L’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus

Publié le 23 août 2017 | Temps de lecture : 7 minutes

Tout comme la basilique Sainte-Sophie de Constantinople, l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus honore un attribut divin.

En effet, la basilique Sainte-Sophie (aujourd’hui désacralisée) n’honorait pas une des saintes portant ce prénom, mais plutôt la Sagesse de Dieu; en grec, sagesse se prononce sofía.

De la même manière, l’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus n’honore pas Jésus de Nazareth mais le Nom qu’il porte.

Au début du XXe siècle, la ville de Maisonneuve — qui sera annexée à Montréal en 1918 — connait un boum économique lié au fait que cette municipalité était un paradis fiscal pour les industries manufacturières.

Sa forte croissance démographique incite le clergé catholique à y construire une église en croix latine de la taille d’une cathédrale.

C’est à Charles-Aimé Reeves et Albert Mesnard — associés dans la même firme d’architectes située à quelques rues de là — qu’est confiée la tâche de dresser les plans de l’édifice qui sera construit de 1903 à 1906.

Façade de l’église

L’église occupe une superficie de cinq-mille mètres carrés et sa façade est haute de soixante mètres.

Elle est souvent décrite comme étant de style romano-byzantin. De nos jours, cela n’est pas très évident.

L’extrême sobriété extérieure de l’édifice fait en sorte que la caractérisation du style ne repose sur pas grand-chose.

La plupart des ouvertures (portes et fenêtres) se terminent en demi-lune. C’est probablement ce qui lui vaut d’être dite d’inspiration romane.

Quant à l’influence byzantine, elle reposait sur le fait que tout l’intérieur est peint (comme dans les églises orthodoxes) et surtout sur l’aspect originel des clochers, épousant la forme des mitres des popes orthodoxes.

Depuis, ils ont été remplacés par des clochers pointus.

Nef

La nef se compose d’un large vaisseau central bordé d’étroits bas-côtés qui servent d’allées. Le long de ces allées, les colonnes en bois peintes en faux-marbre sont couronnées de chapiteaux corinthiens plaqués en or 24 carats (comme toute la dorure de l’église).


Note : Pour consulter un guide illustré des termes techniques d’architecture religieuse, on cliquera sur ceci.

Nef à la rencontre du transept

Chaque bras du transept est décoré de trois vitraux verticaux surmontés d’une rosace.

Quelques années après l’inauguration, on entreprit un ambitieux programme ornemental confié à Toussaint-Xénophon Renaud qui l’exécuta de 1914 à 1918.

Ce peintre-décorateur avait été formé à l’École des Arts et Métiers de Montréal, formation qu’il avait complétée par des stages en France, en Belgique et en Italie. Élève de l’architecte Napoléon Bourassa, il avait travaillé à la décoration de la chapelle Notre-Dame-de-Lourdes.

Chœur

Dans le chœur, le programme d’embellissement reposait principalement sur deux transformations majeures : l’ajout d’un orgue et de son buffet sur colonnes enchâssant le maitre-autel, de même que des stalles ajoutées de part et d’autre du chœur. À l’époque, les bancs de la nef étaient de la même couleur foncée que les stalles du chœur.

Inauguré à Pâques 1915, l’orgue Casavant était le plus important à Montréal et le sixième en importance en Amérique du Nord.

Il est en deux parties; un orgue de chœur de 21 jeux situé à droite du maitre-autel (les tuyaux à gauche n’ont qu’une valeur décorative) et un orgue de tribune de 69 jeux situé à l’arrière de l’église. Au total, ces 90 jeux mettent en œuvre 6 500 tuyaux.

Cette disposition particulière permet des jeux d’écho et de réponse stéréophonique qui offrent un large éventail de moyens expressifs.

Dans le chœur, le buffet d’orgue a été dessiné par l’architecte Joseph-H. Caron et réalisé par les menuisiers de Louis Caron & Fils (de Nicolet). Le tout a été peint sur place sous la direction de Toussaint-Xénophon Renaud.

La Pentecôte, au-dessus du maitre-autel

La toile au-dessus du maitre-autel serait du peintre montréalais Georges Delfosse.

La Resurrection de T.X. Renaud, dans le bras droit du transept
Fresque à la croisée du transept

À la croisée du transept, la fresque Le Père éternel fut restaurée en 2015 par l’artiste Gina Garcia.

Exemples des vitraux

Les vitraux de la nef et du transept représentent les douze apôtres. Ils ont été créés par Gaston Vennat et Cie de Limoges.

Afin de s’assurer de la qualité du travail, le verrier français offrit un contrat clé en main en vertu duquel les vitraux étaient expédiés assemblés, prêts à être insérés dans l’ouverture des fenêtres.

Mais voilà, le contrat fut signé avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Or dès l’entrée en guerre de la France, tout le plomb du pays était réquisitionné pour faire des balles. Malgré l’interdit, les vitraux furent fabriqués et expédiés en secret.

À leur arrivée au port de Montréal en 1915, lors du dévoilement des vitraux, ce détail n’échappa pas à la presse. Ce qui fit scandale.

Notre-Dame-du-Rosaire, rosace du bras gauche du transept
Jésus et saint Jean-Baptiste, rosace du bras droit du transept

L’église compte trois rosaces mesurant six mètres de diamètre.

Au jubé, celle au centre de l’orgue représente sainte Cécile de Rome (patronne des musiciens) entourée de quatre anges musiciens.

À chaque extrémité du transept, l’image centrale de la rosace est entourée d’évêques et de docteurs de l’Église.

