La CAQ promet d’épargner 500 millions$ en combattant le gaspillage

24 septembre 2018

Depuis au moins vingt ans, j’entends régulièrement des partis politiques justifier leurs promesses de baisses d’impôts en s’engageant à ‘couper dans le gras’.

En réalité, cela fait longtemps qu’on est rendu à gratter l’os.

Où en sommes-nous au juste ?

Le quotidien La Presse nous apprenait ce matin qu’on manque de savon à la Commission scolaire de Montréal (CSDM).

Depuis des quelques mois, les concierges doivent faire face à des pénuries intermittentes de papier hygiénique, de savon à mains, de papier à mains et de nettoyant à plancher. Cela dure depuis quelques mois.

Cette situation, digne du Tiers-Monde, s’explique par les mesures mises en place pour éviter le gaspillage.

Autrefois, les concierges avaient toute la liberté de passer des commandes de produits d’entretien auprès des fournisseurs. Ces derniers expédiaient les produits en moins de 48 heures et l’école payait la note dans des délais raisonnables.

Plus maintenant.

Afin de mieux contrôler les dépenses et s’assurer d’une meilleure gestion des budgets, les concierges rédigent d’abord une requête électronique qu’ils adressent à la direction de leur école.

Cette dernière transmet ensuite la requête au Centre administratif de la CSDM qui en juge l’à-propos compte tenu des priorités budgétaires de l’organisme.

Si la requête est jugée pertinente, le Centre administratif approuve la requête et passe la commande auprès du fournisseur.

Afin que les politiques d’austérité du gouvernement québécois affectent le moins possible la qualité de l’enseignement, on a ‘couper dans le gras’, notamment dans l’administration.

Mais comme il y a moins d’employés dans l’administration et qu’on a accru leurs responsabilités en centralisant les décisions entre leurs mains dans le but de combattre le gaspillage, tout le monde est débordé et les autorisations prennent des semaines, voire des mois.

En bon gestionnaire de l’argent des contribuables, le Centre administratif procède à des appels d’offres afin de s’assurer d’obtenir le meilleur prix possible.

Lorsqu’un nouveau fournisseur est choisi, son chiffre d’affaires bondit de six-millions$ par année. Cela l’oblige à embaucher en catastrophe de nouveaux employés et à agrandir ses entrepôts. De plus, cela perturbe sa chaine d’approvisionnement et occasionne des délais supplémentaires.

Dans l’attente, une école du Plateau Mont-Royal fabrique du savon à mains en diluant du savon à plancher. Un directeur d’école va lui-même chercher du savon à l’épicerie. Ailleurs, ce sont des professeurs qui paient de leur poche pour acheter des produits de première nécessité.

Dans son grand projet de faire économiser 500 millions$ aux contribuables, trente-millions$ d’économies seront réalisés par l’abolition des commissions scolaires, remplacées par des ‘centres de services’ sous l’autorité du ministère de l’Éducation.

Sur un budget de dix-milliards$ consacrés à l’éducation primaire et secondaire, cela représente une économie de 0,3%.

Au-delà des avantages que fait miroiter la CAQ pour justifier ce bouleversement structurel, le but fondamental de l’exercice est de faire en sorte que les centres de service coutent moins cher que les commissions scolaires existantes. Sinon, à quoi ça sert ?

Lorsqu’on en est rendu à manquer de savon dans les écoles, est-on bien certain que l’obsession de la lutte au gaspillage se justifie après des années d’austérité libérale ?

L’état déplorable de nos écoles, de nos hôpitaux, du transport collectif (et j’en passe), c’est le prix que nous payons pour avoir été séduits collectivement par les chantres du néolibéralisme.

Apparemment, nous n’avons pas encore compris la leçon.

Références :
Abolir ou ne pas abolir les commissions scolaires? Telle est la question
Abolition des commissions scolaires: levée de boucliers contre le projet de la CAQ
Pénurie de savon dans des écoles de Montréal

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La politique migratoire de la CAQ

11 septembre 2018

Introduction

Le pourcentage d’immigrants au Québec qui choisissent de s’angliciser est passé de 65% à 60% en une décennie. C’est encore trop.

