Avant-propos : À part sa conclusion, le texte qui suit s’inspire principalement d’un dossier publié dans l’édition de janvier 2016 du mensuel l’Action Nationale. Ce dossier fut écrit par l’économiste Louis Gill, professeur retraité de l’UQÀM.
Introduction
Selon une évaluation de l’économiste Pierre Fortin — professeur émérite en sciences économiques de l’UQÀM — le Québec serait un des États qui mènent les politiques d’austérité les plus sévères parmi les pays industrialisés.
Pour en arriver à cette conclusion, l’économiste s’est servi d’un indice obscur appelé ‘degré d’austérité’. Selon cet indice — dont on trouvera la définition technique à la fin du texte — seuls le Japon et l’Australie ont des politiques budgétaires plus austères que celles du Québec.
Il faut savoir que M. Fortin est un des experts qui furent consultés par le gouvernement Charest lors de la mise sur pied de la cure d’austérité infligée aux finances québécoises depuis le budget 2010-2011.
Indépendamment de la sévérité du remède, qu’en est-il du diagnostic ? En d’autres mots, le Québec est-il trop endetté ?
Dette selon différents critères
Également signataire d’un manifeste qui avait créé la controverse il y a une décennie (le Manifeste des Lucides), M. Fortin reconnait candidement aujourd’hui : « Je me suis rendu compte après ça que la dette de la province de Québec comptait pour 61% du PIB en 1995, mais qu’en 2009 elle était de 50%. On était un peu perdu avec les chiffres. Les méthodes comptables changent tout le temps, il faut dire. Mais ce sont ceux-là les vrais chiffres.»
Effectivement, une des raisons qui expliquent le caractère rébarbatif des discussions entre économistes, c’est qu’ils ne s’entendent pas.
Le but du présent texte est de présenter différentes évaluations à ce sujet et de déterminer si l’endettement du Québec est excessif.
Dette du gouvernement proprement dit
La dette brute du gouvernement est la somme des emprunts déjà contractés, des engagements courants (régime des retraites) et des comptes à payer. Si on lui soustrait les avoirs immobiliers de l’État, on obtient la dette nette, soit 186 milliards$ ou 50% du Produit intérieur brut (PIB).
La dette nette du Québec diminue. Depuis l’atteinte de l’équilibre budgétaire par le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard, cette dette est passée de 59% en 1997-1998 à 50% de nos jours, et ce en dépit des déficits encourus par l’État depuis la Grande récession de 2007-2008.
Dette du secteur public
Si on ajoute la dette d’Hydro-Québec, des écoles, des hôpitaux, des municipalités, et des universités, la dette totale du secteur public québécois passe à 271 milliards$ en 2015 (ou 73% du PIB). Cinq ans plus tôt, cette dette était de 222 milliards$ (70% du PIB). Depuis quelques années, cette dette s’accroit donc.
Dette comparative du Québec
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) regroupe 34 pays industrialisés. Elle possède sa propre manière de calculer l’endettement des États. Cette méthode commune permet de comparer les États entre eux.
Selon celle-ci, l’endettement du Québec est de 63% du PIB en 2015. Toutefois, cela ne tient pas compte de la part du Québec dans la dette canadienne. Or la dette nette du gouvernement canadien est de 687 milliards$ ou 36% du PIB du Canada.
Puisque l’économie du Québec représente 20% de l’économie canadienne, si on lui attribue vingt pour cent de la dette canadienne, la dette d’un Québec indépendant serait alors de 99,5% du PIB québécois de 2015, soit en dessous de l’endettement moyen des gouvernements centraux des pays membres de l’OCDE qui était de 114%.
Toutefois, on doit garder à l’esprit qu’on compare ainsi des pommes à des oranges. En effet, cela ne tient pas compte de la dette des länders, des provinces et des autres gouvernements régionaux de ces pays étrangers.
Si on tient compte de cela, la dette du Québec, même majorée de sa part de la dette canadienne, se compare avantageusement à l’endettement des pays membres de l’OCDE.
Conclusion
La dette nette du secteur public québécois est de 271 milliards$.
Imaginons que le Québec refuserait de respecter ses engagements et que ses créanciers saisissent ses biens; interdiction de circuler sur nos routes, fermeture des hôpitaux, des écoles et des universités, interruption du fonctionnement des centrales hydroélectriques et des usines de traitement des eaux potables, interruption du service de collecte des ordures ménagères, etc.
Combien serions-nous prêts à payer pour ravoir tout cela ? Si on nous demandait 271 milliards$, est-ce que notre réponse serait : « 271 milliards pour du vieux stock ? Non merci, on aime mieux tout refaire à neuf.»
La construction des nouveaux hôpitaux universitaires montréalais coutera sept-milliards$. Les nouveaux trains Azur du métro couteront 1,2 milliard$. Bref, refaire à neuf coute cher.
Les pays anéantis par la guerre en savent quelque chose. Là où tout est à refaire, les pays mettent des décennies à s’en remettre.
Alors que le Québec possède la maitrise des finances publiques et affiche des déficits modestes, il n’y a pas lieu de s’inquiéter de sa dette accumulée dans la mesure où elle est moindre que la moyenne de celle de nos partenaires commerciaux.
*— Degré d’austérité : Variation, d’une année à l’autre, du rapport entre la partie du solde budgétaire qui est sous contrôle gouvernemental et le niveau ‘normal’ du PIB.
Références :
Endettement et austérité au Québec
Hôpitaux universitaires montréalais: un prix réel de 7 milliards
Le Québec et l’austérité : où nous situons-nous?
Le Québec, un champion mondial de l’austérité
Les dix ans des Lucides — Un manifeste à réviser