Tuer pour sauver des vies

Publié le 17 avril 2018 | Temps de lecture : 6 minutes

En 1939, si Hitler n’avait pas quitté plus tôt que prévu une brasserie de Munich — où la bombe de Georg Elser devait le tuer à 21h20 — combien de millions de vies humaines aurait-on épargnées au cours de la Deuxième Guerre mondiale ?

Tuer préventivement pour protéger la Patrie, pour délivrer un peuple ou pour sauver des personnes en danger, est la motivation habituelle des comploteurs.

Obsédé depuis des mois par le danger d’attaques terroristes contre ses proches, l’auteur de l’attentat de Québec était convaincu qu’en tuant les fidèles dans une mosquée, il sauvait des gens des attaques terroristes.

« Je me suis dit hier que, peut-être grâce à ce que j’ai fait, il va peut-être y avoir une centaine de personnes qui vont être sauvées.»

Devant un tel raisonnement, il est facile de présumer que le jeune auteur de l’attentat est un simple d’esprit.

Mais n’est-ce pas aussi notre cas lorsque nous applaudissons les dirigeants de nos pays qui ordonnent des bombardements ‘humanitaires’ à l’Étranger ?

Les Américains ont cru majoritairement que leur pays avait le devoir de faire une guerre ‘préventive’ en Irak dans le but de sauver des millions d’Européens à portée de tir des armes de destruction massive de Saddam Hussain.

Et ce, malgré le fait que la vaste majorité des Européens s’opposaient à cette guerre et doutaient (à juste titre) de l’existence de ces armes.

D’autre part, nos éditorialistes et nos lecteurs de nouvelles, n’ont-ils pas critiqué nos gouvernements, les accusant d’être impassibles devant la répression cruelle du Printemps arabe en Syrie ? Une répression qui faisait des centaines de morts, parmi lesquels de pauvres petits enfants.

Et n’ont-ils pas applaudi à cette guerre qui a causé entre 350 000 à 500 000 morts, principalement des civils, dont beaucoup plus de pauvres petits enfants ?

Quand un remède est mille fois plus mortel que la maladie, quel médecin s’entête à le prescrire ? Grâce à Dieu, médecine et journalisme sont des professions différentes.

Le plus sérieusement du monde, nos dirigeants militaires nous ont promis qu’avec plus de bombardements, nous réussirons enfin à délivrer les gens qui ont survécu à nos bombardements antérieurs.

Malheureusement, plus on bombarde, moins il en reste. Mais, dans la mesure où ce sont des gens qu’on ne voudrait surtout pas voir immigrer chez nous, un peu plus ou un peu moins, quelle importance…

Même après sept ans de guerre, nous n’apprenons pas de nos erreurs. Il suffit de nous monter les images choquantes des gens gazés en Syrie pour que, de nouveau, nous réclamions vengeance.

Il y a eu en Syrie des dizaines d’attaques chimiques depuis le début de cette guerre, dont trois qui ont scandalisé l’opinion publique internationale.

L’attaque chimique à Kan al-Assad

La première eut lieu en mars 2013, soit environ un an après que le président Obama ait tracé sa célèbre ligne rouge.

L’enquête de l’ONU effectuée sur place a conclu qu’elle avait commise par les rebelles et non par les forces gouvernementales. Ces rebelles étaient affiliés à Al-Qaida.

L’attaque chimique à Khan Cheikhoun

La deuxième attaque chimique eut lieu en avril 2017.

Le premier témoignage à ce sujet a été une vidéo diffusée par les médias européens. On y voyait un secouriste présenter les conséquences horribles de cette tragédie.

Cette vidéo a été retirée des ondes dès qu’on s’est rendu compte que ce secouriste était un médecin tortionnaire d’Al-Qaida condamné pour terrorisme en Grande-Bretagne.

Il y a plusieurs autres vidéos qui circulent sur l’internet à ce sujet.

Lorsque le jour s’est levé en Amérique, les médias québécois ont choisi de nous montrer celle où on voit un garçon aux yeux bleus suffoquant dans un décor stylisé qui aurait pu être construit à Hollywood.

Trois jours plus tard, les États-Unis réagissaient en bombardant une base aérienne syrienne, tuant un petit nombre de militaires syriens.

Cette fois, les enquêteurs de l’ONU ne se sont pas rendus sur place : ils ont basé leurs conclusions sur les preuves présentées par différents pays occidentaux, dont la Turquie. L’ONU a conclu à la responsabilité du régime de Bachar el-Assad.

L’attaque chimique à Douma

La troisième attaque est celle survenue il y a dix jours. De nouveau, l’attaque a eu lieu dans un fief d’Al-Qaida.

Les pays occidentaux ont immédiatement blâmé le régime de Bachar el-Assad pour cette attaque au chlore.

Trump manipulé par la dictature soudienne

Sans attendre une résolution habilitante de l’ONU, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont illégalement bombardé des sites de production et de stockage d’armes chimiques (notamment de chlore) en Syrie.

Malheureusement, dans ce pays comme chez nous, le chlore — sous forme gazeux, sous forme d’hypochlorite de sodium ou de bioxyde de chlore — sert principalement à l’épuration des eaux.

On peut donc craindre l’apparition d’épidémies de choléra dans certaines villes syriennes qui auront été incapables de s’approvisionner en chlore. Et ce, au grand scandale des pays occidentaux qui accuseront le cruel régime syrien de procéder à une guerre bactériologique contre son propre peuple.

Quand cesserons-nous de tuer dans le but de sauver des vies et de suivre le raisonnement simpliste du terroriste de Québec ?

Références :
Attaque chimique de Douma
Attaque chimique de Khan Cheikhoun
Attaque chimique de Khan al-Assal
Georg Elser
Guerre d’Irak
Le tueur qui croyait sauver des vies
Menaces de tirs américains en Syrie : « Ça peut déraper », estime un observateur
Trump : un président manipulable et impulsif

Laissez un commentaire »

| Guerre en Syrie | Mots-clés : , , | Permalink
Écrit par Jean-Pierre Martel