François Legault a raison de dire ‘qu’importer’ un demi-million d’immigrants par décennie qui choisissent à 60% de s’angliciser, c’est compromettre la pérennité à long terme du français au Québec.

Cela ne se voit pas en région ni dans les banlieues montréalaises (massivement francophones). Mais c’est déjà évident à Montréal à la lecture des résultats inquiétants du dernier recensement canadien, alors que tous les voyants lumineux clignotent au rouge.

Si le diagnostic de François Legault est bon, quels sont les remèdes qu’il prescrit ?

Réduire l’immigration au Québec de 24%

Entre autres, la Coalition Avenir Québec se propose de réduire à quarante-mille le nombre d’immigrants accueillis annuellement au Québec, et ce dès 2019.

Selon les données du gouvernement québécois, le Québec aura accueilli cette année 53 900 immigrants.

De ce nombre, 31 800 auront été choisis par Québec à titre de travailleurs qualifiés et 22 100 auront été choisis par Ottawa à titre de réfugiés ou en vertu de sa politique de réunification des familles.

Afin de ne pas assumer seule la tâche de réduire le flot migratoire au Québec, la CAQ espère convaincre le fédéral de contribuer proportionnellement à cette réduction.

Les responsabilités canadiennes en matière d’immigration

Au Canada, la compétence constitutionnelle en matière d’immigration est exclusivement fédérale.

Toutefois, en 1991, le gouvernement fédéral a délégué au Québec le droit de choisir les requérants à titre de travailleurs qualifiés.

Néanmoins, le fédéral a conservé ses prérogatives en matière d’accueil des réfugiés parce qu’il doit répondre de ses obligations internationales à ce sujet.

Quant à ses décisions en matière de réunification des familles, elles peuvent être contestées devant les tribunaux. Afin de s’assurer qu’elles soient prises de manière équitable, celles-ci sont déléguées à des tribunaux administratifs qui jouissent d’une grande autonomie.

L’imposition un quota de réduction de 24% à ces tribunaux administratifs provoquerait un tollé d’autant plus prévisible que cette contrainte serait imposée à la demande du Québec, une province que de nombreux commentateurs anglophones aiment dépeindre comme raciste et xénophobe.

Bref, il n’y a pas la moindre chance que le fédéral accepte de contribuer à une réduction du nombre d’immigrants au Québec à la demande de la CAQ.

La seule manière pour elle d’avoir autorité à ce sujet est de réaliser d’abord l’indépendance du Québec.

La démission de la CAQ en matière migratoire

D’ici là, la CAQ devra se débrouiller seule.

Compte tenu de la part fédérale, pour faire passer de 53 900 à 40 000 le nombre total d’immigrants au Québec, un gouvernement caquiste sera obligé de réduire le nombre d’immigrants qu’il accepte de 31 800 à 17 900.

Des 40 000 immigrants au Québec en 2019, 17 900 seraient donc choisis par Québec et 22 100 (la majorité) seraient choisis par Ottawa.

Les besoins de main-d’œuvre des entreprises québécoises, au lieu d’être assurés principalement par des politiques québécoises spécialement adaptées à cette fin, seront assurés par des politiques migratoires fédérales dictés par des considérations humanitaires totalement étrangères aux besoins économiques du Québec.

De plus, en donnant à Ottawa le contrôle majoritaire de notre immigration, la CAQ espère que la pérennité du français soit assurée dorénavant par des fonctionnaires fédéraux à 92% unilingues anglais.

Parce qu’il faut le dire : la fonction publique fédérale est massivement anglophone. Même les postes ‘bilingues’ à Ottawa sont confiés à des unilingues anglais qui disent vouloir apprendre le français et qui quittent leur poste plusieurs années plus tard sans jamais l’avoir appris.

