La gestion familiale du déconfinement

28 juin 2020

Il est illusoire de faire reposer la lutte contre la pandémie au Covid-19 sur des mesures excellentes sur papier mais inapplicables, en bonne partie, dans la vraie vie.

C’est le cas de la distanciation sociale, inapplicable chez les bébés, les enfants, les adolescents, les jeunes adultes célibataires et dans les transports en commun.

À la suite de l’adoption de comportements à risque par un grand nombre d’adolescents ou de jeunes adultes sur les plages de Floride, l’âge moyen des nouvelles hospitalisations dans cet État en raison du Covid-19 est de 33 ans, contre 65 ans il y a deux mois.

Cet exemple illustre la difficulté de motiver les jeunes à se protéger d’un danger habituellement anodin dans leur groupe d’âge.

L’appel au sens civique (le risque de contaminer les autres) et la tentative de culpabilisation (le risque de causer la mort d’un être cher) sont inefficaces parce qu’ils se butent à quelque chose de beaucoup plus puissant; le besoin irrépressible qu’ont les jeunes de vivre leur vie.

Proposer à un adolescent de 18 ans de s’astreindre à une vie monacale pendant 12 à 18 mois — le temps de mettre au point un vaccin — c’est comme lui proposer de sacrifier sa jeunesse pour sauver la vie des autres. Une jeunesse qui ne reviendra jamais. Alors que les autres, à ses yeux, ont déjà vécu pleinement la leur.

Dans l’intérêt d’autrui, il devrait se soustraire à l’esprit de meute typique de son âge et, avec ses amis, se limiter aux interactions sociales possibles à deux mètres de distance.

Quant à la quête amoureuse, on exige qu’elle se fasse en portant un masque et en se désinfectant les mains chaque fois qu’on touche accidentellement à la personne courtisée. Très romantique…

La seule manière d’impliquer les jeunes à la lutte contre le Covid-19, c’est en les responsabilisant. Et ce, au niveau de chaque famille.

D’où l’idée de procéder à une franche discussion dont le but sera l’adoption de mesures décidées par eux en tenant compte des conséquences pour les autres membres de la famille.

Si d’eux-mêmes, les jeunes sont disposés à respecter les mesures sanitaires que leurs ainés prennent déjà, leur participation à la vie familiale sera libre et spontanée.

Si la vie qu’ils entendent mener comporte une prise de risque, ils devront l’assumer.

Concrètement, ils devront porter le masque en famille. Lorsque cela est impossible — par exemple au cours des repas — cela signifie qu’ils seront à table à un moment différent du reste de la famille ou devront manger isolément.

Si le domicile est doté de plus d’une toilette, l’une d’entre elles devra être consacrée à ceux qui ont choisi de vivre plus à risque.

De retour à la maison, le jeune devra prendre sa douche et mettre au lavage tous les vêtements portés à l’extérieur.

De manière générale, pour que cela fonctionne, il faut éviter l’adoption d’une attitude répressive qui inciterait le jeune à la dissimulation ou au mensonge.

Si, par exemple, le jeune doit s’isoler pour manger, on prendra soin que l’expérience soit plaisante pour lui et ne s’apparente pas à une punition.

Référence :
La Floride enregistre un nouveau record de contaminations avec 9 500 cas en 24 heures

Paru depuis :
‘It’s very troubling’: alarm grows over Covid-19 spike among young Americans (2020-07-02)


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Écrit par Jean-Pierre Martel


Apprendre à vivre sous la menace du Covid-19 : les non-dits de nos gouvernements

29 avril 2020

Introduction

Les dés en sont jetés.

Partout en Occident, le message des États est maintenant le même : « Nous contrôlons la situation. Et d’ici peu, nous lèverons progressivement le confinement que nous vous avons imposé, quitte à faire marche arrière et opérer des ajustements si les choses dérapent.»

