Introduction
Moshe Zakharovitch Chagall nait en 1887 en Biélorussie, à l’époque où ce pays faisait partie du territoire russe.
Ayant manifesté des talents pour la peinture, il part en 1907 étudier à Saint-Pétersbourg. Les grandes académies impériales étant fermées aux Juifs, c’est à l’école Zvantseva que son professeur d’art moderne, Léon Bakst, lui fait découvrir la peinture française d’avant-garde.
Après seulement deux ans d’études, un mécène lui offre la possibilité de partir travailler à Paris. Il y séjournera de 1910 à 1914.
À l’époque, Paris est la capitale culturelle de l’Occident. Des artistes y viennent de partout. Marc Chagall y est au contact de toutes les avant-gardes mais n’adhère à aucun mouvement artistique, préférant intégrer l’utilisation de la lumière des uns, la manière d’organiser la surface picturale des autres, etc.
C’est à Paris que le style propre de Chagall nait. Un style qu’il conservera le reste de sa vie.
Mais la guerre éclate alors qu’il était parti à Vitebsk afin d’obtenir la main de Bella Rosenfeld (qu’il épouse en 1915). Il ne peut quitter la Russie.
En 1918, à l’issue de la guerre, on lui offre la direction des Beaux-arts de Vitebsk. Mais deux ans plus tard, il est limogé et s’exile à Moscou.
Le Théâtre juif d’État de Moscou
En 1920, c’est dans cette ville qu’on lui offre la possibilité de travailler au Théâtre juif d’État de Moscou, le premier théâtre au monde qui soit exclusivement consacré au répertoire yidiche.
Lorsque s’amorce la collaboration de Chagall pour ce théâtre, l’artiste a déjà travaillé à diverses productions dans sa ville natale et à Saint-Pétersbourg.
Début de l’exposition
La première partie de l’exposition Chagall et la musique est consacrée à l’œuvre de Chagall pour le théâtre : elle met en vedette le travail du peintre pour le théâtre moscovite.
Au cœur de cette section se trouve donc une petite salle rouge (à droite sur la photo) dont les dimensions sont proches de la salle de spectacle de ce théâtre.
Panneaux de la salle de spectacle du théâtre juif
Une partie seulement des panneaux qui décoraient cette salle sont parvenus jusqu’à nous.
Montréal devait en accueillir les originaux appartenant à la Galerie nationale Tretiakov. Mais, en représailles aux sanctions canadiennes contre la Russie, le ministère des Affaires étrangères russe a interdit que ces œuvres quittent le pays.
Si j’en juge par les photos des originaux publiés par des internautes, cela n’a pas grand importance puisque les facsimilés sont très fidèles aux originaux.
Mais plus grave est le fait que la scénographie montréalaise ne respecte pas la disposition originelle voulue par Chagall.
Schéma de la salle du Théâtre juif d’État de Moscou
Plus particulièrement, la frise Le Repas de noces (le No 3 sur le schéma) a été placée à Montréal au-dessus du panneau L’Introduction au Théâtre juif, ce que Chagall n’a jamais souhaité.
L’Introduction au Théâtre juif
Si par miracle, les originaux russes nous arrivent d’ici la fin de l’exposition, il serait souhaitable que le Musée des Beaux-Arts en profite pour corriger cette anomalie.
Sur ces panneaux, l’utilisation minimale de la couleur est le reflet de l’adaptation de Chagall aux moyens extrêmement limités dont il disposait à l’époque pour réaliser cette œuvre ambitieuse.
Plus tard, quand il reviendra sur ces œuvres — comme Le Violon vert de 1923-1924 — la version ultérieure sera plus ‘peinte’ que la version du Théâtre juif d’État de Moscou.
Les Arlequins (1922-1944)
Dans le cas des Arlequins, le contraste est saisissant entre la version ci-dessus et l’original (qui correspond à la partie gauche du panneau L’Introduction au Théâtre juif, exécuté en 1920).
En 1922, Chagall avait refait, de mémoire, ce panneau en proportions réduites. En 1944, au décès de son épouse, il scinde ce tableau en deux.
La partie de gauche devient alors un hommage à Bella Chagall; elle occupe le centre des Arlequins, dansant au milieu des souvenirs de sa jeunesse à Vitebsk.
En périphérie de la salle rouge
La partie de l’exposition consacrée à l’œuvre de Chagall pour le théâtre ne comprend pas seulement cette petite salle rouge.
Comme les poupées russes, celle-ci est placée en coin dans une salle plus grande, ce qui laisse deux murs gris en ‘L’ disponibles.
Ceux-ci servent à afficher des études préparatoires aux panneaux, des esquisses de décors et de costumes pour diverses productions de ce théâtre, la toile Les Arlequins (dont nous venons de parler), et des marionnettes conçues en 1949 par Simche Schwarz d’après les dessins préparatoires de Chagall (aujourd’hui perdus).
Marionnettes pour la pièce ‘Héritage’ du théâtre Hakl-Bakl de Paris (1949)
Précisons que la pièce Héritage est une adaptation théâtrale des récits Brenendike Licht (ce qui signifie Lumières allumées). Ces écrits posthumes de Bella Chagall ont parus en yidiche en 1945.
Les audaces théâtrales de Chagall
Marc Chagall est revenu de Paris pleinement conscient de son talent. Or, dans les années qui suivent la Révolution russe, toutes les audaces sont permises.
Le peintre crée non seulement les fonds de scène, les décors de la pièce, les costumes et les maquillages; il va jusqu’à montrer aux acteurs comment modeler leur gestuelle sur son œuvre et ainsi animer ses décors en plus de jouer la pièce.
Dans l’effervescence révolutionnaire, l’autorité du metteur en scène est remise en question; tous les artisans du spectacle contribuent, dans la mesure de leur talent, au processus créatif. C’est ce que Chagall fera.
Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectifs M.Zuiko 7-14 mm F/2,8 (les 3 premières photos) et M.Zuiko 25 mm F/1,2 (les 2 dernières photos)
1re photo : 1/60 sec. — F/2,8 — ISO 6400 — 7 mm
2e photo : 1/80 sec. — F/2,8 — ISO 3200 — 10 mm
3e photo : 1/80 sec. — F/2,8 — ISO 1600 — 14 mm
4e photo : 1/80 sec. — F/1,2 — ISO 800 — 25 mm
5e photo : 1/80 sec. — F/1,2 — ISO 640 — 25 mm
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