Bref, c’est sur eux que François Legault compte pour expulser les immigrants qui n’auront pas appris le français après trois ans de séjour au Québec et pour sélectionner des réfugiés majoritairement francophones.

Disons les choses clairement : la politique migratoire de la CAQ est une trahison au profit du gouvernement colonial canadien.

Références :
Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains
Québec prévoit recevoir jusqu’à 53 000 immigrants en 2018
Un fonctionnaire fédéral défend son droit de travailler en français

Paru depuis :
Kafka en Québec (2021-05-03)

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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le ‘Test des valeurs’ de la CAQ : distinguer entre la connaissance et l’allégeance

18 mai 2018

L’immigration est un des thèmes récurrents de la Coalition Avenir Québec (CAQ).

Alors que le Québec manque de main d’œuvre pour soutenir son développement économique, ce parti politique veut réduire le nombre annuel d’immigrants. Et on croit que la venue d’un nombre jugé excessif d’étrangers créerait un risque de perversion de nos valeurs.

Dans ce contexte, la politique migratoire de la CAQ joue un rôle capital dans son programme électoral.

Dans celui-ci, la CAQ se propose d’imposer la réussite d’un Test des valeurs à tout immigrant et cela, trois ou quatre ans après son accueil chez nous.

Elle compte sur la menace d’une expulsion du pays pour motiver les immigrants à la réussite. Une expulsion qui, doit-on le préciser, ne dépendrait pas d’un gouvernement de la CAQ puisque celle-ci compterait sur Ottawa pour ce faire.

Cet examen serait un test de connaissance et non un serment d’allégeance. En d’autres mots, il ne s’agirait pas d’un engagement solennel à y adhérer.

Il est donc illusoire d’imaginer qu’un tel test protègerait la société québécoise de la ‘perversion’ causée par l’accueil de gens différents de nous; on peut savoir ce que sont les valeurs québécoises sans avoir la moindre intention de s’y conformer.

Dans le texte ‘Le serment d’allégeance aux valeurs du pays’, je suggérais que soit modifié le serment que l’immigrant doit prêter lors de la cérémonie de naturalisation, c’est-à-dire lors de l’étape ultime qui lui permet de devenir citoyen canadien.

Ce serment ne peut être exigé que par Ottawa.

Si la CAQ veut que le gouvernement québécois ait le pouvoir de l’imposer, il lui faudra réaliser l’indépendance du Québec (ce qui n’est pas dans son programme politique, je crois).

Au sein du Canada, il ne reste plus à la CAQ que le pouvoir d’exiger la connaissance de valeurs dites québécoises.

Mais pour exercer ce pouvoir limité, elle doit le faire avant l’émission d’un certificat de sélection. C’est-à-dire avant que le requérant mette les pieds au Québec.

Or cela se fait déjà.

Lorsqu’une personne demande à immigrer au Québec, elle doit signer une Déclaration sur les valeurs communes de la société québécoise.

Le requérant y déclare vouloir respecter ces valeurs et apprendre le français.

Tant que ce document n’est pas signé, le dossier du requérant est incomplet et ce dernier ne peut recevoir le certificat de sélection émis par Québec.

Tout comme un test de connaissance, une déclaration d’intention est moins contraignant qu’un serment d’allégeance. On peut très bien déclarer vouloir une chose et changer d’idée le lendemain, alors qu’il est plus difficile de renier un serment qui faisait de vous un citoyen du pays.

En somme, la déclaration d’intention est l’équivalent d’une résolution du Nouvel An.

Mais la CAQ n’a pas le choix; une fois que la personne concernée est admise au pays, un gouvernement caquiste ne pourrait rien exiger de plus. Cette impuissance est le prix du fédéralisme.

En effet, l’appartenance au Canada se paie par la soumission de la CAQ à une constitution adoptée en 1982 par le Canada anglais à l’issue d’une séance ultime de négociation à laquelle le Québec n’a pas été invité.

Cet ordre constitutionnel condamne tout gouvernement provincial à n’être que l’intendant régional du gouvernement canadian. Parce que c’est ce que veut l’ethnie dominante du pays.

La CAQ contribue à une psychose antimigratoire alors que sa politique à ce sujet, clé de voute de son programme électoral, est son talon d’Achille. Et c’est précisément parce que cette faille met en péril sa crédibilité que ses adversaires s’acharnent à ce sujet.

À quelques mois des élections, la CAQ pourrait in extremis apporter les changements nécessaires à son programme électoral.

À défaut de cela, ce parti enfourchera une picouille — sa politique migratoire actuelle — comme cheval de bataille de son combat contre l’immigration. De toute évidence, la CAQ risque de payer cher ce choix de monture.

En faisant la promotion de mesures coercitives qu’elle ne peut réaliser qu’après l’indépendance du Québec, la CAQ suscite des espoirs qui ne peuvent trouver leur aboutissement que si ses sympathisants portent au pouvoir une autre formation politique…

Tout un paradoxe !
 
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Écrit par Jean-Pierre Martel


Le nationalisme de peccadille de la CAQ

25 novembre 2016
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Introduction

Conformément à son actuel virage nationaliste, la CAQ a fait paraitre cette semaine sur sa page Facebook un montage photographique accusant MM. Couillard et Lisée d’avoir consenti au projet de loi 62 « qui ouvre toute grande la porte au tchador dans nos écoles.»

Contrairement à ce qu’affirme la CAQ, rien ne s’oppose actuellement au port du tchador à l’école. La loi 62 enfonce une porte déjà ouverte.

La post-vérité caquiste, inspirée de celles de Trump, s’inscrit dans une campagne en vue de prouver que la CAQ est la défenderesse des valeurs fondamentales du Québec.

Compte tenu du rôle que jouent les médias sociaux dans la diffusion de l’intolérance religieuse et du racisme, il apparait opportun d’inciter la CAQ à la plus grande prudence lorsqu’il s’agit de désigner des femmes à la vindicte publique.

Les valeurs ‘québécoises’

La séparation entre l’État et l’Église, de même que l’égalité entre les hommes et les femmes, sont des valeurs occidentales auxquelles le Québec a adhéré assez tardivement.

Ce sont des valeurs que nous partageons de nos jours avec le reste de l’Occident. Mais cela n’a pas toujours été le cas.

La séparation entre l’État et l’Église a été instaurée en France lors de la Révolution alors qu’il a fallu attendre la fin du duplessisme, 178 ans plus tard, pour qu’elle se concrétise au Québec.

Quant à l’égalité entre les sexes, les femmes québécoises n’ont obtenu le droit de vote que dans les années 1940 et n’ont cessé juridiquement d’être des mineures qu’au début des années 1960, soit bien après les femmes d’autres pays.

La nation québécoise existait antérieurement à son adhésion récente à ses valeurs. Celles-ci ne sont donc pas des caractéristiques qui la définissent.

L’histoire et la culture sont le ciment de cette nation. Mais ce qui nous définit, c’est une langue, un territoire et un parlement.

Sans la langue, ni l’occupation du territoire ni son parlement ne suffiraient à le définir comme nation, pas plus qu’on peut parler de la nation ontarienne.

En somme, la nation québécoise se résume à une collectivité parlant majoritairement français sur le territoire qu’elle occupe, et régie par un parlement qui lui est propre. Le jour où sa population parlera anglais, elle aura cessé d’exister.

D’ici là, il pourrait se colorer les cheveux en vert, porter le tchador ou se promener nu et ce serait encore la nation québécoise.

La CAQ et la défense du français

Si le français est à ce point fondamental à l’identité québécoise, peut-il compter sur la CAQ ?

Pour en juger, reportons-nous à l’époque encore récente où le gouvernement minoritaire de Mme Marois voulait renforcer la Loi 101.

Face à l’opposition systématique du parti libéral, la CAQ disposait alors de la balance du pouvoir.

Or la CAQ exigea une série d’assouplissements et d’exemptions destinées au contraire à affaiblir la Loi 101. Son influence parlementaire se résuma à foirer entre les mains du PQ et à le poignarder dans le dos.

