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Vers 1h10, mercredi matin le 24 avril dernier, des pirates ont réussi à s’emparer du compte Twitter de l’agence de nouvelles Associated Press et d’y faire paraitre un bulletin annonçant qu’un attentat terroriste venait d’être commis contre la Maison Blanche, à Washington.
Cette fausse nouvelle provoqua un vent de panique instantané sur les marchés boursiers. Deux milliards d’actions furent vendues au cours des trois minutes qui suivirent, faisant plonger l’indice Dow Jones de 150 points.
Ce dernier revint à la normale aussi subitement qu’il avait plongé.
Depuis seize derniers mois, l’indice Dow Jones s’est accru de 18,5%. Pourtant, au cours de cette période, l’économie mondiale a très peu progressé. Ce qui fait que l’écart s’est creusé entre la valeur réelle des entreprises et leur valeur capitalisée.
Valeur réelle vs valeur capitalisée
Imaginez que les dirigeants d’une entreprise décident de la vendre. Pour en établir le prix, ils évalueront la valeur de tous ses biens (immeubles, ordinateurs, mobilier, machinerie, etc.). Cette valeur tiendra compte du prix d’achat, auquel on aura soustrait la dépréciation. On calculera les inventaires de ses stocks s’il s’agit d’une entreprise manufacturière. On ajoutera ce que ses clients lui doivent (ses comptes à recevoir) et on soustraira ses dettes. On bonifiera le tout par les profits anticipés de cette compagnie au cours des prochaines années. Tout cela constitue la valeur réelle d’une entreprise.
Mais cette compagnie pourrait avoir émis des actions et des obligations. Les obligations ne sont que des emprunts effectués hors du système bancaire. Mais les actions sont des titres de propriété. En d’autres mots, si une entreprise a émis un million d’actions, chacune d’elles représente un millionième de cette compagnie. Et la valeur en bourse de l’ensemble de ses actions, c’est sa valeur capitalisée.
À l’origine, chacune de ses actions a une valeur de départ. Mais si l’entreprise est prospère, elle fait des profits. Et ces profits, elle peut s’en servir pour s’agrandir, pour acheter des outils de production, pour acquérir des compagnies rivales, etc. Ces profits augmenteront la valeur réelle de l’entreprise. Si le prix en bourse de ses actions demeurait inchangé, cette entreprise serait sous-évaluée.
Au contraire, si l’entreprise fait des profits modestes mais que ses actions sont l’objet d’une surenchère parmi les investisseurs, cette spéculation pousserait à la hausse la valeur en bourse de ces actions. Et la valeur capitalisée — la valeur de toutes les actions en circulation — pourrait dépasser largement la valeur réelle de cette entreprise.
Quand la bourse devient du vent
C’est ce qui arrive présentement aux entreprises en bourse. Parce que les taux d’intérêts sont ridiculement bas, il est insensé de laisser sa fortune moisir dans un compte de banque. De la même manière, il est peu intéressant d’acheter des obligations en raison de leur faible rendement. La seule issue pour ceux qui ont de l’argent disponible, c’est de jouer à la bourse.
Et puisque nous vivons dans une société de consommation mais que le pouvoir d’achat des consommateurs est inchangé depuis plus d’une décennie, on a d’abord favorisé son endettement. Afin qu’il consomme aujourd’hui ce qu’il aurait consommé plus tard.
Mais après avoir suscité son endettement maximal, on ne peut plus stimuler davantage la consommation, donc l’économie. Pour l’investisseur, cela est très ennuyeux. S’il fonde une nouvelle entreprise, sa réussite ne peut se faire qu’aux dépends de ses concurrents. Sinon, c’est lui qui fera faillite.
Devant cette stagnation de la consommation, à défaut de partir de nouvelles entreprises, on investit dans celles existantes. Et comme des sommes colossales sont disponibles, ces investissements poussent à la hausse la valeur des actions déjà en bourse. Si bien que la bourse est redevenue spéculative, comme avant 2007.
Parce que tout le monde en achète, le prix des titres boursiers augmente. Et parce qu’il augmente, les investisseurs sont — sur papier — plus riches et sont donc récompensés d’avoir anticipé cette hausse, c’est-à-dire d’avoir spéculé. Et cette gratification les encourage à acheter tout et n’importe quoi. Parce que tout et n’importe quoi augmente de valeur.
Celui qui paie une fortune pour acheter de l’air peut sembler être un imbécile. Mais il est plus fin qu’on pense s’il réussit à vendre son air le double qu’il a payé. Et ce fou qui a payé le double, il est peut-être plus intelligent qu’on pense s’il connaît quelqu’un intéressé à payer le triple. Et ainsi de suite.
Une bourse soufflée par la spéculation est une bourse qui récompense tout le monde, de l’investisseur avisé au parfait imbécile.
Bref, tous ces petits menés suiveux — qui paniquaient plus tôt cette semaine alors qu’un attentat, même réel, aurait représenté d’intéressants profits pour les entreprises chargées de reconstruire la Maison blanche — seront les mêmes qui paniqueront lorsque la bourse perdra ce qu’elle a pris en trop depuis seize mois.
Bref, d’ici le début de 2015, il serait raisonnable de s’attendre à une chute de l’ordre de 15% des indices boursiers… si ceux-ci ne retombent pas lentement d’ici là.
Références :
I Survived the Flash Crash of ’13
Tweet sparks Wall Street flash crash
Parus depuis :
L’épée de Damoclès de la Fed (2013-05-27)
Economists overvalue stock markets (2013-10-31)
La Bourse est-elle en train de perdre la boule? (2014-07-05)
Sell everything ahead of stock market crash, say RBS economists (2016-01-12)