pour ravoir tout cela ? Si on nous demandait 271 milliards$, est-ce que notre réponse serait : « 271 milliards pour du vieux stock ? Non merci, on aime mieux tout refaire à neuf.»

La construction des nouveaux hôpitaux universitaires montréalais coutera sept-milliards$. Les nouveaux trains Azur du métro couteront 1,2 milliard$. Bref, refaire à neuf coute cher.

Les pays anéantis par la guerre en savent quelque chose. Là où tout est à refaire, les pays mettent des décennies à s’en remettre.

Alors que le Québec possède la maitrise des finances publiques et affiche des déficits modestes, il n’y a pas lieu de s’inquiéter de sa dette accumulée dans la mesure où elle est moindre que la moyenne de celle de nos partenaires commerciaux.


*— Degré d’austérité : Variation, d’une année à l’autre, du rapport entre la partie du solde budgétaire qui est sous contrôle gouvernemental et le niveau ‘normal’ du PIB.

Références :
Endettement et austérité au Québec
Hôpitaux universitaires montréalais: un prix réel de 7 milliards
Le Québec et l’austérité : où nous situons-nous?
Le Québec, un champion mondial de l’austérité
Les dix ans des Lucides — Un manifeste à réviser

4 commentaires

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La dette relativement modeste du Québec

Publié le 21 mars 2012 | Temps de lecture : 4 minutes
© 2012 — Institut économique de Montréal

L’Institut économique de Montréal (IEDM) est un pilier de la Droite québécoise. Audacieux, il finance un « Compteur de dette publique du Québec » qui apparait depuis quelques jours comme bannière sur le site du Devoir. Il s’agit-là d’une manière originale et spectaculaire de faire réfléchir tous ces gauchistes dépensiers, apparemment nombreux parmi les lecteurs de ce quotidien.

Serais-je devenu un supporteur de l’IEDM ? Pas du tout. J’ai reproduit cette bannière pour qu’on réalise à quel point nous sommes chanceux de ne pas suivre les conseils de cet organisme.

248 milliards$ d’endettement pour une population de huit millions de personnes, c’est environ 31,000$ par personne (femme, homme ou enfant). De ce point de vue, l’IEDM a raison : c’est beaucoup.

Toutefois, en élisant des gouvernements qu’il juge dépensiers, nous nous sommes endettés afin de jouir d’une longue liste de mesures sociales : soins médicaux gratuits, hospitalisation gratuite, assurance-médicaments, enseignement primaire et secondaire gratuits, frais universitaires largement aux frais des contribuables, garderies subventionnées, pas de péage routier, assurance-chômage, pensions de vieillesse minimales, etc., etc., etc.

Selon l’IEDM, l’exemple à suivre, ce sont les États-Unis, où les riches sont moins taxés et les écarts de revenus beaucoup plus grand entre les riches et le travailleur moyen.

Selon le CIA World FactBook, en 2010, le Produit intérieur brut (PIB) américain était de 14,660 milliards$ et leur dette nationale représente 62,9% du PIB. Puisque leur population est de 313 millions de personnes, faites le calcul : cela fait une dette per capita de 29,460$, soit un peu moins que la nôtre (31,000$).

Mais il ne s’agit-là que de la dette détenue par le public. Lorsqu’on tient compte des créances et dettes administratives, la dette publique totale des États-Unis grimpe à 13,050 milliards de dollars, soit 88 % du PIB. Cela représente — tenez-vous bien — 41,693$ per capita, c’est-à-dire 34,5% plus que nous.

Après de l’agence de notation Moody’s, la cote de crédit du Québec est AA-2, soit une cote moins bonne que celles des autres provinces canadiennes (sauf celles des maritimes). Elle est identique à celle celle du Massachusetts et de la Floride : de plus, elle est meilleure que la cote d’états populeux comme la Californie et New York. On comprend donc mal l’inquiétude de l’IEDM.

Nos voisins du Sud, qui subissent à journée longue le lavage de cerveau de la machine de propagande de leur Droite, se sont endettés plus que nous sans en retirer les avantages dont nous bénéficions. Leurs taxes servent à des guerres prédatrices et à réparer les pots cassés de leur finance vorace et sans scrupule.

Beaucoup d’autoroutes américaines sont à péage. Les Américains doivent recourir à des avocats pour forcer leur compagnie d’assurance à payer leurs frais médicaux lorsqu’ils sont atteints de maladies dont les traitements sont dispendieux. Il n’y a pas de garderie publique. Pas d’assurance-médicament publique. Oubliez les jardins communautaires comme ceux offerts gratuitement aux citoyens de Montréal : c’est du communisme! Les écoles publiques y enseignent le Créationisme (c’est-à-dire que la Terre a été créée il y a environ 4,000 ans parce que c’est ce qu’on peut en déduire par une lecture littérale de la Bible). Les frais universitaires coûtent annuellement entre quelques milliers et plusieurs dizaines de milliers de dollars. Les pensions de vieillesse sont misérables.

Bref, voilà le paradis que vous promet l’IEDM si vous adhérez à sa vision du monde. Un monde de bonheur pour les possédants et un enfer pour les possédés.

De quel côté vous situez-vous?

Références :
Dette publique des États-Unis
Dette publique totale des États-Unis
Moody’s maintient la note de crédit du Québec

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Écrit par Jean-Pierre Martel