La tiédeur de la CAQ à défendre le français peut se résumer, dans la bouche de François Legault, par cette phrase célèbre : « Oui mais ça va couter combien ? »

Parce que le français est un poste budgétaire dans le nationalisme de peccadille de la CAQ.

Si les députés de la CAQ passent si facilement de la CAQ au PLQ, c’est qu’ils s’y sentent comme chez eux.

Entre un gouvernement libéral qui ne fait rien depuis une décennie pour défendre le français et la CAQ heureuse de voir que l’anglicisation de Montréal est gratuite, il n’y a qu’un pas.

En invitant les Québécois à foncer sur le tchador comme le taureau fonce sur la muléta, la CAQ suscite une crainte de la différence, crainte représentée par un vêtement féminin jugé symbolique de l’exploitation faite aux femmes.

La CAQ ne s’attaque pas à l’exploitation faite aux femmes; elle s’attaque au vêtement qui en serait le symbole. Comme s’il suffisait d’obliger une femme battue à se dévêtir pour qu’elle cesse de l’être.

Il m’apparait évident qu’une femme qui porterait le tchador contre son gré a plus de chance de se libérer de cette contrainte si elle gagne un revenu que si on jette à la rue, vouée à la dépendance économique d’un conjoint dominateur.

À mes yeux, le montage photographique de la CAQ est de la xénophobie cachée sous le masque hypocrite de la défense des valeurs ‘québécoises’.

Voilà pourquoi la CAQ aurait intérêt à dissiper le flou et à préciser la substance derrière le nouvel article 1 de sa constitution.

Par le serment de citoyenneté canadienne, le néoQuébécois prête allégeance à la reine d’Angleterre et jure de respecter les lois du Canada. Rien d’autre. En plus, la CAQ souhaite que les néoQuébécois aient à répondre à un questionnaire relatif à la laïcité. Cette mesure ne les oblige pas à en suivre les préceptes. Les y obliger serait anticonstitutionnel.

Conséquemment, il y a présentement un contraste entre les idéaux vaguement nationalistes de la CAQ d’une part, et d’autre part la médiocrité des mesures qu’elle propose et la xénophobie gluante qui suinte de sa page Facebook.

Postscriptum (ajouté le lendemain)

La majorité des femmes voilées au Québec sont des adolescentes.

Au contraire de la CAQ, le message que j’aimerais qu’on envoie à l’étudiante québécoise, c’est le suivant :

« Voilée ou non, si tu es compétente, nous serons heureux de te donner une chance de réussir et te fournir l’occasion de mettre tes talents au profit de la société québécoise.

Le Québec est un pays évolué qui ne juge pas les autres selon leur apparence. Donc ta façon de t’habiller ne me regarde pas.


Et si certains soufflent sur les tisons de l’intolérance à ton égard, sache que bien des femmes avant toi ont ouvert des portes à celles qui les ont suivies, au grand scandale de ceux qui voulaient les soumettre à leurs préjugés mesquins.»

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Écrit par Jean-Pierre Martel


À quel jeu joue la CAQ ?

2 mai 2013

L’idéologie de la CAQ se précise

Compte tenu de l’obstruction presque systématique du principal parti d’opposition, soit le Parti libéral du Québec, la Coalition Avenir Québec (CAQ) possède la balance du pouvoir à l’Assemblée Nationale; avec ses 19 députés, cette formation politique est la seule qui permet aux 54 députés du gouvernement minoritaire du Parti Québécois de former une majorité parmi les 125 députés du parlement québécois.

Par réalisme politique, tous les gouvernements minoritaires au Monde sont condamnés au compromis. En principe, pour le gouvernement Marois, cela ne devrait pas être un problème insurmontable; il n’a qu’à consulter le programme de la CAQ et de réaliser tout ce qui lui parait acceptable.

Ce qui complique les choses, c’est que la CAQ est une formation politique très jeune, née en avril 2012. Elle a réussi en quelques mois à élaborer un programme politique dont j’ai à plusieurs reprises vanté les mérites au cours de la dernière élection.

