Bœuf haché, fourrure et matières fécales

Publié le 10 octobre 2012 | Temps de lecture : 4 minutes

Les bactéries pathogènes retrouvées dans le bœuf haché sont d’origine intestinale.

Il a y très longtemps, lorsqu’une cargaison de bœufs arrivait à l’abattoir, elle était traitée immédiatement afin de ne pas faire attendre le fournisseur.

Depuis, on a trouvé une manière plus efficace d’arriver au même résultat; c’est d’aménager d’immenses enclos autour des usines, de manière à y accumuler les animaux. Cette solution a l’avantage d’éviter non seulement l’attente du fournisseur — qui décharge immédiatement sa cargaison dans l’enclos qui lui est attribué — mais également celle de l’usine qui n’est jamais paralysée par une livraison qui arrive en retard sur l’heure prévue.

Très tôt, le sol de ces enclos devient une boue formée de terre, d’urine, et de matières fécales. Lorsque les animaux — fatigués par un long voyage ou par une attente interminable au soleil — décident de s’y étendre, leur fourrure s’imprègne de la soupe microbienne à leurs pieds.

Lorsque vient son tour d’être abattu, l’animal est amené dans l’usine où il est d’abord assommé à l’aide d’une décharge électrique (électronarcose) avant qu’être égorgé. Soulevé par les pattes, l’animal suspendu est « lavé » à la grande eau d’un boyau d’arrosage avant d’être dépecé.

Mais contrairement au porc, le bœuf est très velu. Le jet d’eau puissant déloge la grande majorité des matières fécales mais laisse des milliards de bactéries dans la fourrure du bovidé. Avant d’être écorché, toutes les coupes à la scie électrique — afin d’ouvrir l’animal pour lui retirer ses viscères ou afin de lui retirer cette fourrure — ont pour effet de pousser des bactéries à la surface de la viande.

Lorsque les parties moins nobles de l’animal sont transformées en viande hachée, ces bactéries se mêlent à la nourriture. D’où l’obligation de bien cuire la viande hachée industrielle.

Évidemment, on pourrait raser l’animal avant le nettoyage mais ce serait une solution longue et coûteuse. On pourrait également tremper la carcasse écorchée de l’animal dans un bassin d’eau bouillante mais cela cuirait la surface d’une partie de la viande qui perdrait alors l’apparence de la viande crue.

On pourrait aussi faire en sorte que le sol des enclos soit surélevé et nettoyé automatiquement des matières fécales : on n’empêcherait pas la contamination dans les camions de livraison (à bord desquels les animaux voyagent sur un peu de paille) mais celle, beaucoup plus importante, des enclos d’usines d’abattage.

Depuis l’incident du bœuf haché de XL Foods contaminée par des bactéries intestinales, des voix se font entendre en faveur de l’irradiation de la viande par des rayons gamma.

Cela se fait déjà pour d’autres aliments, mais pas pour la viande. En principe, l’idée est astucieuse. Mais il est à craindre que cette solution de facilité, associée à la diminution des inspecteurs fédéraux, justifie un abaissement des normes sanitaires des abattoirs puisque même la contamination grossière sera compensée par l’irradiation. Seul un petit « je-ne-sais-quoi » dans le goût du bœuf, présent en dépit de la cuisson, pourrait nous faire réaliser les conséquences de l’abaissement de ces normes sanitaires.

Lorsqu’on comprend les causes de la contamination à l’usine de XL Foods, on se rend compte que de tels incidents sont inévitables et sont appelés à se répéter tant que le mode de fonctionnement de tels usines ne sera pas remis en question.

D’ici là, tout bœuf haché ne devrait être consommé qu’après une cuisson complète. Quant aux tartares de bœuf, même dans les plus grands restaurants, ce sera toujours une manière élégante et savoureuse de jouer à la roulette russe.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


L’ABC des bactéries d’origine intestinale retrouvées dans nos fruits et légumes

Publié le 9 avril 2011 | Temps de lecture : 3 minutes

Le 30 mars dernier, le réseau anglais de Radio-Canada révélait la présence de bactéries intestinales non-pathogènes dans des pousses de luzerne et d’autres légumes crus. Le journaliste de la CBC s’en étonnait.

Il faut savoir ce qu’on veut. Veut-on que les agriculteurs utilisent des engrais chimiques ou des engrais naturels ? Parce que s’ils utilisent des engrais naturels, cela s’appelle du fumier. Et du fumier, ce sont des matières fécales d’animaux. Il est donc normal qu’un légume qui pousse en terre puisse avoir à sa surface des bactéries non-pathogènes d’origine intestinale. Ce qui est moins normal, c’est de trouver de telles bactéries dans des légumes cultivés par hydroponie, comme c’est le cas des pousses de luzerne.

Ce qui n’est pas normal non plus, ce sont les bactéries pathogènes d’origine humaine, comme c’est le cas de ces souches d’Escherichia coli, retrouvées dans des noix écaillées en provenance des Etats-Unis. Comment peut-on expliquer une telle contamination ?

Il est fréquent aux États-Unis d’engager des travailleurs saisonniers étrangers, parfois entrés illégalement dans ce pays. Ceux-ci reçoivent des salaires de famine. On les entasse dans des baraques qui sont les seuls endroits sur la plantation dotés de toilettes.

Quand le travailleur doit déféquer, il le fait sur place dans le champ — les toilettes étant trop éloignées — et il s’essuie avec ce qu’il peut.

Dans des cas exceptionnels, il aura droit à des gels alcoolisés. Ceux-ci sont essentiellement des égalisateurs de crasse dont la réputation antibactérienne est très, très, très surfaite.

Dans le cas des noix écaillées, je serais très surpris qu’on les écaille à la main. Ce sont probablement des machines qui font ce travail. Toutefois, lorsque les noix entières sont contaminées, elles contaminent les machines écailleuses qui contaminent à leur tour les noix.

Il faut savoir également que dans certains pays en voie de développement, des matières fécales humaines sont utilisées comme engrais. Il n’est donc pas étonnant que des bactéries pathogènes se retrouvent dans certains fruits et légumes importés.

Alors que faire ? Lorsque des aliments sont cuits, la cuisson tue ces microbes. Autrement, on peut éplucher ou laver les légumes. Sinon…

Références :
C. difficile et les égalisateurs de crasse
High bacteria levels in bean sprouts: CBC probe
Noix de Grenoble contaminées à l’E. coli : un mort

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Écrit par Jean-Pierre Martel