En réalité, le ‘contrôle’ dont on parle est dans une perspective hospitalo-centrique; au Québec, on a libéré six-mille lits pour soigner les patients gravement malades du Covid-19 et cette réserve a amplement suffi jusqu’à maintenant. Voilà le contrôle dont il s’agit.

Mais l’État québécois n’a aucun contrôle sur la pandémie elle-même; par exemple, c’est l’hécatombe dans les hospices.

Si bien que le bilan meurtrier au Québec est passé de 3,7 à 178,4 morts par million d’habitants en 25 jours. Soit une augmentation de près de cinq-mille pour cent.

S’il s’agit d’une situation bien contrôlée, on se demande ce que serait une situation qui ne l’est pas…

Le tribut meurtrier du Covid-19

Lorsqu’on empêche une pandémie de se répandre, on amortit son impact sur les ressources hospitalières. Mais cela ne fait que différer sa mortalité.

La pandémie continuera de faire des ravages, plus lentement, jusqu’à ce que la population en devienne réfractaire.

À moins que d’ici là, un vaccin soit mis au point, qu’un remède soit découvert, ou que la pandémie disparaisse d’elle-même.

Les experts estiment que la population sera devenue réfractaire lorsqu’environ 60 % des gens seront immunisés contre le Covid-19.

Or, en absence de vaccin, être immunisé contre le Covid-19, cela veut dire l’attraper et en guérir.


 
Selon la modélisation du gouvernement canadien, daté du début du mois, la pandémie causerait la mort de plus de 250 000 Canadiens avant que 60 % d’entre eux en soient immunisés.

Ce qui représente un peu plus de 56 200 Québécois, soit un taux de mortalité de 6 660 personnes par million d’habitants.

En somme, il s’agit d’un tribut meurtrier 37 fois plus important qu’actuellement.

Jusqu’à tout récemment, il était impossible de vérifier dans quelle mesure la modélisation du fédéral était juste.

Mais le gouverneur de l’État de New York annonçait récemment les résultats d’une étude immunologique qui donne un poids considérable à la modélisation canadienne.

Selon une étude new-yorkaise en cours, 21,2 % des citoyens de New York et près de 14 % des habitants de l’État sont maintenant immunisés contre le Covid-19.

Rappelons que dans l’État de New York, ce 14 % d’immunité grégaire a été obtenu au prix de plus de vingt-et-un-mille morts.


 
Par règle de trois, pour atteindre un seuil de 60 %, il faudra donc plus de quatre-vingt-dix-mille morts dans cet État.

Puisque le Québec possède une population de 8,4 millions d’habitants (vs 19,5 millions pour l’État de New York), cela signifie que nous devrons payer un tribut de près de trente-neuf-mille morts pour atteindre une immunité grégaire de 60 %.

Ce qui est le deux tiers des prédictions fédérales; 39 000 vs 56 200 morts, soit respectivement 0,5 % et 0,7 % de la population québécoise. En somme, c’est dans le même ordre de grandeur.

Il est simple, rapide et peu couteux d’effectuer une étude sérologique de l’immunité acquise d’une population au Covid-19.

On l’a fait dans l’État de New York, dans le comté de Santa Clara en Californie, dans la ville allemande de Gangelt, de même que dans une école du département de l’Oise en France.

Animé par la nécessité du déconfinement, le gouvernement québécois a plutôt choisi de procéder à l’aveugle, par tâtonnement.

L’utopie de la distanciation sociale

Pour atténuer l’impact du déconfinement, on compte sur l’hygiène des mains et sur la distanciation sociale au travail et à l’école.

Officiellement, le masque n’est recommandé que lorsque la distanciation sociale est impossible.

Malgré le fait que cette pandémie se propage principalement par des gouttelettes respiratoires, il est étonnant de constater que le port du masque n’est qu’une mesure secondaire dans le plan de déconfinement du gouvernement québécois.

Dans le quotidien de l’activité industrielle, on oubliera vite l’importance de la distanciation sociale en franchissant les cadres de porte et on négligera bientôt la désinfection fréquente des toilettes exigües des petits commerces.

Or la moindre imprudence peut s’avérer grave de conséquence pour les travailleurs.

En classe, même si les écoliers étaient assis à deux mètres les uns des autres, il faut être naïf pour penser que cette distance sera respectée lorsque les petits écoliers se précipiteront dans les couloirs ou se bousculeront dans les escaliers et les toilettes.

À moins, évidemment, de créer un climat répressif qui tuera toute spontanéité chez les jeunes écoliers et qui pourrait les marquer durablement.

Quant à l’idée de faire respecter la distance sanitaire dans les cours de récréation, je crois le ministre de l’Éducation trop brillant pour y croire une seule seconde.

En réalité, ce qu’on souhaite vraiment, c’est que chaque écolier qui aura contracté le Covid-19 contamine sa classe. Et par l’effet multiplicateur de ses camarades, il inoculera le virus aux membres adultes de leurs familles respectives.

Dans la mesure où l’infection au Covid-19 est déjà bien installée dans les sociétés occidentales et que sa propagation sera inévitable à la suite du déconfinement, c’est par le biais des écoliers — généralement peu affectés par l’infection — que nos gouvernements ont choisi d’immuniser leur population.

Conclusion

À partir du moment où les États réalisent le cout astronomique du confinement et leur manque d’autorité pour le faire respecter (notamment aux États-Unis), ceux-ci ont décidé de jeter la serviette et de laisser les choses évoluer d’elles-mêmes à la condition que leur système hospitalier ne soit pas submergé par la pandémie.

Les pays qui s’en tireront le mieux sont ceux qui ont retenu les leçons des pandémies antérieures et qui ont agi promptement (en particulier en Extrême-Orient).

Ailleurs, les citoyens qui auront su s’inspirer du succès de ces pays — notamment quant à l’importance du port du masque — seront avantagés en comparaison de ceux qui auront suivi benoitement les conseils des États qui, de toute évidence, ont failli à les protéger adéquatement et qui ont choisi, de manière pragmatique, de les abandonner à la pandémie.

Références :
Antibody study suggests coronavirus is far more widespread than previously thought
Blood tests show 14% of people are now immune to covid-19 in one town in Germany
COVID-19 Antibody Seroprevalence in Santa Clara County, California
Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France
Immunité collective : les conclusions pessimistes d’une étude dans un hôpital de Wuhan
1 in 5 people in NYC may have been infected with COVID-19, antibody study finds

Parus depuis :
Notes de terrain (2020-05-02)
Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France (2020-05-13)
Près de 3% des adultes auraient contracté la COVID-19 au Québec (2020-08-06)
COVID-19 : l’immunité « diminue assez rapidement », selon une étude (2020-10-27)
Resurgence of COVID-19 in Manaus, Brazil, despite high seroprevalence (2021-01-27)
L’INSPQ avait un « scénario catastrophe » à 56 000 morts (2021-11-29)
Le rêve « utopiste » de l’immunité collective contre la COVID-19 (2022-05-01)

Complément de lecture :
Les « orteils COVID », un symptôme à surveiller chez les enfants
L’immunité «bouclier» plutôt que l’immunité de groupe

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Les arguments du déconfinement québécois

26 avril 2020

Introduction

L’État ne peut pas prendre indéfiniment à sa charge les millions de citoyens qu’il oblige à se confiner.

Il est clair que le déconfinement est une nécessité. Encore faut-il qu’il se fasse de manière prudente et rationnelle.

L’hospitalo-centrisme


 
Selon la modélisation du gouvernement canadien, daté du début du mois, si on laisse la pandémie se répandre à sa guise, elle causerait la mort de plus de 250 000 personnes avant que la population canadienne en soit globalement devenue réfractaire.

À la condition, évidemment, que guérir du Covid-19 signifie en être immunisé. Ce que je crois.

La stratégie du gouvernement québécois est essentiellement hospitalo-centriste.