Mais aussi détaillées que se voulaient ses politiques, celles-ci comportaient de vastes zones d’ombre. C’est ainsi qu’on apprend maintenant que la CAQ défend les écoles passerelles. J’ai bien suivi la dernière campagne électorale et je ne rappelle pas que la CAQ en ait dit un seul mot.

De manière plus générale, depuis quelques temps, la CAQ multiplie les précisions à son programme qui s’inscrivent en contradiction avec les intentions gouvernementales, obligeant le gouvernement Marois à reculer. Certaines de ces précisions sont des détails : d’autres le sont moins, particulièrement sur la question linguistique.

Les exigences de la Loi 101

En matière d’enseignement, la Charte de la langue française — surnommée Loi 101 — est claire : seuls les enfants nés de parents anglophones ont droit à l’école publique anglaise. En France, l’école gratuite est française. En Italie, c’est l’école italienne. En Allemagne, c’est l’école allemande. Et au Québec, c’est l’école française. Sauf pour ce qui est de la minorité anglophone, dont les droits ancestraux à l’école publique anglaise sont respectés.

En d’autres mots, le droit à l’école publique anglaise n’existe pas au Québec. Il est accordé exceptionnellement à notre minorité anglophone en vertu d’un droit acquis.

Les parents francophones ou néoquébécois peuvent néanmoins envoyer leurs enfants dans une école privée de leur choix.

Le Québec a déjà fait l’expérience du libre choix de la langue. En effet, en 1969, le gouvernement québécois de l’Union nationale (un parti politique aujourd’hui disparu) adoptait une loi qui laissait aux parents le libre choix de la langue d’enseignement de leurs enfants.

Le résultat fut que les immigrants au Québec choisirent massivement d’envoyer leurs enfants à l’école anglaise. Les Québécois francophones ont alors réalisé que s’ils ne voulaient disparaitre comme peuple, ils devaient cesser de financer, par le biais de l’école publique anglaise, leur propre extinction. D’où la Loi 101.

Évidemment on pourrait modifier la Loi 101 de manière laisser le choix aux Francophones tout en l’interdisant aux néoQuébécois. Mais il n’y a pas une chance sur un million qu’une telle discrimination résiste à des contestations juridiques.

Donc la seule politique linguistique qui soit conforme au droit international, c’est de faire comme tous les autres pays du Monde, c’est-à-dire de laisser les gens parler la langue qu’ils voudront mais de ne leur permettre que l’accès gratuit à l’école publique de la langue de la nation ou de la zone linguistique dans laquelle ils se sont établis.

La politique linguistique de la CAQ

La CAQ a fait savoir qu’elle s’opposait à ce qu’on retire aux militaires francophones leur privilège d’inscrire leurs enfants à l’école anglaise. Ceci est une question mineure qui ne concerne qu’une poignée de familles. N’insistons pas.

Le retrait du statut bilingue des municipalités majoritairement peuplées de Francophones est également une question sans grande importance autre que sentimentale.

Toutefois, la CAQ ne veut pas qu’on touche aux écoles passerelles. On les appelle ainsi parce qu’elles s’appuient sur des dispositions de la Constitution du Canada anglais de 1982 pour conférer le droit — après un passage aussi bref que quelques semaines dans leurs murs — à l’école publique anglaise à tout enfant qui y a séjourné et, automatiquement, à tous ses frères et sœurs, de même qu’à tous leurs descendants. La CAQ souhaite que cette anglicisation se poursuive.

Présentement, l’obligation faite aux Francophones et aux néoQuébécois d’envoyer leurs enfants à l’école publique française ne concerne que l’école primaire. Le PQ a songé à étendre cette obligation aux CÉGEPs (c’est le nom des lycées au Québec) mais ce parti hésite. Pas la CAQ : celle-ci est contre, tout comme le Parti libéral.

