Le premier ministre Justin Trudeau
Introduction
« C’est une bonne journée pour le Canada » a déclaré le premier ministre Justin Trudeau en annonçant la conclusion in extrémis d’un accord commercial avec les États-Unis.
Bonne nouvelle pour le Canada peut-être, mais de quel Canada s’agit-il ? De toute évidence, c’est un Canada dont le Québec ne fait pas partie.
Alors que le président Trump qualifie l’accord d’historique et de merveilleux (‘wonderful’), le gouvernement Trudeau essaie de sauver la face en insistant sur ce qui n’a pas été perdu. Mais a-t-il gagné quelque chose ?
’Pas tellement’, comme dirait une électrice le soir d’un débat télévisé.
Du côté des ‘plus’
Le seul gain majeur du nouvel accord est la disparition presque totale du chapitre 11 de l’ALÉNA.
Conçu pour éroder la souveraineté des petits pays comme le Canada et le Mexique, ce chapitre accordait aux investisseurs le droit de poursuivre les pays lorsque leurs gouvernements adoptaient de nouvelles mesures préjudiciables à leurs intérêts.
L’ardeur américaine en faveur du chapitre 11 s’est considérablement refroidie lorsque cette disposition a été invoquée par une pétrolière canadienne pour poursuivre le gouvernement Obama.
Cet abandon permettra à un gouvernement du Québec de révoquer sans compensation le droit d’expropriation accordé par le gouvernement Couillard aux pétrolières.
Mais pour ce faire, il faudra attendre un autre gouvernement que celui que les Québécois s’apprêtent à porter au pouvoir aujourd’hui.
Du côté des ‘moins’
• la protection accrue de la propriété intellectuelle
Le nouvel accord ne contient rien de neuf pour combattre la piraterie dont sont victimes les citoyens qui sont des créateurs de contenu.
Mais il prolongera la durée des brevets détenus par les grandes corporations et protègera mieux leurs marques de commerce (dont les noms de domaines sur l’internet).
Ce qui retardera, par exemple, la mise en marché de copies de médicaments brevetés et fera augmenter les couts de l’assurance médicaments défrayés par les provinces.
• une nouvelle brèche dans la gestion de l’offre
Déjà, lors de l’AECG — l’Entente économique et commerciale global entre le Canada et l’Union européenne — les producteurs de fromage du Québec avaient été sacrifiés sur l’autel du libre échange.
Seize-mille tonnes de fromages européens pourront être importées en vertu de l’AECG. Cela représente des pertes de 1,5 milliard$ pour les producteurs québécois, en contrepartie d’une compensation insuffisante de 250 millions$ par Ottawa.
Quant au Partenariat Trans-Pacifique, il fera passer en vingt ans l’importation de lait asiatique de 8 300 tonnes à 57 000 mille tonnes. Et ce, sans compensation financière d’Ottawa.
Une fois de plus, la gestion de l’offre a été amputée. Cette fois non pas dans le but d’obtenir des gains au profit de l’industrie automobile ontarienne, mais pour la protéger d’éventuels et hypothétiques tarifs douaniers que menaçait d’imposer Trump.
En vertu du nouvel accord, les fermiers américains obtiennent une part de 3,5% du marché du lait canadien. Ce marché est évalué à seize-milliards$ dont les trois quarts sont produits du Québec.
C’est une perte annuelle de 420 millions$ pour les petites fermes laitières familiales du Québec, au profit des producteurs laitiers industriels américains.
Seront exclus de la gestion de l’offre les produits laitiers de classe 7, c’est-à-dire le lait en poudre, les concentrés de protéines laitières, et les substances laitières utilisées dans la fabrication des laits maternisés.
Pour compenser cette perte du marché intérieur, les producteurs canadiens ne pourront pas augmenter leurs ventes à l’Étranger puisque le gouvernement Trudeau a accepté de limiter les exportations de produits laitiers à travers le monde, c’est-à-dire non seulement aux États-Unis, mais également partout ailleurs.
En contrepartie, Ottawa a promis des subsides aux producteurs laitiers du Canada. Dans la mesure où il n’a pas respecté antérieurement cette promesse, on ne voit pas pourquoi il devrait tenir parole aujourd’hui.
Et, contre toute attente, si Ottawa décidait de dédommager les producteurs laitiers, ce ne serait qu’une question de temps pour qu’un parti politique canadien remettre en question cette dépense annuelle de 420 millions$ et fasse campagne contre les ‘assistés sociaux agricoles’ du Québec.
Conclusion
Dans la belle relation sadomasochiste que Justin Trudeau entretient avec Trump, il est évident que cette capitulation du premier ministre canadien est un jour sombre pour le Canada.
Puisque toutes les circonscriptions où se concentrent les fermes laitières du Québec votent pour des partis fédéralistes provinciaux, on ne voit pas ce qu’Ottawa aurait à craindre de la colère futile des agriculteurs québécois.
Références :
ALENA : Trump salue un « accord historique », Trudeau une « bonne journée pour le Canada »
« Il ne pouvait pas y avoir pire entente pour les producteurs laitiers » du Québec, dit leur président
Trump heralds ‘wonderful new trade deal’ to replace Nafta after Canada talks
Un nouvel accord de libre-échange entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique
U.S., Canada and Mexico just reached a sweeping new NAFTA deal. Here’s what’s in it.
Détails techniques : Olympus OM-D e-m5, objectif M.Zuiko 75mm F/1,8 — 1/160 sec. — F/1,8 — ISO 1250 — 75 mm
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