On a libéré six-mille lits pour soigner les patients gravement malades du Covid-19. Et on cherche à amortir l’impact de la pandémie de manière à ce que jamais il n’y plus de six-mille personnes à la fois qui aient besoin d’être hospitalisées en raison d’elle.

Toutefois, lorsqu’on ‘aplatit la courbe’, on amortit l’impact de la pandémie sur le système de Santé sans en changer le macabre tribut.

À moins, bien sûr, qu’un vaccin ou qu’un remède soit mis au point entretemps. Dans ce cas, la meilleure politique aura été celle qui étirait le temps.

Des arguments superficiels

Pour justifier la politique de déconfinement, en plus des raisons économiques évidentes, on invoque deux arguments superficiels.

Prévenir la violence conjugale

Lorsqu’on oblige deux conjoints qui se détestent à vivre confinés, on augmente le risque de violence.

Toutefois, est-on en mesure d’affirmer que 250 000 Canadiens seraient tués par leur conjoint si on poursuivait le confinement ?

L’argument que le déconfinement préviendra certains cas de violence conjugale est vrai, mais anecdotique.

Priver les enfants pauvres de petits déjeuners

Dans les quartiers déshérités de Montréal, les écoles primaires offraient des petits déjeuners gratuits à leurs élèves.

On justifie le déconfinement au nom de ces enfants affamés depuis la fermeture de toutes les écoles du Québec.

Puisque nos gouvernements dépensent déjà des milliards$ pour soutenir l’économie, pourquoi ne trouve-t-on pas quelques millions$ pour que des cantines mobiles se stationnent chaque matin dans la cour de récréation des écoles fermées afin de poursuivre la distribution des déjeuners gratuits ?

Le déconfinement à l’aveugle

Toute politique de Santé publique doit se baser sur la science.

Mais la science, il ne suffit pas de l’invoquer; on peut la créer.

À l’heure actuelle, personne ne connait la véritable proportion de Québécois qui ont attrapé le Covid-19 et qui en sont immunisés.

En Californie et dans l’État de New York, on a entrepris de vérifier la proportion de citoyens immunisés. Les résultats d’une telle étude sont connus en moins d’une semaine.

L’a-t-on fait au Québec ? Non. S’apprête-t-on à le faire ? Pas à ma connaissance.

Puisque la pandémie se propage principalement par des gouttelettes respiratoires, pourquoi fait-on reposer la stratégie de lutte contre la pandémie sur deux très bonnes mesures (le lavage des mains et la distanciation sociale) alors que, de toute évidence, celles-ci donnent des résultats insuffisants ?

C’est au Québec qu’on possède le meilleur laboratoire au pays capable de vérifier l’efficacité des masques protecteurs, dont les masques artisanaux.

De tous les masques créés par nos artisans, lequel est le plus efficace ? En ajoutant une barrière filtrante jetable (ex.: un filtre à café) entre les deux couches de tissus d’un masque artisanal, en augmente-t-on l’efficacité au point d’atteindre (ou de dépasser) l’efficacité d’un masque chirurgical ? Le masque artisanal, est-il plus efficace sec ou mouillé ?

Toutes ces questions sont sans réponse alors qu’elles sont capitales pour équiper la population des armes qui lui seront nécessaires pour faire face au déconfinement.

Conclusion

Il ne fait aucun doute à mon esprit que le gouvernement actuel désire sincèrement protéger la population québécoise contre cette pandémie.

De la même manière que la création de ghettos de vieux — que sont les CHSLD au Québec et les EHPAD en France — rendait inévitable le carnage que pouvait causer un virus gériatro-meurtier, le déconfinement met en péril cette fois le nombre considérablement plus important des vieux qui vivent hors de ces établissements.

À quelques jours de l’annonce d’un plan de déconfinement, je constate la négligence à créer les bases scientifiques d’une telle politique et la superficialité des arguments invoqués jusqu’ici pour préparer l’opinion publique à ce sujet.


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Écrit par Jean-Pierre Martel