La Loi 101 oblige la francisation des entreprises de plus 49 employés. Le projet de loi 14 veut étendre cette obligation à celles qui comptent entre 26 et 49 employés. Or la CAQ s’inquiète des coûts que peut représenter, pour les chefs de ces entreprises, l’obligation de respecter le droit des employés francophones à travailler dans leur langue. Du bout des lèvres, la CAQ est d’accord avec le principe, mais se refuse à toute mesure coercitive, ne souhaitant que des mesures incitatives, soit celles sur lesquelles le Parti libéral a compté pendant huit ans, avec les résultats qu’on sait.

Or il est important de souligner que ces entreprises sont également celles qui embauchent le plus de néoQuébécois et conséquemment, sont potentiellement un lieu privilégié de leur francisation. Mais la CAQ hésite…

Pendant ce temps…

On apprend que des regroupements d’angloQuébécois proposent l’abolition de la Loi 101. Leurs porte-paroles comparent la situation des Anglophones québécois à celle des Noirs victimes de l’apartheid en Afrique du Sud. Les politiques linguistiques du Québec seraient inspirées du Nazisme et le Québec se comparerait au IIIe Reich. Etc., etc.

Face à la montée de l’extrémisme chez certains Anglophones — montée qui a trouvé son expression ultime jusqu’ici dans l’attentat terroriste au Métropolis — il y place à l’apaisement mais pas au compromis.

Grâce au laxisme de l’ex-gouvernement libéral, le français a périclité sur l’île de Montréal. L’ouest de l’ile de Montréal est toujours aussi anglophone. Le Plateau Mont-Royal, presqu’entièrement francophone il y a dix ans, s’est beaucoup anglicisé. Même chose pour Hochelaga-Maisonneuve. Bref, lorsqu’on lit les analyses basées sur les recensements de Statistiques Canada, on est étonné de voir le gouffre entre ces données, et la réalité concrète observable sur la rue.

Quant au mythe selon lequel le recul démographique des Francophones sur l’île de Montréal s’expliquerait par un exode vers les banlieues, il n’est basé sur aucune donnée. Si les Francophones se réfugiaient massivement dans les banlieues, leur pourcentage (déjà très élevé) augmenterait. Or cela n’est pas le cas.

Bref, la situation du français sur l’ile de Montréal est critique. À partir de quand sera-t-il trop tard ? Je l’ignore. Mais ce dont je suis certain, c’est que le temps alloué aux hésitations, aux scrupules, aux intrigues de Palais et à la politicaillerie, achève.

Conclusion

Il peut sembler amusant pour la CAQ d’humilier des membres du Conseil des ministres en les obligeant à renoncer à des projets qui leurs sont chers. Mais lorsque le sort de la langue française au Québec dépend de la réalisation de ces projets, la CAQ a le choix entre se rallier ou trahir le peuple dont elle est issue.

Déjà l’action du gouvernement québécois est handicapée par les dispositions en matière linguistique de la Constitution du Canada anglais de 1982.

Afin d’endiguer la progression de l’anglais, nos gouvernements en sont réduits à adopter une succession ininterrompue de lois linguistiques anticonstitutionnelles depuis trente ans — lois invalidées les unes après les autres par le plus haut tribunal du pays.

Si les dirigeants des différents partis politiques sont incapables de mettre de côté la partisannerie politique et de s’unir lorsque nous sommes en danger, alors nous méritons vraiment de disparaitre.

Les dirigeants de la CAQ devraient y songer sérieusement avant que l’insécurité linguistique gagne l’ensemble des Québécois et qu’une élection soit déclenchée sur ce thème : si cela devait survenir, je crains fort que l’électorat juge sévèrement les hésitations et les byzantines préoccupations de la CAQ quant aux coûts-bénéfices de défense du français au Québec.

Références :
Du plomb dans l’aile
Élection générale québécoise de 2012
La CAQ, entre opportunisme et responsabilité
Le projet de loi 14 et les militaires – Aucune torture
Office québécois de la langue anglaise
Une question de fierté

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Écrit par Jean-Pierre Martel