À l’extérieur, chaque rosace est protégée par une fenêtre en verre transparent dont le châssis de bois mime la structure de la rosace (en blanc sur la première photo). Cela crée une ombre portée qui ajoute de la profondeur à ces rosaces, particulièrement à celle de gauche, éclairée en après-midi.

Station du Chemin de Croix
Orgue à l’arrière
Statue en plâtre peint, près de la sortie

Les fondations de l’édifice reposent sur un sol instable. Déclaré dangereux, l’édifice sera fermé au culte de 2009 à 2014.

En fait, l’église devait être démolie. Mais s’il était possible de prélever les vitraux et les toiles marouflées de Toussaint-Xénophon Renaud, l’orgue devait absolument trouver preneur puisqu’il s’agit d’un chef-d’œuvre de Casavant.

Même offert gratuitement, la Place des Arts le refusa pour garnir sa salle symphonique. La technologie a évolué depuis un siècle; les orgues contemporains sont complètement informatisés, ce qui n’est pas le cas de l’orgue de l’église.

Devant l’impossibilité de s’en départir, le diocèse de Montréal (aidé financièrement par le gouvernement québécois) a résolu de restaurer l’église.

En dépit du fait que les travaux ne sont pas encore terminés, ils sont suffisamment avancés pour permettre la réouverture de l’église depuis la veille de Noël 2014.

Aux intéressés, la messe dominicale y débute à 9h30.

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, hypergone 8 mm F/1,8 et objectifs M.Zuiko 12-40 mm F/2,8, M.Zuiko 25 mm F/1,2 et Lumix Leica 42,5 mm F/1,2.

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Écrit par Jean-Pierre Martel


La résidence de Charles-Aimé Reeves (1906)

Publié le 14 août 2017 | Temps de lecture : 4 minutes

Né à Pointe-aux-Trembles en 1872, l’architecte Charles-Aimé Reeves fut très actif. Sa réalisation la plus connue est sans doute le marché Jean-Talon.

L’astrophysicien Hubert Reeves est son petit-fils.

Façade sur le boulevard Pie-IX

Après avoir acheté un lot vacant sur le boulevard Pie-IX en 1905, l’architecte y fit construire l’année suivante une résidence selon ses plans.

Il en occupa le rez-de-chaussée jusqu’à sa mort en 1948. De nos jours, cet appartement porte les numéros civiques 1891-A et 1891-B puisqu’il a été scindé en deux depuis.

De gauche à droite, la façade se divise en trois parties séparées par des murs mitoyens. À gauche, les deux premières sont l’image inversée l’une de l’autre. À droite, derrière l’arbre au premier plan, la troisième partie dispose de son propre escalier extérieur. Cette partie est semblable à la première (sauf qu’elle est la moitié moins profonde, comme nous le verrons plus loin).

Le rez-de-chaussée est rayé horizontalement de pierres de taille chamois qui alternent avec d’autres, grises.

Aux deux étages supérieurs, la façade en briques rouges est percée d’ouvertures rehaussées d’un pourtour en pierre chamois (peinte récemment en gris pâle).

Haut de la partie droite de l’immeuble

La fausse mansarde est recouverte d’ardoise en écailles de poisson. Au-dessus des fenêtres du dernier étage, elle fait place à un couronnement en forme de cloche qui, à l’origine, était surmontée d’une flèche de la même hauteur que les fenêtres et qui contribuait à la majesté de l’ensemble.

De biais

À l’avant, l’édifice abrite neuf logements. Chacun d’eux est traversé par un couloir qui donne accès successivement au salon double, à deux chambres fermées, puis à la cuisine à l’arrière.

Celle-ci s’ouvre sur un balcon situé sur le côté de l’immeuble (sur la photo ci-dessus, caché par des arbres). Ces balcons sont partagés avec des logements situés à l’arrière de l’édifice.

Avant l’invention des sécheuses électriques, la cuisine — la pièce la plus chaude de la maison — servait souvent à faire sécher le linge au cours de la saison froide. Et l’été, c’est à partir de cette pièce qu’on allait étendre le linge dans la cour arrière.

De nos jours, condamner les locataires à ne faire sécher leur linge qu’à l’intérieur est acceptable dans de nombreuses capitales européennes. Mais cela était contraire aux coutumes québécoises de l’époque.

En décidant de construire des logements à l’arrière, à la place d’une cour, l’architecte maximisait ses revenus locatifs. Toutefois, cela le forçait à fournir à ses locataires une solution alternative permettant le séchage du linge au vent. D’où les balcons latéraux.

Côté gauche de l’immeuble

On accède aux logements à l’arrière par la ruelle située à gauche de l’immeuble. Leurs portes d’entrée semblent être d’origine, contrairement à toutes les autres portes et fenêtres de la maison qui ont été modernisées depuis la construction.

Et puisque du côté opposé, l’immeuble ne longe pas une ruelle, l’existence de balcons de ce côté n’a été possible qu’en raison du fait que le dernier tiers de l’immeuble est moins profond. Voilà pourquoi il y a neuf logements à l’avant et seulement six à l’arrière.

Murale à l’arrière de l’immeuble

L’arrière de l’immeuble est décoré d’une murale de Gwan (en partie saccagée par des tagueurs).

Détails techniques : Olympus OM-D e-m5 mark II, objectifs M.Zuiko 7-14 mm F/2,8 (5e photo) et M.Zuiko 12-40 mm F/2,8 (les autres photos)
1re photo : 1/1000 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 15 mm
2e  photo : 1/800 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 22 mm
3e  photo : 1/1000 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 25 mm
4e  photo : 1/1000 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 12 mm
5e  photo : 1/800 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 7 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel